Sur l’une des caisses d’envoi à l’adresse du Très-Saint-Père, Galiani avait eu soin d’écrire ces mots de l’Évangile : « Fais que ces pierres deviennent des pains : Fac ut lapides isti panes fiant. […] De ces mots heureux et de ces saillies de l’abbé, il s’en est retenu un grand nombre. […] En tout, Galiani croyait à une doctrine secrète, à un fin mot que peu de gens sont appelés à pénétrer, et que de très grands talents eux-mêmes ne soupçonnent pas. […] On ne saurait imaginer les inexactitudes de mots, les altérations de sens, les inepties pour tout dire, qui se sont glissées dans le texte de l’une et de l’autre de ces éditions : il serait difficile de les distinguer à cet égard. […] Il y a une morale littéraire qui devrait être celle des honnêtes gens (en prenant ce mot par opposition à celui de pédant).
Il y a un terme, disent les uns, dans votre ouvrage, qui est rencontré et qui peint la chose au naturel ; il y a un mot, disent les autres, qui est hasardé, et qui d’ailleurs ne signifie pas assez ce que vous voulez peut-être faire entendre ; et c’est du même trait et du même mot que tous ces gens s’expliquent ainsi, et tous sont connaisseurs et passent pour tels. […] Un auteur sérieux n’est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots que l’on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l’on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer. […] Ils conçoivent une période par le mot qui la commence, et par une période tout un chapitre : leur avez-vous lu un seul endroit de l’ouvrage, c’est assez, ils sont dans le fait et entendent l’ouvrage. […] Marot, par son tour et par son style, semble avoir écrit depuis Ronsard : il n’y a guère, entre ce premier et nous, que la différence de quelques mots. […] Les pédants ne l’admettent aussi que dans le discours oratoire, et ne la distinguent pas de l’entassement des figures, de l’usage des grands mots, et de la rondeur des périodes.
J’en ai cru trouver le mot, et je le dirai, dussé-je insurger contre moi les esprits amoureux de littérature ! […] Nous l’avons dit, le jour qu’il écrivait le dernier vers de ce recueil, morbidement beau, qu’il appela Joseph Delorme, ce ne fut pas son dernier mot. […] remontez donc à l’origine du mot, c’est toujours de la vérité personnelle ! […] Le voilà, le mystère et le mot des Consolations, de ces poésies de mélancolie modérée, d’honnête ferveur et d’élégance réussie ! […] … La langue n’est plus là qu’une contraction de syllabes heurtées et de rythme blessant, un cailloutis de mots sans rondeur et sans transparence !
Quand vous parcourez votre journal, quand vous feuilletez un livre, croyez-vous apercevoir effectivement chaque lettre de chaque mot, ou même chaque mot de chaque phrase ? […] Quand, l’esprit plus ou moins préoccupé, nous déplions notre journal, ne nous arrive-t-il pas de tomber tout de suite sur un mot qui répond justement à notre préoccupation ? Mais la phrase n’a pas de sens, et nous nous apercevons bien vite que le mot lu par nous n’était pas le mot imprimé : il y avait simplement entre eux certains traits communs, une vague ressemblance de configuration. […] Celui-là est effectivement redevenu conscient que la perception actuelle d’une certaine forme de mot commençait à actualiser. […] La conception du sommeil-désintéressement s’est introduite en psychologie ; on a créé, pour désigner l’état général de la conscience du dormeur, le mot « désintérêt ».
Mais, dès maintenant, je dois déterminer le sens du mot. […] l’écho du mot souffrance… est capable de quelque subtilité. […] Le premier s’orne en épigraphe de ce mot de Chateaubriand : « Le roman prend en croupe l’histoire ». […] Quand le dernier mot de sa phrase était un adjectif ou un adverbe pour lequel il voulait secouer notre attention, Hugo mettait un point devant et faisait du mot soudain grossi toute une phrase apparente. […] Elle aussi, elle a dû lire le mot Αναγχη (Anagchê) sur quelque tour de Notre-Dame.
