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1057. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Mais ajoutons un dernier trait encore : la force intérieure du principe d’évolution est si grande à ce moment du siècle, qu’entre les mains de Malherbe il n’y a pas jusqu’aux lieux communs, qui ne perdent eux-mêmes ce qu’ils peuvent avoir quelquefois de personnel dans l’expression que l’on en donne. […] Mais la logique intérieure du système avait été la plus forte. […] Et, tel sermon Sur les devoirs des rois ou Sur la justice, quelle en est l’idée intérieure et profonde ? […] Et de toutes les causes qui se soient jamais plaidées, ayant défendu deux ou trois des plus grandes et des plus entraînantes, son éloquence enfin n’a jamais vibré, comme celle de Rousseau, du frémissement intérieur des indignations ou des colères mal contenues. […] Autre progrès, autre transformation, plus intérieure, et de plus de portée : les classes se mélangent, les conditions s’égalisent, et les « lumières » se répandent.

1058. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

— Une suite à Chien-Caillou. — L’intérieur de M.  […] Même aspect au dehors, même disposition intérieure : une véritable maison — Sosie. […] Ce fut un véritable coup de foudre intérieur, et qui devait retentir tout le long de sa vie ! […] Une voix intérieure m’avertissait qu’on venait d’abuser de moi, qu’on m’avait trompé, qu’on avait surpris mon approbation. […] Cette révolution intérieure, la nature la veut, — il est impossible qu’elle ne soit pas, et même il est légitime qu’elle soit.

1059. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Oui, Çakia-Mouni, Jésus, Marc-Aurèle, saint François d’Assise, Spinoza, tels qu’il les a compris à travers leurs œuvres et leur vie, ne sont toujours que son moi intérieur, corrigé, idéal ; et malgré l’érudition, la conscience avec laquelle il dépouille les documents, c’est de son propre fonds bien plus que de l’histoire qu’il les a tirés. […] Elle l’accablera sous le fardeau des motifs extérieurs ou intérieurs qui gouvernent sa volonté, non pour le plaindre de sa faiblesse à s’en délivrer, mais pour constater son esclavage avec une joie mauvaise. […] La fidélité, pour elles, ne serait-ce pas le parti pris d’atrophier leur cœur, ne serait-ce pas la renonciation à cette vie intérieure qui fait toute la beauté de l’âme ? […] Elle s’est attachée à la description des mœurs plutôt qu’à celle des sentiments et des idées ; le monde extérieur l’a plus intéressée par ses aspects pittoresques que la vie intérieure avec ses mouvements abstraits ; les couleurs de la nature l’ont plus préoccupée que son mystère. […] pour tomber au port, car sa flamme intérieure, n’ayant d’autre aliment qu’elle-même, la consume, son héroïsme est une force perdue.

1060. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Il ne le figure pas, il le sent ; sa religion est déjà intérieure, comme elle le sera lorsqu’au seizième siècle il rejettera le culte sensible importé de Rome, et consacrera la foi du cœur39. […] Les poëtes n’ont point satisfait à leur trouble intérieur, s’ils ne l’ont épanché que par un seul mot. […] La force de l’impression intérieure qui, ne sachant pas s’épancher, se concentre et se double en s’accumulant, l’aspérité de l’expression extérieure, qui, asservie à l’énergie et aux secousses du sentiment intime, ne travaille qu’à le manifester intact et fruste en dépit et aux dépens de toute règle et de toute beauté, voilà les traits marquants de cette poésie, et ce seront aussi les traits marquants de la poésie qui suivra.

1061. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Il lui semblait voir Sûzel étendre ces feuilles vertes au fond de la corbeille, puis déposer les cerises dessus, ce qui lui procurait une satisfaction intérieure, et même un attendrissement qu’on ne pourrait croire. […] » Et la joie intérieure rayonnait sur sa figure, il reconnaissait en ces choses le doigt de Dieu. […] La petite Sûzel, au bras de Fritz au milieu de cette foule, jetait des regards furtifs, pleins de ravissement intérieur et de trouble ; chacun admirait les longues nattes de ses cheveux, tombant derrière elle jusqu’au bas de sa petite jupe bleu-clair bordée de velours ; ses petits souliers ronds, dont les rubans de soie noire montaient en se croisant autour de ses bas d’une blancheur éblouissante ; ses lèvres roses, son menton arrondi, son cou flexible et gracieux.

