Sur un lit de fer se roulait et bondissait hors des draps, l’écume à la Louche, la chemise déchirée sur sa poitrine ruisselante, un de ces agonisants qui ne s’effacent jamais de la mémoire… Nous entendîmes des cris stridents et par une des portes du préau se ruèrent des créatures gesticulantes. […] En outre, une idée lui est sans cesse présente à l’esprit, une même phrase revient à sa mémoire en manière de refrain. […] Aussi ne le conserve-t-on que pour mémoire et, pour ainsi dire, comme moyen de repère.
Elle mourrait, comme Sigrun, sur le cadavre de celui qu’elle a uniquement aimé, si par un breuvage magique on ne lui faisait perdre la mémoire.
J’ai par devers moi de quoi prouver ce que j’avance à ceux qui n’auraient pas gardé la mémoire de cette manière d’agir. […] Nous avons tous présentes à la mémoire ces paroles du dominicain Didon s’écriant à une distribution de prix : « Lorsque la persuasion a échoué, il faut s’armer de la force coercitive, brandir le glaive, terroriser, couper les têtes, sévir et frapper… » Dans l’auditoire, il y avait, peut-être, des enfants qui se souvinrent que le fondateur de leur religion avait dit : « Si l’on te frappe sur la joue droite, tends encore la joue gauche. » Toutefois, soyons assurés que ces enseignements contradictoires ne les troubleront pas dans l’existence et qu’il s’en trouvera même, parmi eux, pour « suivre la carrière des armes ».
Que d’oubliés gisent là côte à côte qui ont rêvé de vivre dans l’estime et la mémoire des hommes ! […] de marcher sur ses pattes de derrière que d’ordonner intelligemment ses sensations. » Ou encore : « Rien dans ma mémoire ne passe en agrément un âne que je vis à Cadix sous un magnolier fleuri. » Et ceci, à la fin du Paradoxe sur la gloire : « Nous nous penchons pour voir la vie, mais nous n’avons de goût que pour nos songeries.
Voir à ce sujet Helmholtz, Mémoire sur la conservation de la force, traduit par Pérard, p. 31, 34 et suivantes.
Tu venais de faire une expérience douloureuse de la contrainte ; tu avais pris la résolution d’y échapper en ne fréquentant plus que ton dieu intérieur, Tu quittas le boulevard Barbès pour t’installer dans cette rue Ravignan dont le nom, grâce è toi, gardera une saveur spéciale dans la mémoire des Lettrés.
Il y a dans les tropes une modification ou diférence générale qui les rend tropes, et qui les distingue des autres figures : elle consiste en ce qu’un mot est pris dans une signification qui n’est pas précisément sa signification propre : mais de plus chaque trope difére d’un autre trope, et cette diférence particuliére consiste dans la maniére dont un mot s’écarte de sa signification propre ; par exemple : il n’y a plus de Pyrénées , dit Louis XIV d’immortèle mémoire, lorsque son petit-fils le Duc D’Anjou, aujourd’hui Philipe V fut apelé à la courone d’Espagne. […] Mais parce que la conoissance des autres mots qui signifient des abstractions ou des opérations de l’esprit, ne nous a pas été donée d’une maniére aussi sensible ; que d’ailleurs la vie des homes est courte, et qu’ils sont plus ocupés de leurs besoins et de leur bien être, que de cultiver leur esprit et de perfectioner leur langage ; come il y a tant de variété et d’inconstance dans leur situation, dans leur état, dans leur imagination, dans les diférentes rélations qu’ils ont les uns avec les autres ; que par la dificulté que les homes trouvent à prendre les idées précises de ceux qui parlent, ils retranchent ou ajoutent presque toujours à ce qu’on leur dit ; que d’ailleurs la mémoire n’est ni assez fidèle ni assez scrupuleuse pour retenir et rendre exactement les mêmes mots et les mêmes sons, et que les organes de la parole n’ont pas dans tous les homes une conformation assez uniforme pour exprimer les sons précisément de la même manière ; enfin come les langues ne sont point assez fécondes pour fournir à chaque idée un mot précis qui y réponde : de tout cela il est arivé que les enfans se sont insensiblement écartés de la manière de parler de leurs péres, come ils se sont écartés de leur manière de vivre et de s’habiller ; ils ont lié au même mot des idées diférentes et éloignées, ils ont doné à ce même mot des significations empruntées, et y ont ataché un tour diférent d’imagination ; ainsi les mots n’ont pu garder long-tems une simplicité qui les restraignit à un seul usage ; c’est ce qui a causé plusieurs irrégularités aparentes dans la grammaire et dans le régime des mots ; on n’en peut rendre raison que par la conoissance de leur première origine, et de l’écart, pour ainsi dire, qu’un mot a fait de sa première signification et de son premier usage : ainsi cette figure mérite une atention particulière ; elle regne en quelque sorte sur toutes les autres figures.
