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1206. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Il semble que l’esprit humain soit importuné de sa raison, et fatigué d’être libre.

1207. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Quelques instants après, il arrive chez Bonaparte qui lui dit avec un sérieux imperturbable : « J’ai voulu que vous fussiez libre. […] Un peloton de fusiliers marins, placé dans l’intérieur des terres, au Pas de la Masque, leur assurait la libre pratique de toutes les hauteurs qui dominent Toulon. […] Ils seront libres de conserver leurs immeubles situés sur le territoire réuni à l’Allemagne. […] Il a promené, à travers le monde, l’esprit exact, pratique et raisonneur de l’École libre des sciences politiques. […] « C’est si bon d’avoir le buste à l’aise, les jambes libres et nues, et nus les pieds dans les mules brodées ! 

1208. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

En effet, nous pourrons souvent le remarquer, le jeu libre des éléments tient une place importante dans l’invention. […] Et même, ce n’est pas tant par son jeu régulier, par un développement normal que l’intelligence invente, que par le profit qu’elle sait tirer de l’activité relativement libre et parfois capricieuse de ses éléments. […] Alors il étudie les plantes et les animaux à l’état libre ou domestique, il fait circuler des questionnaires imprimés, amoncelle les notes et les résumés de livres. […] Le jeu plus ou moins libre des éléments, et l’influence du principe directeur (sentiment dominant, idée maîtresse) se combinent pour enrichir et développer l’œuvre tout en lui conservant sa forme systématique et coordonnée. […] Lorsqu’il s’agit, il y a quelque temps, de rétablir dans nos lois le divorce, on entendait les gens discuter et se disputer comme s’il s’agissait de décréter immédiatement l’amour libre.

1209. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

De cette façon, le dessinateur, restant libre de choisir tels épisodes qu’il lui plairait, pourrait satisfaire à la fois à ces deux conditions contraires. […] Son meilleur ami est un gentilhomme de rang inférieur, Horatio, qu’il a choisi parce qu’il a reconnu en lui un esprit libre. […] Une grande œuvre est un produit libre de la vie, et son interprétation doit être libre comme elle. […] Il est vraiment libre, ses égaux n’ont aucun pouvoir sur lui, tandis que le noble porte le fardeau de sa caste et l’homme du peuple le fardeau de la société tout entière. […] Il est pourtant bien grand, cet amour ; si grand, qu’il remplit l’âme entière du poète : comment se fait-il donc qu’il la laisse libre pour d’autres sentiments ?

1210. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Soubasson a la vue basse, l’oreille dure, aime à téter, et qu’en lui portant aux lèvres un biberon plein de tord-boyaux, on est libre de faire ce qu’on veut dans son cours. […] La petite sauterelle du Désert s’était développée tout à coup au grand air de là-bas ; sous ses vêtements libres, elle avait pris la splendeur de lignes des statues grecques, elle s’était épanouie en femme faite et admirable. […] … La propriété d’un citoyen libre n’est pas à la merci des prétoriens. […] C’est un philosophe un peu chagrin, mais un déiste épris de la nature ; il émet bien par-ci par-là quelques idées toutes faites sur la noblesse et les préjugés du passé, mais il a la bonne foi de plaider les causes contraires, laissant le lecteur libre de conclure à sa guise. […] Quand donc nous donnera-t-on, à nous autres philosophes, un philosophe couronné, un roi libre penseur, un Frédéric II ?

1211. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Adieu la joyeuse et la folle, adieu la rieuse et l’accorte, adieu à toi la joie française libre comme l’air, et si doucement avinée, adieu à toi la comédie en plein vent ! […] Vous le voyez, c’est une différence du jour à la nuit, de la femme libre et née libre, à l’affranchie, esclave et fille d’esclave ; c’est la différence de la débauche à l’amour mutuel et librement consenti ; c’est la différence de la jeune et timide fille, bien née et défendue par les remparts sacrés de la famille, à la courtisane vagabonde, à l’avide affranchie, toujours soumise à la folle enchère de son cœur et de son corps. […] Malheureusement, comme je vous le disais tout à l’heure, la pauvre Anna est loin d’être aussi libre que mademoiselle Angélique. […] Cette libre allure était alors une chose toute nouvelle en poésie. […] Sa main est libre, et il n’arrache pas son bandeau dans un moment de transport !

1212. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Le double effet qu’elle devait produire contribuait à la grandeur de la Melpomène antique, par le chant rapide et élevé des chœurs, dont les strophes se répondaient en style dithyrambique et passionné, et par la naïveté du dialogue, que les ïambes simplifiaient, et dont le mouvement s’accordait avec la marche libre du cothurne. […] En un mot, pour me servir des termes d’Homère : « Le même jour qui met un homme libre aux fers, « Lui ravit la moitié de sa vertu première. […] Les secrets de ceux-ci semblent au-dessus de leur compréhension : l’homme qui écrit habituellement en prose, affranchi de leurs entraves, libre dans l’expression de ses idées, se soumet avec peine au langage mesuré qui change son allure ordinaire. […] Qu’est-elle autre chose que cette sagesse de tous les siècles, de toutes les nations, contemporaine des premiers héros de la terre, compagne des Socrate, des Caton, des Malesherbes, des Bailly, victorieuse de toutes les sectes, et toujours reconnue par ce que l’homme a de plus noble et de plus libre, la conscience ? […] Cette libre comédie, à qui nous devons la vieille et bonne pièce de l’Avocat patelin, a donc, comme les autres, son terme de perfection.

