Nous avons fait tous deux d’illustres naufrages : l’un, échoué sur un bel écueil, au milieu du libre Océan ; l’autre, sur la vase d’une ingrate patrie, la quille à sec, les voiles en lambeaux, les mâts brisés, le gouvernail aux mains du hasard ; l’un, plein d’espérances et de nobles illusions, ces mirages de la seconde jeunesse des hommes forts ; l’autre, décougégé, trouvant les hommes toujours les mêmes dans tous les siècles, et n’attendant d’eux dans l’avenir que l’éternelle vicissitude de leur nature, qui naît, qui se remue, qui se répète et qui meurt, pour se répéter encore jusqu’à satiété ! […] Louis Blanc, dont la seule énonciation faisait rire leur bon sens ; à moins cependant, ajoutai-je encore, que le travail libre ne devînt travail forcé pour toute la société, que des répartiteurs du salaire, le fouet ou le glaive à la main, ne fussent chargés de faire travailler tout le monde, et que la société des blancs ne fut réduite à une horde d’esclaves, chassés chaque matin de leurs cases communes au travail uniforme, par des conducteurs de nègres blancs ! […] il n’y en a pas d’autre ; je vous défie tous d’en trouver une autre : donc il n’y a pas d’organisation du travail, de distribution des richesses forcée, autre que la distribution par la liberté, par la concurrence, par l’économie des travailleurs, et par les besoins des consommations libres, des capitalistes, etc. […] Vous voulez que le capital, qui appartient à tous, et qui n’est que le réservoir du nécessaire et du superflu de tout le monde, soit libre comme le travail, car, s’il n’est pas libre, il se cachera, il ne se montrera plus, il ne consommera plus, et par là même il fera mourir de faim le travailleur, en cessant de se répandre en salaires, et de s’accumuler en économies nouvelles, qui forment à leur tour des capitaux, et qui, en se dépensant, reforment des salaires, de manière que tout le monde jouisse et travaille à la fois pour jouir à son tour. » « — Oui !
Charles Müller D’un article paru dans L’Homme libre, à propos de cette enquête : Les prix littéraires ne sont pas destinés à servir ceux qui les reçoivent, mais ceux qui les décernent. […] Il faut un état libre, il faut une « société », il faut une aristocratie, il faut un chef. […] À mon avis, et en jugeant à première vue, le meilleur moyen serait de leur offrir, moyennant une somme très réduite, ou en échange d’un travail de deux ou trois heures par jour qui leur laisserait le reste du temps libre, une retraite à la campagne, une sorte d’université-hôtel, si je puis employer une expression aussi singulière, s’inspirant, mais en abandonnant tout ce qui est enseignement, des universités anglaises. Tranquilles du côté matériel, distraits, par un travail manuel intéressant, de leur travail intellectuel, placés dans un site où les promenades et les sports les solliciteraient, nos jeunes écrivains, réunis ensemble, mais chacun parfaitement libre, bien entendu, pourraient aller passer là deux ou trois mois par an ou plus, et je crois que ce serait un des meilleurs moyens de leur venir réellement en aide. […] Je suis libre de constater que si l’Académie Goncourt, par exemple, a élu quelques jeunes talents (un bon point pour Marc Elder), elle a aussi « raté », avec une insistance qui semblerait voulue aux observateurs chagrins, des hommes comme Charles-Louis Philippe, Suarès, Barbusse, Montfort, Claudel et d’autres, et fait certains choix plus qu’étranges.
Austen, quels combats le puritanisme des clergymen et le libre naturalisme d’un Rowlandson se livrèrent dans la littérature et dans l’art, M. […] Jamais on n’imaginerait que de tant d’aventures piquantes, libres, passionnées, tragiques, M. de Goncourt n’ait pu composer que ces insupportables livres qui s’appellent la « Duchesse de Châteauroux », « Mme de Pompadour », « La Dubarry ». […] Pourquoi, libre et riche, n’a-t-il jamais fait de grand voyage, si ce n’est une fois poussé par Maxime du Camp ? […] C’est sans doute pour ces mauvais lecteurs que Nietzsche avait écrit cette page : « Une culture supérieure ne peut vraiment naître que là où la société forme deux classes distinctes : celle des travailleurs et celle des oisifs, capables d’un véritable loisir ; ou, pour mieux dire, la classe du travail forcé et la classe du travail libre. […] Et quand un échange entre les deux classes a lieu, de telle sorte que les familles et les individus moins affinés, moins intelligents, sont transplantés de la classe supérieure dans la classe inférieure et que, d’un autre côté, les hommes les plus libres de celle-ci obtiennent l’accès de la classe supérieure, on arrive à cet état au-delà duquel on ne voit plus que la vaste mer des désirs infinis.