Voltaire, dans son Commentaire sur Corneille, a relevé comme grossier, un mot employé par l’auteur dans une épigramme contre Scudéry, qui à la suite de quelques débats à l’occasion de la critique du Cid, l’avait appelé en duel. Corneille termine son épigramme par un vers qui envoie le ferrailleur Scudéry en un lieu qui rime à duel et à cartel… Ce mot, dit Voltaire, est d’une grossièreté insupportable. […] Il la recommande aux Romains ; la politesse exquise de son esprit en avait conçu les lois : mais la chose était hors des mœurs générales ; le mot décence n’existait même pas ; pour l’en tenir lieu, Cicéron emploie cette locution : quod decet . […] Boileau n’a-t-il pas dit : Le latin dans les mots brave l’honnêteté ?
Sans cesse occupé du tombeau, et comme penché sur les gouffres d’une autre vie, Bossuet aime à laisser tomber de sa bouche ces grands mots de temps et de mort, qui retentissent dans les abîmes silencieux de l’éternité. […] pourquoi frissonne-t-on à ce mot si simple, telle que la mort nous l’a faite ? C’est par l’opposition qui se trouve entre ce grand cœur, cette princesse si admirée, et cet accident, inévitable de la mort, qui lui est arrivé comme à la plus misérable des femmes ; c’est parce que ce verbe faire, appliqué à la mort qui défait tout, produit une contradiction dans les mots et un choc dans les pensées, qui ébranlent l’âme ; comme si, pour peindre cet événement malheureux, les termes avaient changé d’acception, et que le langage fût bouleversé comme le cœur. […] Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.
Mais lorsque les plébéiens des cités héroïques devinrent assez nombreux, assez aguerris pour effrayer les pères (qui dans une oligarchie devaient être peu nombreux, comme le mot l’indique), et que, forts de leur nombre, ils commencèrent à faire des lois sans l’autorisation du sénat, les républiques devinrent démocratiques. […] Pomponius dans son histoire abrégée du droit romain caractérise cette loi par un mot plein de sens, rebus ipsis dictantibus regna condita . — Voici la formule éternelle dans laquelle l’a conçue la nature : lorsque les citoyens des démocraties ne considèrent plus que leurs intérêts particuliers, et que, pour atteindre ce but, ils tournent les forces nationales à la ruine de leur patrie, alors il s’élève un seul homme, comme Auguste chez les Romains, qui se rendant maître par la force des armes, prend pour lui tous les soins publics, et ne laisse aux sujets que le soin de leurs affaires particulières. […] L’erreur est venue de ce qu’on n’avait pas bien défini les trois mots peuple, royauté, liberté 106. […] En Allemagne, ce fut, dit-on, Henri l’Oiseleur qui le premier réunit dans des cités le peuple dispersé jusque-là dans les villages, et qui entoura les villes de murs. — Qu’on dise après cela que les premiers fondateurs des villes furent ceux qui marquèrent par un sillon le contour des murs ; qu’on juge si les étymologistes ont raison de faire venir le mot porte, a portando aratro, de la charrue qu’on portait pour interrompre le sillon à l’endroit où devaient être les portes.
C’est toujours le mot, le verbe et la même dénutrition mentale. […] Quelquefois même le choix des mots juxtaposés crée une image vivace et heureuse. […] Ils emploient le même mot pour désigner deux choses différentes. […] Les Dadas ne coordonnent donc plus selon une syntaxe directrice le sens des mots pour organiser les idées. Ils n’ont pas encore détruit le mot lui-même mais ils y arriveront.
