/ 2379
1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il est vrai qu’on a trouvé dans les papiers du sieur Niepz un mémoire de ce polisson pour bouleverser sa taupinière, et je vous réponds que si Jean-Jacques s’avisait de venir, il courrait grand risque de monter à une échelle qui ne serait pas celle de la Fortune. […] Ce ne sont à Ferney que requêtes sur requêtes, de toute forme et de toute espèce : tantôt Lally-Tollendal plaidant pour réhabiliter la mémoire de son père, tantôt une directrice de théâtre à Lyon à laquelle on retire son privilège ; aujourd’hui d’Étallonde songeant à faire reviser son procès, demain les main-mortables de Saint-Claude à affranchir de la glèbe monacale et à rendre sujets du roi.

1248. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Ce ne sont là que propos et rumeurs ; les auteurs de Mémoires trop souvent en vivent. […] Vauban écrit pour lui, et à sa demande, un Mémoire pour servir d’instruction sur la conduite des sièges : « un livre, disait-il en hochant la tête, rempli de la plus fine marchandise qui soit dans ma boutique, et telle qu’il n’y a assurément que vous dans le royaume qui en puisse tirer de moi de semblable. » Il fait de Louvois son élève et son confident dans l’art des sièges.

1249. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Maurice de Guérin, dans les années où il a écrit les pages qui le recommandent à la mémoire comme artiste, les belles pages dont on se souviendra dans une histoire de l’art, — ou des tentatives de l’art au xixe  siècle, — avait cessé de croire et de prier. […] » Il meurt, et dès lors sa vie, à elle, n’est plus qu’un deuil, une consécration de toutes ses pensées et de toutes ses heures au cher et unique absent, un soin religieux de sa mémoire, un dialogue avec lui d’un monde à l’autre.

1250. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

« Que ces mots : « Je vais me battre en duel pour la cause la plus futile et la plus absurde », écrits d’une main calme et ferme par Dujarier, une heure avant qu’il reçut le coup mortel, ne s’effacent jamais de la mémoire d’aucun de nous. […] Enfin au lendemain de février 1848, après la proclamation de la République, un projet de députation ayant été formé dans les Écoles pour aller rendre un hommage public à la mémoire d’Armand Carrel sur sa tombe, M. de Girardin déclara qu’il y serait des premiers et se joindrait au cortège, ce qu’il ne manqua pas de faire.

1251. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Ce dernier, Browne, en même temps qu’il est moderne et encourageant par certaines de ses vues, a des retours d’une belle tristesse et d’un profond scepticisme sur les naufrages du passé : « L’injuste oubli, dit-il, secoue à l’aveugle ses pavots, et traite la mémoire des hommes sans distinguer entre leurs droits à l’immortalité. […] Mizraïm guérit les blessures, et Pharaon est vendu pour fabriquer du baume… Le plus grand nombre doit se contenter d’être comme s’il n’avait pas été et de subsister dans le livre de Dieu, non dans la mémoire des hommes.

1252. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Dès ce moment, études, voyages sur les traces de la sainte, manuscrits à consulter, renseignements et traditions populaires à recueillir, l’auteur fervent ne négligea rien ; il embrassa cette chère mémoire : il se fit le desservant, après des âges, de cette gloire séraphique oubliée. […] Fille de paysans, sans éducation, elle ne pouvait composer ses tableaux de mémoire ; sa bonne foi d’ailleurs, sa simplicité parfaite, sa piété ardente, sont attestées par les hommes les plus éclairés qui la visitèrent.

1253. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Mais il ne faut pas les prendre comme usitées et traditionnelles ; il ne faut pas y être conduit par l’opération mécanique de la mémoire : il faut qu’elles jaillissent, créées à nouveau pour un besoin nouveau, du sentiment intime et de l’imagination personnelle. […] Hugo écrit : Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente, Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante,           Vos Iena sonnant du clairon, Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille Passent pendant qu’il (Dieu) songe, et font à son oreille           Le même bruit qu’un moucheron ; l’esprit, n’ayant besoin d’aucun effort pour ramener l’idée du mot propre, les batailles et les victoires, n’ayant même pas à repasser par ce mot propre, s’abandonne tout entier à l’impression de la figure, et l’imagination voit défiler toutes les scènes terribles ou glorieuses que ces grands noms font surgir de la mémoire.

1254. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

À consulter : Frères Parfait, Mémoires pour servir à l’histoire des spectacles de la Foire par un acteur forain, 1743, 2 vol. in-12 ; Desboulmiers, Histoire du. théâtre de l’Opéra-comique, 1769, 2 vol. in-12 ; Lesage et d’Orneval, le Théâtre de la Foire, 1721-1737, 10 vol. in-12 ; Brazier, Chronique des petits théâtres, éd. d’Heylli, Paris, 1883, 2 vol. in-16 ; M.  […] Théâtre, 1763-1772, 10 vol. in-8 ; 1813, 3 vol. in-12 (théâtre choisi) : Mémoires et correspondance littéraires, Paris, 1808, 3 vol. in-8.

