Science et philosophie, dont elle n’a garde de médire, ne sont pour elle que des moyens dont le but est l’amélioration morale de l’humanité. […] On l’attaque sur sa politique, dont les événements de 1848 ont été la banqueroute ; on l’attaque sur sa morale ; on l’attaque sur son esthétique. […] Le savant, dans son laboratoire, s’indigne-t-il contre les poisons qu’il manipule ; et que lui importe la valeur économique ou morale des animaux qu’il dissèque ? […] — Sa loyauté lui répond que non ; — et à son insu voilà la considération « morale » qui rentre dans la critique ; — pour y devenir tout à fait prépondérante, dans les derniers volumes de ses Origines, 1890-1892. — Il se retrouve ainsi au même endroit du cercle ; — et il a employé quarante ans d’un labeur ininterrompu, — à ramener ce qu’il avait le plus cruellement raillé dans l’éclectisme ; — c’est-à-dire la subordination de la critique et de l’histoire à la morale. […] — Ç’a été aussi celle de Taine ; — mais par une contradiction qui achève de les caractériser tous les deux, — tandis que Taine, après être parti du pur « naturalisme », a presque constamment tendu à la reconstitution des principes de la vie morale ; — Renan, qui était parti d’une morale très haute, et très étroite, — a fini, à force de vouloir l’élargir, — par n’en plus tenir aucun compte, — et à faire du dilettantisme sa règle de vie.
Barclay, [Jean] né à Pont-à-Mousson en 1582, mort à Rome en 1621, n’est guere connu à présent que par son Argenis, quoiqu’il ait fait des Ouvrages de controverse, de morale, d’histoire & de politique.
Buffier, [Claude de] Jésuite, né en 1661, mort à Paris en 1737, plus connu par sa Mémoire artificielle, sa Géographie & sa Grammaire, que par ses Ouvrages de Morale & de Philosophie, bien plus propres à établir sa réputation.
Il a fourni une quantité prodigieuse de Dissertations au Journal de Trévoux, dont les unes ont pour objet la Théologie, les autres la Morale, quelques-unes la Physique, & le plus grand nombre, différentes matieres de Littérature.
Plus de cinquante volumes de Romans attestent sa facilité & son talent pour ces sortes de bagatelles, qui cessent quelquefois d’en être, quand elles tendent à l’instruction & à la morale.
Il a beaucoup écrit, & tous ses Ouvrages ont pour objet la morale chrétienne.
Les Mathématiques, l’Histoire naturelle & civile, les Langues, la Politique, la Morale, la Poésie, exercerent tour à tour sa plume, également foible dans tous les genres.
On sent bien que Tartufe, que l’Avare, que le Misanthrope même ne se corrigeront pas ; mais ce qui suffit à la vérité suffit à la morale, et pourvu que le spectateur qui vient d’applaudir à leurs disgrâces songe, en s’en allant, à ce que coûte un travers ou un vice, que veut-on de plus ? […] La morale de la bonne comédie le veut ainsi, et la vérité le veut avant la morale. […] Mais il en est qui s’attaquent aux abus indestructibles : ceux-là ont gardé toutes leurs pointes ; ils font partie de cette morale éternelle qui tient les sociétés en défiance et les gouvernements en haleine. […] Collin fait honneur aux lettres françaises par le souvenir de pureté morale et de douce bonhomie qui s’attache à son nom. […] Non ; la vérité morale ne le voudrait pas et la nature s’y oppose.
