Dans cette contemplation assidue du monde extérieur, l’esprit de la jeune fille acquiert, on le comprend sans peine, une pénétration singulière. […] L’étude austère, l’étude exclusive du monde visible ne voit dans la pudeur, comme dans la conscience qu’un rêve d’enfant. […] Ce dédain pour les lignes et les couleurs du monde réel imprime à tous les récits, à toutes les descriptions, une singulière monotonie. […] Pour elle, Saluce est le monde entier. […] Que sa parole soit portée aux quatre coins du monde, plus elle retentira, plus sa conscience sera tranquille.
Bref, tout un monde ! […] L’Ange, sans plus hésiter, alla quérir le Diable pour qu’il emportât tout ce monde-là, la femme avec ! […] Et je suis sûr que la Présence Réelle se fout de toutes les Messes Noires ou Nègres, puisqu’il a été créé et mis au monde pour ça. […] Et puis, comme nous voici loin du monde et du souci d’être ou de paraître, quelle légèreté, quelle insouciance de pensée, quelle cordialité d’accueil et de fréquentation ! […] » Et je déclamais, et mes pauvres infirmières eurent toutes les peines du monde à me recoucher.
Sache que cet enfant est destiné à se rendre un jour, par sa valeur, maître du monde entier. […] Puisse Indra, satisfait de tes nombreux sacrifices, entretenir par des pluies abondantes la fertilité dans tes vastes États ; et, dans cette lutte généreuse, puissiez-vous constamment l’un et l’autre assurer à jamais le bonheur des deux mondes ! […] Un poids inutile….. — Le monde ? […] Il tire son arc… Tremblants, comme si la bouche d’Yama s’ouvrait pour dévorer le monde, nos gens frémissent, ils chancellent, ils fuient ; hâtons-nous… en avant ! […] On entend de loin, derrière un rideau de forêts et sur les rives du fleuve, les cris de détresse et les gémissements de la jeune épouse abandonnée, qui vient de mettre au monde les deux jumeaux recueillis par les brahmanes et adoptés par les nymphes sacrées.
Pourquoi Rome a-t-elle conquis le monde, pourquoi l’empire a-t-il succédé à la république, quelles sont les vraies causes, les causes premières de la grandeur et de la décadence romaines ? […] Retrouver l’immuable dans le variable, l’unité dans la diversité, en un mot, la loi dans le fait, saisir les mêmes traits, les mêmes caractères dans cette variété d’actions, de pensées, d’institutions, de mœurs, de langues, que nous présentent les annales du monde, telle est l’idée fixe de Vico. […] Où Quinte-Curce et Plutarque ne voient guère qu’une épopée militaire, la science moderne admire une des plus grandes œuvres de la civilisation du monde. […] Sans être fataliste le moins du monde, on ne peut méconnaître la part de fatalité que la nature même des choses introduit dans l’activité politique ou esthétique des sociétés humaines. […] Spectateur dans l’univers, il sait que le monde ne lui appartient que comme sujet d’étude, et lors même qu’il pourrait le réformer, peut-être le trouve-t-il si curieux tel qu’il est, qu’il n’en aurait pas le courage. » Tel est l’effet sur les âmes de toute spéculation qui prend un caractère plus ou moins scientifique.
Gustave Planche était le critique attitré de la Revue des Deux Mondes. […] ce roitelet de Poméranie a osé vaincre les premiers soldats du monde ? […] Si bien qu’ils aperçoivent le monde à travers un voile de littérature volontiers pessimiste. […] Il ne faut plus avoir l’accent anglais, ni se faire blanchir à Londres, ni être en partance pour le Nouveau Monde. […] le monde n’existe pas pour moi.
De quelques railleries que Voltaire ait poursuivi cette idée et de quelques commentaires qu’on l’ait obscurcie, elle est la plus vraie et elle est la plus claire du monde. […] Il fait dire à un prêtre : « Cet état, si heureux et si tranquille, que l’on vante tant, nous ne le conservons pas dans le monde. […] s’écrie Voltaire, dans un magnifique élan de Bonapartisme mystique, tu n’aurais donc pas prié pour tes maîtres, si tu avais su que le monde dût subsister encore ! […] C’était l’idée de la liberté individuelle qui était venue dans le monde et qui devait se transformer, se développer, mais n’en point sortir. […] L’idée que nous avons du monde règle celle que nous nous faisons de notre cité, ou plutôt nous la donne.
Or, sachez que ce meilleur cheval de Montluc, qu’il eût donné de tout son cœur pour avoir l’hymne des dames siennoises en l’honneur de la France, était un cheval turc dont il a dit « qu’il l’aimait, après ses enfants, plus que chose du monde, car il lui avait sauvé la vie ou la prison trois fois. » Je n’ai pas à entrer dans le détail du siège ; il me suffit d’en avoir signalé le caractère et de donner envie aux curieux de rechercher les pages qui y sont consacrées14. […] Cependant il fallait un terme à ces souffrances des habitants ; il était trop clair pour tout le monde qu’aucun secours ne viendrait de la part du roi. […] Ce point de sa conduite a été critiqué dans le temps même, notamment par Brantôme, qui se fait en cela l’écho de plusieurs autres : il lui reproche d’avoir été plus cupide d’honneur que jaloux de l’intérêt général, et d’avoir plus songé à la singularité qu’à pourvoir à la sûreté de son monde ; car, en agissant ainsi, il semblait s’être mis à la merci du plus fort.
