Son printemps d’idylle y refleurit bien des fois ; sa fraîcheur d’impressions se conserva jusqu’au dernier jour. […] L’histoire de la conversation, je viens de le dire, me paraît impossible, comme cette de tout ce qui est essentiellement relatif et passager, de ce qui tient aux impressions mêmes. […] Ils ont épousé le public ; ils sont entrés dans ses impressions une fois ; il y a gradation jusque dans leurs pertes : ils vieillissent avec harmonie. […] On peut y ressaisir sous d’autres noms le calque ou le reflet de ses propres impressions successives dans sa vie de palais. […] Elle avait écrit chaque soir, autant qu’elle l’avait pu, les événements, les impressions, les entretiens de la journée.
Délicatesse d’impression et délicatesse d’expression, tel est en effet parmi les animaux le caractère distinctif de l’homme, et, comme on l’a vu, telle est chez lui la source du langage et des idées générales ; il est parmi eux ce que serait un grand et fin poète, Heine ou Shakespeare, parmi des manœuvres et des paysans. […] Bien mieux, avant-hier, voyant un chevreau d’un mois qui bêlait, elle a dit oua-oua, le nommant d’après le chien, qui est la forme la plus voisine, et non d’après le cheval, qui est trop grand, ou d’après le chat, qui a une tout autre allure175. — Voilà le trait distinctif de l’homme ; deux perceptions successives fort dissemblables laissent néanmoins un résidu commun qui est une impression, une sollicitation, une impulsion distincte dont l’effet final est telle expression inventée ou suggérée, c’est-à-dire tel geste, tel cri, telle articulation, tel nom. […] Si l’on résume les faits que je viens de raconter, on arrive aux conclusions suivantes ; c’est aux observateurs à les contrôler par des observations faites sur d’autres enfants : L’enfant crie et emploie son organe vocal à l’origine de la même façon que ses membres, spontanément et par action réflexe. — Spontanément, et par plaisir d’agir, il exerce ensuite son organe vocal de la même façon que ses membres, et il en acquiert l’usage complet par tâtonnements et sélection. — Des sons non articulés, il passe ainsi aux sons articulés. — La variété d’intonations qu’il acquiert indique chez lui une délicatesse d’impression et une délicatesse d’expression supérieures. […] Bien mieux, jamais il ne le dit à propos d’une poupée, probablement parce qu’il la touche et qu’il en a une impression tactile. […] Ce frottement, qui ôte à chaque son imitatif sa spécialité, marche tout à fait parallèlement à la généralisation de nos impressions, et nous n’avons pas d’autre moyen de comprendre comment, après une longue lutte, les vagues imitations phonétiques d’impressions spéciales devinrent les représentations phonétiques définies de concepts généraux.
L’homme, forcé de se mettre en équilibre avec les circonstances, contracte un tempérament et un caractère qui leur correspond, et son caractère comme son tempérament sont des acquisitions d’autant plus stables, que l’impression extérieure s’est enfoncée en lui par des répétitions plus nombreuses et s’est transmise à sa progéniture par une plus ancienne hérédité. […] Mais entre autres différences, il y a celle-ci, qu’un des artistes est le précurseur, et que l’autre est le successeur, que le premier n’a pas de modèle, et que le second a un modèle, que le premier voit les choses face à face, et que le second voit les choses par l’intermédiaire du premier, que plusieurs grandes parties de l’art se sont perfectionnées, que la simplicité et la grandeur de l’impression ont diminué, que l’agrément et le raffinement de la forme se sont accrus, bref que la première œuvre a déterminé la seconde. […] Nous ne pouvons la fixer dans une formule exacte ou approximative ; nous ne pouvons avoir et donner, à propos d’elle, qu’une impression littéraire ; nous sommes réduits à noter et citer les faits saillants par lesquels elle se manifeste, et qui indiquent, à peu près, grossièrement, vers quelle hauteur de l’échelle il faut la ranger. […] Il y a un système particulier d’impressions et d’opérations intérieures qui fait l’artiste, le croyant, le musicien, le peintre, le nomade, l’homme en société ; pour chacun d’eux, la filiation, l’intensité, les dépendances des idées et des émotions sont différentes ; chacun d’eux a son histoire morale et sa structure propre, avec quelque disposition maîtresse et quelque trait dominateur. […] Nul n’a mieux enseigné à ouvrir les yeux et à regarder, à regarder d’abord les hommes environnants et la vie présente, puis les documents anciens et authentiques, à lire par-delà le blanc et le noir des pages, à voir sous la vieille impression, sous le griffonnage d’un texte, le sentiment précis, le mouvement d’idées, l’état d’esprit dans lequel on l’écrivait.