La foule des villes, l’élan silencieux et résolu des troupes à la veille d’une bataille, la psychologie des servants et des petits officiers d’une batterie vers le feu ou d’un régiment passé en revue se dessinent tout naturellement sous sa plume, comme l’atmosphère morale d’un comité administratif, d’un conciliabule de généraux, d’un salon diplomatique et mondain, les bavardages d’un cortège de prisonniers bu d’une chambrée d’enfants. […] Que l’on rapproche ces actes d’un sérieux humain singulièrement profond et simple, de la bonté sénile du vieux Rostow, de l’infinie faiblesse de géant du prince Pierre, que l’on note que la scène la plus grave de La Guerre et la Paix est celle où le soldat Karalaïef raconte, dans l’obscurité puante d’une chambrée de prisonniers, l’histoire comme évangélique d’un marchand injustement condamné pour un assassinat, heureux de souffrir et pardonnant au scélérat qui le fait mourir au bagne, et l’on reconnaîtra que l’impression dernière de ce livre de batailles est religieuse, morale, pénétrée de bon vouloir et d’amour. […] Plus assidûment encore et avec de plus harcelants malaises, le prince Pierre Bezonkhof, inquiet et se dégoûtant des grosses jouissances dont il essaie de tromper ses besoins spirituels de foi, se lance de-ci de-là à la recherche d’une règle, d’un mot magique qui donne quelque sens à ses actes, et rencontre en plein désespoir, un singulier personnage qui lui parle de Dieu et de la vie future selon les formes de la franc-maçonnerie ; il se jette dans cette secte pour reconnaître promptement l’inanité de sa philosophie et de sa morale, retombe dans sa morosité et ses débauches quand à l’approche de l’année française il est témoin de la forte certitude, de la foi et de la joie qui animent les masses populaires et les armées ; pris de contagion, enflammé d’un patriotisme fumeux, il quitte son palais, se môle à la populace, conçoit un instant le dessin d’assassiner Napoléon ; une conversation dissipe ce transport de férocité, il se fait horreur devant l’exécution de quelques-uns de ses compagnons, et froissé, prostré, éperdu, rejoint une troupe de prisonniers, où l’existence de pauvre qu’il mène, cette vie de résignation et d’insouciance l’apaisent peu à peu et l’ouvrent aux humbles paroles d’un petit soldai paysan, familier, doux et sensé ayant sur lui quelque chose de la bonne fraîcheur de la terre. […] Il a réprouvé et rejeté de son œuvre ceux dont la propriété commune est d’être malfaisants, de causer de la souffrance, de contrevenir aux préceptes de la morale chrétienne, et il a étudié avec trop de sympathie et d’insistance ceux où se marquent les caractères contraires. […] Il fallait qu’en cette vie, dès ce moment, les hommes devinssent meilleurs et plus heureux, que cela fût facile, simple, instantané ; et le psychologue le plus génial de ce temps, celui dont la large âme a pénétré et recréé toute la multitude des types divers, qui a compris et fixé le plus véridiquement le plus large fragment du spectacle du monde, en est venu ces dernières années à élaborer un pauvre manuel de morale pratique ne contenant que quelques règles, mais telles que le plus religieux des hommes passerait pour fou à tenter de les accomplir, prônées cependant comme tout aisées, praticables sur l’heure, de nature à donner immédiatement le plein bonheur, et se résumant en ce précepte, de ne faire en aucune occasion de mal à qui que ce soit, même pour se défendre des méchants.
Non, mes frères, s’écrie hardiment Massillon, ce ne sont pas ici des incrédules, ce sont des hommes lâches qui n’ont pas la force de prendre un parti ; qui ne savent que vivre voluptueusement, sans règle, sans morale, souvent sans bienséance, et qui, sans être impies, vivent pourtant sans religion, parce que la religion demande de la suite, de la raison, de l’élévation, de la fermeté, de grands sentiments, et qu’ils en sont incapables. […] En tous ces points, Massillon est à la fois un moraliste consommé et un indicateur prévoyant : il sent très bien, à son moment, où est le péril pour la foi, et par quelle brèche morale elle est en voie de s’écouler des cœurs. […] Massillon établit sa paraphrase morale sur un texte qu’il déroule verset par verset et qu’il gradue ; il met sa gerbe avec ordre et l’assoit en quelque sorte sur les roues du char sacré : la marche en est égale, cadencée, nombreuse ; au lieu que la parole de Bossuet se confond le plus souvent avec le char lui-même, avec la roue enflammée qui emporte le Prophète.
