Il s’agit ici comme ailleurs de faire voir et comprendre l’objet, c’est-à-dire de marquer les petites circonstances par lesquelles notre observation le découvre, et de les rassembler sous une impression dominante par laquelle notre raison le concevra. […] Tous ses traits sont calculés pour produire une impression unique. […] Mais, d’une litanie sentencieuse qui ne laisse à l’auditeur aucune impression précise, et dont les parties éparses défilent lentement sans aller au but, il a fait le discours d’un amant, dont chaque mot est une preuve de tendresse.
« Ils ont fui, mes jours, plus rapides que le cerf des forêts ; ils ont fui plus glissants que l’ombre, et ils n’ont goûté d’autre bien que pendant un battement de paupières quelques heures sereines dont je conserve l’impression dans mon âme, comme d’un breuvage amer et doux sur mes lèvres. […] Voici comment il décrit, dans une de ses lettres à son amie Thérésa ***, ses impressions à Arquà ; nous y avons retrouvé les nôtres : « Thérésa, s’apercevant de ma taciturnité, changea d’accent et essaya de sourire. […] » J’ai cité avec bonheur cette lettre d’Ugo Foscolo, parce que j’y ai retrouvé mes propres impressions écrites par un grand écrivain qui avait, comme moi, l’idolâtrie des grandes âmes tendres, les plus grandes, car elles sont les plus sensibles.
« Or la raison ne vous dit-elle pas assez que tous ces objets qui existent dans votre âme, ou de fougueux désirs, ou de vains transports de joie, ne sont pas de vrais biens, et que ceux qui vous consternent ou qui vous épouvantent ne sont pas de vrais maux ; mais que les divers excès ou de tristesse ou de joie sont également l’effet des préjugés qui vous aveuglent, préjugés dont le temps a bien la force à lui seul d’arrêter l’impression : car, quoi qu’il arrive, nul changement réel dans l’objet ; cependant, à mesure que le temps l’éloigne, l’impression s’affaiblit dans les personnes les moins sensées, et par conséquent, à l’égard du sage, cette impression ne doit pas même commencer. » VIII Sa théorie des passions n’est pas moins sévère ; son rigorisme n’admet pas même la sainte colère qui possède en apparence l’orateur indigné dans ses accès d’éloquence.
Retz, moins bouffon, laisse pourtant à maintes reprises une impression comique. […] Il faut du temps à l’épouvante, à l’horreur, au saisissement, pour se transformer en impressions artistiques. […] Cela explique pourquoi les époques les plus littéraires, au sens étroit du mot, sont celles où la nation retrouve le calme dans un ordre accepté par la grande majorité ; où il se forme pour un temps une quasi-unité de la conscience collective ; où le régime établi, quel qu’il soit, féodal, monarchique, démocratique, donne une impression de stabilité.
Par exemple, dans un tas de pierres, les deux forces, la Pesanteur et l’Impénétrabilité, existent, mais à l’état de germes seulement ; pour Schopenhauer, elles n’acquièrent l’absolue réalité que lorsque dans une œuvre d’art, un portique par exemple, elles se révèlent comme impression esthétique sur l’ame contemplative. Cette identité entre la réalité et l’impression esthétique caractérise sa philosophie. Schopenhauer dit : « Chaque œuvre d’art s’efforce à nous montrer les choses telles qu’elles sont en vérité et en réalité, mais telles qu’elles ne peuvent être reconnues par chacun, à cause du voile que jettent autour d’elles les impressions fortuites, de nature objective ou subjective.
Et qui sait si toutes nos impressions de choses extérieures ne viennent pas, non de ces choses, mais de nous. […] Le cercle pour le haut, le café pour le bas, voilà où aboutiront la société et le peuple… De là une impression de passer là-dedans, ainsi qu’un voyageur. […] * * * — De tout tableau, qui procure une impression morale, on peut dire, en thèse générale, que c’est un mauvais tableau.