Enfin il n’y a que cette idée des contraires qui puisse nous rendre relativement libres en nous montrant le possible à côté de l’actuel. […] Il n’y a volition proprement dite, nous venons de le montrer, que dans les circonstances suivantes : 1° quand le désir est décisif ; 2° quand il porte à la fois sur la fin et les moyens ; 3° quand il se conçoit et se désire lui-même comme premier moyen et dernière fin ; 4° quand il a, pour toutes ces raisons, conscience de son indépendance par rapport aux objets dont la réalisation dépend de lui-même, et qu’il se développe ainsi sous l’idée du moi comme relativement libre, ou même, par illusion d’optique, absolument libre. […] Renouvier, dépasse les prémisses, car il reste toujours à savoir si notre vouloir même, qui contribue à nos jugements, est libre, ou s’il résulte de l’ensemble de nos inclinations actuelles et de notre caractère. […] Voir Nabier, Psychologie, p. 524, 534, et Fonsegrive, le Libre Arbitre, p. 340.
Car si nous n’avons le choix qu’entre une coopération tyranniquement imposée et une coopération libre et spontanée, c’est évidemment cette dernière qui est l’idéal vers lequel l’humanité tend et doit tendre. […] On peut donc croire que, pourchassé de science en science, ce préjugé finira par disparaître de la sociologie elle-même, sa dernière retraite, pour laisser le terrain libre au savant. […] Par exemple, il est évident que, pour le sens commun, les faits de libre pensée ou les manquements à l’étiquette, si régulièrement et si sévèrement punis dans une multitude de sociétés, ne sont pas regardés comme des crimes même par rapport à ces sociétés. […] Une multitude d’actes qui, actuellement, sont abandonnés à la libre appréciation des individus, sont alors imposés obligatoirement. […] Elle consiste alors en libres courants qui sont perpétuellement en voie de transformation et que le regard de l’observateur ne parvient pas à fixer.
Géruzez, ou un discours académique, corrigé d’après les conseils de l’Académie, avec une œuvre de libre critique. […] Le vers libre, tel que le comprend ce dernier poète, vient en partie de Whitman ; mais Whitman était lui-même un fils de la Bible et ainsi le vers libre, ce n’est peut-être, au fond, que le verset hébraïque des prophètes : c’est bien également de la Bible, mais de la Bible allemande, cette fois, que semble nous venir une autre nuance du vers libre, celle qui a valu sa réputation à M. […] Ce qui manque le plus au vers libre d’aujourd’hui, c’est la perfection. […] Sans doute, M. de Régnier a fait, lui aussi, des vers libres ; mais, par une sorte de magie, ses vers libres finissaient toujours par être réguliers, par retrouver cette plénitude reposée du rythme qui nous rassure et nous semble la seule véritable musique. […] Si le symbolisme avait été aussi étroitement lié au vers libre que le croit M.
J’ai peur qu’elle ne s’étende bien loin, jusqu’aux dernières limites où peut s’étendre la vie libre. […] C’est la foi dans la liberté qui nous fait libres. […] On est libre dans la mesure où l’on croit l’être, car c’est précisément cette affirmation de notre force qui nous affranchit. […] À aucune époque sa plume, libre dans le domaine des idées, ne s’abaissa à la caricature ni à la parodie. […] Chacun part d’un point de vue dont je respecte le libre choix.
Il y a certainement dans le style de Mme de Maintenon, ainsi reproduit avec fidélité, de l’abondance, de la récidive, une aisance libre et un cours heureux ; mais ce qui me paraît toujours y dominer plus que tout, c’est la justesse, la netteté et une parfaite exactitude, quelque chose que le terme d’ampleur enveloppe et dépasse. […] L’autre pièce que j’ai à citer est intitulée Le Retour, c’est l’être humain (homme ou femme) qui, après avoir vécu, souffert et failli, revient au lieu natal, dans le manoir domestique, et y retrouve tous les anciens témoins de son innocence et de son bonheur : « Nous reviens-tu avec le cœur de ton enfance, un cœur libre, pur, aimant ? […] » — Alors mes larmes jaillirent en une pluie soudaine, tandis que je répondais : « Ô vous, ombrages majestueux, je ne rapporte point le cœur de mon enfance dans les libres espaces de vos clairières.
Ce n’est pas la seule fois où l’on voie l’égoïsme radical faire un caractère charmant : ces libres déploiements de la nature primitive, antérieure à toute morale, ont d’infinies séductions. […] Nombre de ces petits poètes, et les meilleurs, vivent dans les plus libres sociétés du siècle. […] Sous l’apparente fadeur des idylles de madame Deshoulières426, dans les retours fréquents qu’elle fait sur sa fortune, quand on perce les transparentes allégories, il y a bien de l’amertume, un triste désenchantement des hommes et de la vie, un fond singulier de libre pensée.
