Nul respect humain ; l’empire des convenances et l’habitude du savoir-vivre ne commenceront que sous Louis XIV et par l’imitation de la France ; en ce moment, tous disent le mot propre, et c’est le plus souvent le gros mot. […] Comme au temps féodal, ils en appellent d’abord aux armes, et gardent l’habitude de se faire justice par eux-mêmes et sur-le-champ. « Jeudi dernier12, écrit Gilbert Talbot, comme milord Rytche allait à cheval dans la rue, un certain Wyndhans lui tira un coup de pistolet… Et le même jour, comme sir John Conway se promenait, M. […] L’énergie et l’âpreté native font irruption à travers la perfection de la culture et les habitudes du comfort. […] Il veut voir dans l’homme non quelque passion générale, l’ambition, la colère ou l’amour ; non quelque qualité pure, la bonté, l’avarice, la sottise, mais le caractère, c’est-à-dire l’empreinte extraordinairement compliquée, que l’hérédité, le tempérament, l’éducation, le métier, l’âge, la société, la conversation, les habitudes ont enfoncée en chaque homme, empreinte incommunicable et personnelle qui, une fois enfoncée dans un homme, ne se retrouve nulle part ailleurs. […] J’ai pris l’habitude du désespoir, comme un galérien tanné celle de son aviron. » En cet état, les membres, comme ceux d’un supplicié, tressaillent encore, mais la sensibilité est usée ; le misérable corps ne remue plus que machinalement ; il a trop souffert. — Enfin, le fossoyeur vient avec des bourreaux, un cercueil, et on chante devant elle son service funèbre. « Adieu, Cariola, songe à donner à mon petit garçon un peu de sirop pour son rhume, et fais dire à la petite fille ses prières avant qu’elle s’endorme… À présent, à votre volonté.
La nature physique, cachée et opprimée sous des habitudes de réflexion mélancolique, se met à nu pour un instant. […] Il dit quelque part1408 qu’il y a au fond du naturel anglais, sous toutes les habitudes de calcul et de sang-froid, une fournaise inextinguible, un foyer de rage extraordinaire, la rage des dévoués Scandinaves1409, qui, une fois lancés au fort de la bataille, ne sentaient plus les blessures et vivaient et combattaient, et tuaient, percés de coups dont le moindre, pour un homme ordinaire, eût été mortel. […] Et ce n’est point simplement de sa part conscience, habitude ou prudence, mais besoin et passion. […] On ne peut souffrir un homme qui divague, se répète, revient sur les bizarreries et les exagérations qu’il a déjà osées, s’en fait un jargon, déclame, s’exclame, et prend à tâche, comme un mauvais comédien ampoulé, de nous faire mal aux nerfs. — Enfin, quand ce genre d’esprit rencontre dans une âme orgueilleuse des habitudes de prêcheur triste, il produit les mauvaises manières. […] Une pareille habitude bouche les yeux sur la moitié des choses.
La condition des poètes et trop souvent leur caractère étaient conformes à ces habitudes d’esprit. […] Ce Costar avait tellement fait de la louange son habitude, qu’il louait le plus souvent sans sujet, persuadé que la louange rapporte toujours à qui la donne. […] Les souvenirs et les habitudes prévalaient sur les écrits nouveaux. […] On oublie que le même homme, invitant ailleurs le poète à s’accoutumer aux difficultés de la rime, dit que, par l’habitude de la bien chercher, Au joug de la raison sans peine elle fléchit, Et, loin de la gêner, la sert et l’enrichit124 . […] L’habitude de donner un tour poétique à toutes leurs pensées leur en cache souvent la valeur, et la préoccupation d’orner peut abuser les plus habiles sur le prix de ce qu’ils ornent.
