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863. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Ce ne fut qu’à un certain moment que M. […] Le moment décisif dans la carrière dramatique de M. […] Le moment d’entière fraîcheur pour le genre ne dura que tant que Madame donna au théâtre son nom. […] Avec son protecteur inconnu, il m’a rappelé un moment le Létorières de M. […] Mais au même moment l’échauffourée de Boulogne73 avait lieu, et on la jugeait au Luxembourg.

864. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

On commence d’ordinaire par opposer aux novateurs que ce qu’ils disent est inouï ; puis, au second moment, on s’avise de leur répondre que ce qu’ils croient inventer n’est pas nouveau. […] Un Allemand de beaucoup de savoir et d’esprit, le docteur Hermann Reuchlin, le même qui fait en ce moment là-bas une histoire de Port-Royal, comme moi ici, et qui me devancera, je le crains bien, me disait un jour : « Vous autres catholiques, quand vous allez à la recherche et à la discussion des faits, vous êtes toujours plus ou moins comme une troupe qui fait sa sortie sous le canon d’une place et qui n’ose s’en écarter. […] On ne peut d’ailleurs rendre compte du moment ni du comment de la transformation de ces Annales, d’abord tracées sur bois ou sur pierre, et plus tard rédigées en livres. […] Le beau moment académique pour reconstruire une civilisation, c’est lorsqu’il n’en reste plus qu’une écriture indéchiffrable ou des pots cassés. […] Et l’entreprise que je propose en ce moment et que je suppose, cette espèce de rêve au pot au lait que j’achève en face de mon écritoire, cette histoire de journaux donc, dans son incomplet même et son inexact inévitable, se fera-t-elle ?

865. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Puis vient un moment où, en s’éloignant des objets, on sent le besoin de se décider dans le point de vue et d’en finir. […] La réalité des choses, à chaque moment, me fait l’effet d’une grande mer plus ou moins agitée ; les événements qui surgissent et aboutissent sont les vagues dont se compose la surface mobile ; mais, sous ces vagues apparentes, combien d’autres mouvements plus profonds, plus essentiels, bien qu’avortés et sourds, de qui les derniers dépendent, et que pourtant il n’est donné à nul œil de sonder ! […] Le moment vient assez vite où l’on n’a plus à espérer de découvertes, et où l’on n’a plus décidément affaire qu’à un certain nombre de textes, de fragments déterminés. […] Il y a des moments où il entraîne. […] Cependant, tout aussitôt après Dagobert, la décadence de sa race, un moment retardée, reprend son cours et se déclare par mille symptômes.

866. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Parlons donc de ce volume que solennise d’abord au frontispice le nom de M. de Chateaubriand éditeur, parlons-en comme s’il était déjà public : trop heureux si nous hâtions ce moment et si nous provoquions une seconde édition accessible à la juste curiosité de tous lecteurs ! […] Je n’en sais rien en ce moment ; mais je soutiens qu’il se trouve dans tous les mots employés par le vrai poëte, pour les yeux un certain phosphore, pour le goût un certain nectar, pour l’attention une ambroisie qui n’est point dans les autres mots. » « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » « Il y a des vers qui, par leur caractère, semblent appartenir au règne minéral ; ils ont de la ductilité et de l’éclat. […] Ses idées en philosophie sociale ne se modifièrent que par un contre-coup assez éloigné de ce moment : au sortir du 9 thermidor, il paraît avoir cru encore aux ressources du gouvernement par (ou avec) le grand nombre : il écrivait à Fontanes, qui, caché durant quelques mois, reparaissait au grand jour : « Je vous vois où vous êtes avec grand plaisir. […] C’est là que je résiderai quand je voudrai prendre mon vol ; et lorsque j’en redescendrai, pour converser avec les hommes pied à pied et de gré à gré, je ne prendrai jamais la peine de savoir ce que je dirai ; comme je fais en ce moment où je vous souhaite le bonjour. » Il y a sans doute quelque chose de fantasque, d’un peu bizarre si l’on veut, dans tout cela : M.  […] Molé, cette brillante et courte union d’un moment à l’entrée du siècle, avant les systèmes produits, les renommées engagées, les emplois publics, tout ce qui sépare ; cette conversation d’élite, les soirs, autour de madame de Beaumont, de madame de Vintimille : « Hélas !

867. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il espéra jusqu’au dernier moment dans un retour de l’amitié. […] Ses imprécations et ses fureurs firent ressembler un moment le cachot à une boucherie. […] Il avait repris son calme au dernier moment. […] ” Il était en effet, en ce moment, l’âme de la république. […] Cette page, écrite dans un de ces moments d’enthousiasme plus poétique qu’historique où l’on s’élève si haut dans l’espace qu’on cesse de voir les sinistres détails d’un événement pour n’en considérer que l’ensemble (et l’homme à faible vue n’a pas le droit de s’élever ainsi jusqu’à ce point où l’on ne distingue plus que les résultats dans un désintéressement soi-disant sublime, mais en réalité coupable, du crime ou de la vertu), cette page, dis-je, est une des deux grandes fautes involontaires que j’aie à me reprocher dans ma carrière d’écrivain.

868. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Fénelon s’alarma au premier moment d’une dignité qui devait l’enlever à son élève. […] Il s’agenouilla seulement un moment, le front dans ses mains, pour changer le sujet et le plan de son discours, et, se relevant avec la sérénité de son inspiration ordinaire, il parla avec une onction pénétrante sur la soumission sans réserve, due dans toutes les conditions de la vie, à la légitime autorité de ses supérieurs. […] Évêque et théologien, il compose plusieurs ouvrages, instructions et mémoires sur les sujets difficiles qui, en ce moment même, occupent l’Église de France. […] Le roi lui-même, qui avait tenu jusque-là dans l’ombre son petit-fils, retint un matin le jeune prince dans son cabinet au moment du Conseil et ordonna à tous les ministres d’aller travailler chez le duc de Bourgogne toutes les fois que ce prince les appellerait, et, dans le cas où il ne les appellerait pas, d’aller d’eux-mêmes lui rendre compte des affaires de l’État comme au roi lui même. […] Tels étaient les plans tout prêts de Fénelon pour le moment qui l’appellerait au ministère.

869. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Depuis lors, suivant les moments et les besoins, l’Eglise a essayé soit de faire alliance avec la démocratie montante, comme on l’a vu un instant lors de la révolution de 1848 et dans les premières années du pontificat de Léon XIII, soit, ce qui est plus conforme à sa tradition, d’enrayer la marche du peuple en s’unissant aux partis conservateurs, représentants, comme elle, du passé. […] La littérature réformée n’est pas la même dans les moments et dans les pays où le protestantisme peut se développer à l’aise et dans ceux où il est réduit à lutter pour son existence. […] En ces moments où le mouvement de l’évolution, comme l’oscillation régulière d’un balancier, ramène les esprits vers les croyances et les institutions ébranlées, la littérature change de rôle. […] L’opposition acharnée qu’elle a faite au développement de l’instruction populaire prouverait, à elle seule, la défiance et peut être la rancune qu’elle nourrit contre la vertu émancipatrice contenue dans les œuvres littéraires, du moment qu’elles se dérobent à sa tutelle et se proclament libres de toucher à ces grands sujets qui étaient jadis, au dire de La Bruyère, interdits à un homme né chrétien et français. […] Même de nos jours, pour les cultes reconnus par l’État, catholiques, réformés, israélites, les chiffres recueillis par les recensements officiels sont sujets à caution, et quand il s’agit de supputer en un moment donné le nombre des diverses variétés de libres-penseurs, la difficulté devient à peu près insurmontable.

870. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Et cependant madame de Montespan obtenait encore des retours de quelques moments. […] Le roi n’est que des moments chez madame de Montespan et chez madame de Fontanges, qui est toujours languissante. » Du 18 septembre : « Je ne sais auquel des courtisans la langue a fourché le premier ; ils appellent tout bas madame de Maintenon, madame de Maintenant. […] Il a en ce moment entre ses bras le petit prince ; il a félicité monseigneur comme un ami ; il en a donné les premières nouvelles à la reine. […] Quinault même n’était pas loin du moment où il dirait : Je n’ai que trop chanté les jeux et les amours ; Sur un ton plus sublime il faut me faire entendre. […] En se défendant par l’intérêt de l’honneur, auquel le roi pouvait opposer la promesse du secret, elle l’aurait rebuté ; en se défendant par la religion, par un devoir et par un intérêt commun ; en se défendant par un devoir qu’elle représentait comme pénible à son cœur, et comme assez contraire à son inclination pour laisser au roi l’espérance d’en obtenir l’oubli dans un moment propice, elle parvenait à la solution habile de cette grande difficulté de renvoyer le roi toujours affligé, jamais désespéré ; en prolongeant son désir, elle en faisait une passion vive et profonde.

871. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

On aurait ainsi les trois moments, les trois tons les plus distants et les plus opposés ; et le seul rapprochement ferait naître bien des pensées sur ce qui est perfection, progrès ou corruption en telle matière. […] Il était un peu étrange qu’un écrivain qui prétendait s’adresser avant tout au peuple parlât ainsi latin à tort et à travers, et lâchât à tout moment des allusions qui ne pouvaient être entendues que de ceux qui avaient fait leurs classes. […] Quand on a fait la part de l’exaltation du temps, de l’ivresse qui montait alors presque toutes les têtes, et qu’on s’est dit qu’il y eut un moment où elles furent presque toutes à l’envers, quand on s’est bien averti à l’avance de tout cela, on se trouve encore au-dessous de la disposition d’esprit convenable pour aborder la lecture du premier pamphlet de Camille Desmoulins ; on n’est pas encore à la hauteur (style du temps). […] On se prend à dire à tout moment, en lisant les folies, les invectives, les bravades bouffonnes de cet insulteur public qui finit un jour par être humain, et qui, ce jour-là, est victime : Nescia mens hominum fati sortisque futurae ! […] Les Révolutions de France et de Brabant (1789-1791) ne sont qu’une longue et continuelle insulte à tous les pouvoirs publics qu’essaya d’instituer, ou de conserver en les régénérant, la première Constitution ; ce n’est qu’une diffamation le plus souvent calomnieuse de tous les hommes qui furent alors en vue, et que Camille Desmoulins ne louait et n’exaltait un moment que pour les ravaler ensuite et les avilir.

872. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

. — À tout moment reviennent sous sa plume des comparaisons qui, loin d’expliquer la pensée déjà obscure et énigmatique par elle-même, ont pour effet de l’obscurcir davantage ; le peu de rayon qu’on y entrevoyait s’évanouit. […] Le premier ministère de son mari, qui dut l’exalter sans doute, fut aussi le moment où elle commença à se détromper : « Mon cœur et mes regrets, écrivait-elle à un ami en juillet 1779, cherchent sans cesse un univers où la bienfaisance soit la première des vertus. […] Je croyais voir l’âge d’or sous une administration si pure ; je ne vois que l’âge de fer ; tout se réduit à faire le moins de mal possible. » Aussi, dès ce moment, le regret du passé la ressaisit : Le regret du passé, s’écrie-t-elle, tourne toujours mes regards vers cet Être pour qui aucun temps n’est passé. […] Necker la dépassèrent de beaucoup, et, dans tous les moments où il put y avoir lieu à hésiter, elle fut du parti de la retraite. […] Nos goûts sont changés, nos pensées sont affaiblies, le témoignage et l’affection d’un autre sont les seules preuves de la continuité de notre existence ; le sentiment seul nous apprend à nous reconnaître ; il commande au temps d’alléger un moment son empire.

873. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

On était sous la seconde Fronde, et le cardinal Mazarin était pour le moment hors du royaume. […] Sarasin, intendant du prince, ne paraît pas un comptable très exact ni très probe ; mais il a le secret de la faiblesse de son maître : dans les moments difficiles, il l’amuse par un conte, et tout est oublié. […] M’étant approché, je lui dis que je n’interromprais que pour un moment son divertissement, et je lui donnai les mille pistoles. […] Le prince de Conti qui, dans ses versatilités, avait du moins en lui de plus nobles étincelles et comme des parcelles mobiles d’une grande âme, achève de ruiner sa vie en ce moment ; il ne sort de Montpellier qu’en emportant une maladie honteuse qu’il y a contractée sans le savoir, et qui va bientôt infecter en secret sa future épouse, la seule vertueuse nièce de Mazarin, et toute sa race. […] Il paya pourtant la peine d’avoir hésité un moment entre la grande route royale et les chemins de traverse.

874. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Il ne se dit jamais avec la douce sagesse que devrait avoir un homme qui a médité sur la montagne et qui a vécu au désert : « Les vieilles religions sont comme les vieux arbres : il y a des milliers de familles innocentes d’oiseaux qui y font leurs nids47. » Au reste, il y a dans tout ceci à faire la part du siècle et du moment ; elle est immense. […] S’élevant contre les Casca et les Brutus de club ou de carrefour dont la race foisonnait alors, il dit énergiquement : « On tue les hommes, on ne tue point les choses, ni les circonstances dont ils sont le produit. » Il semble pressentir par avance que le moment approche où l’on aura besoin d’un César. Se reportant aux jours affreux de la veille et ne prévoyant guère de jours sereins pour le lendemain, il abjure en quelque sorte cette doctrine de perfectibilité dont il s’était fait un moment l’apôtre : Ainsi, dit-il en terminant, ainsi, sous des noms divers, un même fanatisme ravage les nations ; les acteurs changent sur la scène, les passions ne changent pas, et l’histoire n’est que la rotation d’un même cercle de calamités et d’erreurs. […] Bien qu’il ne se fît pas plus d’illusion comme observateur dans le Nouveau Monde que dans l’Ancien, et qu’il vît les hommes tels qu’ils étaient, il songeait pourtant par moments à s’établir sur quelque point de cette contrée hospitalière, lorsque des difficultés imprévues l’avertirent que l’Europe était encore pour lui une patrie plus sûre et meilleure.

875. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Et puis leur demander à tout moment : Voulez-vous être un ignorant, un sot ? […] Si le plan général est au-dessus des ressources du moment, attendre d’un avenir plus favorable son entière et parfaite exécution, mais ne rien abandonner au caprice de l’avenir ; en user avec une maison d’éducation publique comme en use un architecte intelligent avec un propriétaire borné dans ses moyens ; si celui-ci n’a point de quoi fournir subitement aux frais de tout l’édifice, l’autre creuse des fondements, pose les premières pierres, élève une aile, et cette aile est celle qu’il fallait d’abord élever ; et lorsqu’il est forcé de suspendre son travail, il laissé à la partie construite des pierres d’attente qui se remarquent, et entre les mains du propriétaire un plan général auquel, à la reprise du bâtiment, on se conformera sous peine de ne retirer de la dépense qu’on a faite et de celle qu’on fera qu’un amas confus de pièces belles ou laides, mais contradictoires entre elles et ne formant qu’un mauvais ensemble. […] Tant il est important d’instituer les choses non pour le moment, mais pour toute la durée d’un empire. […] Je me contenterai d’observer ici que le moment où Sa Majesté Impériale forme le projet d’une université est très-favorable. […] Les primitives sont de tous les états ; si on ne les acquiert pas dans la jeunesse, il faudra les acquérir dans un âge plus avancé, sous peine de se tromper ou d’appeler à tout moment un secours étranger.

876. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

L’homme le plus sujet aux accès de l’inspiration pourrait lui-même ne rien concevoir à ce que j’écris du travail de son esprit et de l’effort de son âme, s’il était de sens froid, j’entends ; car si son démon venait à le saisir subitement, peut-être trouverait-il les mêmes pensées que moi, peut-être les mêmes expressions, il dirait, pour ainsi dire, ce qu’il n’a jamais su ; et c’est de ce moment seulement qu’il commencerait à m’entendre. […] C’est pourtant une de ces pages du moment qui tiennent à un certain tour de tête qu’on n’a qu’une fois. […] Vous avez pris le moment équivoque et le moment insipide. […] Si un tartare, un cosaque, un russe voyait cela, il dirait à l’artiste : tu as pillé toutes nos garde-robes, mais tu n’as pas connu une de nos passions… autre moment mal choisi.

877. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Le Prevost fut suivie d’une autre ; les imaginations s’enflammèrent, et il fut, à un certain moment, décidé par acclamation que M. […] Quand on en vient là, toute discussion est superflue ; et, en vérité, du moment qu’il croyait nécessaire d’implorer le Deus ex machina, contre la règle de l’art, Nec Deus intersit, il aurait mieux fait de couper court tout de suite aux difficultés historiques, en admettant que le cœur de saint Louis, s’envolant miraculeusement de Monréale à Paris, à travers les airs, était venu s’enterrer lui-même dans la Sainte-Chapelle, à l’insu de tout le monde, gardant un incognito que personne ne pouvait violer. — On voit qu’avec un peu d’aide, quelque chose d’analogue à la Sainte Ampoule pouvait nous être rendu ; et, à l’heure qu’il est, il y a des gens qui ne me pardonnent pas d’y avoir mis obstacle. » On a là un échantillon de la manière piquante et incisive de M.

878. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Sur l’accélération du jeu des cellules corticales De Quincey, Confessions of an Opium-Eater, p. 83 : « Une proche parente me conta un jour que, dans son enfance, étant tombée dans une rivière et ayant manqué périr, elle revit en un moment sa vie entière déployée et rangée devant elle simultanément comme dans un miroir, et qu’elle se trouva la faculté également soudaine d’embrasser ensemble le tout et chaque partie. » De Quincey et divers buveurs d’opium ont constaté sur eux-mêmes cette faculté de vivre mentalement, pendant un rêve de quelques minutes, une vie de plusieurs années et de plusieurs centaines d’années. En 1815, M. de Lavalette, mis en prison et condamné à mort, se fit raconter tous les détails du supplice, la toilette, etc., afin d’user d’avance l’émotion et d’être plus ferme au dernier moment.

879. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Dans une composition littéraire, la sensibilité de l’écrivain, celle de l’auditeur ou lecteur, l’occasion, mille circonstances, l’information plus ou moins complète, le penchant de l’esprit vers tel ou tel genre de preuves, interviennent sans cesse et font que, sur chaque sujet, il y a autant de plans possibles qu’il y a de gens pour le traiter, et que le même homme, à deux moments différents, peut suivre deux différents plans. […] Cet effort exaltera l’esprit, l’empêchera de se satisfaire à bon compte et de poursuivre par les petits moyens le succès du moment.

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