Elle a eu ses lakists, Wordsworth, Southey, Coleridge, dont les tempéraments originaux, repoussant toutes les entraves classiques, font de la poésie une libre création où leur âme se révèle en reflétant l’univers. […] Il démolissait les lois du goût, les règles des genres, leur division surtout et leur convention, tout ce qui s’opposait à la libre et complète représentation de la nature, saisie eu ce que chaque être possède de caractéristique, beau ou laid, il n’importe. […] Hugo ne dit pas, comme les autres, la liberté de l’art, mais la liberté dans l’art, c’est-à-dire la liberté et l’art, être libre, à condition de respecter l’art : comme il dit la liberté dans l’ordre, pour l’union de la liberté et de l’ordre, son idéal politique à cette époque.
Or, ces personnes ne peuvent être que de deux sortes : ou elles ont l’esprit sectaire, ou elles ont la compréhension libre et large. […] Bouguereau ou Gérôme, de même une génération entière de romanciers et de poètes crée le roman impressionniste et le vers libre sans s’inquiéter des défenses ou des permissions dispensées avec sérénité par M. […] Si nous venons maintenant à parler des esprits compréhensifs et libres, nous les voyons imbus d’un sentiment nouveau, né d’une délicatesse récente : celui du ridicule et de la pédanterie qu’il y a à juger autrui.
Son mépris pour l’entassement fou et ignoble qui forme une intelligence obéissante est moins odieux encore que son amour pour l’harmonie nouvelle qu’est tout esprit libre. […] Il sait que tout mouvement libre offense les critiques, prêtres de l’immobilité ou porteurs du manipule de foin que suivent toujours, salive à la bouche, les légions, les centuries et les décuries littéraires : « Jadis un homme se levait, bouclier de la foi, contre les nouveautés, contre les hérésies, le Jésuite ; aujourd’hui, champion de la règle, trop souvent se dresse le Professeur. » Mais « la diabolique intelligence rit des exorcismes, et l’eau bénite de l’Université n’a jamais pu la stériliser, non plus que celle de l’Église ». […] [Lucien Arréat] La France est le pays le moins libre, celui où il est le plus dangereux de n’être pas un écho.
« Auguste, dit Suétone, monté sur une galère, traversant le golfe de Naples et longeant la ville de Pouzzoles, fut salué de tous les points du rivage par les passagers et les matelots d’un navire venu d’Alexandrie, qui, tous couronnés de fleurs, s’écriaient, au milieu de l’encens des sacrifices : Par toi, César, nous vivons ; par toi, César, nous naviguons ; par toi, César, nous sommes libres et riches. […] Par l’extension illimitée du droit de suffrage et la substitution des tribus aux centuries, il avait, sur la trace de Marius et de César, noyé la liberté sous le nombre, abaissé le patriciat après l’avoir proscrit, et substitué au vœu libre des citoyens les clameurs serviles de la foule. […] Il vit dans Auguste le maître habile et modéré d’un peuple trop corrompu pour être libre ; et il servit de ses louanges ce maître, dont il recevait les bienfaits.
Le peuple pour Mentor ce sont des nombres, et non pas ces âmes régénérées du christianisme, dont la moindre est si grande que nul moraliste ne la peut embrasser toute entière, si libre que même après s’être donnée elle se reprend et se reconquiert elle-même. […] En politique, il a le mauvais rôle : le livre de la Politique selon l’Écriture sainte paraît le livre des tyrans, comme le Télémaque paraît celui des bons princes et des peuples libres. […] Sur ce point l’Examen exagère la simplicité recommandée dans le Télémaque ; car si Mentor ne veut à Salente que de petites maisons sans ornements, encore souffre-t-il qu’il y ait dans ces maisons « de petites chambres pour toutes les personnes libres. » Voici d’autres nouveautés de l’Examen. […] J’admire beaucoup moins certaines nouveautés de détails, ces projets d’assemblées libres, se réunissant régulièrement, et tous ces pressentiments du gouvernement représentatif dont on a beaucoup trop loué Fénelon. […] Plus libre que Pascal, qui parle trop dédaigneusement des poètes, quoiqu’il connût les anciens et qu’il écrivît après le Cid, Fénelon est plein de leurs vers ; il pense avec eux tout haut comme Montaigne, et cite Horace d’abondance, comme Bossuet les Pères de l’Eglise.
Effacez-vous plutôt du tableau que vous offrez ; jetez-y en votre place des personnages naturels qui parlent et agissent en leur propre et libre allure ; n’intervenez pas entre eux et nous ; faites comme Walter Scott et Cooper ; disparaissez pour mieux peindre. […] Ils s’y maintinrent quelque temps libres sous la conduite de Zombé.
Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique. […] Peut-être des excès antérieurs du drame libre.
Il étoit ordinairement sage & retenu dans ses jugemens ; mais son style étoit un peu trop libre. […] Ce n’est pas sans raison que nous avons choisi le genre épistolaire ; outre que le style en est libre & aisé, certains tours qui lui sont familiers donnent de l’éclat & de la vivacité aux réfléxions.”