Charron ne s’en tint pas aux armes de noblesse, il prit la devise morale de son maître et de son ami ; et dans la maison qu’il fit bâtir à Condom, l’an 1600, il fit graver ces mots : « Je ne sais. » Montaigne disait : « Que sais-je ? […] Sapey, dans un Essai sur la vie et les ouvrages de Guillaume du Vair, publié en 1847, a relevé ces imitations ou plutôt ces copies qu’a faites Charron de certaines pages de du Vair, et pour qu’on en pût mieux juger, il a rangé les unes et les autres sur deux colonnes parallèles, par exemple : du Vair Philosophie morale des Stoïques. […] Un jésuite, homme de grand mérite, le père Buffier, qui, dans son Cours de sciences, a consacré tout un chapitre au livre de Charron, a dit : « Il n’est guère d’ouvrage de morale plus rempli que celui-ci, ni qui contienne plus de choses dans un moindre volume.
Il a poussé ses qualités jusqu’aux défauts mais, considéré tout entier par les côtés qu’admire la raison et par ceux que condamne la morale ; regardé, en un mot, des hauteurs de l’histoire, et non par les dessous d’une chronique méticuleuse, Henri IV ne sera jamais haïssable. » — Ainsi Henri IV, somme toute, n’est pas haïssable ! […] Jung sur Henri IV un effort à être juste, comme de quelqu’un qui n’est pas tout à fait de la lignée ni de la morale française, et qui paraît plus puritain que généralement nous ne le sommes71. […] Quand je me souviens de Henri IV, et pour me le résumer à moi-même au juste, sans pencher ni du côté de la tradition factice et arrangée, ni du côté de l’anecdote maligne et injurieuse à l’histoire, je tiens à me rappeler trois ou quatre points essentiels qui me le déterminent, en quelque sorte, dans les grandes lignes de sa nature morale et de son caractère politique.
L’amitié qui unit à l’instant ces deux hommes, l’un déjà si distingué et l’autre tout à l’heure illustre, cette alliance presque sacrée qu’ils se jurèrent et dont une correspondance publiée en allemand a immortalisé le souvenir, avait quelque chose de solennel et de théâtral qui est bien du temps ; mais elle garde, aux yeux même d’une postérité plus froide, de l’élévation, de la grandeur, une vraie beauté morale, je ne sais quoi d’antique, un cachet de Pline le Jeune et de Tacite avec une teinte de l’enthousiasme du Nord. […] C’était là un genre d’expérience qui manquait à son éducation morale et philosophique. […] La plupart de ces juges et syndics, qui étaient des citoyens assez estimés et peut-être d’assez honnêtes gens dans leur Suisse libre, et qui observaient la morale de ce côté-ci des Alpes, s’en croyaient dispensés de l’autre côté du versant, et ils se conduisaient comme des pachas au petit pied.
Essais de morale et de critique. — Études d’histoire religieuse, — Cantique des Cantiques. — Le livre de Job. — De l’origine du langage. — Histoire générale des langues sémitiques. — Averroës , etc. […] Renan croit fermement que l’homme individuel a un but, « une perfection morale et intellectuelle à atteindre. » Il professe avec énergie ces hautes doctrines ; et, si on le presse, si on le chicane, si on lui oppose ses propres recherches, sa propre méthode, ce qu’il y a d’inexorable dans les résultats ou les inductions de l’analyse positive, il n’hésite pas à s’arrêter, à réserver l’avenir, à poser au terme de tout examen critique, et en présence du grand inconnu, ce qu’il appelle un doute inébranlable, mais un doute qui est tout en faveur des plus nobles suppositions et des hypothèses les plus conformes à la dignité du genre humain. […] les mots les plus secrets de son cœur, les notes qui donnent la clef de sa nature morale, lui sont échappés dans cette page mouillée d’une larme : « Nous autres Bretons, ceux surtout d’entre nous qui tiennent de près à la terre et ne sont éloignés de la vie cachée en la nature que d’une ou deux générations, nous croyons que l’homme doit plus à son sang qu’à lui-même, et notre premier culte est pour nos pères.