Le résultat le plus certain de toutes les observations qui déjà ont été faites, c’est que l’homme du Midi, tout en étant au fond le même que l’homme du Nord, est cependant plus expansif, et que l’homme du Nord, au contraire, par l’effet même des impressions que les circonstances extérieures produisent sur lui, est plus facilement reporté vers lui-même et vit d’une vie plus intime. […] Aussi la Critique de la Raison pure ne produisit pas d’abord une grande impression ; il lui fallut plusieurs années pour faire sa route ; il fallut que quelques penseurs laborieux et indépendans, après avoir étudié la nouvelle doctrine, attirassent sur elle l’attention en l’exposant à leur manière. […] On ne peut pas se prononcer plus nettement. « Nul doute, dit-il, que toutes nos connaissances ne commencent avec l’expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle sollicitée à s’exercer, si ce n’est par les objets qui frappent nos sens, et qui d’une part produisent en nous des représentations d’eux-mêmes, et de l’autre mettent en mouvement notre activité intellectuelle et l’excitent à comparer ces objets, à les unir ou à les séparer, et à mettre en œuvre la matière grossière des impressions sensibles pour en composer cette connaissance des objets que nous appelons expérience ?
Il en a les nerfs, ces nerfs qui sont les cordes de la lyre, qui, tendus, donnent les sons purs des cordes d’argent et les sons pleins des cordes d’or, mais qui se relâchent ou se brisent au moindre contact, à l’impression du moindre souffle. […] À côté de l’aconit, il s’y trouve des laitues assez fades, mais l’impression générale de cette olla podrida de venin distillé et d’herbes à tisane, est une impression dont le cœur ou l’esprit, quand il l’a reçue, doit se ressentir bien longtemps.
Mais tout cela découd instantanément les raisonnements qu’on pourrait faire contre ces impressions absurdes plus fortes que les syllogismes et les droitures de la logique ; et, qu’on le veuille ou non, si on n’a pas l’âme faite avec le grès d’une cruche, on reste, après avoir lu de telles choses, vibrant dans la volute assoupie de son rêve, comme la toupie qui tourne, endormie, dans la main ouverte de l’enfant ! […] Tout cela — des contes d’ogre pour des enfants qui se croient des hommes — n’a qu’une prise d’un moment sur l’imagination du lecteur, et manque, comme impression d’Art, de profondeur et de vraie beauté. […] Et c’est ainsi que la Poésie fut vengée et que le poète fut puni d’avoir sacrifié le Beau à l’Extraordinaire, et les exquises impressions de la poésie aux vulgaires et nerveuses sensations de l’étonnement et de l’épeurement.
Ce n’est qu’en Allemagne que la bonté est toujours bonne… » À mesure qu’il s’avançait vers le Nord proprement dit, il sentait le calme descendre en lui, sa gaieté prête à renaître, même au milieu de la mélancolie légère que lui apportait l’aspect des landes uniformes et des horizons voilés : « L’atmosphère brumeuse était partout embellie par le caractère et la bonté des habitants. » Sortant d’un pays où il laissait ses biens en séquestre, sa réputation calomniée, où il avait entendu siffler de toutes parts l’envie, et vu se dresser la haine, il entrait dans des régions paisibles où la bienveillance venait au-devant de lui : « Les hommes, dit-il spirituellement, qui ne témoignent leur bienveillance qu’après y avoir bien pensé, me font l’effet de ces juifs besogneux qui ne livrent leur marchandise qu’après en avoir reçu le payement. » Je ne puis ici raconter tout ce qu’il apprit et découvrit dans ces régions du Nord. « Pour écrire sur l’histoire de ce pays, il faut vivre aux bords de la Baltique, avec les hommes distingués et les livres que l’on ne trouve que là. » Il ne s’en tint pas au Danemark ; il fit une petite excursion en Scanie, et en reçut des impressions vives : « Quand j’eus passé la Baltique, je me sentis dans un pays nouveau : le ciel, la terre, les hommes, leur langage, n’étaient plus les mêmes pour moi. […] Rome, à cette date, avait une physionomie bien faite pour frapper d’une impression ineffaçable ceux qui la virent.