1213. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Nous voulons les filles plus libres et moins ignorantes ; et cependant, nous sommes infailliblement ravis de voir nos romanciers et nos dramaturges plaider la faiblesse et l’inconscience des filles tombées. […] La libre pensée et la haine de la religion y sont choses fort communes. […] Henriette est charmante, oui ; mais il saute aux yeux que la caractéristique de cette fille aux libres propos, de cette vierge qui n’a rien du tout de virginal, c’est la franchise et le bon sens, beaucoup plus que la douceur, la délicatesse ou la bonté. […] Les mœurs libres seront exclues du Théâtre-Libre. « Là galanterie vénale et le proxénétisme, soigneusement maintenus jusqu’ici dans les théâtres à exhibitions », seront ignorés chez Antoine. […] D’autre part, l’auteur des Humbles et des Contes rapides est, comme on sait, un compagnon de propos libres et qui, comme plusieurs d’entre nous, manque un peu d’innocence.

1214. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

contemple ta race, intrépide, aguerrie, « Libre, errante, elle garde et son arc et ses lois, « Et le sépulcre s’ouvre aux traits de son carquois. […] Son allure, libre et dégagée, ira droit aux choses ; tous ses traits seront nets, et ses tours concis. […] Libre des entraves du style, il nous révèle sa juste opinion sur la supériorité de l’idiome poétique, dont il vante le joug, en le port tant avec autant de force que de grâce. […] Usage des vers libres. S’abandonneront-ils à la négligence des vers libres, ou ne se permettront-ils que la liberté des rimes ?

1215. (1927) Approximations. Deuxième série

Esprits éminemment désencombrés, libres de toutes bandelettes, et qui vont d’emblée à l’essentiel dans un plein jour aveuglant pour l’adversaire. […] Libre d’un dogme paralysant entre tous, Strachey ne croit jamais à la simplicité des médiocres. […] Libres aujourd’hui de tout caractère ésotérique, les attachements qu’il suscite ne cherchent qu’à se propager ; et la passion pour Browning (je l’ai constaté souvent et sur moi-même et sur d’autres) s’accompagne, s’anime d’une flamme d’inconscient prosélytisme. […] Plus il a été libre tout le temps où il concevait, moins le romancier doit l’être dès l’instant qu’il exécute. […] Qualité plus rare chez un Français : de l’œuvre des grands romanciers étrangers il n’ignore rien d’essentiel, — et il les lit pour eux-mêmes, libre de cette obsession qui s’empare de tant de nos compatriotes dès qu’ils abordent les littératures étrangères, et qui consiste à vouloir tout évaluer d’après nos propres poids et mesures.

1216. (1930) Le roman français pp. 1-197

Ce don étant libre, de sa part, sa situation sociale demeurant théoriquement supérieure, elle restait, du moins théoriquement, supérieure à son amant. […] Voilà donc la princesse libre de s’abandonner à une flamme qui pourra être légitime. […] Soit par respect pour eux, soit, ce qui revient au même, qu’à leur égard l’artiste ne se sent pas assez libre. […] J’ai reçu de lui les plus hautes leçons, sinon d’art — le sien fut inimitable — du moins de liberté de jugement : car nul homme jamais ne fut plus libre de sa pensée, au point qu’on l’accusa « d’anarchisme intellectuel ». […] Quand Barrès a protesté que, au cours de son existence littéraire (et politique) il n’avait jamais écrit qu’un seul livre, L’Homme libre, ce manuel d’égotisme, et que son nationalisme venait de son égotisme comme le fruit vient de l’arbre, il n’exagérait pas.

1217. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Un voyage à Maroc laissa dans son esprit, à ce qu’il semble, une impression profonde ; là il put à loisir étudier l’homme et la femme dans l’indépendance et l’originalité native de leurs mouvements, et comprendre la beauté antique par l’aspect d’une race pure de toute mésalliance et ornée de sa santé et du libre développement de ses muscles. […] Catlin a supérieurement rendu le caractère fier et libre, et l’expression noble de ces braves gens ; la construction de leur tête est parfaitement bien comprise. […] Quant au paysage historique, dont je veux dire quelques mots en manière d’office pour les morts, il n’est ni la libre fantaisie, ni l’admirable servilisme des naturalistes : c’est la morale appliquée à la nature. […] Les paysagistes historiques, qui ont des remords par suite de quelques peccadilles naturelles, se figurent l’enfer sous l’aspect d’un vrai paysage, d’un ciel pur et d’une nature libre et riche : par exemple une savane ou une forêt vierge. […] Il ne veut plus travailler, humble et anonyme ouvrier, aux roses et aux parfums publics ; il veut être libre, l’ignorant, et il est incapable de fonder un atelier de fleurs et de parfumeries nouvelles.