Preuve qu’il n’entendait pas par énergie ce que le commun a accoutumé d’entendre par ce mot. […] En deux mots, nous sommes victimes d’une utopie. […] Ce sont ou les naïfs ou les hypocrites qui, pour se complaire à un mot plus noble, ou pour déguiser le mot cru et dur sous le mot pompeux, disent justice au lieu de dire égalité. […] C’est par un abus de mots qu’on prétend qu’il peut y en avoir et qu’il y en a. […] Il se « dépersonnalisait », si l’on veut m’accorder ce mot.
Tous ces jours je me suis arrangée pour t’écrire : j’ai tenu ma plume pendant longtemps, et elle n’a pas tracé le moindre mot. […] J’entrevois des gens qui me protégent, d’autres qui me nuisent ; c’est un chaos, en un mot, que ma tête et mon cœur. […] Meyer, bouleversé, n’a que deux pensées et que deux mots : satisfaire à tout, et convaincre Mlle de La Prise qu’il n’y a pas eu séduction, et que tout ceci est antérieur à elle. […] et qu’il est agréable, dans un mot, dans un trait, de les saisir ! […] Je ne m’empare que du mot.
S’il amuse… Et, de fait, voilà le mot qui arme et qui désarme ! Voilà le mot terrible et doux qui va planer sur cette critique que je vais risquer de Paul Féval et de ses œuvres. […] Ce mot léger peut devenir cruel. […] Paul Féval n’est pas, en effet, un romancier pur et simple, dans la généralité et la profondeur de ce mot. […] c’est le seul mot que j’aurais voulu changer à ce portrait superbe.
Sans les vraies pensées politiques, les grands mots à la tribune ne sont que de l’enflure. […] mot vague, s’il ne veut dire la raison échauffée par le sentiment. […] sur l’impropriété des mots ; mais la poésie doit souvent rejeter le mot propre, et choisir le mot figuré. […] Dérangeons les mots, et prenons-les au propre. […] S’éteint ; éteindre se rapporte au mot feu, et continue l’image.
Je souligne deux ou trois mots où M. […] C’est, en un mot, René dans la vie bourgeoise. […] Le poète se recueille à ce mot. […] On chicane sur les mots parce qu’on ne s’entend pas sur les choses. […] Des mots de ce genre sont funestes.
On y cherche le sens des mots, la génération des mots, l’étymologie des mots, enfin on en extrait tous les éléments qui composent une phrase ou un récit ; mais personne n’a jamais considéré le dictionnaire comme une composition, dans le sens poétique du mot. […] Entendez ici, je vous prie, le mot artiste dans un sens très-restreint, et le mot homme du monde dans un sens très-étendu. […] Satan l’a entendu, il l’a pris au mot ! […] Je prends le mot dans un sens restreint. […] Vous infirmez ainsi le sens universel du mot poésie.
Or, quelle différence de son peut-on faire entre le mot mur, par exemple et la dernière syllabe du mot murmure ? […] Quoi qu’il en soit, le mot murmure ne rime pas avec le mot mur. […] Victor Hugo le consacre de ces mots : « Shakespeare enfant ! […] Il ne faut pas dire : « Le bateau en dérive, c’est l’âme éperdue, et les haleurs sont les guides qui lui firent défaut » — et continuer ainsi l’explication, mot à mot. […] Combien de mots dont on sait l’auteur !
Ruault ont même pensé que l’hypnotisé peut, comme le sourd-muet, lire les mots sur les lèvres. […] Je veux que vous leviez la jambe », et plus il veut donner cet ordre, plus il tend à articuler des mots. […] En un mot, il se produit des apparences de personnalités successives ou simultanées dans un même être vivant. […] La pensée claire dit alors le mot non, mais la sensation obscure, à l’aide du doigt, répond oui. […] Du trouble de l’un ou de l’autre des organes cérébraux nécessaires à la fonction complexe du langage résulte une forme déterminée d’amnésie : surdité verbale (on ne comprend plus les mots que l’on entend), cécité verbale (on ne comprend plus les mots qu’on voit écrits), aphasie motrice (on ne sait plus articuler les mots), aphasie graphique (on ne sait plus les écrire).