Le spiritualisme par la voix de ses disciples tient ce langage : « Vous nous affirmez que le monde n’est pas tout entier dans nos insipides fadaises, que le monde est plus rude et plus varié. […] A part les progrès considérables qu’elle a fait accomplir au langage et la mise en honneur par elle de penseurs et d’artistes réels, l’apport de ce groupe éphémère est plus que médiocre. […] C’est à cette conclusion, du moins, qu’aboutit une théorie récente, dite du monisme, parce qu’elle substitue aux deux éléments, en apparence antagonistes, un élément unique, constitutif de l’être et du monde, et qu’elle rend désormais impropres, dans le langage précis, les appellations « âme » et « corps », « esprit » et « matière ».
On peut, cependant, reprocher à son style un peu de langueur, d’afféterie, & de précieux ; mais il offre aussi quelquefois le véritable langage du sentiment. […] Quant au langage des passions, & à l’expression des sentiments, le Lecteur jugera si je les ai saisis. […] Il faut même régler le ton qu’on fait prendre à ses Acteurs, sur leur âge, leur état, leur caractere ; ne point faire parler en forcénée une personne douce par tempérament ; ne point prodiguer à tout propos, ces froides exclamations, ces élans désordonnés, ces expressions boursouflées au dehors, vuides au dedans, ce langage, en un mot, qui ne peint absolument rien à force de tout travestir.
Et pour parler le langage qui lui plaît, il croit, ou il parle comme s’il croyait être le terme d’une évolution dont il n’est avec toute son école que ce qu’on appelle un moment ; — et peut-être un moment insignifiant. […] Une invincible nécessité domine cet art de peindre par les mots, c’est à savoir la nécessité d’y parler le langage de la sensation. […] Zola ressemblent à ses doctrines : j’entends la grossièreté voulue du langage et la vulgarité délibérée des sujets. […] Ces fleurs familières, ces chants d’oiseaux, ce ciel, ces prés, ces haies, voilà ce qui constitue la langue mère de notre imagination, ce langage chargé de tant de subtiles associations que les heures fugitives de notre enfance ont laissées après elles. […] Il peut y avoir des sentiments si déliés, si profonds, si mystérieusement dissimulés dans les replis de l’inconscience qu’ils échappent aux prises du langage ordinaire.
Et c’est à l’unité, à la cohésion trop exacte que se trahissent l’étude et la méditation dans certains recueils de lettres : on sent que chaque lettre est écrite, que c’est style d’auteur, et non langage de causeur.
« La foule, qui d’abord avait sursauté comme une hydre en entendant cet ange donner un sens nouveau et plus pur aux mots du langage vulgaire, proclama très haut que le sortilège qu’il nous jetait, il l’avait puisé dans l’ignoble ivresse des alcools ou des absinthes.
« Pour vous dire le vrai, je n’ai point grand goût pour cet auteur25. » Le changement qui s’opéra dans le goût de Voiture me paraît remarquable comme témoignage de celui qui dominait à l’hôtel de Rambouillet, et me semble prouver que les principaux personnages de cette société, au lieu d’être des modèles de mauvais langage, contribuaient à corriger et à épurer les ridicules qui depuis L’Astrée s’étaient propagés parmi les beaux esprits.
On croit entendre Démosthene parler le langage de Platon.
Il existe un idéal du beau avec des formes accomplies de langage et de composition littéraire qui y répondent. […] La manière qui leur est commune, c’est un langage courant, uni, « modeste ». […] N’accusons pas le langage léger qu’affecte l’esprit. […] Le langage ne saurait l’exprimer sans lui prêter un corps quelle n’avait point ; il la fixe, au moment où elle allait se dissiper et, en la fixant, il l’outre. […] Comme il y a de l’empreinte de Corneille dans le langage de Molière, il y a du Racine dans celui de Regnard.
Dans cet opuscule aride, je m’attache à distinguer avec netteté l’essence de la prose et celle des vers, parce que nos présents réformateurs me semblent faire de la prose sans le savoir, et j’explique de mon mieux la genèse de la versification française par la loi physiologique du moindre effort appliqué à l’acoustique du langage rythmé ; ce qui ne laisse aucune part à l’arbitraire, dans la constitution du vers. […] Aussi vais-je répondre à la dernière question de M. l’Enquêteur : (Il tousse légèrement et, lentement, prononce :) Quant aux Écoles, ne pourrait-on pas dire qu’elles ne font que des écoliers, et que les vrais maîtres sont les esprits avant tout conscients et respectueux des trésors acquis par un langage et par un art ? […] Ils usent, suivant leur goût, de tous les éléments de cadence qui sont fournis par le langage. […] La variété des vers modernes est infinie, puisque les poètes ne se soumettent plus à des règles fixes et qu’ils ont à leur disposition une prosodie beaucoup plus riche. » Si l’on part de ce principe, en effet, que ce qui distingue le vers de la prose, c’est la mesure, il suffira de prendre une mesure quelconque, parmi celles qui sont possibles dans une langue, pour constituer un langage poétique. […] C’est donc un étrange abus de langage que d’appeler vers libres les lignes inégales que quelques jeunes poètes qualifient ainsi, qui n’offrent aucune sécurité à l’esprit, et qui ne procurent d’autre surprise que de les voir s’arrêter, on ne sait pourquoi, à des distances variables de la marge, au lieu de se continuer jusqu’à elle selon la typographie ordinaire de la prose.