1218. (1813) Réflexions sur le suicide

Les sauvages sont heureux seulement de vivre, les prisonniers se représentent l’air libre comme le bien suprême, les aveugles seraient prêts à donner tout ce qu’ils possèdent pour revoir encore les objets extérieurs ; les climats du midi, qui animent les couleurs et développent les parfums, produisent une impression indéfinissable ; les consolations philosophiques ont moins d’empire que les jouissances causées par le spectacle de la terre et du ciel. […] Dans un tel système l’on se considère comme uniquement au service de soi-même et libre de se quitter dès qu’on n’est plus content des conditions du sort. […] Curtius se précipitant au fond de l’abîme pour le combler, Caton se poignardant pour apprendre au monde qu’il existait encore une âme libre sous l’empire de César, de tels hommes ne se sont pas tués pour échapper à la douleur : mais l’un a voulu sauver sa patrie, et l’autre offrir à l’univers un exemple dont l’ascendant subsiste encore : Caton passa la nuit qui précéda sa mort à lire le Phédon de Socrate, et le Phédon condamne formellement le Suicide, mais ce grand citoyen savait qu’il s’immolait non à lui-même, mais à la cause de la liberté ; et selon les circonstances cette cause peut exiger d’attendre la mort comme Socrate ou de se la donner comme Caton.

1219. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Fox ouvre à Napoléon la carrière libre sur le continent pour une ambition qui devient sans limite. […] N’était-ce donc pas sous le gouvernement de la république modérée et concentrée du Directoire que les échafauds avaient disparu, que les proscriptions avaient cessé, que la liberté des consciences avait été rendue au peuple avec le libre exercice des cultes, que les confiscations avaient été abolies, que les émigrés désarmés rentraient en masse sous des amnisties tacites dans la patrie ? […] Nul ne sait ce qu’il serait advenu de la France si le Directoire ou si les autres gouvernements nationaux que la France libre allait se donner sous d’autres formes n’avaient pas été sabrés par le général revenu du Caire à Paris ; mais, s’il est douteux que ces gouvernements eussent fait passer en triomphe la France de Rome et de Madrid à Vienne, à Berlin, à Moscou, par toutes les capitales de l’Europe, il est douteux aussi que ces gouvernements eussent anéanti sous les pieds des soldats tous les fruits si chèrement achetés de la révolution de 1789, et qu’ils eussent ramené deux fois sur leurs pas les invasions étrangères au cœur de Paris.

1220. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Sa voix était éclatante, ses gestes hardis ; il fronçait les sourcils à faire peur, et il nous parlait tous les jours des manières libres avec lesquelles il traitait ces ignorants d’Anglais. […] Une partie de mon gain fut envoyée à mon père, et l’autre me servit à vivre libre, pour pouvoir dessiner des morceaux d’antiquité, jusqu’à ce que, ma bourse étant vide, je fus obligé de me remettre en boutique pour me procurer un nouveau gain. […] Firenzola eut à ce sujet une grande querelle avec lui, et lui tint, en ma présence, mille propos injurieux ; mais je pris sa défense, en disant que j’étais né libre, que je voulais vivre de même, et travailler chez qui je voudrais, pourvu que je ne fisse tort à personne ; que je m’étais d’ailleurs acquitté avec lui.

1221. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Herder remarque avec raison que « la philosophie des arts devait naître dans la Grèce, parce qu’en suivant le mouvement libre de la nature et les inspirations d’un goût infaillible, les poètes et les artistes de cet heureux pays réalisaient la théorie du beau, avant que personne n’en eût encore tracé les lois. […] Aristote n’a pas fait de l’âme une substance, c’est-à-dire une force libre et distincte de toutes les autres ; Il n’a point rattaché à l’âme les facultés morales dont l’homme est doué ; Il n’a pas cru à l’immortalité de l’âme ; Enfin, il n’a pas montré dans l’âme le fondement même de toute philosophie et de toute science. […] Tout le reste n’est qu’un facile développement de ces féconds principes ; et l’homme intelligent et libre, s’il a tout à craindre encore des abus de sa liberté, peut se reposer avec une sécurité imperturbable sur la bonté, la justice et la puissance de Dieu.

1222. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Je mis la main sur le cœur, je ne trouvai qu’un silence profond ; j’avais pu jusqu’à ce moment me contenir, mais alors je me détournai et laissai un libre cours à mes larmes. […] Il y passe ses jours comme un dieu dans son musée ; il s’y marie à une belle épouse qui lui donne un fils obéissant et une belle-fille adorable sur laquelle il se décharge des soins de la vie matérielle pour vivre plus libre de ses heures dans son monde purement intellectuel. […] » Il croit que la sagesse des opinions s’épure, en montant par le loisir, l’étude, l’aisance, la philosophie, de classe en classe sociale, et que la division du travail est aussi nécessaire dans l’œuvre du gouvernement libre que dans les œuvres manuelles de l’artisan ; il pardonne donc une aristocratie intellectuelle dont il est lui-même le premier exemple, et il recommande à ses disciples d’en tenir compte.

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