1062. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

La face intérieure, qui forme le portail, est en demi-lune, enfoncée de treize pieds environ, fort élevée et toute revêtue de jaspe du rez-de-chaussée à dix pieds en haut, avec des perrons du même ouvrage. […] Il est large et haut, fait en voûte, revêtu à dix pieds de terre de tables de marbre peint et doré, avec un perron tout autour, sur lequel les eunuques de garde se tiennent assis pour recevoir les messages des eunuques du dehors et les porter au dedans ; car les eunuques ne vont pas tous indifféremment dans l’intérieur du sérail. […] Et quand il me l’aurait voulu celer, ne m’aurait-il pas été plus aisé qu’à vous d’en découvrir quelque chose, puisque je demeure dans le palais intérieur, et que je sais tout ce qui s’y passe de plus secret ; que vous n’y entrez jamais, et que vous ne le pouvez regarder que par dehors ?

1063. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Et le gentilhomme disparaît… Je ne vois plus dans cet intérieur de bohème, dans cette chambre de faiseur de tours aux chiens savants de Stevens, que le campement d’un saltimbanque en chambre. […] Nous allons avec lui chez Berthelot, son voisin, et tombons dans l’intérieur du chimiste. […] » Et la fatalité de cette conversation, ce qui planait dans cet intérieur, la fin prochaine de l’hôte qui nous recevait, avaient jeté tous les dîneurs dans une triste songerie.

1064. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Cette beauté réunissait en elle tous les contrastes ; ses regards traduisaient tous les sentiments qui l’animaient avec une rapidité et une transparence qui avaient fait dire à sir Walter Scott que “sa belle tête ressemblait à un vase d’albâtre éclairé par une lampe intérieure”. […] On voyait un grand homme exténué par sa flamme intérieure, le corps droit, le visage pâle, le front humide de moiteur, les deux mains amaigries immobiles sur la tribune, les bras collés au buste comme ceux d’un stoïcien, les lèvres tremblantes, réfléchir longtemps à ce qu’il allait dire, puis arracher avec effort de sa poitrine une voix profonde et palpitante d’émotion contenue, puis couler en phrases entrecoupées de silences, puis répandre à flots lents ou précipités, non de vains arguments ou de sonores périodes, mais une âme toute nue et toute chaude de grand homme sensible, de grand homme d’État, de grand homme de bien qui forçait d’abord l’auditoire au silence, bientôt à l’admiration, peu à peu aux acclamations, à la fin aux larmes, ce triomphe de la nature sur les factions. […] Il y a dans cette sensation des frissons intérieurs d’isolement posthume et de plaisir philosophique que les hommes jeunes et avides de regards ne peuvent comprendre.

1065. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Des espérances particulières, douteuses ou timorées, donnent naissance à toutes sortes de petites hérésies ; la religion intérieure est créée, et inaugurée la période de dissolution religieuse. En devenant intérieure et individuelle, la religion suscite dans les esprits une inquiétude particulière, le scrupule. […] Une voix intérieure, une voie impeccable, une voix impérative, nous dicte toujours notre devoir. […] Sérieuse, aspirations élevées (13) ; franchise et gaieté (11) ; femme d’intérieur, bonne ménagère (8) ; intelligence, jugement, curiosité d’esprit (7). […] Pour que la substance soit absolue, il faut qu’elle soit la substance des phénomènes intérieurs du moi, c’est-à-dire le sujet pensant qui ne dépend que de lui-même. » Kant, Critique de la Raison pure.

1066. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il peut même être intérieur et cheminer comme un message électrique le long des filets nerveux. […] Quinton y est arrivé en prouvant qu’une espèce animale est d’autant plus récente que sa température intérieure est plus élevée. […] Tout arrive, et je sais bien que des irrégulières ont fait d’excellentes femmes d’intérieur. […] Ils sont jaloux, non seulement sans cause extérieure, mais aussi sans cause intérieure. […] Nos maladies morales ne sont jamais que les signes visibles, les symptômes d’une maladie physique intérieure, généralement localisée dans le cerveau.

1067. (1888) Portraits de maîtres

À l’intérieur il n’est plus qu’un avis sur l’illégalité du Dix-Huit brumaire ; mais Michelet achève de nous révéler les secrets de cette désastreuse journée qui pour beaucoup fut une journée des Dupes. […] Le deuxième volume a été consacré à la première campagne d’Italie, à la féerie militaire d’Égypte, à la politique intérieure. […] Les Intérieurs, ses épîtres À un jeune tribun, Ce monde et l’autre, À trois paysagistes, pourraient l’apprendre à ceux qui l’ignorent. […] De là bien des dissidences tournant en querelles dans les salons et dans l’intérieur des familles, bien des résistances de parti pris aggravées par la moquerie et le persiflage. […] Ne crois pas que l’air de la province ait éteint ta vie intérieure.