. — Dès lors, quand nous réfléchissons sur lui, nous nous laissons duper par le langage ; nous oublions que sa permanence est apparente ; que, s’il semble fixe, c’est qu’il est incessamment répété ; qu’en soi il n’est qu’un extrait des événements internes ; qu’il tire d’eux tout son être ; que cet être emprunté, détaché par fiction, isolé par l’oubli de ses attaches, n’est rien en soi et à part. […] « Votre demande, répondit Blake, lui est déjà parvenue… Nous n’avons pas besoin de paroles ; voici sa réponse un peu plus longue qu’il ne me l’a donnée ; vous ne comprendriez pas le langage des esprits. — Il dit que ce que vous appelez meurtre et carnage n’est rien ; que, en égorgeant quinze ou vingt mille hommes, on ne leur fait aucun mal, que la partie immortelle de leur être non seulement se conserve, mais passe dans un meilleur monde, que l’homme assassiné qui adresserait des reproches à son assassin se rendrait coupable d’ingratitude, puisque ce dernier n’a fait que lui procurer un logement plus commode et une existence plus parfaite. […] Par cet accolement d’une sensation contradictoire, la représentation de la bille paraît chose interne, événement passé ; et, à ce titre, elle éveille d’autres représentations analogues, parmi lesquelles elle s’emboîte pour constituer avec elles une file d’événements internes ; cette file s’oppose aux autres groupes, parce que tous ses éléments présentent un caractère constant qui, étant toujours répété, semble persistant, à savoir la particularité d’être un dedans par opposition au dehors : ce qui fournira plus tard à la réflexion et au langage la tentation de l’isoler sous le nom de sujet et de moi. — Dans cette chaîne immense, chaque classe d’événements internes, sensations, perceptions, émotions, chaque espèce de perceptions, de sensations et d’émotions a son image associée avec celle de ses conditions et de ses effets internes et externes ; et cela forme une infinité de couples nouveaux, dont les deux anneaux se tirent l’un l’autre à la lumière ; en sorte que nous ne pouvons pas imaginer telle douleur, sans en imaginer la condition qui est telle lésion nerveuse, et sans en imaginer l’effet qui est telle contraction ou telle plainte. — Maintenant, par une suggestion forcée, lorsqu’un corps extérieur nous présente les conditions et les effets du nôtre, le groupe de sensations qui le représente évoque en nous un groupe d’images analogues à celles par lesquelles nous nous représentons nos propres événements ; ce qui fait un dernier composé, le plus vaste de tous, puisqu’il comprend un corps et une âme, avec toutes leurs attaches mutuelles et toutes les attaches qui soudent leurs événements aux événements d’autrui. — Ainsi, dans notre esprit, tout composé est couple : couple d’une sensation et d’une image ; couple d’une sensation et d’un groupe ou de plusieurs groupes d’images ; couples plus compliqués dans lesquels une sensation, jointe à son cortège d’images, contredit une représentation ou groupe d’images ; couples encore plus vastes dans lesquels une sensation, présente, avec son cortège d’images, refoule dans le passé les images abréviatives d’un grand fragment de notre vie ; couples les plus compréhensifs de tous, où, par des abréviations encore plus sommaires, la sensation et les images qui nous représentent toutes les propriétés d’un corps évoquent le groupe d’images qui nous représentent toutes les propriétés d’une âme. […] (Max Müller, Science du langage, II, 67, trad.
On montre un chien à un très jeune enfant, et on lui dit, dans le langage des nourrices, en imitant, tant bien que mal, l’aboiement de la bête : « C’est un oua-oua. » Ses yeux suivent le geste indicateur ; il voit le chien, entend le son, et, après quelques répétitions qui sont son apprentissage, les deux images, celle du chien et celle du son, se trouvent, d’après la loi d’association des images, associées à demeure dans son esprit. […] En effet, telle qu’on la trouve dans le langage courant et telle que la fournit l’expérience vulgaire, elle correspond mal à son objet. — D’une part, elle est incomplète et vague ; en d’autres termes, les caractères généraux qu’elle note ne sont ni assez précis ni assez nombreux. […] Renan, De l’origine du langage, p. 125, 136. Max Müller, 412, I, La Science du langage.
