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371. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Un réalisme naïf ou grossier évoque les âmes à côté des corps, et de même sorte est le symbolisme qui revêt Jésus et le bon larron de chemises blanches, tandis qu’une chemise noire exprime l’irrémissible impénitence du mauvais larron. […] Le Procureur général, en 1542, ne les maltraitait pas moins comme mauvais acteurs de pièces mal faites que comme offensant la morale et la religion. […] On a ainsi des moralités de l’Enfant prodigue, du Mauvais Riche et du Ladre : on a celle de l’Enfant ingrat, qui offre à son père un morceau de pain bis, lorsqu’il a lui-même pour son repas un succulent pâté ; il en sort un crapaud qui lui saute au visage, et ne se relire que par commandement du pape. […] Les farces du xve et du xvie  siècle sont, au point de vue de l’art, presque toutes médiocres ou mauvaises.

372. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Nos batailles font à son oreille le même bruit qu’un moucheron  La nature est mystérieuse  C’est l’ombre qui a fait les dieux  Les prêtres sont horribles  L‘âme est immortelle : nous retrouverons nos morts  Le monde est mauvais : tout est nuit et souffrance. […] De courtes scènes dialoguées dont le fond se réduit à ceci : que la femme est fragile, qu’elle est contredisante, qu’elle est capricieuse, qu’elle aime les soldats, qu’elle aime les mauvais sujets. […] Il s’agit, à un endroit du poème intitulé l’Echafaud, d’exprimer cette idée (vraie ou fausse, il n’importe ici) que Marat a été à la fois bon et mauvais, féroce et bienfaisant. […] De même, et ne me croyez pas pour cela un mauvais cœur, rien ne me réjouit comme ses listes de tyrans (on en ferait des volumes), et comme ses énumérations de crimes, de meurtres et d’atrocités.

373. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Mais le moyen qu’a pris Voltaire est-il donc si mauvais ? […] Le mauvais esprit philosophique y gâte les enseignements du bon. […] Par malheur, la vraisemblance est trop souvent pour Voltaire ce qui ressemble au vrai, tel qu’il le veut, et « les contemporains éclairés » sont les hommes qui ont été en leur temps de mauvais chrétiens. […] N’en fais rien, je t’en supplie par la foi en Jésus-Christ, et ne souffre pas qu’on le fasse… Sans doute il faut ôter aux criminels la faculté de commettre de nouveaux crimes ; mais c’est assez que, laissés en vie, avec tous leurs membres, la loi les fasse passer de l’agitation insensée dans un repos inoffensif, ou qu’ils soient arrachés aux mauvaises œuvres pour être employés à quelque œuvre utile.

374. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

On n’est pas si persévérant pour un mauvais dessein, et une bonne intention qui persiste pendant trente années, à travers la persécution et la gêne, peut être réputée dévouement. […] Bernardin de Saint-Pierre crut la Providence plus en péril qu’elle ne l’était, et il la défendit comme fait un avocat pour un client douteux, en y employant les mauvaises comme les bonnes raisons. […] Il est vrai qu’il y ramenait le public par l’imagination plutôt que par la science ; mais ce moyen n’était pas le plus mauvais, surtout dans notre pays, où la raison même, avant de prendre pied, a besoin de s’introduire comme une mode. […] Elles s’appellent les mauvaises joies de l’âme, mal a gaudia mentis.

375. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Il fit de mauvais imitateurs, & lui-même étoit à quelques égards un mauvais modèle. […] On a rassemblé dans ce recueil, mal digéré, le bon comme le mauvais, & les traductions les plus élégantes, ainsi que les plus plattes. […] Il n’y a rien qu’il ne sacrifie au plaisir de faire une mauvaise pointe.

376. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

On ne peut donc pas trouver mauvais que, pour expliquer la sensation de certains tempéraments artistiques mis en contact avec les œuvres de M.  […] Je ne pousserai pas l’irrévérence et la mauvaise volonté jusqu’à dire que c’est chez M.  […] Un poëte a essayé d’exprimer ces sensations subtiles dans des vers dont la sincérité peut faire passer la bizarrerie :                           Delacroix, lac de sang, hanté des mauvais anges, Ombragé par un bois de sapins toujours vert, Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges Passent comme un soupir étouffé de Weber30. Lac de sang : le rouge ; — hanté des mauvais anges : surnaturalisme ; — un bois toujours vert : le vert, complémentaire du rouge ; — un ciel chagrin : les fonds tumultueux et orageux de ses tableaux ; — les fanfares et Weber : idées de musique romantique que réveillent les harmonies de sa couleur.

377. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Peu s’en faut, dans sa légèreté et son inattention, qu’il n’y voie un présage de la décadence du goût, et il se fait un plaisir de mêler et brouiller tout cela avec les mauvais vers de ce libertin d’abbé Pellegrin : Voilà une Pélopée de l’abbé Pellegrin qui réussit, écrivait-il à son ami Formont (26 juillet) ; o tempora ! […] Nous sommes inondés de mauvais vers et de gros livres inutiles. […] Nous connaissons tout cela ; eh bien, le Roman de Renart dans ses parties diverses nous rend tour à tour ces divers types : aux bons endroits, il a des touches très fines, gracieuses et légères ; aux mauvais endroits, il en a de grossières ou même d’immondes.

378. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Le poète n’est pas du tout enthousiaste de son bourg d’Ascré « où l’hiver, dit-il, est mauvais, où l’été n’est pas merveilleux, et qui n’est un bon séjour en aucune saison ». […] Il y a, en fait de jalousie, dit-il, la bonne et la mauvaise, celle qui engendre la zizanie et celle qui enfante l’émulation. […] Il y a deux sortes de honte et de pudeur ; c’est la mauvaise honte qui tient l’homme nécessiteux.

379. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Ce qui l’est moins, ce qui m’a le plus, je ne dirai pas étonné, mais choqué, c’est que les hommes considérables qui n’avaient certainement pas voulu pousser à cette résistance devenue du désordre, qui cependant, et très involontairement sans doute, n’y avaient pas nui, ne se soient pas tenus pour avertis, ne se soient pas arrêtés aussitôt après ces manifestations d’un assez mauvais caractère, et qu’ils aient cru devoir continuer publiquement la polémique engagée, en gens non informés et prétextant d’ignorance, comme si de rien n’était. […] Les palais nous semblaient assez maussades, insignifiants ; les églises, ou de misérables baraques en brique et sapin mal bâties, ou des amas de formes d’architecture les plus monstrueuses ; les ruines antiques… la plupart d’une mauvaise époque, des édifices cent fois remaniés et ayant perdu leur caractère. […] Malgré l’espoir que j’exprimais, les suites de ce débat et de ce mauvais vouloir obstinément prolongé ont été, après un certain nombre de leçons (sept en tout), la retraite et la démission de M. 

380. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Qu’on allègue tant qu’on le voudra ses convictions : il fut mal avec les meilleurs de son siècle, il se prononça contre les hommes qui avaient le plus de distinction et de mérite en son temps, et s’acquit leur mésestime : c’est toujours une mauvaise marque pour un critique. […] C’était Dorat qui avait eu cette idée de les réunir à table avec Colardeau et Dudoyer, un auteur dramatique oublié ; La Harpe en était à ses tout premiers débuts, et Fréron déjà établi et en renom : « Fréron, nous dit l’amphitryon Dorât, y fut aimable et bonhomme ; son antagoniste, au contraire, y fut tranchant, disputeur, criard et ennuyeux…, un mauvais convive. L’auteur de l’Année littéraire, qui pardonnait encore moins un souper triste qu’un mauvais ouvrage, me demanda avec une sorte d’impatience quelle était cette bamboche (ce fut son expression) qui parlait au lieu d’écouter, qui avait le ton si affirmatif, nous régentait depuis deux heures et se pavanait à table en empereur de rhétorique. » Après le récit de Dorat, voici celui de La Harpe : « J’étais encore au collège quand je dînai avec lui chez M. 

381. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

J’avais toujours négligé, dans les deux articles que j’ai consacrés à Loyson, de rappeler cette mauvaise plaisanterie à laquelle son nom donna lieu. Je pense que ce qui est dû surtout aux mauvaises plaisanteries de ce genre, c’est d’être méprisées et oubliées. […] La rime est mauvaise, le quatrain a des longueurs, et il n’est fait évidemment que pour amener le dernier vers.

382. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

En détournant un peu de son sens le vieil axiome que « l’homme est la mesure des choses », on pourrait dire que chaque critique est lui-même la mesure des œuvres qu’il apprécie ; car, quoi qu’on fasse, une œuvre est bonne ou mauvaise selon qu’elle plaît ou déplaît à celui qui la juge. […] Il avait encore une certaine grossièreté de sentiment moral et des instincts de mauvais sujet qui lui appartenaient bien en propre et à quoi correspondait, dans son style, un goût marqué pour les grossièretés de langage. […] A propos d’un mauvais drame de Ponson du Terrail, il nous trace de Henri IV, envisagé par certains côtés secrets, un portrait, avec preuves à l’appui, qu’il est impossible d’oublier. « … Il faut donc conclure, pour Henri IV jeune ou vieux, à un fonds ingénu de vilenie bestiale qu’il dominait moins dans son âge mûr et sa vieillesse, mais qui au temps de sa jeunesse, n’étant point revêtu par la gloire, choquait plus en sa nudité. » — A propos de Kléber, drame militaire, il développe ingénieusement et magnifiquement « le rêve oriental de Napoléon ». — A propos du Nouveau Monde, de M. 

383. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Elle fut séparée de lui juridiquement, mais après des années de mauvais traitements et de martyre. […] Mme de Graffigny, au moment où nous la trouvons, est déjà une personne de plus de quarante ans, vouée décidément au malheur, croyant à son mauvais sort et à son guignon : « J’en suis toujours pour ce que j’ai dit : “Quand on est malheureux, on l’est sans fin.” » C’était son refrain trop justifié. […] Mme de Graffigny vivait donc à Paris, avec un certain état de maison, moyennant de petites pensions des cours de Lorraine et de Vienne et d’assez grosses dettes, quand la chute de La Fille d’Aristide, comédie en cinq actes sur laquelle elle comptait fort, vint lui porter un coup fâcheux : « Elle me la lut, dit Voisenon ; je la trouvai mauvaise ; elle me trouva méchant.

384. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Au lieu de voir la vérité et de s’adoucir par là, il a pris cette occasion de vous faire du mal auprès du roi, et de tâcher à m’y rendre de mauvais offices. […] Cette lettre, qui avait été remise avec assez de mystère, avait fait mauvais effet, et Madame là-dessus lui disait : Je vous ai plusieurs fois blâmé de la tendresse que vous avez pour ma fille : au nom de Dieu, défaites-vous-en. […] Mais on ne voit pas que Cosnac ait tiré, de ces lettres à lui adressées, aucune induction précise, ni qu’il leur ait fait rendre aucun mauvais sens.

385. (1903) Zola pp. 3-31

L’horreur de la vérité apparaît à ceci qu’avec une documentation assez consciencieuse et sérieuse, jamais, non jamais, ni un homme ni une femme ne nous apparaît dans un roman de Zola tel qu’il nous fasse dire : « C’est cela, je le connais. » Jamais d’aucun de ces personnages on ne s’avisera de dire : « Il semble qu’on l’a vu et que c’est un portrait. » Mauvais critérium ? […] Il dit, avec une colère qui est peu dans ses habitudes, particulièrement significative, par conséquent : « Son œuvre est mauvaise et il est un de ces malheureux dont on peut dire qu’il vaudrait mieux qu’ils ne fussent jamais nés. […] Mais il fit, conduit par ces nouvelles rêveries un peu confuses, des livres qui, s’ils étaient de mauvais romans, étaient de bonnes actions.

386. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

C’est l’indignation de voir cet enseignement piétiner dans sa routine qui nous a mis la plume à la main ; ce sont les mauvaises méthodes qui nous ont donné l’idée d’en proposer une qui fût meilleure, ou du moins qui fût profitable. […] Ce n’est pas nous, ce sont vos livres de mauvais enseignement qui sont responsables de ce titre. […] Que mes œuvres soient à ce point mauvaises, ce n’est pas mon rôle d’en convenir, et on ne s’attend pas que je pousse la modestie jusque-là.

387. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Dans le Dernier Flagellant, ce sont les « Dames noires », la femme et la fille de ce Rouziac, de ce mauvais riche qui a sucé, par l’usure, le sang et la vie de toute une contrée, et qui, vouées à un deuil éternel et grandiose, tiennent, pour les restituer un jour, le livre des biens volés de Rouziac, à mesure qu’il les vole, et chantent à Dieu, quand l’émeute furieuse met le feu chez elles, un si bel hymne de délivrance devant leur château incendié ! C’est, dans la Chambre des Belles Saintes, dom Bazin et sa sœur Bénigne, ce dom Bazin qui était bénédictin et que l’on n’appelle plus que le Malédictin, par risée, parce qu’il est de ces mauvais qu’on adore, une de ces combinaisons, délicieuses et contrastées, de la bonté du cœur et de la malice de l’esprit. […] Je n’ai pas à défendre ce livre, sur lequel j’ai appelé le premier le bruit et la lumière, pas plus qu’à m’étonner de ce que les hommes qui invoquent le plus l’autorité de Burckhard contre Alexandre VI, et trouvent très bonne l’histoire des vices de ce Pape, trouvent mauvaise l’histoire des vices de Voltaire et abominent Nicolardot pour l’avoir écrite, en les flétrissant.

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