Mais les nouvelles impressions de magnifiques tableaux de la nature se renchérirent à l’approche des îles que l’on voyait s’élever à l’horizon, par une mer tranquille et un ciel pur. […] C’était la première terre que Humboldt foulait depuis son départ d’Europe, et il rend compte en ces termes de l’impression qu’il en ressentit : « Rien ne peut exprimer la joie qu’éprouve le naturaliste quand, pour la première fois, il touche une terre qui n’est pas l’Europe. […] C’est au milieu des impressions produites par cette nature de paradis que Humboldt et ses compagnons arrivèrent à Orotava. […] Ces impressions ont une influence remarquable sur nos résolutions, et nous cherchons comme instinctivement à nous mettre en rapport avec les circonstances qui, depuis longues années, ont pour nous un attrait particulier. […] J’en ai peu rencontré depuis qui m’aient laissé une impression plus pénétrante et plus agréable.
Quelques scènes heureuses, de beaux vers, plutôt des rôles que des caractères, l’amour sous la forme de la galanterie, des pièces dont les meilleures laissent une impression d’estime pour l’auteur plutôt que le souvenir de personnages vivants ; l’art demeurant dans les grandes voies, mais sans produire d’effets nouveaux ; une langue saine dans les bons endroits, incorrecte, vague, sans couleur dans le reste, et, là même où elle est irréprochable, paraissant fatiguée ; telle est la tragédie dans les mains des imitateurs de Corneille et de Racine. […] Et, chose remarquable du plus rocailleux de nos poètes, l’impression dernière qui nous reste des vers de Rhadamiste et Zénobie, est une impression d’harmonie : tant il est vrai que cette qualité, au lieu d’être un don personnel, est l’effet nécessaire de toutes les autres qualités du langage réunies. […] — voulant le juger sur une impression récente. […] Et puisque je me règle d’ordinaire, dans mes jugements, sur l’impression dernière, celle qui me reste, au moment où j’écris ces lignes, est une impression de fécondité, de variété et de vie.
Il pourra étonner les Anglais eux-mêmes par cette vivacité d’impression qui se confie résolument en sa propre lecture. […] Il se porte à l’auteur qu’il lit, directement, avec toute sa vigueur d’esprit, et y puise une impression nette et ferme, de première main, de première vue (facie ad faciem) ; il en tire une conclusion qui jaillit de source, qui bouillonne et déborde. […] Quand je dis qu’il l’exalte, je vais trop loin : il le décrit lui et son œuvre, mais il les décrit de telle sorte que sa parole rend le tableau à vous en faire venir l’impression au vif et jusqu’à la peau. […] Ce style produit sur l’esprit, à la longue, une impression certaine, inévitable, qui va quelquefois jusqu’aux nerfs.
Les impressions qu’il reçoit des objets sont si vives qu’il n’existe pour ainsi dire pas en dehors d’elles. […] Ce qu’il rend toujours, et qu’il communique, c’est l’impression directe, immédiate, des choses. […] Daudet, construits uniquement sur des impressions notées, participent du décousu de ces impressions, en même temps qu’ils en conservent l’incomparable vivacité.
