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648. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Mais libre aux décadents (mot amusant, chose historique, qualificatif comme gueux, comme sans culotte, anobli par ceux qui l’acceptent et l’assument, car symbolistes est bien insignifiant, terne et pédant), libre aux jeunes, avouons-le, de vous apporter, comme dit excellemment Moréas, « la Divine surprise ». […] Moi, très naïf et très libre, je dis nettement que Desbordes-Valmore fut un des plus grands d’entre tous les poètes. […] Le livre est clos par quelques poèmes en prose ou vers libres, très libres, qui ont fait école, paraît-il, mais ce n’est pas leur faute — car ils sont vraiment inimitables dans leur beauté mystérieuse et leur français, qui n’a rien de ronsardisant ni d’exotique — ce qui me semble l’omne punctum tulit. […] Est-ce bien l’âme de l’homme ou la libre fantaisie du poète qui est en jeu, qu’importe ! […] …………………………………………………… Libre, fumant, monté de brumes violettes, gracieux d’une grâce inédite, n’est-ce pas ?

649. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Mais dans tous, si l’on va au fond et à la souche, on retrouve, à travers la diction, de vives traces et comme des herbes folles de la végétation libre et vaste du xvie  siècle, sur lesquelles, je crois l’avoir dit ailleurs, le rouleau du tapis vert de Versailles n’a point passé. […] J’ai trouvé ce sentiment-là exprimé avec bien de l’onction résignée et de la tendresse dans les strophes nées un soir au plus beau site de ces rivages et sorties d’un de ces nobles cœurs dont j’ai parlé, strophes dès longtemps publiées, qui ont fait le tour des rochers sonores et qu’on n’a pas lues ici : Pourtant, ô ma Patrie, ô Terre des montagnes Et des lacs bleus dormant sur leur lit de gravier, Nulle fée autrefois errant dans tes campagnes, Nul esprit se cachant à l’angle du foyer, Nul de ceux dont le cœur a compris ton langage, Ou dont l’œil a percé ton voile de nuage, Ne t’aima plus que moi, Terre libre et sauvage Mais où ne croît pas le laurier. […] Dans cette série, il faut distinguer essentiellement les quatre premiers livres d’un Traité du lavis à l’encre de Chine ; qu’on ne s’effraye pas du titre technique : le lavis à l’encre de Chine n’y est que l’occasion ou le prétexte de recherches libres sur des principes d’art et de poésie. […] Töpffer, l’expression libre et poétique de la Suisse par elle-même.

650. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

C’est donc un poète semi-sérieux, comme disent les Italiens de nos jours ; ne vous attendez pas à autre chose, vous seriez trompés ; aussi ne l’ouvrez qu’à un certain âge et dans les heures oisives où votre âme, libre de grandes passions et vide de hauts enthousiasmes, cherche à se bercer elle-même sur les vagues apaisées de la vie, en un mot, quand vous voulez vous amuser avec des vers comme avec des osselets. […] Virgile, introduit dans la maison d’Auguste et pénétré de reconnaissance pour son bienfaiteur, avait voulu réconcilier le poète et le neveu ; les deux poètes, admis familièrement chez Auguste et chez Mécène, n’y formèrent bientôt qu’une libre et douce domesticité du génie : Horace amusait le maître du monde ; Virgile, moins aimable, l’enthousiasmait. […] Libre de mœurs et de philosophie, Horace était sincèrement crédule et pieux envers les divinités nationales de son temps et de son culte ; il voulait jouir, mais non blasphémer. […] « Heureux celui qui, loin des affaires publiques et libre de toute cupidité de l’or, laboure les champs de ses pères avec ses bœufs qu’il a élevés !

651. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

III Montesquieu avait vendu sa charge de président à mortier au parlement de Bordeaux pour être plus libre de ses mouvements et pour se livrer aux grandes pensées qui emplissaient son cerveau et demandaient à se formuler. […] Chacun se trouva libre, parce que chacun fut offensé ; tout le monde devint citoyen, parce que tout le monde se trouva père. […] « Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. […] « Ceci s’est encore trouvé vrai dans l’Amérique ; les empires despotiques du Mexique et du Pérou étaient vers la ligne, et presque tous les petits peuples libres étaient et sont encore vers les pôles.

652. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Le poète, disent-ils, est complètement libre, il fait ce qui lui convient. […] C’est que l’artiste est libre, mais non pas indépendant au point que quelques-uns l’imaginent. […] Je dirai donc à l’artiste : Vous êtes libre ; exprimez la vie qui est en vous ; réalisez-la poétiquement. […] Il faut pour cela avoir le cœur libre, la tête pas trop ardente ; il faut n’avoir pas la tradition et l’héritage de la partie la plus vivante de l’Humanité.

653. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

L’Allemagne victorieuse nous mépriserait si nous applaudissions la strophe de Becker : « Ils ne l’auront pas, le Rhin allemand, jusqu’à ce que les ossements du dernier homme soient ensevelis sous les vagues. »   Si l’on doit jouer à Paris le Lohengrin, que ce soit dans un théâtre libre, subventionné par la colonie allemande, qui a le droit d’admirer Wagner, mais qu’il ne soit point donné officiellement, sur un théâtre français subventionné par l’Etat, alimenté par les contribuables dont les fils, les frères sont morts en 1870. […] Libre à M.  […] La Nouvelle Presse libre de Vienne, publie une lettre que M.  […] La Nouvelle Presse Libre fait suivre cette lettre, du certificat de M. 

654. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Cet homme intérieur, parfois extrêmement différent de l’homme social, on ne peut le connaître que par ses actes libres, ses actes non intéressés, par le choix de ses plaisirs, par le jeu de ses facultés inutiles. […] Si un art purement national n’a pu se développer ni à Rome, ni en France, malgré d’heureux débuts, ce fut chez les Latins et au XVIIe siècle, par suite d’une rupture d’équilibre entre les progrès trop lents de cet art et le raffinement trop prompt des classes supérieures, qui trouvèrent la littérature grecque ou les lettres classiques mieux adaptées à leur condition spirituelle ; ce fut au XVIIIe siècle et au nôtre, par un libre choix de nos artistes eux-mêmes, qui se jugèrent tout à coup constitués de telle sorte, que seules les littératures et la pensée septentrionales purent satisfaire leur goût, c’est-à-dire leur présenter l’image d’œuvres où leurs facultés pourraient exceller. […] On verra aisément dans l’histoire et le roman modernes des faits plus marqués encore de cette indépendance réciproque des couches sociales ; c’est qu’en effet cette indépendance existe et s’accuse ; les sociétés, par un effet graduel d’hétérogénéité, tendent à se décomposer en un nombre croissant de milieux, et ceux-ci en individus de moins en moins semblables, libres, de plus en plus, de suivre chacun ses inclinations personnelles et d’aller aux œuvres qu’il lui convient d’admirerdw. […] Nous voyons clairement comment un artiste libre des influences de la race, du goût et des mœurs ambiantes, créant une œuvre qui est le signe de son âme, d’une âme dont le caractère n’est ni national ni actuel, ni conforme à celles dont les œuvres sont à l’apogée du succès, détache de la masse vague du public et attire à lui, comme par une force magnétiquedx, une foule d’hommes.

655. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Donc, il est aisé de juger quel était ce seigneur à voir seulement cet héroïque front, cet air libre, ce rencontre hardi et ce visage dans lequel on ne voit que lignes d’honneur et signes de bonne fortune. […] Du reste, il ne croit avoir à se justifier qu’en ce qui touche à Henri III, car envers le roi de Navarre il n’avait aucun engagement particulier ; Henri III assassiné (août 1589), il se pouvait considérer comme libre jusqu’à un certain point de suivre le parti de Mayenne, tant que Henri IV ne se faisait point catholique, et moyennant que lui-même il avait conscience de ne donner que les meilleurs avis possibles, les plus favorables à l’État, et de rester un bon conseiller jusque dans un méchant parti.

656. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Vauvenargues était de ces âmes royales au sens de Platon de ces âmes ingénues et d’hommes libres. […] Il n’a pas plutôt articulé cette dernière proposition qu’il la trouve ridicule, indigne d’un fils de famille ; il l’a articulée pourtant, et Saint-Vincens est libre d’agir et de risquer l’ouverture, s’il le veut et s’il l’ose.

657. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Mais je me permettrai de vous demander si vous croyez donc que vous serez plus libre d’engagement, si vous arrivez par les légitimistes, les républicains ou une nuance quelconque de la gauche que par le juste milieu. […] Il me parut que, dans cette théorie grave et un peu oppressive, plus d’une branche des beaux-arts restait écartée et absente ; la partie libre, aimable, brillante, ionienne et voluptueuse y périssait.

658. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Y eut-il jamais, dans la vie d’un peuple militaire et libre, un plus admirable moment et pour ce peuple lui-même et pour les jeunes guerriers dont il était fier, que l’heure où, après une pareille campagne unique par le génie et toute patriotique d’inspiration, toute défensive encore jusque dans ses conquêtes, après n’avoir battu tant de fois l’étranger au dehors et ne l’avoir relancé si loin que pour ne pas l’avoir chez soi au dedans, les enfants de cette triomphante armée d’Italie revinrent dans leurs foyers, simples, modestes, décorés du seul éclat des victoires ? […] Conservez cet esprit d’union et de discipline qui fera notre force et qui assure à tous les Français le maintien d’un gouvernement libre, et le respect des personnes et des propriétés.

659. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Lui qui se croit si libre et si dégagé de la matière, il obéit à son tempérament ; il l’estime le meilleur de tous, et il érige ce tempérament en règle universelle et en théorie orthodoxe. […] M. de Laprade en a commis une de ce genre, lorsque dans une poésie assez récente (Correspondant du 25 janvier 1861) il s’est étonné et indigné de ce que l’Italie une et libre avait voté une statue à la mâle et patriotique figure de Machiavel.

660. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’ai entrepris une tâche plus difficile qu’il ne semble et qui est peut-être prématurée ; j’essaye d’appliquer l’étude critique littéraire, le goût de la littérature pure et simple, cette curiosité libre et heureuse, bienveillante et innocente, à quelque chose et à quelqu’un qui n’est pas de cette nature-là, à un combattant énergique, ardent, tour à tour blessant et blessé, qui est encore tout palpitant, tout saignant et outrageux, étendu sur l’arène. […] Il y aurait, dans les douze volumes que j’ai devant moi et qui représentent dix-sept années de rédaction à l’Univers, à distinguer plusieurs temps : — la période de Louis-Philippe, de 1843 à 1848, très-riche en grandes polémiques sur la liberté d’enseignement, sur la question des Jésuites, en luttes contre les universitaires, les professeurs du Collège de France, les romanciers feuilletonistes, et en croquis parlementaires de toutes sortes et de toutes dimensions ; — la période républicaine proprement dite, la moins féconde (l’auteur gêné dans son journal fit sa débauche d’esprit au dehors, dans les Libres Penseurs) ; — la période qui date de la présidence et qui comprend l’Empire, dans laquelle on distinguerait encore deux moments, l’un de complet acquiescement ou même d’admiration fervente ; l’autre de séparation, de scission jusqu’à la déchirure.

661. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

« Les Français, dans leur révolution poétique actuelle, disait Gœthe, ne demandaient rien autre chose d’abord qu’une forme plus libre ; mais ils ne se sont pas arrêtés là, ils rejettent maintenant le fond avec la forme. […] Gœthe répondait : « Les extrêmes et les déviations dont je parlais disparaissent peu à peu, et il ne reste que l’avantage d’avoir conquis et une forme plus libre et un fonds plus riche et plus varié ; on n’excluera plus les sujets comme anti-poétiques, on pourra les prendre partout dans le monde et dans la vie.

662. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Don libre et gratuit, irréductible comme tel à la forme d’un devoir, l’amour est le bien souverain, principe, effet et signe de toute noblesse et de toute valeur. […] Il est libre et ne peut être retenu… L’amour surtout n’a pas de mesure, et s’exalte dans une ardeur sans mesure… L’amour ne sent point le poids ni la peine, il veut plus que sa force, et n’allègue jamais l’impossibilité, et se croit tout possible et tout permis… L’amour veille ; en dormant même il veille… Celui qui aime, sait la force de ce mot — On ne vit point sans douleur dans l’amour.

663. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Avouez en outre qu’en dehors de la famille Bonaparte il n’y a plus pour la France que honte et misère ; Le Moniteur publierait, pour le jour de l’enterrement, en tête de sa partie non officielle, cette note triomphante : « Le fameux X…, qui après avoir donné, au coup d’État, sa démission de professeur de rhétorique au collège de Senlis, a été transporté à Lambessa aux frais de notre généreux gouvernement ; le fameux X…, pressé par l’évidence, a avoué, à son lit de mort, qu’il n’avait jamais été plus libre que sous ce règne, et qu’il expirait dans les bras de la Constitution, à laquelle il jurait obéissance dans ce monde et dans l’autre. » Appliqué aux derniers moments de l’honorable M.  […] Mais, si ces explications vous semblent contradictoires, vous êtes libre de choisir entre elles.

664. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

César Franck je le sais, est originaire de Belgique ; mais c’est pour nous qu’il a écrit, c’est en France qu’il a vécu et travaillé, et, ce libre choix, il a tenu à l’affirmer aux heures les plus douloureuses de l’An terrible. […] Le musicien est libre alors, débarrassé des contingences scéniques, préoccupé seulement de rendre ce qu’il pense, ce qu’il éprouve, et ce qu’il rêve.

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