Boileau n’aimait et n’estimait guère rien en dehors des livres ; il n’avait nul goût pour les sciences, pas même la curiosité de se tenir au courant de leurs résultats généraux ; le tour précieux et maniéré, que Fontenelle donna à son livre de la Pluralité des Mondes, l’empêcha toujours d’en reconnaître la vérité et la supériorité philosophique. […] Occupé, avons-nous dit, de l’éducation de ses enfants, il les voulut amuser, et, pendant quelque hiver, il s’avisa de conter et de faire raconter devant eux les vieux récits qui couraient le monde et que, de temps immémorial ; les nourrices s’étaient transmis. […] Quoi qu’il en soit et de quelque part qu’elle vienne, qu’elle ne périsse jamais cette fleur d’imagination première, cette image de l’enfance du monde, recommençant et se réfléchissant dans l’enfance de chacun !
On connaît ses origines bretonnes, sa famille, sa race ; on le suit dans les divers groupes littéraires qu’il a traversés dès sa jeunesse, dans ce monde du xviiie siècle qu’il n’a fait que côtoyer et reconnaître en 89, et plus tard dans son cercle intime de 1802, où il s’est épanoui avec toute sa fleur. […] « On trouve de tout dans ce monde, et la variété des combinaisons est inépuisable. » Grimm. […] Forcade, Revue des Deux Mondes, du 15 février 1853.
L’abbé de Pradt s’y vante presque d’avoir fait échouer toute l’entreprise de Napoléon ; il se plaît, dès les premières lignes, à répéter un mot qu’il prête à l’Empereur : « Un homme de moins, et j’étais le maître du monde. » Et il ajoute : « Cet homme, c’était moi. […] Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain né des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.
Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ? […] Enfin, lorsque sous le Consulat la bonne société eut sa renaissance et que l’épouse du premier Consul, Joséphine, renouant la chaîne des traditions polies, eut l’idée de rallier les élégants débris de l’ancien monde, à qui donc songea-t-elle d’abord à s’adresser si ce n’est à Mme de Montesson elle-même qui vivait encore, et qui avait su conserver ou reformer après la Révolution son cercle distingué d’amis ? […] Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ?
Tendresse, délicatesse et sacrifice, on n’en perdait rien, on saisissait tout, on pressentait vite, en ce monde et sous ce règne de La Vallière. […] Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur ! […] Le monde tout d’abord ne s’y est pas mépris, et il l’a surtout adoptée à ce titre de distinction d’esprit et d’intelligence.
C’est la gloire propre de Bernardin de Saint-Pierre d’avoir, le premier, reproduit et comme découvert ce nouveau monde éclatant, d’en avoir nommé par leur vrai nom les magnificences, les félicités, les tempêtes, dans sa grande et virginale idylle. […] Le bonheur ne court pas le monde ; Il faut vivre où l’on est heureux. […] …………………… J’ai vu le monde et ses misères ; Je suis las de les parcourir.
Avouez en outre qu’en dehors de la famille Bonaparte il n’y a plus pour la France que honte et misère ; Le Moniteur publierait, pour le jour de l’enterrement, en tête de sa partie non officielle, cette note triomphante : « Le fameux X…, qui après avoir donné, au coup d’État, sa démission de professeur de rhétorique au collège de Senlis, a été transporté à Lambessa aux frais de notre généreux gouvernement ; le fameux X…, pressé par l’évidence, a avoué, à son lit de mort, qu’il n’avait jamais été plus libre que sous ce règne, et qu’il expirait dans les bras de la Constitution, à laquelle il jurait obéissance dans ce monde et dans l’autre. » Appliqué aux derniers moments de l’honorable M. […] Quand un homme passe son temps à attiser les haines des souffrants, à provoquer la révolution sociale, à faire tout, sous prétexte que le monde va mal, pour qu’il aille plus mal encore, il faut qu’il soit bien persuadé de la justice de son œuvre, et cette foi ne suppose pas un très grand fond de gaieté ni surtout une humeur de plaisantin. […] Certes je comprends que les actions des hommes ne soient pas toujours gouvernées par une logique rigoureuse, et même je ne désire pas qu’elles le soient : la variété du monde y perdrait.
Quoi qu’il en soit, la presse ne peut plus insérer que des jugements « à la vapeur » jetés en hâte au public parmi le flot des ordres de bourse et des télégrammes venus des quatre coins du monde. […] L’essayiste est le type même de l’homme de pensée comme la modernité peut le comprendre, c’est-à-dire celui qui porte en soi-même une synthèse de connaissances techniques suffisantes à élargir sa vision raisonnée du monde et de ses directions spirituelles. […] Là seulement est son rôle moral, là elle perd tous les inconvénients de la pédanterie scolastique, là elle se révèle noble, opportune, incarnant une des prérogatives admirables du génie de la France devant le monde : l’illumination logique et bienfaisante, la transmutation des idées-forces, l’alchimie changeant en or vierge les minerais de la pensée brute élaborée dans les méditations obscures et malaisées de l’humanité.
Jusqu’à ce qu’on ait dépouillé toute laideur, jusqu’à ce qu’on ait transformé ce monde en vastes et insipides Champs-Élysées, il faudra bien lire ses dégoûts et sa peine dans le lamentable Baudelaire. […] Mais sa curiosité émue s’attachait des mois à pénétrer une époque, une civilisation, un monde, à voir les paysages, à lire les chroniques, avant que sa verve poétique se plût à formuler en quatorze vers un moment d’histoire enfin possédé. […] Et même pour Chénier, pour tout le monde, il faudrait faire des réserves.
S’il faut en croire Jean, il aurait avoué sa royauté, mais prononcé en même temps cette profonde parole : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Puis il aurait expliqué la nature de sa royauté, se résumant tout entière dans la possession et la proclamation de la vérité. […] Certes, le monde païen eut aussi ses violences religieuses. […] Le Pentateuque a de la sorte été dans le monde le premier code de la terreur religieuse.