J’ai essayé de définir10 il y a un an, l’impression que faisaient sur moi, pris dans leur ensemble, les romans de M. […] Or, bien que nous soyons, nous et le monde, dans un flux perpétuel, et qu’il y ait d’ailleurs quelque plaisir à changer (d’abord on jouit ainsi des choses en un plus grand nombre de façons, et puis cette faculté de recevoir du même objet des impressions diverses peut aussi bien passer pour souplesse que pour légèreté d’esprit), toutefois, et je le dis à ma honte, je n’ai pas assez changé dans cet espace d’une année pour avoir rien d’essentiel à ajouter à ce que j’ai dit déjà. […] Pour documents il n’a (car il s’agit toujours, ne l’oubliez pas, du second empire) que les souvenirs et les impressions de sa jeunesse, des impressions nécessairement incomplètes et effacées ou déformées par le temps.
Voilà l’exacte impression, telle qu’elle s’annonce tome ii, (page 233). […] La préoccupation de l’auteur en faveur de la liberté de l’individu et de ses garanties est, d’ailleurs, des plus honorables et des plus généreuses ; mais sous cette impression il était en train, dans cet ouvrage, de maîtriser l’histoire et de lui imposer une vue fixe, exclusive. […] La relation, Quinze jours au désert, qu’on a pu lire dans un des derniers numéros de la Revue des deux mondes, nous montre un Tocqueville simple voyageur, chevauchant à côté de son ami Gustave de Beaumont, cherchant presque les aventures, et nous racontant ses impressions vives et sérieuses, aux limites extrêmes de la colonisation, à travers une forêt vierge.
L’imitation saute tout d’abord aux yeux, et, mon impression une fois prise, je me méfie, je crains de m’avancer. Mais, d’un autre côté, si je m’en tiens à cette première impression, si je rejette avec dédain le poëte comme novice et peu original encore, je puis lui faire tort et injure. […] E. de Montlaur, esprit élégant, cultivé, nourri du suc des poëtes, et qui, sous ce titre : la Vie et le Rêve 49, a recueilli des impressions légères ou touchantes, des esquisses de voyage, des lettres en vers, tout un album, image des goûts et des sentiments les plus délicats ?
Mais ces passages ont été prudemment retranchés à l’impression par l’éditeur (M. […] Pozzo di Borgo, Marmont, tenaient alors le premier rang dans ses amitiés ; elle apportait son jugement propre dans les impressions mêmes qu’elle recevait d’eux et dans les confidences curieuses qu’elle recueillait de leur bouche. […] J’avais lu autrefois un de ces romans manuscrits, et, tout en y appréciant quelques parties d’une observation délicate et vraie, je m’étais bien gardé de laisser croire qu’il put être livré à l’impression.
Maintenant il est impossible de s’intéresser fortement à ces ouvrages, qui ne sont que spirituels, n’embrassent point les sujets qu’ils traitent dans leur ensemble, et ne les présentent jamais que par un côté, que par des détails qui ne se rallient ni aux idées premières, ni aux impressions profondes dont se compose la nature de l’homme. […] Sans doute il est des sujets dans lesquels l’art ne peut suppléer à ce que l’on éprouve réellement ; mais il en est d’autres que l’esprit pourrait toujours traiter avec succès, si l’on avait profondément réfléchi sur les impressions que ressentent la plupart des hommes, et sur les moyens de les faire naître. […] Lorsqu’on se sert d’un mot nouveau, il faut qu’il soit bien prouvé, pour tous ceux qui savent lire, qu’il n’existait pas dans la langue un autre terme qui rendit précisément la même nuance de pensée, ni une tournure heureuse qui dût produire une égale impression.
