Non pas que, dans sa vie besogneuse depuis sa sortie de Vincennes jusqu’à son entrée aux États généraux, Mirabeau, pour subvenir à ses besoins de tout genre, intellectuels et autres, n’ait eu souvent recours à des expédients dont on aimerait mieux que la fortune l’eût affranchi ; mais, en mainte circonstance notable, manquant de tout, lui homme de puissance et de travail, qui ne pouvait se passer à chaque instant de bien des instruments à son usage, lui qui était naturellement de grande et forte vie (comme disait son père), manquant même d’un écu, réduit à mettre jusqu’à ses habits habillés et ses dentelles en gage, il avait résisté à rien écrire qui ne fût dans sa ligne et dans sa visée politique, à prendre du moins les choses dans leur ensemble.
Remo Chiti (1891-1971), journaliste et écrivain, qui appartient dès 1910-1911 au groupe des intellectuels florentins (Carli, Settimelli, Ginanni Corradini).
L’hébreu et le sanscrit portent dans leurs racines l’empreinte d’un sens intellectuel et moral, au lieu de porter l’empreinte d’un sens matériel et physique.
Produit d’une société qui a ses misères à côté de ses grandeurs et ses vices intellectuels à côté de ses vertus sensibles.
Son talent grandissait, sa machine intellectuelle était bonne et fonctionnait activement ; mais sa machine physique était gravement avariée et endommagée par des tempêtes anciennes.
Cette « sociologie sérieuse » a pour elle de flatter plusieurs de nos goûts, tant intellectuels que sentimentaux.
Revues et journaux sont devenus la nourriture intellectuelle, le pain de chaque jour d’une multitude innombrable de lecteurs. […] L’élite des esprits sera moins brillante ; mille et mille esprits sortiront de leur indigence intellectuelle et, dans ce genre aussi, la petite propriété, héritant de la grande, deviendra le plus ferme rempart de la société, qui n’est mise en péril que par ceux qui ne possèdent rien dans le champ des connaissances et des idées. […] Il ne faut pas s’inquiéter outre mesure des défaillances et des troubles qui attristent les premiers jours de cette révolution intellectuelle ; peut-être même y aurait-il injustice à prendre parti complètement pour la sévérité des lettrés à l’égard de ces livres qui descendent complaisamment au-dessous des ignorances de la foule plutôt que de relever la foule jusqu’à la science ou jusqu’à l’art. […] Mais rien n’a pu amollir cette forte et tranquille nature dont l’enthousiasme est tout intellectuel et pour laquelle le monde n’existe que transposé sous des formes pures dans la sphère éternelle de l’art. […] Qu’elle dût un jour revenir sur le charme qui l’avait séduite, je n’hésite pas à le reconnaître ; mais ce qui est certain, c’est que la génération des esprits se trouva superbement renouvelée par ce croisement des races intellectuelles.
Et son éducation sentimentale se fond dans une éducation intellectuelle qui est celle de Flaubert. […] Lors de leur première rencontre, à ce repas au Lion d’Or, merveilleuse ouverture du séjour des Bovary à Yonville, dans cette conversation, trottoir-roulant des idées reçues, Léon commence la conquête intellectuelle d’Emma (en attendant l’autre), quand il fait défiler devant elle toutes les idées reçues qu’elle partage, exhibe une âme sœur de la sienne et abreuvée aux mêmes sources. […] Ce pharmacien s’érige comme l’intellectuel d’Yonville ; c’est en cela qu’il nous semble atteindre le sommet de la bêtise, et cependant, ici encore, ce n’est pas un neutre, un répertoire de clichés comme Léon ou Charles. […] Intellectuel d’Yonville, il figure le Voltaire local. […] Tout lui paraît lié à la formation d’une aristocratie intellectuelle, dont bien entendu il sera, comme il était lieutenant de la garde nationale de Croisset.