« Ni dans un firmament serein voir circuler les vagues étoiles, ni sur une mer tranquille voguer les navires pavoisés, ni à travers les campagnes étinceler les armures des cavaliers couverts de leurs cuirasse, ni dans les clairières des bocages jouer entre elles les biches des bois ; « Ni recevoir des nouvelles désirées de celui dont on attend depuis longtemps le retour, ni parler d’amour en langage élevé et harmonieux, ni au bord des claires fontaines et des prés verdoyants entendre les chansons des dames aussi belles qu’innocentes ; « Non, rien de tout cela désormais ne donnera le moindre tressaillement à mon cœur, tant celle qui fut ici-bas la seule lumière et le seul miroir de mes yeux a su en s’ensevelissant dans son linceul ensevelir ce cœur avec elle ! […] Ces langues sales gâtent la beauté de son langage. […] L’engouement de ce siècle a élevé Dante au-dessus de ses œuvres, sublimes par moment, mais souvent barbares ; l’oubli de ce même siècle a négligé Pétrarque, le type de toute beauté de langage et de sentiment depuis Virgile. […] Pour les propos ils étaient les mêmes et ne différaient que par le langage.
Or, cette vérité de la révélation primitive du langage est grosse de conséquences philosophiques et morales du plus haut intérêt ; elle détruit de fond en comble tout le système de Locke et de Condillac sur l’origine des idées. Si le langage a été révélé à l’homme, comme le langage contient des idées, il y a eu une révélation primitive d’idées. […] Tous ceux qui ont observé la marche de l’éducation intellectuelle des enfants depuis leur naissance, savent que l’instrument de cette éducation, c’est le langage. […] Il est seulement à regretter qu’il n’ait pas tenu assez compte de l’observation fondamentale de M. de Bonald sur la révélation du langage, devenu une des origines les plus fécondes de nos idées. […] Royer-Collard, après avoir fait justice de tant de suppositions gratuites, prises par les philosophes comme bases de leurs systèmes, eût maintenu cette supposition non moins gratuite d’après laquelle l’homme, isolé de tout secours, tirerait par sa propre force toutes ses idées de l’exercice de ses facultés, tandis que tant d’idées lui sont communiquées en même temps que le langage et par le langage, cet instrument intellectuel qui est en même temps une révélation traditionnelle.
À d’autres endroits de ses écrits, et tout en reconnaissant avec vérité les défauts habituels au caractère du paysan, il est revenu encore sur la part de solide bon sens qu’il trouve en plus grande mesure chez eux que dans les autres classes : « Ceci se marque bien dans leur langage, ajoute-t-il, qui est clair, discret, et d’une constante propriété. Aussi trouvé-je toujours du plaisir à m’entretenir avec eux des choses qui sont à leur portée. » De cette observation attentive du langage campagnard et paysanesque, combinée avec beaucoup de lecture, de littérature tant ancienne que moderne, tant française que grecque76, est résulté chez Töpffer ce style composite et individuel que nous goûtons sans nous en dissimuler les imperfections et les aspérités, mais qui plaît par cela même qu’il est naturel en lui et plein de saveur.
Il ne faudrait pas croire cependant que toutes les notes du voyage de Ramond soient de ce ton, qui deviendrait fatigant à force de sublimité ; il proportionne son langage à ses sujets ; il a ses anecdotes piquantes ; et, quand il traite une question historique ou physique, il y est tout entier. […] De tous les hommes qu’il souhaitait de connaître, ce fut pourtant Lavater seul qui surpassa son attente : Il n’existe point d’homme peut-être, dit-il, dont l’imagination soit aussi brûlante, et la sensibilité aussi profonde ; il entraîne, il subjugue ; son langage est d’une naïveté populaire, et cependant d’une éloquence à laquelle il est impossible de résister.
C’est celui-ci, disent-ils, qui a porté leur langue à son point de perfection, qui a surpassé tous les autres en force et en majesté… J’ai lu quelque chose du Dante à grande peine ; il est difficile à entendre, tant par son style que par ses allégories, ………………………… Car un sublime dur S’y trouve enveloppé dans un langage obscur. […] Dans une langue qui ne savait guère encore, comme il le dit, que bégayer papa et maman, il trouva moyen d’exprimer le fond de l’univers et la cime des subtilités divines. — Pour nous il a fait plus : il a fait entrer dans le langage du genre humain nombre de ces paroles décisives qui marquent les grands moments de la vie et de la destinée, ou qui fixent la note inimitable de la passion, et qui se répéteront telles qu’il les a dites, tant qu’il y aura des hommes.
Le langage, le geste de David est rendu et mimé à merveille tout cet endroit du livre est charmant. […] Les élèves de David se partageaient en divers groupes fort distincts : dans l’un, les vieux camarades restés un peu révolutionnaires ou jacobins, au langage du temps, et communs ; dans un autre, les nouveaux.venus et qui tenaient plus, ou moins à l’ancien régime par la naissance, par les opinions ou le ton, Forbin, Saint-Aignan, Granet ; plus loin et toujours ensemble, deux jeunes Lyonnais fort réservés et qu’on disait religieux, Révoil et Richard Fleury ; un beau jeune homme faisant secte à part, Maurice Quaï, un ami de Nodier, mort jeune, noble penseur, véritable type olympien ; et quelques autres encore dans l’intervalle.