[Dédicace] À la Mémoire de Μ. […] Maurice de Frémeuse, dans la Veuve, se tue au pied de la croix où il avait juré une éternelle fidélité à l’ami dont il vient de trahir la mémoire. […] Des fortunes venues on ne sait d’où et jetées, en quelques semaines, par toutes les fenêtres de l’inconnu ; des nababs qui ont quelque part une brave femme de maman, levée avant l’aube et discutant d’un liard avec la servante ; le fils d’un revendeur de ferraille seul à une table de jeu, en face du premier personnage de l’État ; d’anciennes danseuses confites en bourgeoisie ; de grandes artistes qui sont de grandes courtisanes ; des savants à mine d’apôtres et à cœur de tartufes ; un gentilhomme échappé miraculeusement à la correctionnelle, et qui fait figure dans le monde ; un marquis ne dînant qu’au buffet des maisons où on l’invite ; de faux ménages connus pour tels et accueillis partout ; une œuvre philanthropique pourvoyeuse de mort ; une institution financière luxueusement installée, avec une caisse monumentale, qui ne sert qu’à garder les mémoires du garçon de bureau… Il n’y a qu’un Paris où l’on puisse voir des choses semblables, comme dit le naïf Passajon, anciennement huissier près la Faculté des lettres de Dijon.
Quand le public applaudit outre mesure, c’est que l’œuvre est médiocre et peu viable ; il est inutile de citer des exemples, que tout le monde a dans la mémoire. […] J’ai nommé Balzac qui, tout en conservant les moyens artificiels de la publication en volumes, a su créer un monde dont les personnages vivent dans les mémoires comme des personnages réels. […] Ce drame est la mise en œuvre d’une cause célèbre, l’affaire Gras, qui est encore présente à toutes les mémoires.
Il y avait des familles saxonnes à la fin du douzième siècle qui, par un vœu perpétuel, s’étaient engagées à porter la barbe longue, de père en fils, en mémoire des coutumes nationales et de la vieille patrie.
Il vient, il vient, Bacchus toujours beau, toujours jeune ; Bacchus a le premier établi les joies du vin ; les dons de Bacchus sont un trésor ; le vin est le plaisir du soldat ; riche est le trésor, doux est le plaisir ; doux est le plaisir après la peine795. » — Et sous les sons vibrants, le roi se trouble ; ses joues s’enflamment, ses combats lui reviennent en mémoire ; il défie les hommes et les dieux.
L’éminent académicien qui, avant M. de Heredia — et plus simplement peut-être — acquit une juste gloire en confectionnant d’adorables et doux petits sonnets, dont les vers faciles chantent dans toutes les mémoires, M.
Parmi elles nous trouvons Lady Mary Wortley Montague, qui a tout le caprice de Cléopatre, et dont les lettres sont charmantes à lire, Mistress Centlivre, qui écrivit une brillante comédie, Lady Anne Barnard dont Le Vieux Robin Gray a été décrit par Sir Walter Scott comme valant « tous les dialogues qu’ont jamais eus ensemble Corydon et Phyllis, depuis Théocrite jusqu’à nos jours » et qui est certainement une très belle et très touchante poésie, Esther Vanhomrigh, et Hester Johnson, la Vanessa et la Stella de la vie du Doyen Swift ; Mistress Thrale, l’amie du grand lexicographe ; la digne Mistress Barbauld ; la laborieuse Joanna Baillie ; l’admirable Mistress Chapone, dont l’Ode à la Solitude fait toujours naître en moi une ardente passion pour la société, et qui restera dans la mémoire au moins comme directrice de l’établissement dans lequel fut élevée Becky Sharp, Miss Anna Seward, qui fut appelée « le Cygne de Lichfield » la pauvre L. […] Ce petit poème restera dans les mémoires, aussi longtemps qu’y restera Thyrsis et Thyrsis ne sera jamais oublié.