On peut sortir en toute saison, vivre dehors sans trop pâtir ; les impressions extrêmes ne viennent point émousser les sens ou concentrer la sensibilité ; l’homme n’est point alourdi ni exalté ; pour sentir, il n’a pas besoin de violentes secousses et il n’est pas propre aux grandes émotions. […] Je crois même que l’homme, ayant plus de facilités, reçoit des impressions plus profondes ; le dehors entre en lui davantage, parce que les portes chez lui sont plus nombreuses. […] Toutes les impressions s’atténuent ; le parfum est si faible que souvent on ne le sent plus ; à genoux devant leur dame, ils chuchotent des mièvreries et des gentillesses ; ils aiment avec esprit et politesse ; ils arrangent ingénieusement en bouquets « les paroles peintes », toutes les fleurs « du langage frais et joli » ; ils savent noter au passage les sentiments fugitifs, la mélancolie molle, la rêverie incertaine ; ils sont aussi élégants, aussi beaux diseurs, aussi charmants que les aimables abbés du dix-huitième siècle : tant cette légèreté de main est propre à la race, et prompte à paraître sous les armures et parmi les massacres du moyen âge, aussi bien que parmi les révérences et sous les douillettes musquées de la dernière cour !
Larroumet ne se satisfait pas de la méthode agréable qui consiste à lire une œuvre et à développer les impressions de sa lecture. […] Quelques nuances, quelques impressions ont été apportées par la sensibilité artistique des écrivains. […] Elle n’agit plus, dès qu’il a un texte sûr : il n’essaie pas d’atténuer l’impression qu’on peut recevoir de la société de Racine avec la Champmeslé et tous ceux, mari et amants, avec lesquels il la partagea paisiblement.
Nous ne renoncerions à utiliser notre impression qu’à la condition d’employer celle d’un devancier ou d’un confrère. […] Mais alors, si notre objet nous impose l’emploi de l’impression subjective, et si le premier commandement de la méthode scientifique est la soumission de l’esprit à l’objet, pour organiser les moyens de connaître d’après la nature de la chose à connaître, ne sera-t-il pas plus scientifique de reconnaître et de régler le rôle de l’impressionnisme dans l’étude des œuvres littéraires que de le nier, et, comme on ne supprime pas une réalité en la niant, de laisser cet élément personnel rentrer sournoisement et agir sans règle dans nos travaux ? […] Notre métier consiste à séparer partout les éléments subjectifs de la connaissance objective, l’impression esthétique des passions et des croyances partiales, à éliminer tout ce qui ne peut être productif que d’erreur ou d’arbitraire, à retenir, filtrer, évaluer tout ce qui peut concourir à former une représentation exacte du génie d’un écrivain ou de l’âme d’une époque.
Mais entrer dans l’intimité même de ses créations serait hors de ma compétence ; je redirais seulement l’impression faite sur moi. […] En poursuivant l’examen, en abordant la structure de l’œuvre, les divers éléments apparaissent successivement, complétant et renforçant l’impression première. […] Qu’il nous suffise d’avoir noté notre impression personnelle et franche.
En passant des Grecs aux Romains, nous éprouvons à peu près le même sentiment qu’un voyageur, qui, après avoir parcouru les îles de l’Archipel et le climat voluptueux de l’ancienne Ionie, serait tout à coup transporté au milieu des Alpes ou des Apennins, d’où il découvrirait un horizon vaste et une nature peut-être plus majestueuse et plus grande, mais sous un ciel moins pur, et qui ne porterait point à ses sens cette impression vive et légère qu’il éprouvait sous le ciel et dans la douce température de la Grèce. […] Les poètes parcourent dans la nature tout ce qui donne des impressions ou agréables, ou fortes, et transportent ensuite ces beautés ou ces impressions dans le langage ; ils attachent par une sensation un corps à chaque idée, donnent aux signes immobiles et lents la légèreté, la vitesse ; aux signes abstraits et sans couleur, l’éclat des images ; aux êtres qui ne sont vus et sentis que par la pensée, des rapports avec tous les sens.