Nous revenons à Ducis et à sa médecine morale, pleine de cordialité et d’indulgence. […] Vous n’avez sûrement pas oublié nos châtaigniers sauvages, nos petits fonds riants et frais entourés de bois et cachés à tous les regards citadins ; notre l’Étang-la-Ville, si bien fait pour une fête de campagne ; notre La Celle, notre Bougival, avec son clocher qui paraît une borne, et tous ces environs qui sont pleins de variété, de charme et d’abondance : voilà les images qui doivent vous suivre. » Puis la réflexion morale toujours : « Mon Dieu ! […] Voir la Notice sur la vie et les ouvrages de Deleyre, par Joachim Le Breton, secrétaire de la seconde classe de l’Institut, dans le recueil des Mémoires de cette seconde classe, tome II, page 9 ; et dans la Décade philosophique du 30 mars 1797, page 44, une courte note nécrologique, assez curieuse. — Il faut tout dire, et un moraliste de ma connaissance, qui aime marquer le plus qu’il peut les contradictions de la nature morale, me souffle à l’oreille ce dernier mot : « Allons, convenez-en, ce tendre et mélancolique Deleyre était athée en toute sécurité de conscience, et à la Convention, dans le jugement de Louis XVI, il vota la mort sans biaiser et sans sourciller. » L’aveu qui me coûtait le plus à faire est sorti.
Les rhétoriciens en désarroi se sont réfugiés derrière les philosophes ou soi-disant tels, eux-mêmes ralliés pour plus de sûreté sous le canon de l’orthodoxie ; ils ont tous vu dans la méthode de l’auteur je ne sais quelle menace apportée à la morale, au libre arbitre, à la responsabilité humaine, et ils ont poussé les hauts cris. […] Taine n’a fait autre chose qu’essayer d’étudier méthodiquement ces différences profondes qu’apportent les races, les milieux, les moments, dans la composition des esprits, dans la forme et la direction des talents. — Mais il n’y réussit pas suffisamment, dira-t-on ; il a beau décrire à merveille la race dans ses traits généraux et ses lignes fondamentales, il a beau caractériser et mettre en relief dans ses peintures puissantes les révolutions des temps et l’atmosphère morale qui règne à de certaines saisons historiques, il a beau démêler avec adresse la complication d’événements et d’aventures particulières dans lesquelles la vie d’un individu est engagée et comme engrenée, il lui échappe encore quelque chose, il lui échappe le plus vif de l’homme, ce qui fait que de vingt hommes ou de cent, ou de mille, soumis en apparence presque aux mêmes conditions intrinsèques ou extérieures, pas un ne se ressemble14, et qu’il en est un seul entre tous qui excelle avec originalité. […] Taine, quand on a le plaisir de le connaître personnellement après l’avoir lu, a un charme à lui, particulier, qui le distingue entre ces jeunes stoïciens de l’étude et de la pensée : à toutes ses maturités précoces, il a su joindre une vraie candeur de cœur, une certaine innocence morale conservée.
J’acquérais ainsi l’habitude du travail, de la maturité dans mes idées ; je m’étais déjà exercé sur divers objets, j’avais vu différents pays, beaucoup d’hommes et de choses ; j’avais donc, dès cette époque, des opinions arrêtées sur les intérêts et les devoirs des hommes, sur la morale, sur l’administration, sur la politique. […] Suard, en publiant en 1803 toute cette partie littéraire et morale du Voyage de Malouet, avait probablement la pensée de faire opposition, — une opposition de salon et très mitigée, — au succès d’Atala : mais que peut un dessin juste et fin en regard d’une éclatante et passionnée peinture ? […] On sait la touchante histoire de Montesquieu à Marseille, délivrant, sans se faire connaître, le père du jeune batelier Robert, esclave à Tétouan : Malouet a une histoire toute pareille et à faire le pendant de celle de Montesquieu dans la Morale en action.