L’auteur de Mademoiselle Justine de Liron 13, qui connaît cette littérature aimable et intime beaucoup mieux que nous, vient de l’augmenter d’une histoire touchante, qui, bien qu’offerte sous la forme du roman, garde à chaque ligne les traces de la réalité observée ou sentie. […] Dieu me le pardonnera, je l’espère, puisque je m’en accuse sans détour ; mais à chaque ligne je substituais ton nom au sien ! […] La société s’y montre çà et là en quelques lignes dans sa dégradation rapide et sa frivolité mêlée de hideux.
Les livres scientifiques sont un fait ; la vie du savant pourra se résumer en deux ou trois résultats, dont l’expression n’occupera peut-être que quelques lignes ou disparaître complètement dans des formules plus avancées. […] On pourrait citer une foule de recherches qui pour l’avenir se résoudront ainsi en quelques lignes, lesquelles supposeront des vies entières de patiente application. […] C’est ainsi que des années entières d’études assidues se sont parfois résumées en quelques lignes ou quelques chiffres, et que le vaste ensemble des sciences de la nature s’est fait pièce à pièce et avec une admirable solidarité de la part de tous les travailleurs.
La doctrine de l’évolution, au contraire, montre qu’entre la science et les prévisions du vulgaire, toute ligne de démarcation est impossible ; qu’elles diffèrent en degré, non en nature, et qu’entre elles toute séparation absolue est illusoire et chimérique. […] Les choses que nous appelons égales (lignes, angles, poids, températures, sons, couleurs), sont celles « qui produisent en nous des sensations qu’on ne peut distinguer l’une de l’autre », l’idée d’égalité est tirée par abstraction des objets artificiels. […] De là vient que si nous voulons juger deux nuances de couleur, nous les plaçons côte à côte, que si nous voulons estimer deux poids, nous en prenons un dans chaque main, et que nous comparons leur pression, en faisant passer rapidement notre pensée de l’un à l’autre : et, « comme de toutes les grandeurs, celles d’étendue linéaire sont celles dont l’égalité peut être le plus exactement connue, il en résulte que c’est à celles-là qu’on doit réduire toutes les autres. » Car c’est le propre de l’étendue linéaire, que seule elle permet la juxtaposition absolue, ou pour mieux dire, la coïncidence, comme il arrive pour deux lignes mathématiques égales ; l’égalité devenant alors identité.
Son histoire est une fresque à la Rubens, jetée avec une fougue de pinceau qui ne lui permet pas de dessiner soigneusement et d’arrêter sa ligne avant de peindre : mais les physionomies, tant il en est plein, n’en ressortent que plus chaudement. […] Il n’a pas la discrétion de la ligne, et en cela l’artiste en lui fait défaut. […] [NdA] J’ai fait, depuis, un portrait de Saint-Simon plus développé, mais dans les mêmes lignes, pour servir d’introduction à l’édition correcte des Mémoires, publiée par les soins de M.
Des quatre noms qu’il cite, trois aujourd’hui sont unanimement salués et reconnus : Mme de Staël et Burke sont hors ligne ; Rivarol, moins relu, a laissé un nom brillant et comme un lointain phosphore. […] La ligne qui serait la sienne, et qui est de bonne heure enfoncée et détruite, est celle des Constitutionnels comme Mounier, Lally ; mais, plus résolu qu’eux et plus homme de guerre, il reste sur la brèche, il ne quitte point le champ de bataille en présence des vainqueurs ; il tient pied jusqu’à la dernière heure, et tant qu’il y a place pour une table et pour une feuille de papier. « Autant que j’ai pu vous connaître en vous lisant, lui écrivait Joseph de Maistre (homme pourtant d’une autre ligne), il me paraît que vous aimez faire justice.
Le cardinal Mazarin l’envoie aux lignes d’Arras qu’assiégeait le prince de Condé, alors engagé du côté des Espagnols. […] ce diable-là a été à l’attaque des lignes d’Arras ! […] Ces quelques lignes sur le prince de Conti, quelques autres, qui se rapportent à une date postérieure, sur le roi d’Angleterre Charles II, nous donnent la clef de leurs caractères.
Lancé à cet âge dans le tourbillon des événements publics, on ne peut lui demander compte que de la ligne générale qu’il suivit, et non des accidents particuliers ; il eut quelques écarts de plume ou de parole : et qui donc n’en eut point dans ces temps de convulsion universelle ? […] Michaud suivait alors cette ligne un peu vague de sentiments politiques. […] Il écrivit dans La Quotidienne du 19 janvier quelques lignes nobles et senties, bien d’accord avec son rôle de fidélité gémissante.
En lelisant, je ne puis m’empêcher de penser à Pierre Loti : à travers ces lignes le plus souvent sèches, on entrevoit les mêmes visions qui passent dans Pêcheur d’Islande ; on devine l’inguérissable nostalgie du marin qui s’attache à chaque coin de terre où il séjourne, s’en fait une patrie, et ensuite ne se trouve plus chez lui nulle part, même au pays natal, ayant éparpillé de son cœur sur toute la surface du globe. « Le départ du Pola, qui nous laisse ici, rompt l’unique lien qui nous rattachait encore à la patrie. […] L’art du savant, de l’historien, et aussi de l’artiste, c’est de découvrir les faits significatifs, expressifs d’une loi ; ceux qui dans la masse confuse des phénomènes constituent des points de repère et peuvent être reliés par une ligne, former un dessin, une figure, un système. La science et l’histoire, qui nous donnent comme le squelette de la réalité, reposent en somme, dans leurs lignes essentielles, sur un petit nombre de faits triés avec soin et, comme nous disions tout à l’heure, expressifs.
Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. […] A voir les avions se chercher, foncer l’un sur l’autre, se mitrailler, reprendre le large, revenir à la charge jusqu’à ce que l’un des deux s’enfuie ou tombe, je retrouve tout pur le plaisir passionnant des courses de taureaux : émotion pareille, l’arène est en haut. » Tout cela se résume dans cette profession de foi : Au risque de vous paraître fou, je déclare en mon âme et conscience que j’aime être ici ; j’aime la tranchée de première ligne, comme un « pensoir » incomparable ; on y est ramassé sur soi-même, toutes ses forces rassemblées ; on y jouit d’une entière plénitude de vie. […] Nous sommes aujourd’hui revenus en arrière pour longtemps de la ligne de feu où nous sommes depuis le 26 août, surtout depuis le 2 septembre.
Napoléon, à l’ouverture de la campagne de 1815, résolu à prendre l’offensive plus conforme à son génie et à celui de son armée, avait l’œil sur la frontière du Nord ; il y voyait Wellington et Blücher déjà prêts et unis, mais non tellement unis, quoique fort rapprochés, qu’on ne pût pénétrer entre eux et les couper dans la ligne même de soudure. […] Ayant traversé Charleroi et arrivé à Gilly, Napoléon, dont la vue se justifiait, et qui avait saisi le point faible de la ligne, le joint entre les Prussiens.et des Anglais, avait intérêt à amener les premiers dans des plaines de Fleurus pour.leur livrer bataille et les rejeter du côté de Namur, d’où ils venaient.
Lorsque la Révolution fut venue déranger quelque peu ces petites existences littéraires, au lieu des lectures dans les salons, on eut les Déjeuners dominicaux : c’est là que, durant quinze années au moins, les convives littérateurs se faisaient leurs confidences réciproques entre la poire et le fromage ; c’est là qu’on racontait à ses amis le sujet, le pian de son ouvrage, avant d’en avoir écrit une seule ligne ; à peine les premiers actes étaient-ils jetés sur le papier que l’on en faisait une lecture. […] Lorsqu’il arrive à l’un d’entre nous de faire un livre, l’opinion du Constitutionnel lui importe assez peu ; si le libraire s’en inquiète, il sait le tarif, et tout le problème consiste pour lui à renfermer le plus de choses dans le moins de mots, certain qu’il est que le Constitutionnel s’humanisera à raison de 1 fr. 60 cent, par ligne.
Un certain nombre de lignes imprimées où, neuf fois sur dix, sont relatés et commentés des événements d’une parfaite insignifiance : fêtes, mariages, scandales mondains, histoires de comédiens, et ce qu’ont dit ou fait les hommes du jour, qui sont souvent les hommes d’un jour. […] Il est enjoué, il est sérieux, il est sceptique, il est ému, il fait de l’esprit, il fait de la philosophie, parce que c’est son métier, à tant la ligne.
Coppée est celle d’un écolier, qui s’applique consciencieusement, mais qui, à chaque ligne de son pensum, bâille. […] Pendant trois cents vers encore, je m’étonne et m’amuse de l’ingéniosité des coupes, de ce que j’oserai appeler la ligne svelte et sinueuse du vers.
Ouvrez au contraire le livre ami, celui avec qui vous avez pris l’habitude de causer comme avec une personne, vous y découvrirez entre toutes les pensées des rapports harmonieux, qui les feront se compléter l’une par l’autre ; le sens de chaque ligne s’élargira pour vous. […] Tel d’entre nous qui se refuse encore à comprendre les bonnes pages de Zola, si admiré en Russie et relativement si classique dans les grandes lignes, goûtera sans résistance le naturalisme désordonnée sauvage des Tolstoï et des Dostoiewsky ; au contraire, ces crudités et ces violences lui apparaîtront comme le ragoût naturel de l’« exotisme ».
Ce mot, romantisme, a, comme tous les mots de combat, l’avantage de résumer vivement un groupe d’idées ; il va vite, ce qui plaît dans la mêlée ; mais il a, selon nous, par sa signification militante, l’inconvénient de paraître borner le mouvement qu’il représente à un fait de guerre ; or ce mouvement est un fait d’intelligence, un fait de civilisation, un fait d’âme ; et c’est pourquoi celui qui écrit ces lignes n’a jamais employé les mots romantisme ou romantique. […] Comme le déclarait il y a quarante ans tout à l’heure14 celui qui écrit ces lignes : les poètes et les écrivains du dix-neuvième siècle n’ont ni maîtres, ni modèles.
Et l’on ne voyait partout, la besogne terminée, que fautes d’impression s’épatant lourdement au beau milieu des phrases ou se suspendant ironiquement au bout de chaque ligne : le brave homme que le père Darnet ! […] Il lui faut toujours deux cents lignes pour y attabler une idée. » La critique est juste.
, oui, je ne sais quelle invention qui s’égare, qui trébuche, qui se coupe comme un cheval vicieux, qui s’aplatit, mais qui se relève pour s’aplatir encore ; une invention dont Ponson lui-même se moquait, avec un cynisme qui avait l’air d’un dandysme, quand les lignes manquant à son feuilleton, il disait : « Apportez-moi un cigare et je finirai ce chapitre », et qu’il le finissait ! […] Elle a dans sa phrase la volubilité de toutes les bergeronnettes et les linottes de la littérature ; mais cette phrase écourtée, presque toujours de quelques lignes, sautille d’alinéa en alinéa, comme un oiseau aux ailes coupées, sur les bâtons de son perchoir.