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16. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Quelque mauvais que soit le goût de gens liés par une conversation habituelle, il faut qu’ils se forment un langage raisonnable, toute conversation est une épreuve par laquelle chacun essaie son langage à l’intelligence, au goût, aux affections des auditeurs ; là, ce n’est pas la critique qui éclairé, c’est l’impression que fait la parole sur ceux à qui elle s’adresse. […] Il en fut de la langue comme il en serait de la monnaie, si tout le monde avait la liberté d’en frapper : d’abord on en mettrait beaucoup de mauvaise en circulation, avec une certaine quantité de bonne : mais bientôt celle-ci aurait la préférence. De même, dans l’anarchie du langage, il s’introduit une multitude de locutions de mauvais aloi ; mais ce qui ne s’entendra pas, ce qui s’entendra difficilement, ce qui ne peut s’entendre avec convenance, sera bientôt mis au rebut. […] On souriait avec dédain à l’idée qu’on pût se permettre de dire : qu’une poésie est bien châtiée ; qu’un souris est fin, qu’un souris est amer ; qu’un mauvais poète est un bâtard d’Apollon ; que les peintres sont des poètes muets ; que le soleil est l’époux de la nature. […] Il existait un grand nombre de lettres de Sévigné, modèles de style épistolaire ; on en avait de son cousin Bussy-Rabutin, homme de mauvais cœur, de mauvais esprit, mais d’assez bon goût ; En morale, on avait les nobles écrits de Balzac ; En métaphysique, la méthode de Descartes ; En didactique et en polémique, les Lettres provinciales ; En critique, plusieurs bons écrits de Port Royal, la critique du Cid ; En poésie, les belles odes de Malherbe, quelques ouvrages de Racan, de Segrais, de Benserade ; les chefs-d’œuvre de Corneille, Le Cid, Les Horaces, Cinna, Polyeucte, La Mort de Pompée, Le Menteur, Rodogune.

17. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

L’ouvrage est-il bon ou est-il mauvais ? […] À voir les choses d’un peu haut, il n’y a, en poésie, ni bons ni mauvais sujets, mais de bons et de mauvais poëtes. […] Il est advenu souvent qu’au lieu de lui dire simplement : Votre livre est mauvais, on lui a dit : Pourquoi avez-vous fait ce livre ? […] Bonne ou mauvaise, il l’a acceptée et en a été heureux.

18. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

L’avocat protestant Jean Rou, à qui Marolles envoya sa traduction en vers de l’Apocalypse (1677), ne savait comment se tirer de ce mauvais pas ; l’étant allé voir quelques jours après, il se borna à un compliment succinct, et engagea aussitôt la conversation sur d’autres matières. […] Dieu nous garde de plus mauvais garçons et d’ennemis plus redoutables ! […] Il suffirait de dire que ce serait son avis, pour dire que ce serait le mauvais, et ceci sans hyperbole. […] Il avait pris ses exemples de bonnes traductions dans les ouvrages de D’Ablancourt et de messieurs de Port-Royal, et les exemples des mauvaises dans Marolles, qu’il avait d’ailleurs évité de nommer. […] Mieux partagé que bien des hommes, il avait sa mauvaise et sa bonne folie.

19. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Rien de plus ennuyeux qu’un mauvais plaisant qui veut faire rire. […] Sont-ils bons ou mauvais de leur nature ? […] On défend les choses parce qu’elles sont mauvaises, & les choses ne sont point mauvaises en elles-mêmes, parce qu’elles sont défendues. […] Qu’on affichât les mauvais lieux, avec quelle promptitude la police séviroit ! […] Les comédiens médiocres ou mauvais sont autant ou plus méprisés à Londres que partout ailleurs.

20. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

A midi trois quarts, récréation générale de tous les étudiants ensemble, en plein air, s’il fait beau, ou récréation intérieure de chaque classe dans sa salle, s’il fait mauvais temps, jusqu’à une heure et demie. […] Si elle conduit à ce terme, elle est bonne, si elle n’y conduit pas, elle est mauvaise. […] L’homme marié aura son logement au dehors ; point de femmes dans un collége ; le mélange des deux sexes ne tarde point à y introduire les mauvaises mœurs et la division. […] Pères, l’indulgence déplacée pour l’instituteur de vos enfants retombera sur eux et sur vous ; souverains, l’indulgence deplacée pour de mauvais instituteurs retombera sur l’espoir de votre nation et sur vous. […] Pour le moment on en appelle de toutes les contrées ; bons, médiocres, mauvais, qu’ils aient des mœurs, cela suffit.

21. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Par la même raison l’ouvrage qui ne touche point et qui n’attache pas ne vaut rien, et si la critique n’y trouve point à reprendre des fautes contre les regles, c’est qu’un ouvrage peut être mauvais sans qu’il y ait des fautes contre les regles, comme un ouvrage plein de fautes contre les regles peut être un ouvrage excellent. […] L’ouvrage est-il bon ou mauvais en general, c’est la même chose ? […] Tous les hommes, à l’aide du sentiment intérieur qui est en eux, connoissent sans sçavoir les regles, si les productions des arts sont de bons ou de mauvais ouvrages, et si le raisonnement qu’ils entendent conclut bien. […] Quand même un des spectateurs d’une tragédie generalement désapprouvée feroit une mauvaise exposition des raisons qui font qu’elle ennuïe, les hommes n’en défereroient pas moins au sentiment general. Ils ne laisseroient pas de croire que la piece est mauvaise, bien qu’on expliquât mal par quelles raisons elle ne vaut rien.

22. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Voiriot »

Mauvais tableau, c’est Voiriot toujours Voiriot ; autres pères, mères et maître à châtier dans l’autre monde. […] Caillot assez ressemblant, moins mauvais, mais mauvais encore, et quand il serait bon, comme je l’entends dire, ce serait un moment de hazard, l’ode de Chapelain, l’épigramme d’un sot, un couplet heureux comme tout le monde en fait un.

23. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

Mauvaise rime qu’on appelle suffisante ; La Fontaine pouvait mettre d’un pas dégagé. […] Voilà certainement une mauvaise fable que La Fontaine a mise en vers d’après Phèdre. […] La Fontaine pour nous dédommager d’avoir fait une fable aussi mauvaise que l’est la précédente, lui fait succéder un apologue excellent, où il développe avec finesse et avec force le jeu de l’amour-propre de toutes les espèces d’animaux, c’est-à-dire de l’homme, dont l’espèce réunit tous les genres d’amour-propre. […] Encore de la mauvaise morale : on peut trop louer sa maîtresse, et tout éloge qui n’a pas l’air d’échapper à un sentiment vrai, ou d’être une galanterie aimable d’un esprit facile, déplaît souvent même à celle qui en est l’objet. […] Au contraire presque toujours mauvaises.

24. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumur, Louis (1860-1933) »

Des déclamations redondantes ou plates, exprimant la médiocre philosophie d’un mauvais élève des derniers romantiques ; des phrases d’un français déplorable, construites sans art, avec la plus absolue méconnaissance du sens des mots ; des tropes ridicules ; des comparaisons d’une désespérante banalité. Ajoutez à cela des prétentions généreuses à la sévérité moraliste et philosophique, et le livre vous apparaîtra tel qu’il m’est apparu : un fort mauvais recueil de mauvais vers.

25. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

On m’a bien parlé de quelques épigrammes de votre façon, dont j’ai ri toute la première de plaisir quand je les ai trouvées bonnes, de pitié quand elles m’ont paru mauvaises. […] Jourdain, de se connaître aux belles choses , demandait à un homme de lettres le moyen de se connaître en vers : Monsieur, lui dit celui qu’il consultait, vous n’avez qu’à dire toujours qu’ils sont mauvais ; il y a cent contre un à parier que vous ne vous tromperez pas. […] Tout cela est à merveille ; mais en feignant de n’attaquer que les mauvais artistes, c’est à l’art même que vous en voulez. […] Comme ils ont beaucoup de justesse d’esprit, ils en concluent que ce ne sont pas les vers, en tant que vers, qui font bâiller tant de lecteurs, mais les vers vides de choses et d’idées, qui ne disent rien, qui n’expriment rien, où il n’y a rien ni à retenir, ni à remarquer, où l’on ne trouve, si je puis parler de la sorte, que les haillons usés de la poésie, et Zéphyre et Flore, et les ailes de l’Amour, et la montagne au double sommet, et l’Hippocrène où il faudrait noyer tous les mauvais vers, et peut-être aussi les mauvais poètes. […] Vous voyez que je vous abandonne de bonne grâce les philosophes qui ont eu des torts réels avec vous ; abandonnez-moi de même les mauvais poètes.

26. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Dieu merci, les voilà réconciliés, et ce Falconnet, cet artiste si peu jaloux de sa réputation dans l’avenir, ce contempteur si déterminé de l’immortalité, cet homme si disrespectueux de la postérité, délivré du souci de lui transmettre un mauvais buste. Je dirai cependant de ce mauvais buste, qu’on y voyait les traces d’une peine d’âme secrète dont j’étois dévoré, lorsque l’artiste le fit. […] Madame la princesse de Chimay, M. le chevalier de Fitz-James, son frère, vous êtes mauvais, parfaitement mauvais ; vous êtes plats, mais parfaitement plats. […] D’où vient cette inégalité qui dans un intervalle de temps assez court touche les deux extrêmes du bon et du mauvais ?

27. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

On s’accorde à voir dans le personnage d’Alceste le duc de Montausier ; dans Oronte, bel esprit qui fait de mauvais vers, le duc de Saint-Aignan, que madame de Sévigné appelait le paladin par éminence, et qui était le grand ami de madame de Scudéry. […] Les choses étant ainsi, Molière put croire que ce serait un coup de maître de faire maltraiter les mauvais auteurs par Montausier sous le nom d’Alceste, de la même manière que Boileau et lui en usaient dans leurs ouvrages, c’est-à-dire de le montrer faisant la guerre au mauvais goût sans la faire aux personnes. C’était en effet un coup de maître pour Molière, de représenter Montausier, ce censeur énergique, sous les couleurs les plus nobles, et d’opposer son caractère même aux prétentions de bel esprit sans esprit, et le poète sans talent ; de le montrer intraitable pour un mauvais ouvrage, quelque honnête, quelque estimable que fut l’auteur, en respectant en lui l’homme de bien et de mérite ; précisément comme Racine et Boileau prétendaient en user avec Chapelain, Cottin et leurs semblables.

28. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165

Un tel enthousiasme ne prouve-t-il pas que le mauvais goût & les mauvaises Pieces ont souvent des partisans & des couronnes qui les attendent ; comme les bons Ouvrages & le bon goût ont des Adversaires à craindre & des persécutions à éprouver ? Qu'on se plaigne que nous parlions des Auteurs ignorés, & que nous nous élevions contre les usurpations des mauvais, tandis qu'on les voit tous les jours obtenir des succès éclatans ! […] Il a même paru des Ecrits à ce sujet, qui prouvent qu'ils savent se connoître en bons Ouvrages, & apprécier les mauvais à leur juste valeur.

29. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

A la faveur d’un cadre mythologique déjà bien vieux, l’auteur est amené à dire son avis sur la poésie et à passer en revue les différents poëtes du jour, les bons et les mauvais. […] Don Quichotte, après avoir écouté tous les détails sur la vocation obstinée du jeune homme, dont le seul crime est de trop aimer Homère et Virgile, et de vouloir converser tout le jour avec Horace, Tibulle et autres Anciens, répond aux craintes du père par un discours d’une merveilleuse sagesse, et qui, pour la grâce comme pour la modération, pourrait être tout entier (sauf quelques mots) d’un de ces aimables vieillards de Térence : « Les enfants, lui dit-il, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. […] Nous sommes trop enclins, je le crois, à nous substituer continuellement à Cervantes, avec nos sentiments et nos impressions d’aujourd’hui ; nous prenons fait et cause en sa faveur plus encore qu’il ne le faisait lui-même, et pour avoir énuméré à la file et mis en ligne de compte toutes ses infortunes, nous oublions trop les interstices et les éclaircies que sa belle humeur et son bon génie savaient s’ouvrir à travers tant de mauvais jours. […] J’ai dit le meilleur ou le plus mauvais, s’empresse-t-il d’ajouter, mais il ne saurait être le plus mauvais, et je me repens de l’avoir dit ; car, d’après l’opinion de mes amis, il doit atteindre au plus haut degré d’excellence littéraire possible, humainement parlant. » On voit quelle était l’affection et la prédilection de Cervantes pour ce dernier-né de son intelligence. A un certain endroit de son Don Quichotte que nous avons relevé en passant, il semblait dire : « Je raille ici les mauvais romans de chevalerie, mais attendez, patience !

30. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Quand l’arbre est tombé, tous accourent aux branches pour achever de le défaire ; la bonne ou mauvaise réputation dépend de la dernière période de la vie ; le bien et le mal passent à la postérité, et la malice des hommes fait plutôt croire l’un que l’autre. […] Il est reçu de mauvais œil par tous les autres conseillers, qui redoutent son influence de modération et de bon conseil. […] On fait sortir de prison le prince de Condé, qu’elle n’avait fait arrêter que dans l’intérêt du roi, et ce prince du sang devient pour elle un ennemi actif qui va servir les mauvaises intentions de Luynes. […] N’y ayant point de conseil si judicieux, pense-t-il, qui ne puisse avoir une mauvaise issue, on est souvent obligé de suivre les opinions qu’on approuve le moins ». […] Il pense « qu’il ne peut y avoir de si mauvaise paix qui ne vaille mieux qu’une guerre civile ».

31. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

L’homme assez brave pour rester calme à leur aspect a des chances de se tirer indemne du mauvais pas. […] On les corrige de cette mauvaise habitude en pimentant fortement ce mets. […] Ces derniers combattent par des fumigations le mauvais sort jeté. […] On peut rapprocher de la croyance aux sorciers la foi en l’efficacité néfaste du mauvais œil. Voir le Kitâdo vengé, — La chèvre au mauvais œil, etc., etc.

32. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Au lieu de composer des allegories ingénieuses et des satires excellentes, il fera de mauvaises pieces de théatre : le théatre est en France le Perou des poëtes. […] Comme la mécanique de notre poësie, si difficile pour ceux qui ne veulent faire que des vers excellens, est facile pour ceux qui se contentent d’en faire de médiocres, il est parmi nous bien plus de mauvais poëtes, que de mauvais peintres. […] Delà naissent tant d’ouvrages ennuïeux, qui font prendre en mauvaise part le nom de poëte, et qui empêchent que personne veuille s’honorer d’un si beau titre. […] C’est des mauvais poëtes principalement qu’il faut entendre ce que dit Ciceron.

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