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334. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Sainte-Beuve, empêché par sa santé, la page suivante, qui est un hommage tout littéraire rendu au savant et à l’ami : « Messieurs, ce ne serait point à moi de venir prononcer quelques paroles en l’honneur du savant homme dont le cher et respecté souvenir nous réunit dans cette commémoration funèbre : ce serait à quelqu’un de ses vrais collègues, de ses pairs (parcs), de ses vrais témoins et juges en matière d’érudition : mais ils sont rares, ils sont absents, dispersés en ce moment ; — mais quelques-uns de ces meilleurs juges de l’érudition de Dübner sont hors de France, à Leyde, à Genève, dans les Universités étrangères ; mais Dübner en France, aussi modeste qu’utile, aussi absorbé qu’infatigable dans ses travaux, n’appartenait à aucune académie, et tandis que son illustre compatriote et devancier parmi nous, M.  […] « Oui, je le remarque avec peine, avec regret pour la France, l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres a laissé vivre et mourir, sans se l’associer, ce savant homme si essentiel, dont la perte est reconnue aujourd’hui, par tous ceux qui ont droit d’avoir un avis en ces matières, comme immense et presque irréparable.

335. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Lefèvre ; car il y a dans ce livre autant de fonds et de précieuse matière poétique qu’en aucune publication, même célèbre, de ce temps-ci. Son œuvre, en style de lapidaire, peut assez bien se comparer à un diamant d’une bonne grosseur, d’un fort poids, d’une matière riche, mais non pas d’une belle eau ; sans transparence et sans limpidité ; avec de chauds éclairs intérieurs qui ont peine à jaillir par une surface embrouillée et grenue.

336. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Mais son érudition n’était pas profonde, même en pareille matière, et très-probablement il déchiffrait cette langue surannée avec moins de sagacité et de certitude que ne le font aujourd’hui nos habiles, M. […] Il y eut un moment où les deux Colletet père et fils, et la belle-mère de celui-ci, la belle-maman, comme il disait, se faisaient à qui mieux mieux en madrigaux les honneurs du Parnasse : ce qui devait prêter assez matière aux rieurs du temps (Mémoires de Critique et de Littérature, par d’Artigny, tome VI).

337. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Cousin en fit la matière expresse de son enseignement dès 1817. […] De celui-là, qui échappe pour le moment à l’appréciation littéraire, mais qu’une curiosité respectueuse ne saurait, même à ce seul titre, s’empêcher de suivre en silence et d’observer, il me suffira de dire qu’il a eu cela de particulier et d’original, que, trempé encore plus expressément par la nature pour les luttes et pour les triomphes de l’orateur, il y a de plus en plus aguerri et assoupli sa parole : cette netteté, ce nerf, cette décision de pensée et d’expression qu’il a sans relâche développés et qu’il porte si hautement dans les discussions publiques, toutes ces qualités ardentes et fortes, il semble que ce soit plutôt l’orateur encore qui, chez lui, les communique et les confère ensuite à l’écrivain ; et si l’on pouvait en telle matière traiter un contemporain si présent comme on ferait un grand orateur de l’antiquité, on aurait droit de dire à la lettre que c’est sur le marbre de la tribune, et en y songeant le moins, qu’il a poli, qu’il a aiguisé son style.

338. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Quand on compare sa fable avec celle de Pilpay ou d’Esope qui lui sert de matière, on s’aperçoit qu’il ne fait pas un seul changement sans une raison, que cette raison et les autres se tiennent entre elles, et qu’elles dépendent d’un principe, sinon exprimé, du moins senti. […] Il trouve sa matière dans les bouges comme dans la salle du Trône, dans l’adoration pure comme dans le plaisir grivois.

339. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Une philosophie meurtrière de la matière réduit la nature à un système de rouages organisé par un décret d’en haut. […] Dans les Védas, chez Zoroastre, chez Homère, le divin enveloppe l’homme ; les dieux, encore à demi engagés dans la matière, ne font qu’interpréter sa beauté et sa grandeur.

340. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

L’exception, on la voit par sa souplesse indéfinie, il n’est point de matière à qui soit fermé le roman, et, si un bon écrivain le compose, le bon roman. […] Il connaît les épisodes du pontificat de Grégoire VII, et sa traversée si tragique sur la barque de saint Pierre, avec une sûreté et une aisance dont personne même ne peut mesurer la valeur, puisque nul ne sait sur ces matières à lui familières que ce que son érudition généreuse a bien voulu en apprendre au public.

341. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

C’est l’esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s’attacher qu’à la forme pure. C’est lui qui nous a enseigné à nommer du même nom des êtres qui ne diffèrent que par la matière, à nommer du même nom par exemple la multiplication des quaternions et celle des nombres entiers.

342. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Tout magistrat lui paraît un ennemi naturel des hommes de Dieu ; il annonce à ses disciples des démêlés avec la police, sans songer un moment qu’il y ait là matière à rougir 360. […] Mais c’est un idéaliste accompli, la matière n’étant pour lui que le signe de l’idée, et le réel l’expression vivante de ce qui ne paraît pas.

343. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Il faut qu’elle lui soit aussi une matière à douleur. […] C’est pour cela que chez lui aussi « trop d’abondances appauvrit la matière » et, qu’au lieu du beau livre que le sujet et quelques-unes des qualités de l’auteur semblaient promettre, nous n’avons qu’un curieux, mais gauche et fatigant feuilleton idéologique.

344. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Ménage, au contraire, entendoit peu cette matière. […] Personne avant lui n’avoit même parlé de certaines matières importantes qu’il y traite à fond.

345. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

D’un autre côté, la seconde partie de son ouvrage, qui traite des manœuvres devant l’ennemi, ne peut être discutée et jugée que par un homme de guerre comme lui, — et j’ai le malheur de n’en être pas un, — compétent comme lui en ces matières spéciales. […] II Thèse qui se pose d’elle-même, mais impopulaire maintenant, mais inacceptable, et que ne manquera pas de discuter ou de méconnaître tout ce qui a plume, dans un temps d’engins de guerre perfectionnés où tout tremble devant la matière toute-puissante, et où l’idéal, c’est la paix entre les nations désarmées.

346. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Nous savions bien, comme tout le monde, que c’est le pays de la matière, du travail, du négoce, de l’industrie, une forge d’enragés Cyclopes, mais nous savions aussi que dans sa limaille de fer et sa poussière de charbon il poussait de temps en temps un écrivain, un poète, un rêveur, une jeune fille qui n’était pas miss Martineau. […] Diogène est un spiritualiste ; il n’avait pas pour la matière et ses jouissances les goûts hardis de Bellegarrigue, dont l’unique mesure intellectuelle et morale est l’argent, et dont l’épouvantable théorie nous donnerait le droit de le mépriser lui-même s’il n’est pas, à cette heure, riche comme un nabab.

347. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

L’imbécilité même, en matière d’idées, n’est pas une innocence ; et l’esprit humain est conformé de sorte que la bêtise peut, dans un jour donné, avoir le triste honneur d’être un fléau. […] Nous avons dit plus haut : Toute philosophie gît dans une seule question, l’existence de Dieu en face de l’existence du monde, et il serait aisé de montrer que, quelque solution qu’on adopte sur cette question, et toutes peuvent se ramener à deux principales ; en d’autres termes, soit que Dieu et la matière soit congénères, soit que Dieu l’ait tirée de lui-même, le panthéisme inévitable et menaçant revient toujours !

348. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

C’était pour lui une matière épuisée. […] Il ne comprend pas que l’art ne doit pas être jugé bon ou mauvais selon le sujet et la matière qu’il traite. […] À ce propos, Tolstoï parle de « l’appauvrissement de la matière de l’art ». […] Pareillement, en matière religieuse, la compréhension est graduée. […] Mathis-Lussy, qui, le premier en France, a tenté, quoique incomplètement, de mettre quelque clarté dans cette matière.

349. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Croisset, Francis de (1877-1937) »

Le ton est d’ordinaire dégagé, léger et même un peu fat, ce qui choque, en de telles matières.

350. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Dois-je déclarer d’ailleurs, pour excuser l’ambition de ce titre d’Histoire, que je n’ai point prétendu compléter ni résumer les travaux antérieurs qui ont paru sur cette matière ?

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