Je le crois aussi ; mais, monsieur le voleur, nous avez bien fait, vous ne serez pas puni pour cela, et vous auriez été couronné à Lacédémone. » Il ne tarit pas là-dessus, il est comme notre ami Sacy ; il n’en a jamais assez de la relire : « Je suis enchanté, monsieur, de la manière dont vous parlez des Lettres de Mme de Sévigné ; elles m’ont fait la même joie, et je les relis comme elle relisait les lettres de sa fille, pour faire durer le plaisir. » Sur Mme de Motteville, dont les Mémoires parurent pour la première fois en 1723, on n’a jamais mieux dit que Mathieu Marais sous l’impression toute vive d’une première lecture : « Il n’y a jamais eu ensemble tant de faits secrets, tant de caractères bien marqués, tant de portraits ressemblants et une connaissance si grande de la Cour et des familles. […] Il me resterait un devoir désagréable à remplir : ce serait de me plaindre, au nom de tous les lecteurs, des nombreuses fautes d’impression qui sautent aux yeux dans ces volumes sortis d’une imprimerie célèbre ou qui du moins en portent le nom.
Appelé pour la première fois, Messieurs, et par un honneur que je ressens comme je le dois, à rendre compte des motifs et des choix de l’Académie, on me permettra de dire mon impression la plus sincère : c’est que jamais, devant aucun tribunal, examen ne s’est fait avec plus de scrupule et de conscience, que celui des dossiers qui chaque année nous sont soumis. […] La littérature, Messieurs (et par ce mot j’entends toute la culture des choses de l’esprit, se manifestant par l’impression ou par la représentation dramatique), a pris de nos jours un caractère qu’il ne faudrait ni dénigrer ni préconiser outre mesure.
Un peu d’eau pure au pauvre voyageur, il ne fait que rendre témoignage sincère d’une impression éprouvée par lui à cet âge de rêves épiques, lorsque, attendant l’heure d’aborder son Clovis, l’auteur futur des Clefs du Paradis et du Concordat de 1817 traitait en dithyrambe le Déluge, le Jugement dernier, le Rétablissement du Culte. […] Cela est tellement vrai que, seul des poëtes contemporains, il aurait pu, à la rigueur, se passer de l’impression, du moins pour une bonne moitié de son œuvre.
Dès les premiers mots de la lecture, l’auditoire tout entier était conquis ; chacun se sentait saisi d’un intérêt sérieux et sous l’impression de cette parole qui grave, de cet accent qui creuse. […] La lecture de cette histoire d’un nouveau genre, au moment où on l’achève, laisse une singulière impression.
Les impressions pieuses et sévères qu’il avait reçues de ses premiers maîtres s’affaiblirent par degrés dans le monde nouveau où il se trouva entraîné. […] La naïveté d’impressions et l’enfance de cœur qui éclatent dans son récit marquent le point de départ d’où il s’avança graduellement, à force d’expérience et d’étude, jusqu’aux dernières profondeurs de la même passion dans Phèdre.
S’il a perdu à ce manque d’émotions tendres quelque délicatesse et finesse de jugement, il y a gagné du temps pour l’étude131, une plus grande capacité pour ces impressions moyennes qui sont l’ordinaire du critique, et l’ignorance de ces dégoûts qui ont fait dire à La Fontaine : Les délicats sont malheureux. […] Pour nous qui en introduisant l’art, comme on dit, dans la critique, en avons retranché tant d’autres qualités, non moins essentielles, qu’on n’a plus, nous ne pouvons nous empêcher de sourire des mélanges et associations bizarres que fait Bayle, bizarres pour nous à cause de la perspective, mais prompts et naïfs reflets de son impression contemporaine : le ballet de Psyché au niveau des Femmes savantes ; l’Hippolyte de M.
Ces avertissements ne furent pas perdus pour Pierre, qui, dans une lettre adressée à Laurent et à Julien, leur fit part de l’impression qu’ils avaient faite sur son âme. […] Au lieu de se plaire, comme auparavant, au milieu des fêtes magnifiques, du tumulte de la ville et des embarras des affaires publiques, il sentit naître en lui un attrait inconnu pour le silence et la solitude ; et il se plaisait à associer l’idée de sa maîtresse aux impressions que produisait sur son âme le spectacle varié de la nature champêtre17.