Ce qui a trompé, d’une part, les bedeaux de la science et, de l’autre, les entrepreneurs de notre rénovation morale, et, par surcroît, les gens du monde, c’est l’ironie de Renan, — et c’est la richesse même de sa complexion intellectuelle. […] La seconde cause d’erreur quand il s’agit de le juger, c’est, avons-nous dit, la richesse même de son tempérament intellectuel. […] Et je remarque aussi que cette irréligion simpliste a été souvent bienfaisante pour ses sectateurs, les a affranchis de toute inquiétude intellectuelle et morale, leur a donné la paix, la sérénité imperturbable, a eu chez eux tout justement les mêmes effets que la foi du charbonnier. […] Ledoux est remué, et la tendresse paternelle fait ce miracle d’élever l’ex-pharmacien au-dessus de son ordinaire médiocrité intellectuelle et morale. […] Elle est accompagnée d’un ami, un romancier psychologue pour grandes et petites dames, les unes et les autres ayant au fond les mêmes exigences intellectuelles.
Je n’ai point parlé, en effet, de beaucoup de genres plus sérieux, plus importants que le roman et le théâtre, et qui tiendront une large place dans l’histoire intellectuelle de ce temps-ci. […] Quoi qu’il en soit, tout, dans le monde intellectuel et moral, parut être remis en question : mille idées aventureuses, mille théories insensées, mille systèmes absurdes ou dangereux se produisirent tout à coup au grand jour, pareils à ces végétations impures que fait éclore un orage. […] Les brigands de Schiller et plus tard les héros de Byron avaient donné la vogue à ce type poétique, où l’idée du crime se trouvait associée à l’idée de grandeur morale et de supériorité intellectuelle. […] Déjà nous avons eu occasion de signaler M. de Balzac comme le disciple et le continuateur de Beyle : ici surtout cette filiation intellectuelle est manifeste. […] C’est assurément un grand signe d’aberration intellectuelle quand de telles théories osent se produire ; c’est surtout un symptôme affligeant de déchéance morale, quand elles ont eu cours dans une société.
L’influence du positivisme se fit alors sentir dans toutes les manifestations de l’activité intellectuelle, et, tandis qu’il donnait aux sciences naturelles un prodigieux élan, tandis qu’il constituait sous la forme d’une enquête critique la science de l’histoire, il livrait aussi ses méthodes aux littérateurs. […] Déjà s’éveillent en lui des passions et des instincts destructeurs de toute impassibilité, des révoltes, des velléités d’anarchisme intellectuel et moral. […] Elles témoignent, chez cet écrivain, d’une singulière activité intellectuelle. […] L’instinct, dit Laforgue ; et les objections que lui ferait l’ancienne psychologie, hautaine dans sa distinction des nobles facultés intellectuelles et de ce qu’elle considère comme la partie animale de notre âme, sont faciles à deviner ; mais, par instinct, Laforgue entend ici l’Insconscient, qu’il considère comme l’essentiel de notre âme. […] Une semblable synthèse est un symbole, c’est-à-dire, comme Kahn définit cette forme d’art, « la présentation, en un livre ou un poème, d’une série de faits passionnels ou intellectuels par le plus caractéristique de ces faits…51 » Ainsi se fonde sur une conception sensualiste des choses et à l’exclusion de toute croyance mystique le symbolisme de Gustave Kahn.
Quand ce but concentre tellement toutes nos forces intellectuelles et morales, qu’en dehors de lui nous n’avons ni sentiment, ni activité pour rien, alors le sérieux nous domine et nous possède exclusivement, et quand ce but est un objet infini, l’accomplissement d’un devoir sublime ou la satisfaction d’une passion profonde, alors l’état de notre âme est tragique. […] L’orgueil de l’ignorance et le mépris de toute culture intellectuelle sont des ridicules incomparablement plus graves que celui contre lequel il s’escrime, et quand je lis la honteuse tirade où Molière par la bouche de Chrysale exprime ses propres opinions, je ne puis m’empêcher d’épouser la querelle de Philaminte, et de me sentir moi-même atteint personnellement par l’injure que cet impertinent auteur fait à la science58.