Mais, au bout d’un mois, une « première », si brillante et si parisienne qu’elle ait été, n’est plus qu’un événement petit et lointain, qui nous est devenu presque aussi indifférent que les autres petits événements du même jour ; et il nous faut un très grand effort pour en ressusciter en nous la mémoire. […] Catulle Mendès, que Photine a laissé au fond de la cruche « l’orgueil cruel d’être une embûche vivante et rose. » Lorsque Photine lui dit que, tout le temps qu’il parlera, « il sentira sous ses pieds des cheveux de femmes », il faut croire que l’image lui agrée : car bientôt, — tandis que les jolies comédiennes de la Renaissance sont toutes couchées autour de lui en des poses voluptueuses, — après avoir dit, du ton d’un héros de drame historique : Lorsqu’on évoquera ma figure lointaine, Toujours la Madeleine ou la Samaritaine, La femme de Sichem ou bien de Magdala, Toujours une de vous, près de moi, sera là ; (ce qui rappelle la dernière phrase d’Adrienne Lecouvreur : « Et la postérité, charmée par nos amours, ne séparera plus dans sa mémoire Maurice et Adrienne », ou quelque chose d’approchant), il se ressouvient tout à coup des cheveux et ajoute ces vers « troublants » : Et ce sera ta gloire encor que l’on confonde Parfois ta tresse rousse avec sa tresse blonde. […] Brunetière, vous vous direz que Geoffroy devrait être un des grands noms de la critique, et vous vous étonnerez de ce que sa mémoire a, en somme, de peu reluisant.
Je signale surtout les contradictions presque perpétuelles entre les différentes parties de la République, contradictions qui indiquent très bien (et c’est un renseignement précieux) que Platon ne possède nullement, ou écrit, ou fortement dessiné dans son cerveau et arrêté dans sa mémoire, un plan de son gouvernement, de sa cité, de sa ville idéale ; mais qu’il improvise et cause sur sa ville idéale, conformément à deux ou trois idées d’ensemble ; mais, du reste, avec si peu de précision d’esprit ou de parti arrêté relativement au détail, et au détail important, que quand une question déjà traitée se présente à nouveau, ce qui arrive souvent, il lui donne une solution très différente de celle qu’il lui a précédemment donnée. […] Je ne rapporte donc la théorie de l’Ion presque que pour mémoire. […] Et c’est aussi de cette conception qu’il s’inspire dans les Lois quand il dit, sans s’expliquer assez, qu’il met au premier rang la tyrannie intelligente secondée par un législateur habile, au second rang le gouvernement monarchique (à pouvoirs restreints et « enchaîné par les lois »), au troisième rang « une certaine espèce de démocratie » (celle probablement qui délègue ses pouvoirs à un très petit nombre de chefs), au quatrième l’oligarchie, détestable « parce que c’est dans l’oligarchie qu’il y a le plus de maîtres » (souvenir des Trente tyrans), et quand il dit : « La première chance de bonne législation, c’est qu’il y ait un tyran jeune, tempérant, doué de pénétration, de mémoire, de courage et de grands sentiments ; la seconde, c’est qu’il se trouve deux chefs tels que celui que je viens de peindre ; la troisième lorsqu’il y en a trois ; et en un mot la difficulté de l’entreprise croît avec le nombre de ceux qui gouvernent et, au contraire, plus ce nombre est petit, plus l’entreprise est facile. » Et voilà des conclusions éminemment monarchiques ; mais, d’autre part, Platon reconnaît en souriant, et dans le Politique et dans les Lois, que ce bon tyran est une chimère, que « l’on ne voit point paraître dans les villes comme dans les essaims d’abeilles de roi tel qu’il l’a dépeint, qu’on aimerait dès qu’on le verrait, et qui constituerait la seule forme de gouvernement qu’approuve la raison » ; et aussi que « rien ne serait plus facile que d’établir de bonnes lois, supposé ce bon tyran ; mais que ceci doit être dit à la manière des oracles, c’est-à-dire comme une fable ».
Il était, avec sa magnifique mémoire et son abondance de renseignements sur toutes choses, admirablement désigné pour cet office. […] Adam, parler des Mouettes, sachant que les Mouettes c’était le Serpent noir évolution zoologique), et le Serpent noir étant dans toutes les mains et dans toutes les mémoires. […] Si un homme revenait à la lumière quelques années après sa mort, je doute qu’il fût revu avec joie par ceux-là mêmes qui ont donné le plus de larmes à sa mémoire, tant on forme vite d’autres liaisons, tant l’inconstance est naturelle à l’homme, tant notre vie est peu de chose, même dans le cœur de nos amis. » L’abbé Morellet fut révolté de pareils propos. — « Ah !
Dans toute mémoire désormais, le nom de Penthéa, de la pauvre Penthéa, est sali… Pardonnez-moi, oh !