1068. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Le regard intérieur n’est ici qu’un moyen. […] En quoi consiste précisément l’appel intérieur qui fait le grand médecin ? […] La certitude de la besogne bien faite équilibre l’homme, de se savoir utile à ses semblables lui donne une fierté intérieure qui le rehausse à ses propres yeux. […] Notre milieu intérieur — ce milieu découvert par Claude Bernard, où notre force s’élabore — n’est-il pas constitué par les sécrétions de glandes antitoxiques les unes des autres ? […] Les philosophes l’emploient pour désigner ce qu’il y a de plus intérieur, et, par suite, de plus profond, dans une doctrine.

1069. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Les meilleures de nos intellectuelles y aiment un pays de pensée et de respectabilité, un pays où la vie s’enferme dans le home et où les sentiments se recouvrent d’un aspect froid et poli, glacis de pudeur ; un pays de vie intérieure intense et rêveuse. […] La façon dont ce tambour sonne alternativement tous les poètes ne permet peut-être d’affirmer que son vide intérieur. […] Et pourtant ce me fut un chagrin de voir cette expressive interprète essayer un moyen d’expression pour lequel elle n’est point faite et dévoiler son vide intérieur. […] Pas de famille, pas d’intérieur… » J’avais l’intention cruelle de répéter jusqu’à la fin l’éloquente période ; un bâillement irrésistible — et dont je vous demande bien pardon, mesdames et messieurs — m’a heureusement interrompu. […] La vie extérieure de la femme est moindre que celle de l’homme, sa vie intérieure est plus profonde ; c’est peut-être cette différence qui constitue tout le fameux « mystère féminin ».

1070. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

J’avais l’impression, très singulière, que ma personne intérieure, nul autre que moi n’avait le droit de la connaître et de la juger ; là, aucun grand-père, aucune tante ne pouvait gronder, ou raisonner, ni savoir surtout. […] On nous rappela à l’intérieur, pour essayer des robes blanches, que la couturière venait d’apporter. […] C’était le tour, qui seul donnait accès dans l’intérieur du couvent. […] La salle, très vaste, avec son plancher un peu en pente, était au rez-de-chaussée, sur une cour intérieure. […] Cet intérieur était des plus modestes ; tous les efforts étaient concentrés sur Virginie, le seul espoir du pauvre ménage, tous les sacrifices étaient admis pour soutenir son élégance extérieure et pour parer sa beauté.

1071. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Enfin, si le second acte est forcément un peu aride, le premier est un très cordial tableau d’intérieur bourgeois, et le quatrième contient des scènes d’une émotion piquante. […] Au commencement de chacune de ses lettres, Flaubert raconte qu’il vient d’écrire en huit jours deux pages de la Bovary, et cela, en passant les nuits, et avec des efforts de damné, suant, geignant, se décarcassant, et parfois « tombant de fatigue sur son divan, y restant hébété dans un marais intérieur d’ennui ». […] Elle est, si je puis dire, plus intérieure et se trahit au dehors par des déplacements de lignes beaucoup plus lents et plus doux. […] très enfant malgré sa précoce affectation de blague, d’être sensible à un genre de mérite qui ne se sent bien qu’à la réflexion et qui suppose une dépense d’énergie toute silencieuse et toute intérieure. […] C’est sans doute pour cela qu’il est triste et que, ayant à s’arranger un intérieur, il a conçu et réalisé un musée de Cluny poussé au sombre.

1072. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Je noterai aussi le joli tableau intitulé le Réveil d’une mère ; on s’est étonné que ces jouissances pures d’une épouse vertueuse, ces chastes sourires d’un intérieur de famille aient trouvé, cette fois, dans Parny un témoin qui sût aussi bien les traduire et les exprimer ; mais c’est que les torts de Parny, s’il n’en avait eu que contre la pudeur et s’il ne s’était attaqué directement aux endroits les plus sacrés de la conscience humaine, ne seraient guère que ceux de l’époque qu’il avait traversée dès sa jeunesse. « Il ne faudrait pas trop nous juger sur certaines de nos œuvres, me disait un jour un vieillard survivant, avec un accent que j’entends encore : Monsieur, nous avons été trompés par les mœurs de notre temps. […] Le travail des bureaux ne m’est point étranger : j’ai exercé pendant treize mois un emploi dans ceux de l’Intérieur, et je ne me chargeais pas des choses les plus faciles.

1073. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

C’est une étrange prétention des hommes de vouloir que l’amour conduise quelque part. »………………… II Une autre digression, mais qui tient au sujet, nous entraîne chez le grand-père de Marius, ancien émigré de quatre-vingts ans, dont l’intérieur est bien peint, mais un peu trop en caricature. […] VII « C’est l’intérieur d’une fleur encore close, c’est une blancheur dans l’ombre, c’est la cellule intime d’un lis fermé qui ne doit pas être regardé par l’homme tant qu’il n’a pas été regardé par le soleil.

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