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1261. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Mais qu’importe que notre vertu nous soit peut-être une source aussi abondante de souffrances que nos instincts mauvais et nos passions intéressées ! […] Comme elles n’ont que des apparences d’âmes dans leurs corps de jeunes possédées, comme elles ne sont presque jamais poussées que par la détente de leurs nerfs, on ne saurait dire qu’elles soient bonnes ou mauvaises.

1262. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Rien de si délicat, de si nuancé n’avait été écrit sur la fragilité de notre vertu, sur les illusions de nos passions, sur l’ardeur inconsidérée de la jeunesse, sur l’imprudence des parents, sur les effets des bons et des mauvais sentiments. […] (Sermon du bon Pasteur et du mauvais.)

1263. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La Rochefoucauld, en poursuivant de son analyse amère et impitoyable tous les déguisements de notre mauvaise nature, en nous faisant peur de nos mouvements les plus naïfs, aurait pu nous ôter jusqu’au désir de l’innocence, à force de nous prouver qu’elle est impossible. […] Comme notre auteur, après avoir affirmé nous doutons ; nous passons de la bonne opinion à la mauvaise ; la mélancolie nous saisit tout riants et tout raillants encore, la gaieté à peine envolée, le visage à peine rentré dans cette gravité un peu triste qui est notre air naturel.

1264. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Un tailleur, un cordonnier ne souhaitent au public que des étoffes de faux teint et des chaussures de mauvais cuir, afin qu’on en use le triple, pour le bien du commerce ; c’est leur refrain. […] À ce compte, un poète qui suera sang et eau pour faire de mauvais vers sera sacré grand poète de préférence à un poète heureusement doué, dont le génie et la facilité diminueront le mérite.

1265. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Nous pouvons faire une application ironique et nouvelle de ce mot, en y sous-entendant la nécessité de réagir par le délicat, le précieux, le rare, contre les platitudes des temps présents ; même s’il était impossible de laver complètement le mot décadent de son mauvais sens, cette injure pittoresque, très automne, très soleil couchant, serait encore à ramasser, en somme !  […] Les naturalistes, débraillés et cyniques, avaient encore accentué ces mauvaises façons, ces étranges arguments de discussion.

1266. (1890) L’avenir de la science « II »

N’étudier l’histoire que pour les leçons de morale ou de sagesse pratique qui en découlent, c’est renouveler la plaisante théorie de ces mauvais interprètes d’Aristote qui donnaient pour but à l’art dramatique de guérir les passions qu’il met en scène. […] Quelle bonhomie, par exemple, que celle de savants souvent éminents, déclarant en tête de leurs ouvrages qu’ils n’ont pas eu l’intention d’empiéter sur le terrain de la religion, qu’ils ne sont pas théologiens et que les théologiens ne peuvent pas trouver mauvaises leurs tentatives d’humble philosophie naturelle.

1267. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Philibert sent l’absinthe, le vespétro, le tabac de caporal, la vie des cafés et des salles de billard ; il veut dire mauvais sujet, comme Arthur signifie amant de cœur et joli garçon ; il baptise au petit verre le personnage qui s’en est coiffé. […] Le roi Louis XVI voit de mauvais œil ce vieux garçon du Parc-aux-Cerfs ; il lui a enjoint d’avoir à présenter à la cour, avant six mois, une duchesse de Charamaule.

1268. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Et pourtant je ne puis m’empêcher de noter quelques mauvais vers, des expressions vagues et communes. […] Il faut connaître sa mythologie pour comprendre cela ; il faut se rappeler qu’autrefois, en Thrace, un scélérat de roi appelé Térée fit un mauvais parti à la pauvre Philomèle.

1269. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il avait des pensées grandes, élevées, sublimes, dignes de Vico sinon de Platon, dignes de la Grande-Grèce, et tout à coup ces pensées étaient déjouées par des lazzis, des calembours, par du bouffon, et du plus mauvais : « Mais voilà comme je suis, disait-il agréablement, deux hommes divers, pétris ensemble, et qui cependant ne tiennent pas tout à fait la place d’un seul. » Lu aujourd’hui, l’abbé Galiani perd beaucoup ; il fallait l’entendre. […] Ils sont causeurs, raisonneurs, badins par essence ; un mauvais tableau enfante une bonne brochure ; ainsi, vous parlerez mieux des arts que vous n’en ferez jamais.

1270. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

En entrant, elle se jeta aux genoux de la supérieure, en lui disant : « Ma mère, j’ai toujours fait un si mauvais usage de ma volonté, que je viens la remettre entre vos mains. » Sans attendre la fin de son noviciat, et le jour même de son entrée dans le cloître, elle fit couper ses cheveux, « autrefois l’admiration de tous ceux qui ont parlé de sa personne ». […] … Ce fut, à mes yeux, tous les charmes que nous avons vus autrefois ; je ne la trouvai ni bouffie, ni jaune ; elle est moins maigre et plus contente ; elle a ses mêmes yeux et ses mêmes regards ; l’austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil ne les lui ont ni creusés, ni battus ; cet habit si étrange n’ôte rien à la bonne grâce, ni au bon air ; pour la modestie, elle n’est pas plus grande que quand elle donnait au monde une princesse de Conti ; mais c’est assez pour une carmélite.

