/ 2234
755. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Mais ces lois furent provoquées par lui-même avec une constance opiniâtre. […] Voici son plan ; c’est elle qui parle : « Je me suis proposé d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs et des lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la religion, les mœurs et les lois. […] On voit par cet arrangement, et d’après la loi de la perfectibilité progressive, qu’elle n’occupe pas un rang médiocre. […] Ses lois le font aimer de ceux qu’ont subjugués ses armes. […] On y observait les lois.

756. (1887) Essais sur l’école romantique

Hugo n’est pas exempt, j’allais dire est moins exempt que personne de cette loi, triste lot de notre nature, qui s’étend jusqu’au génie, et ne le laisse pas longtemps marcher, sans qu’il trébuche ou qu’il tombe. […] Question grave que je propose à ceux qui s’occupent sérieusement de la destinée des genres, et qui se chagrinent de les voir s’affranchir des lois qui les régissent, et changer d’allure. […] Par une loi de l’esprit assez générale, il lui faut du calme à l’extérieur pour revenir avec fruit sur des souvenirs orageux : au contraire, les temps de troubles le portent à la nonchalance plutôt qu’au recueillement ; il y sent plus le besoin de dormir que de rêver. […] Notre jeune poète s’est fait aussi cette question avant de publier son recueil ; il y répond dans sa préface : « L’Art, écrit-il, a sa loi qu’il suit. […] Sa loi est de vivre, n’importe comment, et non pas de se mettre sur les bras une jeunesse nourrie d’études fortes et de croyances.

757. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Fi des doctrines, des lois de l’art ou de l’esprit humain ! […] S’il veut qu’on n’oppose à l’artiste d’autres lois que celles de son art, il veut aussi que dans son œuvre brille un rayon d’idéal. […] Le génie échappe aux lois de la nature ; il est tout individuel. […] Il ne songe pas certes à assujettir derechef les poètes aux antiques entraves, à les remettre sous la loi d’Aristote aggravée par Boileau ! […] C’est la loi du monde que ce flux perpétuel des choses.

758. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Quel intérêt y pouvons-nous prendre, à moins que d’y chercher quelque renseignement sur les lois générales du langage ? mais quel intérêt à ces lois, si nous n’espérions pas y trouver l’expression de quelque rapport inaperçu du langage avec la pensée ? […] Aussi bien, c’est une loi de nature qu’il n’est pas permis aux poètes d’être médiocres. […] Mais, au contraire, de cette même loi qui pèse à Corneille, de cette loi des unités, Molière et Racine ont fait la loi intérieure de leur art. […] On sait ce que c’était, au mois d’août 1793, que la rigueur des lois.

759. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

— jusque dans l’Esprit des Lois. […] Savez-vous comment il nous adjure de pratiquer fidèlement la loi du jeûne ? […] Il est vrai que Marivaux, puisqu’on le veut, « a formulé la loi du progrès ». […] On sait bien que les lois étaient sévères, inhumaines, attardées comme qui dirait de quelque deux ou trois cents ans sur l’esprit du siècle ; on ne sait pas ce que la douceur des mœurs administratives apportait de tempéraments à la rigueur des lois ; — et là pourtant est toute la question. […] Mais, en dehors de ces lois générales, — au-dessus, au-dessous, à côté d’elles, je n’en sais rien ni n’ai besoin d’en rien savoir, — il y a des lois particulières, qui ne dépendent plus, ou qui dépendent bien moins de la constitution de l’esprit humain que de la nature des moyens d’expression propres et exclusifs à chacune des grandes formes de l’art ; lois spéciales, lois techniques, lois enfin qui ne sont plus données à priori, mais qui se créent elles-mêmes et d’elles-mêmes à posteriori, c’est-à-dire à mesure du progrès de l’art.

760. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Et quelle impression inquiétante et douloureuse de se savoir un phénomène, de sentir violées en soi les habitudes, sinon les lois de la nature ! […] Vous la loi ; toi la famille. La loi peut me rendre l’argent de ma dot, si elle le retrouve ; la famille peut me rendre ma chambre de pensionnaire, et puis c’est tout. […] N’est-ce pas à la fois la suprême sagesse pratique et le plus bel hommage (quoique détourné) à la loi morale ? […] ) un je ne sais quoi qui viole une loi de la nature et qui offense une pudeur.

761. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Comment la littérature échapperait-elle à l’une des lois, ou peut-être même à ce qu’on pourrait nommer la loi du dix-neuvième siècle ? […] Mais, à ma grande honte, j’avoue n’avoir jamais étudié le code qui contient les lois à l’aide desquelles il est permis au premier venu de produire des œuvres réalistes. […] Le costume de chaque époque est régi par des lois inconnues, hygiéniques, qui se glissent dans la mode, sans que celle-ci s’en rende compte. […] C’est la loi du monde, loi fatale, mais grandiose, qui réduit pour nous la question à savoir, non pas si nous égalerons celui-ci ou celui-là, mais quels résultats nous saurons tirer de nos moyens. […] Grande leçon, il me semble, qui prouve que rien ne peut prévaloir contre la loi du progrès.

762. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il veut tirer de l’histoire une loi positive et active pour lui-même et pour nous. […] Par elle, ils ont aperçu l’esprit des siècles, des civilisations et des races, et transformé en système de lois l’histoire qui n’était qu’un monceau de faits. […] Il considère comme un être mystérieux et sublime le Dieu qu’ils considèrent comme une forme ou comme une loi. […] Comme de la loi on déduit la série, vous pouvez dire qu’elle l’engendre, et considérer cette loi comme une force. […] Il a rassemblé sous un héroïsme les fragments épars qu’Hegel réunissait par une loi.

763. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Cette société des camps a des lois sociales plus étroites, plus promptes, plus absolues, plus draconiennes que les lois de la société civile. […] L’administration, c’est la méthode du gouvernement, c’est cette syntaxe des lois, c’est ce mécanisme admirable des rouages intérieurs à l’aide desquels la volonté et l’action du pouvoir se transmettent avec régularité de la tête aux membres, pour imprimer à chaque chose éparse ou à chaque individu isolé l’unité et la force de l’ensemble. […] La société est au premier venu quand ce premier venu se dévoue à elle et non à lui-même ; voilà la loi de la conscience quand il n’y a plus que la conscience pour loi. […] Dieu semblait lui avoir révélé les lois qui font que tous obéissent et qu’un seul commande ; il n’avait pas seulement l’instinct monarchique, il était la monarchie à lui tout seul, inhabile à obéir, incapable d’autre chose que de commander. […] C’est une grande et salutaire leçon de la nécessité et de la sainteté du gouvernement donné au peuple ; c’est la réhabilitation de l’autorité par l’histoire ; l’autorité est la force exécutive de la loi morale ; mais il faut la recevoir et non la prendre cette autorité, et quand on l’a reçue, il faut l’employer au bien de ses semblables et non à la gloire étroite de son propre nom.

764. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Enfin, d’après les lois de la conservation de la force, aucun savant ne doute que le mouvement n’ait toujours existé et ne doive exister toujours. — Ainsi, de même qu’il y a des caractères communs dont la présence continue relie entre eux les divers moments de l’individu, de même il y a des caractères communs dont la présence multipliée et répétée relie entre eux les divers individus de la classe. […] Chacun d’eux, par lui-même et par lui seul, en entraîne avec soi un autre qui est son compagnon, son antécédent ou son conséquent, et fait avec lui un couple qu’on appelle une loi. […] On montre un chien à un très jeune enfant, et on lui dit, dans le langage des nourrices, en imitant, tant bien que mal, l’aboiement de la bête : « C’est un oua-oua. » Ses yeux suivent le geste indicateur ; il voit le chien, entend le son, et, après quelques répétitions qui sont son apprentissage, les deux images, celle du chien et celle du son, se trouvent, d’après la loi d’association des images, associées à demeure dans son esprit. […] Ce ne sont pas seulement les grosses masses célestes qui s’attirent mutuellement ; toutes leurs molécules, les plus éloignées comme les plus rapprochées, s’attirent entre elles suivant la même loi, en raison directe de leur masse et en raison inverse du carré de leur distance. — La pesanteur ainsi définie est un caractère si persistant, qu’il semble indestructible ; chaque corps conserve la sienne, toujours égale et intacte, à travers tous les changements d’état qu’on peut lui faire subir et dans toutes les combinaisons chimiques où il peut entrer. […] Or il n’y a pas d’individu naturel ni d’événement effectif qui n’y puisse entrer ; qu’il s’agisse d’un corps ou d’un esprit, d’un changement externe ou interne, sitôt que nous apercevons une chose ou un fait, nous le mettons dans sa classe, c’est-à-dire avec d’autres semblables ; bien mieux, dès que l’objet est pensé par nous, il évoque spontanément en nous, sans que nous le voulions et par la seule loi d’association des idées, d’autres objets plus ou moins semblables.

765. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

non, un site vide d’habitudes et de lois, une solitude de monts, de champs et de forêts, une hauteur au milieu d’étendues impeuplées, des campagnes profondes où nul langage ne soit de droit, un pays sans oriflamme ; s’il est un site dans le monde où plane l’exceptionnalité du sans-patrie, qu’en ce terroir auguste s’élève l’édifice très abstrait du moderne théâtre. […] C’était sans doute, disais-je, l’effet acquis des précédentes pauvres et non stériles années : tandis que, banni des cités, il menait dans les exils le désespoir des vieux efforts chutés, l’espoir des avenirs, — oui, dans la solitaire méditation, libre des lois reçues, dans la méditation tout grandissante et terrifiée de se voir grandir, dans la méditation obstinée de l’esprit qui veut le plus loin. — Richard Wagner comprit que la musique (ainsi dit M.  […] Quelle est la loi de la totalité sensationnelle qu’est la vie ? […] Richard Wagner conçut que toutes sensations procédaient de cette loi, et qu’en elle se synthétisait la vie. Dans le Parsifal il expliquera le monde sensationnel selon sa loi.

766. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Les lois du mouvement, la chute des graves libres ou sur des plans inclinés, les forces centrifuges et d’attraction, la mécanique et l’hydraulique. Les lois du mouvement et de la chute des corps, perpendiculaire ou oblique, sont des connaissances préliminaires de la mécanique, science de première utilité. […] (Les lois du mouvement, de la chute des corps et les forces.) […] On n’oriente ni les édifices publics ni les édifices particuliers, on ne trace ni méridienne ni cadrans sans éléments d’astronomie ; il est cependant plus important de connaître les lois et les mœurs de son pays que la théorie de la lune ou des comètes, mais les sciences sont si faciles de nos jours, et les enfants ont tant de temps devant eux ! […] Mais entend-on Démosthène, ses Philippiques, ses autres discours, sans être instruit des lois, des usages et de l’état de la République, lorsqu’il parut ?

767. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Fior d’Aliza (suite) Chapitre IV (suite) CIV — J’avoue, monsieur, que je n’y avais jamais pensé et que je restai muet à cette réponse ; mais si ma parole ne pouvait repousser sa raison, toute ma vie en moi protestait contre cette iniquité de l’homme de loi. […] Il y avait de quoi fendre le tronc de l’arbre, mais non le cœur de l’homme de loi. […] dit l’homme de loi. […] — Écartez ces misérables insensés, s’écria l’homme de loi, qui font violence à la justice ! […] — Vous êtes témoins, disait l’homme de loi, que ce jeune insensé s’est opposé avec violence, et une arme à la main, à l’abattement de l’arbre, et qu’il fait opposition à la justice.

768. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Il n’y a rien à redire aux juges, ils ont fait selon leur loi, mais la loi de Dieu et la loi du cœur ne défendent pas d’avoir de la compassion pour lui. […] C’est une belle loi de Lucques, n’est-ce pas, celle-là, c’est une loi de vrais chrétiens qui donne le temps de revenir à Dieu avant que de quitter la terre, et qui suppose déjà innocents ceux à qui Dieu lui-même va pardonner au tribunal de sa miséricorde ?

769. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il n’y avait pas besoin de loi contre elles, il suffisait de l’ostracisme du dégoût. […] IV Nous ne pousserons pas plus loin la démonstration de l’incompatibilité de la vie publique dans les femmes avec la vie domestique qui leur a été dévolue, non par la loi, mais par la nature, oracle de la loi. […] Le commérage relevé à la dignité d’entretien, tantôt léger, tantôt sérieux, passa en loi. […] La parole était à tout le monde ; c’était le bruit général d’un grand déplacement de foi, d’idées, d’institutions, de souveraineté, de lois, de mœurs, de préjugés, devant la raison, devant la philosophie, devant la nation, qui s’avançaient pour tout remplacer ou pour tout confondre.

770. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Je n’ai pu prendre mon parti de ces séries de vocables qui, étant enchaînés selon les lois d’une syntaxe, semblent avoir un sens, et qui n’en ont point, et qui vous retiennent malicieusement l’esprit tendu dans le vide, comme un rébus fallacieux ou comme une charade dont le mot n’existerait pas… En ta dentelle où n’est notoire Mon doux évanouissement, Taisons pour l’âtre sans histoire Tel vœu de lèvres résumant. […] Je veux le voir derrière les barreaux d’une geôle, comme François Villon, non pour s’être fait, par amour de la libre vie, complice des voleurs et des malandrins, mais plutôt pour une erreur de sensibilité, pour avoir mal gouverné son corps et, si vous voulez, pour avoir vengé, d’un coup de couteau involontaire et donné comme en songe, un amour réprouvé par les lois et coutumes de l’Occident moderne. […] En deux mots, ils ont sans doute été catholiques par l’imagination et par la sympathie, mais surtout pour s’isoler et en manière de protestation contre l’esprit du siècle qui est entraîné ailleurs  par dédain orgueilleux de la raison dans un temps de rationalisme  par un goût de paradoxe  par sensualité même  enfin par un artifice et un mensonge où il y a quelque chose d’un peu puéril et à la fois très émouvant : ils ont feint de croire à la loi pour goûter mieux le péché « que la loi a fait », selon le mot de saint Paul : péché de malice et péché d’amour… Catholiques non pas pour rire, mais pour jouir, dilettantes du catholicisme, qui ne se confessent point et auxquels, s’ils se confessaient, un prêtre un peu clairvoyant et sévère hésiterait peut-être à donner l’absolution. […] Loi du devoir Si douce !

771. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Edgar Allan Poe7 Analyser l’œuvre d’Edgar Poe, discerner l’esthétique subtile, savante et parfaite, par laquelle il suscite, avec une certitude prévue, l’extrême de certaines émotions, remonter de ces moyens à ces effets, des artifices du style, de la psychologie, de la composition, aux propriétés intimes et essentielles, saisir enfin la cause dernière, l’âme même de Poe, complexe, ténébreuse, retorse et robuste, ayant d’un mécanisme d’acier le froid, le bleu, le fin et le dur, ce sera, d’une certaine manière, appliquer à cet artiste la loi du talion, le disséquer avec les instruments par lesquels il assume sur la plupart des esprits de ce siècle un ascendant impérieux et obéi. […] Dans cet essai philosophique où Poe déploie des facultés spéculatives analogues à celles des dialecticiens allemands et touche en passant à certaines propositions qui font partie des plus récentes hypothèses évolutionnistes, l’origine, c’est-à-dire la cause de la loi de la gravitation, sont recherchées. […] Le darwinisme est pressenti, ailleurs la loi du rythme et celle du principe d’hétérogénéité de Spencer exposées, que le panthéisme original de ce poème ne procède ni de Hegel, ni de Spinoza, ni des Alexandrins. […] Son habileté à intéresser par des procédés de style, des âmes factices, des séries d’événements cauteleusement rapprochés, des suggestions et des surprises, perdrait vite tout ascendant, si le conteur n’avait tenu compte par instinct d’une loi de psychologie que l’école allemande a formulé presque mathématiquement et dont on peut saisir l’effet dans la diminution de plaisir à la répétition d’un morceau bissé, dans la lecture de moins en moins fructueuse d’un roman parcouru de suite. […] Poe perçoit le rapport défini9 de cause à effet entre les moyens littéraires à employer et l’effet émotionnel fictif à produire, entre la constitution interne des personnages et leurs actes, entre un fait et ses conséquences possibles, entre toutes les parties de l’œuvre, entre ses propres facultés et leur emploi loisible, enfin, dans l’Eurêka, entre certaines hypothèses et certaines lois actuelles.

/ 2234