Enfin vient la morale énoncée très-brièvement : V. 63. […] Peut-on rendre la morale plus aimable et plus naturelle ? […] Ceci n’est pas à la vérité une règle de morale : ce n’est qu’un conseil de prudence ; mais il ne répugne pas à la morale.
Son étude morale et littéraire n’est qu’un réquisitoire. […] Eugène Poitou avait été réellement une étude morale et littéraire, dure fût-elle, cruelle même, nous l’aurions acceptée. […] Par le style, par le mouvement des idées, par le cant de sa diatribe morale et littéraire, M. […] Poitou accuse le plus de matérialisme, — et tout le monde sait que ce ne fut point sur une question morale qu’elle rompit avec l’illustre romancier.
Elle est morale enfin, cette impression généreuse et mâle, cette veine d’honnête homme qui court à travers les brusqueries passionnées du Misanthrope, et qui, par lui, nous réconcilie plus qu’il ne pense avec la nature humaine. En un mot, il est un point élevé où l’art, la nature et la morale ne font qu’un et se confondent, et c’est à cette hauteur que tous les grands maîtres dramatiques que l’humanité aime à reconnaître pour siens se sont rencontrés. […] Dans ces termes, en effet, s’il lui était arrivé de vouloir s’arrêter sur des pièces vraiment amusantes comme elle en a rencontré, elle eût paru y attacher un sens et une portée morale qui, en vérité, eût étonné les spirituels auteurs eux-mêmes.
Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ? […] Ceci est triste, si l’on veut, mais ceci est véritable ; dans les grandes convulsions sociales, l’homme est jeté hors de lui par sa passion dominante ; par elle, tout équilibre entre ses motifs est rompu, et sa liberté morale presque annulée. […] Pour ne parler que de la dernière livraison, l’époque qui s’étend depuis le 2 juin jusqu’au 9 thermidor permettait, réclamait plus que toute autre cette explication morale.
C’est d’abord la vue la plus nette de ce qu’il y a de relatif dans la morale, et des différences foncières que les tempéraments, les siècles et les pays mettent entre les hommes. […] Mais on a l’impression que, dans ces deux états si différents, la valeur morale de don Juan reste pareille : c’est la même créature humaine, ici débridée, là terrorisée. […] Observer (comme fit Mérimée) les règles de la plus élégante honnêteté, et cela sans croire à rien d’absolu en morale, c’est une manière de protestation contre la réalité injuste ; et c’est une protestation contre la réalité douloureuse que de ne pas daigner se plaindre devant les autres.
On ne saurait dire de ces fables, comme de celles de La Fontaine par exemple, qu’elles ont le caractère d’un enseignement voulu de morale pratique. […] Les fables indigènes sont donc des récits exclusivement destinés à l’amusement des auditeurs et n’ont nullement pour but d’enseigner la morale, fût-elle uniquement pratique, ni de dénoncer les abus sociaux. […] De même, ils sont trop vaniteux pour goûter la leçon de la fable « Le renard et le corbeau » et, si vraiment les griots sont pour quelque chose dans la conception des contes et des fables, on comprendra qu’ils ne soient guère disposés à prêcher une morale si contraire à leurs intérêts.
— n’est donc que la religion catholique, tout simplement, fixant le dogme mais pourtant n’y obligeant pas, et ouvrant les bras — comme une brave fille — à tous ceux qui, sans le dogme, acceptent la morale chrétienne, qu’ils soient d’ailleurs philosophes, protestants, athées ! […] Alaux, qui sent bien que sa découverte ressemble beaucoup à cette guenille de Morale indépendante, dont on a parlé quelques jours et qui fut inventée, si je ne me trompe, par un marchand de robinets, a fait quelques points dans cette guenille pour que ses lambeaux tinssent ensemble. Il a, par pudeur, retaillé et recousu dans la morale indépendante, moins indépendante, il est juste de le reconnaître, dans son système, que dans celui du marchand de robinets.
Cette raison c’est la morale, et plus particulièrement la morale sociale. […] Tout au plus a-t-elle établi tant bien que mal une morale qui est strictement une morale sociale. C’est cette morale d’Helvétius, que M. […] C’est une morale un peu fragile. […] La morale est toujours fondée sur un mystère.
. — De la morale avant les philosophes (1860). — De Sacra poesia Græcorum (1860). — Le Polythéisme hellénique (1863) […] Jules Michelet De la morale avant les philosophes : Un petit livre admirable de force et de bon sens.
Les plus répandus sont ses Observations sur les Grecs, celles sur les Romains, les Entretiens de Phocion sur le rapport de la Morale avec la Politique. […] On ne se seroit pas attendu, après cela, que les Entretiens de Phocion, si lumineux & si utiles pour la Morale, fussent devenus la matiere du radotage insipide d’un Héros de Roman.
Une autre mode du temps était de disputer entre beaux esprits sur des points de galanterie ou de morale. […] Ils étaient désavoués même par les hommes qui inclinaient vers leur morale. […] A la morale chrétienne, on substitua ce qu’à cent ans de là Charron avait appelé prud’homie. C’était la morale naturelle, celle qui avait inspiré Socrate. Mais on ne fut ni l’honnête homme de la morale chrétienne, ni le prud’homme de la morale de Socrate.