1271. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Pour lui, il la jugeait plus diversement et plus gaiement : Je ne connais pas, dit-il dans une lettre, de tête aussi complètement pervertie ; c’est l’opération infaillible de la philosophie moderne sur toute femme quelconque ; mais le cœur n’est pas mauvais du tout : à cet égard on lui a fait tort. […] Cette demande ne fut point agréée ; mais tout prouve que Napoléon ne lui sut pas mauvais gré de sa tentative.

1272. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Tout semble indiquer que ce fut là l’effet que produisit sur Mme de Lambert le mauvais exemple de sa mère. […] Aussi, ceux qui avaient leurs raisons pour trouver mauvais qu’il y eût encore de la conversation quelque part, lançaient-ils, quand ils le pouvaient, quelques traits malins contre la maison de Mme de Lambert.

1273. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Maury s’excuse encore de quelques conseils qu’il donne sur le propos des enfants gâtés : « Ne rendez pas ce mauvais service à votre aîné, et excusez le prêcheur Ragotin, prédicateur de grand chemin, qui se permet de vous ouvrir ainsi son cœur sans aucune réserve. » Cet abbé de Boismont, qu’était allé voir l’abbé Maury en Normandie, était riche bénéficier et de plus académicien. […] Une des meilleures épigrammes du poète Le Brun est contre l’abbé Maury ; elle a cela de piquant, qu’elle a, d’un bout à l’autre, un faux air d’éloge ou d’apologie, et que c’est le lecteur seul qui, en contredisant à chaque vers, est comme forcé de faire lui-même l’épigramme ; le satirique, dans ce cas, a besoin de compter sur la complicité de tout le monde : L’abbé Maury n’a point l’air impudent ; L’abbé Maury n’a point le ton pédant ; L’abbé Maury n’est point homme d’intrigue ; L’abbé Maury n’aime l’or ni la brigue ; L’abbé Maury n’est point un envieux ; L’abbé Maury n’est point un ennuyeux ; L’abbé Maury n’est cauteleux ni traître ; L’abbé Maury n’est point un mauvais prêtre ; L’abbé Maury du mal n’a jamais ri : Dieu soit en aide au bon abbé Maury !

1274. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

À Paris, on n’en était pas dupe : « En vain les trompettes de la Renommée ont proclamé telle prose ou tels vers ; il y a toujours dans cette capitale, disait Rivarol, trente ou quarante têtes incorruptibles qui se taisent ; ce silence des gens de goût sert de conscience aux mauvais écrivains et les tourmente le reste de leur vie. » Mais, en province, on était dupe : « Il serait temps enfin, conseillait-il, que plus d’un journal changeât de maxime : il faudrait mettre dans la louange la sobriété que la nature observe dans la production des grands talents, et cesser de tendre des pièges à l’innocence des provinces. » C’est cette pensée de haute police qui fit que Rivarol, un matin, s’avisa de publier son Petit almanach de nos grands hommes pour l’année 1788, où tous les auteurs éphémères et imperceptibles sont rangés par ordre alphabétique, avec accompagnement d’un éloge ironique. […] Parlant de la déclaration du roi dans la séance royale du 23 juin, il se demande pourquoi cette déclaration qui, un peu modifiée, pouvait devenir la Grande Charte du peuple français, eut un si mauvais succès ; et la première raison qu’il en trouve, c’est qu’elle vint trop tard : Les opérations des hommes ont leur saison, dit-il, comme celles de la nature ; six mois plus tôt, cette déclaration aurait été reçue et proclamée comme le plus grand bienfait qu’aucun roi eût jamais accordé à ses peuples ; elle eût fait perdre jusqu’à l’idée, jusqu’au désir d’avoir des États généraux.

1275. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Une mauvaise tragédie et un mariage, c’est faire deux sottises coup sur coup. » En commettant cette imprudence, La Harpe témoignait pourtant de sa probité et de sa générosité. […] Dans une Épître sur la bonne et la mauvaise plaisanterie, traçant la limite de ce qui est permis ou interdit en ce genre, il arrivait à prendre La Harpe pour exemple dans ce passage excellent, dont je n’ai cité l’autre jour que le début : De La Harpe, a-t-on dit, l’impertinent visage Appelle le soufflet.

1276. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Pour le peindre comme il était et dans tout la contradiction de sa morale et de son humeur, il suffit, de dire que, pendant que se négociait cette paix d’Utrecht ou de Rastadt, il lui arriva de soutenir à milord Stafford que Louis XIV aspirait à la domination universelle et de se battre avec un Français qui l’avait trouvé mauvais. […] On a ses lettres ; elles sont délicates, discrètes, tendres, parfaites de tout point ; et c’est l’une des plus pures et des plus rares figures de femmes sous la Régence, que cette épouse presque vierge et sitôt veuve, modeste, sacrifiée, résignée, et aussi longtemps dévouée qu’il y eut moyen à l’honneur et aux intérêts de cet aimable mauvais sujet, qui court d’aventure en aventure et ne lui répond pas. — Mme de Bonneval mérite d’être placée à côté de Mlle Aïssé, parmi les plus gracieuses exceptions de cette époque de désordre et de licence.

1277. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

En fait de fables, la foi est mauvaise voisine et ne pourlèche que les siennes. […] L’acceptation de l’oppression par l’opprimé finit par être complicité ; la couardise est un consentement toutes les fois que la durée d’une chose mauvaise qui pèse sur un peuple et que ce peuple empêcherait s’il voulait dépasse la quantité possible de patience d’un honnête homme ; il y a solidarité appréciable et honte partagée entre le gouvernement qui fait le mal et le peuple qui le laisse faire.

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