1255. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Dès lors le poète est délivré de l’embarras des opérations intellectuelles : il a fait passer dans sa sensation son idéal ou sa doctrine ; il n’a que faire d’analyser ; il n’a qu’à utiliser son admirable mémoire des formes, et ce don qu’il a de les agrandir, déformer ou combiner sans les détacher de leur soutien réel, ce don aussi de suggestion qui lui fait trouver des passages inconnus entre les apparences les plus éloignées. […] Rien de plus achevé, de plus neuf que ces petites pièces, la Mémoire, l’Habitude, les Chaînes, la Forme : il faudrait citer presque tout le recueil.

1256. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire. […] C’est ainsi qu’il imagine, dans le Nabab, les mémoires de Passajon, et, dans l’Immortel, les lettres du candidat Freydet à sa sœur.

1257. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

On arrive par l’échafaud à l’apothéose ; les caractères ont des traits accusés, qui les gravent comme des types éternels dans la mémoire des hommes. […] Les uns, se rattachant au principe de l’immortalité philosophique, se représentèrent les justes vivant dans la mémoire de Dieu, glorieux à jamais dans le souvenir des hommes, jugeant l’impie qui les a persécutés 159. « Ils vivent aux yeux de Dieu ; … ils sont connus de Dieu 160 », voilà leur récompense.

1258. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

L’accident de février, cette catastrophe immense dont nous faisons tous partie et dont nous sommes tous les naufragés, sera présent à ma mémoire. […] Pour moi, quand j’ai lu quelques-unes de ces hautes leçons si nettes et si tranchées sur l’Histoire de la civilisation, je rouvre bien vite un volume des Mémoires de Retz, pour rentrer dans le vrai de l’intrigue et de la mascarade humaine.

1259. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Tourmenté la nuit par l’insomnie, il lisait sans cesse, et, doué d’une vaste mémoire, il n’oubliait rien de ce qu’il avait lu une fois. […] Sur les Lettres de Mme Du Deffand, de Mlle de Lespinasse, sur les Mémoires de Mme d’Épinay et la Correspondance de l’abbé Galiani, il a écrit des pages justes qu’on relit avec plaisir.

1260. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Saint-Simon, dans ses mémoires, a tellement rendu au vif cette entrée de Fénelon à la Cour, cette initiation dans le petit monde particulier de Mme de Maintenon, des ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, cette rapide fortune de l’heureux prélat, sitôt suivie de tant de vicissitudes et de disgrâces, tout ce naufrage d’espérances qui est aujourd’hui une touchante partie de sa gloire, qu’on ne saurait que renvoyer à un tel peintre, et que ce serait profanation de venir toucher à de pareils tableaux, même lorsqu’on peut croire qu’il y a quelques traits hasardés. […] Nous en savons maintenant là-dessus, à certains égards, plus que n’en savait Saint-Simon : nous avons les lettres confidentielles que Fénelon adressa de tout temps au jeune prince, les mémoires qu’il rédigea pour lui, les plans de réforme, toutes pièces alors secrètes, aujourd’hui divulguées, et qui, en permettant de laisser à l’ambition humaine la place qu’il faut toujours faire aux défauts de chacun jusque dans ses vertus, montrent celles-ci du moins au premier rang, et mettent désormais dans tout son jour l’âme patriotique et généreuse de Fénelon.

1261. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

 » La mémoire de Mme du Châtelet avait besoin de la publication de ces lettres pour se réhabiliter un peu du tort célèbre de cette infidélité dernière. […] Sur l’absence complète de pudeur chez Mme du Châtelet, il faut voir les Mémoires de Longchamp, lorsqu’elle se fait servir par lui étant nue au bain et sans prendre garde qu’il est un homme.

1262. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

J’y trouve tout d’abord « un vide occasionné par un défaut de mémoire ». […] Un homme de la race aristocratique, mais élève de Rousseau, et qui n’avait pas beaucoup plus que lui le sentiment et la crainte du ridicule, M. de Chateaubriand, a repris dans René et dans ses Mémoires cette manière plus ou moins directe d’aveux et de confessions, et il en a tiré des effets magiques et surprenants.

1263. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Dans un premier livre il traite de l’esprit proprement dit, et de ses principales branches, imagination, réflexion et mémoire ; dans le second livre il traite des passions ; dans le troisième il traite du bien et du mal moral, en d’autres termes, des vertus et des vices. […] Seulement, en homme respectueux et sage, il évitait de porter la controverse sur ce terrain, où ses amis, n’ayant pu l’attirer lui-même, essayèrent depuis d’entraîner sa mémoire.

/ 2379