Les jeunes poètes, aujourd’hui, possèdent donc ceci de délicieux, qu’étant adeptes de la morale utilitaire, respectueux du mouvement scientifique, leur flamme naturelle, en eux, n’est nullement éteinte. […] On lui a fait une réputation d’immoralité, à lui qui fut le vulgarisateur de la morale nouvelle, de cette morale qu’on pourrait appeler « la morale du plein air », et dont l’unique règle, l’auguste précepte consiste dans le respect, l’adoration des lois de la nature. […] Aussi leur œuvre ne possède-t-elle aucune vertu morale, est-elle toute d’apparat et de superficie. […] Dès ces premiers feuillets, combien il nous est aisé de distinguer les croyances panthéistiques de l’auteur, toute la signification, toute la portée morale de ses écrits. […] Cela prouve-t-il autre chose sinon que le lecteur se repaissait simplement des détails sans comprendre la terrible leçon de morale qu’ils concourent à former ?
Aussi le Carême qu’il a débité, cette année, à la Cour, a-t-il été regardé moins comme une suite d’Instructions évangéliques & chrétiennes, que comme un Cours d’éducation & de morale cent fois rebattue dans les Livres philosophiques de ce Siecle. […] Nous n’ignorons pas que les Philosophes & leurs partisans en pensent ou en parlent bien différemment ; mais nous nous faisons gloire de manifester ce que nous pensons du mérite des Auteurs, & nous invitons celui-ci à ne point se laisser aveugler sur les qualités qui lui manquent, par les applaudissemens des Sectateurs d’une Morale ennemie de celle qu’il prêche : leur suffrage n’est propre qu’à humilier l’Orateur Evangélique & Chrétien.
Cela est si vrai que M. de Gobineau regarde la race comme le seul fondement possible d’une unité intellectuelle et morale véritable. […] N’a-t-elle pas été pour beaucoup une leçon d’indifférence morale et de nihilisme social24 ? […] Devra-t-il, au nom de la morale, limiter et conformer ses exigences intellectuelles à celles de son milieu ? […] Le Fondement de la morale et le chapitre des Parerga intitulé : De l’apparente préméditation qui règne dans la destinée de chacun.) […] … En vain ont-ils raisonné le mieux du monde, leurs conclusions doivent être fausses parce qu’elles sont dangereuses… C’est que c’est la morale qui juge les métaphysiques, attendu qu’une métaphysique n’est rien de plus qu’une recherche de l’origine, de la loi et de la fin des hommes. » Cf. aussi l’article : « Question de morale » (Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1889).
Joie intellectuelle et morale, dit Vinet, voilà ce que me procure Sainte-Beuve. […] l’erreur n’est pas le seul contraire de la vérité morale. […] Cette illusion a toujours reparu dans les temps de défaillance et de servitude morale. […] Quinet et le petit nombre de penseurs dignes de lui être associés, ont puisé l’élévation morale et le sérieux vrai qui distinguent leurs écrits, au milieu de tant d’ambitieuses parodies du sérieux et de la morale. […] C’est de cette idée, ou plutôt de ce fait, que la morale doit partir, sous peine, comme j’ai dit, d’être fausse.
Ce qui dure à une certaine hauteur, ce qui se soutient ou se perfectionne a, par cela même, son caractère ; et s’il entre dans ce ménagement du talent bon sens et prudence, c’est une part morale, après tout, dont on n’a pas à rougir, et qui, parmi tant de profusions et d’écarts, devient une distinction de plus. […] Cette lutte morale, dont on n’a que les escarmouches durant les trois premiers actes, éclate au quatrième et remplit le dernier de son triomphe. […] L’auteur atteint souvent à une élévation morale qui rentre dans l’émotion dramatique. […] Et l’autre lui répond : Ce monde, il est créé ; rends-le meilleur, plus pur… Je ne connais rien, dans l’ordre de poésie morale, dans ce genre philosophique de l’Essai sur l’Homme de Pope, de plus beau que cet endroit, et ici il est de plus en scène, il a son effet d’action. […] Nous croyons que c’est trop demander, même à une comédie morale.
Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Elle a du vrai, si l’on n’use qu’avec à-propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique et ne faire qu’un avec lui dans une Épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si varié et si diversement créateur dans l’expression des passions du drame ou de l’épopée. […] Le chef-d’œuvre que cette théorie aime à citer, et qui réunit en effet toutes les conditions de prudence, de force, d’audace graduelle, d’élévation morale et de grandeur, c’est Athalie. […] Bien avant Boileau, même avant Racine, ne sont-ils pas aujourd’hui unanimement reconnus les plus féconds et les plus riches pour les traits d’une morale universelle ? […] Les plus antiques des sages et des poètes, ceux qui ont mis la morale humaine en maximes et qui l’ont chantée sur un mode simple converseraient entre eux avec des paroles rares et suaves, et ne seraient pas étonnés, dès le premier mot, de s’entendre.