On s’étonne qu’un esprit aussi improvisateur ait été en même temps un esprit aussi analytique et aussi réfléchi : Semblable à un Archimède intellectuel, inventeur des plus miraculeux mécanismes, Cicéron démonte devant vous sa machine oratoire et vous en fait toucher au doigt les ressorts, pour vous démontrer comment on persuade, on touche, on passionne, on apaise les hommes rassemblés. […] Certes, s’il appartenait à quelqu’un au monde d’estimer qu’il n’y a de bien que dans la vertu, c’était à vous. » XXIX Cicéron démontre ensuite, avec une évidence véritablement révélatrice, que l’honnête, ou le souverain bien, est un instinct de notre nature intellectuelle aussi irréfutable que le bien-être physique est un instinct de nos sens matériels ; de là, dit-il, ces législations, aussi divines qu’humaines, qui établissent les rapports des hommes entre eux sur les bases d’une équité sociale, qui est la conscience publique du genre humain.
Lui travaille, mais travaille à peu de lucre, à peu de profit intellectuel, à nul agrément. […] À ces esprits de choix, au milieu de leur vie commode, de leur loisir occupé, de leur développement tout intellectuel, la religion philosophique suffit ; ce qui leur importe particulièrement, c’est de se rendre raison des choses ; quand ils ont expliqué, ils sont satisfaits : aussi le côté inexplicable leur échappe-t-il souvent, et ils le traiteraient volontiers de chimère, s’ils ne trouvaient moyen de l’assujettir, en le simplifiant, à leur mode d’interprétation universelle.
Je remarque d’abord qu’elle sortit d’une angoisse morale plutôt qu’intellectuelle, qu’elle n’eut rien de « métaphysique », qu’elle n’est nullement de la même espèce que la conversion (à rebours) d’un Jouffroy ou que la conversion (relative) d’un Pascal. […] Schérer était, si vous y tenez, plus intelligent que Veuillot : il s’en faut que sa personne intellectuelle, morale, littéraire, soit aussi intéressante.
La vie inférieure, végétative ou bestiale, sera moins belle que la vie supérieure, morale ou intellectuelle ; mais, encore une fois, ce qui importe, c’est la vie, et mieux vaut faire vivre devant nos yeux un monstre, malgré le caractère instable et provisoire de toute monstruosité dans la nature, que de nous représenter une figure morte de l’idéal, un composé de lignes abstraites comme celles d’un triangle ou d’un hexagone. […] Au contraire, la littérature orientale et romantique, au lieu d’insister sur la perception objective, insiste sur l’émotion intérieure qui l’accompagne, et elle cherche à ranimer en nous cette émotion ; au lieu de s’appuyer sur le sens trop intellectuel de la vue, elle emprunte aussi bien ses images à ceux du tact, de l’odorat, du sens interne : elle arrive ainsi à susciter des représentations beaucoup plus précises, quoique moins formelles.
Le poète qui veut concilier l’ode et la satire, ou plutôt exprimer la satire par l’ode, doit faire de sa vie intellectuelle deux parts bien distinctes, l’une pour l’étude, l’autre pour le chant. […] Je sais très bien que cette division de la vie intellectuelle est d’une grande utilité dans tous les travaux d’imagination, je devrais dire dans tous les travaux de la pensée ; mais je crois que la satire lyrique a besoin, plus que l’ode elle-même, plus que l’élégie, de séparer l’impression de l’expression. […] Il a circonscrit le thème de son éloge dans les étroites limites de la biographie ; il nous a montré M. de Tracy débutant, comme Descartes, dans la carrière des armes avant d’aborder l’étude de la philosophie ; il nous a parlé du château de ses aïeux ; il nous a récité jusqu’à la devise inscrite au front de ce château ; mais après avoir épuisé la biographie extérieure, la vie sociale de M. de Tracy, il n’a pas entamé la biographie intellectuelle, la biographie du philosophe. […] La condition intellectuelle que j’essaye de peindre en la réduisant à ses éléments les plus généraux, prépare au poète et au critique des triomphes multipliés. […] C’est pour avoir méconnu cette vérité incontestable que les poètes d’aujourd’hui ont proféré contre leurs juges des reproches si amers et si injustes ; c’est pour avoir nié comme imaginaire cette fraternité intellectuelle, qu’ils ont prononcé le mot si singulier d’ingratitude.