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529. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. de Falloux » pp. 311-316

Je regretterai toujours, tout en respectant profondément les convictions personnelles de chacun de mes confrères, et en sachant très bien que l’Académie est et doit être un terrain neutre, que, dans ces cérémonies publiques, l’orateur, en restant lui-même, ne parvienne pas à se dégager assez des engagements de société (plus encore que de parti), pour avoir un mot de justice, je ne veux pas dire de reconnaissance, pour le pouvoir tutélaire qui sait d’ailleurs très bien s’en passer.

530. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Qu'on ne s’étonne donc point que, même à son moment le plus glorieux, il y ait eu des âmes élevées, des âmes d’élite, amies de la justice et du droit, qui se soient dit entre elles comme Cicéron à Atticus : Sibi habeat suam fortunam.

531. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

L’enquête faite, ces jours-ci, auprès des auteurs dramatiques, a confirmé cette pensée que l’art, avec une infinité de moyens divers, tend vers la justice et la bonté.

532. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Nous les retrouverons tout à l’heure, descendus de leur tour d’ivoire, l’un pour susciter les foules et y répandre son vœu de justice, l’autre pour assurer l’ordre du vieux lyrisme français et le rétablir dans ses droits.

533. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Non contens d’avoir donné ce spectacle pendant le jour, ils couroient la nuit les rues, espérant fléchir, par ce moyen, la justice divine.

534. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

— « Et maintenant, dit-il, ces deux âmes pieuses (Michel Le Tellier et Lamoignon), touchées sur la terre du désir de faire régner les lois, contemplent ensemble à découvert les lois éternelles d’où les nôtres sont dérivées ; et si quelques légères traces de nos faibles distinctions paraît encore dans une si simple et si claire vision, elles adorent Dieu en qualité de justice et de règle. » Au milieu de cette théologie, combien d’autres genres de beautés, ou sublimes, ou gracieuses, ou tristes, ou charmantes !

535. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Il aurait fallu placer dans l’État à la même hauteur de respect, l’historiographe et le juge ; il aurait fallu assimiler, dans la considération publique, le juge des morts et des intérêts généraux et politiques, comme l’historiographe, et le juge des vivants et des intérêts privés et civils, comme le magistrat ; car l’honneur et la sécurité des sociétés reposent également sur cette double justice.

536. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Liberté, égalité, droits de l’homme ne sont pas des inventions de l’orgueil ou de l’envie ; ce sont des formes de la justice. […] On se plaint de ce que là où il n’y a pas gouvernement de tous par tous, il n’y a pas de justice. […] Elle voit bien qu’au fond de cette politique si peu éclairée, si peu informée, si téméraire, il y a quelque chose de très pur et de très noble, un sentiment infiniment fort d’humanité et de justice. […] Ils ont voulu la justice égale pour tous, et facile et clémente ; et ils l’ont faite. […] C’est aussi pourquoi, s’il entrait partout, on lui rendra cette justice qu’il ne restait nulle part.

537. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mon esprit de justice, bien connu aussi, me pousse cependant à dire que Mme Andrée Méry a eu quelques accents à peu près pathétiques dans le rôle de Cordélia. […] C’est le contraire qu’il fallait faire, en toute justice. […] Et Alceste est vaincu encore pour avoir combattu, non pas sa partie, homme taré, mais toute la justice de son temps. […] « Il a vu ce qu’étaient la politesse, la justice, l’amitié, l’amour dans la société. […] Il y avait déjà observé une politesse hypocrite, une justice inique, une amitié menteuse, un amour frivole : mais il n’avait pas fait, à cet égard, d’expérience personnelle et douloureuse.

538. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Pour peu qu’on fasse pencher la balance du côté de la justice ou du côté de la bonté, du côté de l’intelligence ou du côté de la puissance, tout est changé. […] Vous étonnez-vous maintenant qu’il étale et pratique le mépris de la justice et des hommes ? […] Vous voyez qu’il se fait justice, et s’assied dans sa brutalité comme dans un lit glorieux et commode ; Machiavel et Borgia n’eussent pas mieux dit. […] Oui, l’arbitraire sauve les peuples en venant au secours de la justice ». — Pour achever, il ajoutait à la tyrannie civile la tyrannie religieuse. […] Les Mormons ne pouvaient espérer ni protection, ni justice, ni repos, ni trêve.

539. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Je les passe sous silence, parce que ce sont de trop horribles histoires ; je dirai seulement que le traître Cotzia fut tué aussi en trahison, et que peu après ses assassins le furent aussi à la bataille de Chicaris, qui est un gros village à la vue de Scander, forteresse d’Imirette, où l’armée de ce pays et celle du prince de Mingrélie se rencontrèrent ; et qu’il y a une Providence toute visible dans les histoires modernes de ces méchants peuples, en ce que Dieu y fait de rudes et brèves justices ; les assassins y sont presque toujours assassinés, et avec des circonstances qui font bien connaître que c’est Dieu qui s’en mêle, et qui emploie ainsi les uns pour punir les autres. […] Elle prétendit en tirer raison par la justice ; mais cette voie n’ayant pu réussir, à cause de l’autorité et du rang de sa partie, elle vint, à la tête de quatre cents hommes, présenter le combat à son infidèle. […] C’est une coutume en Géorgie que, quand la justice ne saurait éclaircir une querelle entre des gentilshommes, ni l’ajuster, on leur permet de se battre en champ clos. […] On appelle cela: aller au tribunal de Dieu, et les Géorgiens soutiennent que cette voie de remettre directement à Dieu la punition d’un crime est très-bonne et très-équitable, quand la justice humaine ne peut connaître si l’accusé est coupable, ou si l’accusateur le charge faussement, Sizi et sa partie arrivés au rendez-vous, une troupe de soldats les séparèrent comme ils mettaient les armes à la main ; et la demoiselle étant morte peu après de honte et de douleur, l’autorité du prince obligea son frère à s’ajuster avec Archyle et avec Sizi. […] Le premier ministre répondit que l’on avait fait cela sans ordre, et qu’il ferait faire justice, quoique ce ne fût pas tout à fait sans sujet, parce que les Anglais avaient la réputation d’emporter tous les ans de grosses sommes de ducats, contre les lois du royaume et avaient été surpris en le faisant.

540. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

— Écartez ces misérables insensés, s’écria l’homme de loi, qui font violence à la justice ! […] — Vous êtes témoins, disait l’homme de loi, que ce jeune insensé s’est opposé avec violence, et une arme à la main, à l’abattement de l’arbre, et qu’il fait opposition à la justice. […] CXVI Nous étions si troublés des blessures aux bras de la jeune fille, de la mort de tout notre pauvre troupeau, notre nourricier, et de la jambe coupée du pauvre chien, mon seul guide dans la montagne, que nous ne pensâmes seulement pas que ces hommes pouvaient remonter en force, après avoir laissé leur sergent blessé ou mort à leur caserne et déposé en justice contre nous.

541. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Deux ouvrages d’éducation, écrits à vingt ans de distance, le livre que le chevalier de la Tour Landry adressait à ses filles (1372) et le Ménagier de Paris, qu’un bourgeois déjà mûr dédiait à sa jeune femme (1302) nous font mesurer la différence des deux classes, la frivolité, l’ignorance, l’amoindrissement du sens moral chez l’excellent et bien intentionné seigneur : chez le bourgeois, le sérieux de l’esprit, la dignité des mœurs, la réflexion déjà mûre, la culture déjà développée, enfin la gravité tendre des affections domestiques, l’élargissement de l’âme au-delà de l’égoïsme personnel et familial par la justice et la pitié. […] Tandis que le bon prêtre de Rouen qui fait la Chronique des quatre premiers Valois, un pauvre écrivain, montre les petites gens faisant déjà le succès d’une bataille, tandis que le carme Jean de Venette, en son mauvais latin, ose excuser la Jacquerie par l’oppression féodale, Froissart rit des bourgeois qui prétendent s’armer pour défendre leur ville et leur vie ; ce n’est pour lui qu’une « garde nationale » fanfaronne et poltronne ; et sereinement, sans une inquiétude de justice, ni un tressaillement d’humanité, il crie : Mort aux Jacques ! […] Ce grand docteur, la plus grande gloire de Navarre avant Bossuet, théologien et lettré, en qui s’unissait la rude subtilité du scolastique aux tendresses ardentes du mystique, âme pure et loyale parmi les corruptions et les intrigues du siècle, passa sa vie à se dévouer pour l’Université, pour l’Église, pour la France, pour le peuple, sans une pensée pour lui-même, sans autre souci que de la loi, de la justice et de la charité.

542. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il veut la royauté absolue, sans limite et sans contrôle : la limite est dans la conscience du roi, le contrôle dans la justice de Dieu. […] Il est admirable et irritant dans sa politique de résistance, identifiant obstinément la bourgeoisie avec la France, les intérêts de la bourgeoisie avec la raison, et, cinquante ans après cette révolution qui avait cru faire place au mérite personnel en ruinant le privilège de la naissance, établissant durement, hautainement le privilège de l’argent : jamais il n’était plus bel orateur, jamais son raisonnement n’a été plus serré, sa parole plus animée, que lorsqu’il allait superbement contre la justice et contre la nécessité, lorsqu’il maintenait, au risque d’abîmer tout, l’iniquité d’une société chancelante. […] Sans s’être classé dans aucun parti, et siégeant, comme il disait, au plafond, Lamartine s’était donné le rôle de jeter, au travers de la discussion des intérêts, toutes les nobles idées de justice, d’humanité, de générosité, sans esprit et sans ambition de parti, faisant simplement sa fonction de poète, tâchant d’élever les consciences, et versant sur les politiciens toute la noblesse de son âme en larges nappes oratoires.

543. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Depuis le coupable cousu dans un sac qui déferlait sous les ponts humides et noirs du Moyen Âge, en criant qu’il fallait laisser passer une justice, on n’a rien vu de plus tragique que la tristesse de cette poésie coupable, qui porte le faix de ses vices sur son front livide. […] On peut la prendre pour une justice, — la justice de Dieu !

544. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Dans un passage remarquable de sa Politique, où il énumère les diverses sortes de gouvernements, Aristote fait mention de la royauté héroïque, où les rois, chefs de la religion, administraient la justice au-dedans, et conduisaient les guerres au-dehors. […] Les hommes à courtes vues prennent pour la justice ce qu’on leur montre rentrer dans les termes de la loi. […] Les hommes éclairés estiment conforme à la justice ce que l’impartialité reconnaît être utile dans chaque cause.

545. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

On sait la célèbre réponse du premier président Achille de Harlay au duc de Guise, qui lui vient demander son concours dès le soir même du triomphe des Barricades : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître, etc. » Faisant quelque mention de cette réponse, Mézeray ajoute : Toutefois ceux-là sont plus croyables qui racontent que ce sage magistrat, usant d’un procédé plus convenable à un temps si dangereux, écouta patiemment ses excuses et les offres qu’il lui fit pour le maintien de la justice, le remercia de la bonne intention qu’il lui témoignait de ne s’éloigner jamais du service du roi, et l’exhorta de la confirmer par de bons effets, afin de rejeter tout le blâme de cette journée sur le front de ses ennemis. […]  » On demanda la suppression de cet étrange axiome plus digne d’une Chambre royale de justice que de l’Académie.

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