/ 2234
720. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet a eu bien du mal à ne pas lire dans l’Esprit des lois quelques réclames pour la candidature Syveton. […] Et il trouve la raison de cette loi dans le sens du mouvement de la terre. Cette dernière méditation, conduite avec art, m’apporterait d’agréables émotions intellectuelles si Mauclair ne m’informait qu’à ce moment le dictateur est rejeté dans la démence « par l’ironie des lois invisibles ». Si ces « lois invisibles » sont celles qu’il vient de découvrir, il me semble qu’il vient d’atteindre la sagesse ; s’il est dément, je désire qu’on m’indique les vraies « lois invisibles ».

721. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

La déformation Il faudrait être insensé pour vouloir dicter des lois dans une langue vivante. […] Cela est inévitable et cela est bien, puisque c’est conforme aux lois du mouvement et de la vie. […] Il est très certain que les lois qui ont présidé à la naissance du français continuent de guider sa vie et que l’Almanach Hachette lui-même est impuissant à modifier le gosier d’une race124. […] Cette déformation d’apparence bizarre, que j’ai recueillie personnellement, est des plus caractéristiques comme preuve de la perpétuité des lois qui ont guidé la création du français. […] Au tome II de son Origine et formation de la langue française, Chevallet a montré la permanence des lois linguistiques qui ont formé le français.

722. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Fait pour établir des lois, c’est-à-dire pour extraire du flux changeant des choses certaines relations qui ne changent pas, notre entendement est naturellement porté à ne voir qu’elles ; elles seules existent pour lui ; il accomplit donc sa fonction, il répond à sa destination en se plaçant hors du temps qui coule et qui dure. Mais la pensée, qui déborde le pur entendement, sait bien que, si l’intelligence a pour essence de dégager des lois, c’est afin que notre action sache sur quoi compter, c’est afin que notre volonté ait plus de prise sur les choses : l’entendement traite la durée comme un déficit, comme une pure négation, afin que nous puissions travailler avec le plus d’efficacité possible dans cette durée qui est pourtant ce qu’il y a de plus positif au monde. La métaphysique de la plupart des métaphysiciens n’est donc que la loi même du fonctionnement de l’entendement, lequel est une des facultés de la pensée, mais non pas la pensée même. […] Ils ont parlé de leur Espace-Temps en prenant pour accordés les deux points suivants : 1° Toutes les répartitions qu’on y peut faire en espace et en temps doivent être mises au même rang (il est vrai que ces répartitions ne pourront être faites, dans l’hypothèse de la Relativité, que selon une loi spéciale, sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure) ; 2° notre expérience d’événements successifs ne fait qu’illuminer un à un les points d’une ligne donnée tout d’un coup. — Ils semblent n’avoir pas tenu compte de ce que l’expression mathématique du temps, lui communiquant nécessairement en effet les caractères de l’espace et exigeant que la quatrième dimension, quelles que soient ses qualités propres, ait d’abord celles des trois autres, péchera par défaut et par excès tout à la fois, comme nous venons de le montrer. […] Elles sont toutes soumises à cette loi que le carré de leur partie Espace, diminué du carré de leur partie Temps (on est convenu de prendre pour unité de temps la vitesse de la lumière) donne un reste égal au carré invariable de la ligne droite A′ B′, celle-ci ligne de pur Espace, mais réelle.

723. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

. —  Comment et selon quelle loi varient les conceptions morales. —  La vie et la morale méridionales […] Longtemps ils subiront comme des entraves les nécessités qu’ils devraient embrasser comme des lois. […] Ce que nous prenions pour une difformité est une forme ; ce qui nous semblait le renversement d’une loi est l’accomplissement d’une loi. La raison et la vertu humaines ont pour matériaux les instincts et les images animales, comme les formes vivantes ont pour instruments les lois physiques, comme les matières organiques ont pour éléments les substances minérales. […] Quoi d’étonnant si les éléments de l’être, comme les éléments de la quantité, reçoivent de leur nature même des lois indestructibles qui les contraignent et les réduisent à un certain genre et un certain ordre de formations ?

724. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Exécuter la Loi n’est-ce pas un mérite ? […] Si nous exécutons la Loi, c’est qu’il l’exécute par nous. « L’homme est insuffisant, non seulement à accomplir la Loi, mais même à la commencer. […] En ce qu’ayant rejeté Esaü, il lui préféra Jacob, qui était plus jeune ; par un tel choix il a donné une enseigne manifeste de son amour libre de laquelle il n’aime sinon qui lui plaît. » Il est ainsi, c’est la loi divine : « Tous ceux sont haïs de Dieu qui sont étrangers de lui. » Et cette loi biblique, Calvin montre qu’elle n’est pas autre chose que la loi naturelle. […] Et l’on s’étonnera de voir s’appliquer aux choses du salut une loi qui est universelle ! […] N’a-t-il pas dit qu’on est sauvé par le seul fait « d’obéir à la Loi » ?

725. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Paul Hervieu, la Loi de l’Homme, il est clair que M.  […] Hervieu ne s’insurge pas un peu vite contre la « loi de l’homme », et avant d’avoir usé de tous les moyens de défense que cette loi même lui assure. […] — Mais moi, je refuse mon consentement. — Le mien suffit : le cas est prévu par la loi. — La loi de l’homme, toujours ! […] Ce dénouement est généreux et haut ; il rompt les mauvais effets de la « loi de l’homme » par l’obéissance à la loi supérieure, — loi de nature et loi sociale, — qui veut que les parents se sacrifient aux enfants, et le présent à l’avenir. […] pour toi, cette eau, — c’est la loi, la loi dure, — Cette eau pure, cette eau si pure, elle est impure !

726. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Leur état d’âme était précisément en contraste absolu avec le précédent, et l’on peut vérifier ici la seule loi de l’histoire littéraire, ou plutôt de l’histoire intellectuelle, à laquelle je croie, la loi d’éternelle action et réaction, la loi de constante réaction, d’une génération nouvelle contre celle qui la précède. […] D’un être ils ne savaient pas faire un type, sans du reste que le type cesse d’être un être, ce qui est la loi même du grand art. […] Voilà ses démarches, voilà ses lois, voilà son image complète. […] Pascal explique à Clotilde les lois de l’hérédité. […] Mais jamais, dans les Rougon-Macquart, il ne nous a dit avoir trouvé la loi du devoir.

727. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Tisias fut le premier qui recueillit les lois de l’éloquence dont la nature donne les premieres regles. […] On vit alors une grande diversité dans les moeurs comme dans les lois des provinces demeurées à la couronne de France. […] Le roman de Philomena écrit au dixieme siecle en romain rustique, n’est pas dans une langue fort différente des lois normandes. […] Ce n’est que dans le style des lois qu’il est permis de dire, le Roi auroit reconnu, le Roi auroit établi une lotterie. […] Il n’y a jamais eu aucun édit, aucune loi qui ordonnât qu’on adorât des idoles, qu’on les servît en dieux, qu’on les crût des dieux.

728. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Il en revenait encore de temps en temps à ses regrets et à son projet de ligue philosophique universelle : « Si les véritables gens de lettres étaient unis, ils donneraient des lois à tous les êtres qui veulent penser. » Mais il sentait bien qu’il n’avait pas de prise et qu’il ne l’entraînerait pas. […] Dans son genre et dans le cercle qu’il s’est tracé, il a de bonnes et utiles remarques de détail, et il justifie pleinement, quand il écrit, l’axiome de son temps qu’il professe avec Condillacj : « En s’appliquant à parler avec précision, on s’habitue à penser avec justesse. » Ses conversations étaient d’une tout autre nature et échappaient à cette loi ; bien qu’il y parlât fort net, je ne sais s’il en pensait toujours plus justement. […] Je convins de la sévérité, à certains égards, de nos lois criminelles, telles que la question préparatoire ; mais j’ajoutai, et je pense que, sans proscrire aucun genre de mort, il n’y aurait, pour la réforme de notre Code criminel, qu’à fixer une gradation de peines comme une gradation de délits.

729. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

L’amour est l’histoire de la vie des femmes, c’est une épisode dans celle des hommes ; réputation, honneur, estime, tout dépend de la conduite qu’à cet égard les femmes ont tenue, tandis que les lois de la moralité même, selon l’opinion d’un monde injuste, semblent suspendues dans les rapports des hommes avec les femmes ; ils peuvent passer pour bons, et leur avoir causé la plus affreuse douleur, que la puissance humaine puisse produire dans une autre âme ; ils peuvent passer pour vrais, et les avoir trompées : enfin, ils peuvent avoir reçu d’une femme les services, les marques de dévouement qui lieraient ensemble deux amis, deux compagnons d’armes, qui déshonoreraient l’un des deux s’il se montrait capable de les oublier ; ils peuvent les avoir reçus d’une femme, et se dégager de tout, en attribuant tout à l’amour, comme si un sentiment, un don de plus, diminuait le prix des autres. […] vous vous exposez, avec des cœurs sans défense, à ces combats où les hommes se présentent entourés d’un triple airain ; restez dans la carrière de la vertu, restez sous sa noble garde ; là il est des lois pour vous, là votre destinée a des appuis indestructibles ; mais si vous vous abandonnez au besoin d’être aimée, les hommes sont maîtres de l’opinion ; les hommes ont de l’empire sur eux-mêmes ; les hommes renverseront votre existence pour quelques instants de la leur. Ce n’est pas en renonçant au sort que la société leur a fixé, que les femmes peuvent échapper au malheur ; c’est la nature qui a marqué leur destinée, plus encore que les lois des hommes : et, pour cesser d’être leurs maîtresses, faudrait-il devenir leurs rivaux ?

730. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Elle y eut cet avantage de rencontrer un état social qui leur donnait plus d’empire, et lit une loi de leur goût. […] Telle qu’elle devint trop vile, avec sa technique compliquée et sa froide insincérité, avec l’insuffisance esthétique de son élégance abstraite et de sa banale distinction, que réparait la nature d’une langue chaude et sonore, la poésie provençale n’en avait pas moins un grand prix : c’était la première fois, depuis les Romains, que la poésie était un art, que le poète concevait un idéal de perfection formelle, et se faisait une loi de la réaliser en son œuvre. […] Celui qui n’est pas fait à tout souffrir, et à faire la volonté de l’objet aimé, n’est pas digne du nom d’amant. » Il n’y a pas un de ces mots par où l’imitation peint l’amour de Dieu, qui ne réponde à une des lois de l’amour courtois : tant les deux amours ne sont qu’une même essence !

731. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Ces règles étaient de trois sortes : les définitions des genres nettement séparés entre eux et sans communication ; les lois intérieures de chaque genre, qui faisaient prévaloir l’unité du type sur la diversité des tempéraments ; les préceptes du goût, qui limitaient l’artiste dans le choix des objets d’imitation et des procédés d’expression. […] Il brisera les formes trop arrêtées, trop fixes, qui ne se laissent plus manier par la pensée de l’artiste, ces habitudes tyranniques de composition et de style qui filtrent pour ainsi dire l’inspiration et éliminent l’originalité : en brisant les genres, les règles, le goût, la langue, le vers, il remettait la littérature dans une heureuse indétermination, dans laquelle le génie des artistes et l’esprit du siècle chercheraient librement les lois d’une reconstitution des genres, des règles, du goût, de la langue, du vers. […] Il démolissait les lois du goût, les règles des genres, leur division surtout et leur convention, tout ce qui s’opposait à la libre et complète représentation de la nature, saisie eu ce que chaque être possède de caractéristique, beau ou laid, il n’importe.

732. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Cette loi extraordinaire, qui suppose une diminution cérébrale de 20 à 30 ans, doit être l’effet d’une illusion de l’opérateur on s’expliquer par quelque circonstance particulière20. […] Sans doute le poids exceptionnel du cerveau du Byron et de celui de Cuvier donne à réfléchir ; mais les exceptions sont trop importantes pour que l’on puisse trouver dans la mesure du crâne ou dans le poids du cerveau les éléments d’une loi positive. […] On objectera que nous commençons à nous indigner, même des mauvais traitements infligés aux animaux : exemple, la loi Grammont ; oui, sans doute, nous nous indignons des cruautés, mais non de l’esclavage, ce qui est bien différent.

733. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Sans m’attacher à prouver cette assertion, il me suffira d’observer que l’esprit du clergé catholique, qui s’est emparé de tout temps de l’instruction publique, est entièrement opposé aux progrès des lumières et de là raison que tout favorise dans les pays protestants, et qu’il ne s’agit pas dans cette question d’examiner s’il n’a pas existé dans les pays catholiques de très-grands hommes depuis la renaissance des lettres ; mais si le grand nombre, si le corps de la nation est devenu plus éclairé et plus sensé : car le privilège du petit nombre de grandes têtes consiste à ne pas ressembler à leur siècle, et rien de leur part ne peut faire loi. […] Il serait à désirer qu’on eût aussi des catéchismes de morale et de politique, c’est-à-dire des livrets où les premières notions des lois du pays, des devoirs des citoyens, fussent consignées pour l’instruction et l’usage du peuple ; et une espèce de catéchisme usuel, qui donnât une idée courte et claire des choses les plus communes de la vie civile, comme des poids et mesures, des différents états et professions, des usages que le dernier d’entre le peuple a intérêt de connaître, etc. […] L’étude du droit public du saint Empire et des lois qui ont fait subsister ce corps, tant bien que mal, jusqu’à ce jour, fait aussi une grande partie de l’occupation de la jeunesse ; et c’est cette chaire, suivant qu’elle est bien ou mal remplie, qui décide en partie de la réputation de l’université.

734. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

En d’autres termes, la somme des choses qui existent, c’est le monde ; la loi, ou formule primitive, de laquelle on peut les déduire, c’est Dieu. […] Le nôtre prendra en aversion une métaphysique qui fait de Dieu non un roi et une personne, mais une loi abstraite et une force fatale, et qui remplace l’immortalité de l’individu par l’immortalité de la civilisation ou de l’espèce. […] N’écoutez pas ces esprits superficiels qui se donnent pour de profonds penseurs, parce qu’après Voltaire, ils ont découvert des difficultés dans le christianisme ; vous, mesurez vos progrès en philosophie par ceux de la tendre vénération que vous ressentirez pour la religion de l’Évangile… Ne fléchissez pas le genou devant la fortune, mais accoutumez-vous à vous incliner devant la loi.

735. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Le mépris des anciennes mœurs dans ce qu’elles avaient eu de simple et d’austère, la dérision de toute croyance à la loi morale, le recours suprême à la force, l’ambition impitoyable dans les chefs, toutes les convoitises serviles, le parjure, la perfidie, la bassesse dans les instruments, c’était le spectacle qu’avait eu devant les yeux le jeune Octave ; c’était l’école où il se forma pour l’empire. […] « C’est lui qui, soit qu’il ait traîné à son légitime triomphe les Parthes menaçants pour Rome, ou sur la rive orientale les Sères et les Indiens, régira de ses lois équitables le vaste univers. […] La vraie beauté de cette ode, c’est même, dans la bouche du chantre épicurien de l’empire, le retour aux grands souvenirs de la liberté romaine, à cette vaillante jeunesse née de soldats laboureurs ; c’est, avec une admirable concision, l’abrégé des victoires de la république ; puis la dernière strophe semble aujourd’hui pour nous une prédiction trop vraie arrachée au poëte, comme à ce prophète de l’ancienne loi qui maudit en voulant bénir.

736. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

L’auteur des Fleurs du Mal lui-même n’échappe pas à cette loi fatale. […] Quelques-uns protestèrent, on sait avec quelle indignation, contre les effets d’une loi inéluctable des civilisations vieillies. […] Ceux-là, il est vrai, avaient poussé l’horreur de la loi commune plus loin que tous les autres, jusqu’à avouer qu’ils souffraient de toute régularité dans la vie réelle. […] Sur tout ceci, on ne saurait avec un commencement de certitude donner une réponse, et encore moins affirmer une loi. […] D’aucuns jugeront puéril cet ensemble de lois et de formules que nous analysons, et nous n’en analysons que le petit nombre.

/ 2234