Elles sont indispensables dans quelque ouvrage que ce puisse être, soit d’éloquence, soit de tout autre genre ; l’étude de la langue et l’habitude d’écrire les donnent presque infailliblement, quand on cherche de bonne foi à les acquérir. […] Le plaisir qui résulte de cette harmonie est-il purement arbitraire et d’habitude, comme l’ont prétendu quelques écrivains ? ou y entre-t-il tout à la fois de l’habitude et du réel ? […] Tous les peuples ont une musique ; le plaisir qui naît de la mélodie du chant a donc son fondement dans la nature : et il y a d’ailleurs des traits de mélodie et d’harmonie qui plaisent indistinctement et du premier coup à toutes les nations ; il y a donc du réel dans le plaisir musical : mais il y a d’autres plaisirs plus détournés et un style musical particulier à chaque peuple, qui demandent que l’oreille y soit plus ou moins accoutumée ; il entre donc dans ce plaisir de l’habitude. […] Cependant, malgré cette prononciation barbare et ce renversement de la mélodie et de la mesure, l’harmonie des vers latins nous plaît, parce que, d’un côté, nous ne pouvons détruire entièrement celle que le poète y a mise, et que, de l’autre, nous nous faisons une harmonie d’habitude.
Après avoir quelque temps promené mes yeux sur tant de platitudes menées à bonne fin, tant de niaiseries soigneusement léchées, tant de bêtises ou de faussetés habilement construites, je fus naturellement conduit par le cours de mes réflexions à considérer l’artiste dans le passé, et à le mettre en regard avec l’artiste dans le présent ; et puis le terrible, l’éternel pourquoi se dressa, comme d’habitude, inévitablement au bout de ces décourageantes réflexions. […] Tout cela, sans doute, était écrit avec ce lâché dramatique dont il a pris l’habitude en causant avec son innombrable auditoire ; mais cependant que de grâce et de soudaineté dans l’expression du vrai ! […] J’ai éprouvé, en étudiant cette toile peinte avec une touche large et simple comme le sujet, ce je ne sais quoi que jettent dans l’âme certains Lesueur et les meilleurs Philippe de Champagne, ceux qui expriment les habitudes monastiques. […] Même pour montrer l’endurcissement dans le crime et dans la débauche, même pour nous faire soupçonner les bassesses secrètes de la goinfrerie, il n’est pas nécessaire de faire alliance avec la caricature, et je crois que l’habitude du commandement, surtout quand il s’agit de commander au monde, donne, à défaut de vertus, une certaine noblesse d’attitude dont s’éloigne beaucoup trop ce soi-disant César, ce boucher, ce marchand de vins obèse, qui tout au plus pourrait, comme le suggère sa pose satisfaite et provocante, aspirer au rôle de directeur du journal des Ventrus et des satisfaits. […] Le cerveau a pris des habitudes incorrigibles, et la main, réfractaire et troublée, ne sait pas plus exprimer ce qu’elle exprimait si bien autrefois que les nouveautés dont maintenant on la charge.
Il écrivait cela il y a vingt-sept ans, mais les journaux, plus répandus, n’ont guère modifié les habitudes populaires ; on peut toujours compter qu’en France sur trois personnes il y en a une qui ne lit que par hasard un bout de journal, et une qui ne lit jamais rien. […] Rabelais et Victor Hugo, qui furent de grands accumulateurs de mots, doivent-ils être blâmés parce que M. de Pontmartin avait lui aussi l’habitude d’enfiler en chapelet tous les vocables qui lui venaient à l’esprit et d’accumuler dans la même phrase jusqu’à douze à quinze épithètes ? […] Malheureusement, après cet effort vers l’idée pure, les vieilles habitudes mentales retrouvèrent leur empire. […] Ce sont des habitudes, en somme, bien littéraires. […] Ce sont des habitudes aussi bien latines.
L’habitude de publier des contes dans les journaux remonte à la fondation du Gil Blas, il y a une quarantaine d’années. […] L’habitude est prise. […] Le public a perdu l’habitude de penser et se contente d’être mis au courant de ce qui se passe. […] Ces habitudes de style nous ont fait oublier les spirituels articles des bons journalistes d’autrefois, car il y en a eu d’excellents et qui ont enchanté nos pères. […] Elles n’aiment que les intrigues bien conduites ; elles demandent du sentiment et de l’esprit, et Pompéi n’a ni l’un ni l’autre. » Les auteurs, il faut bien l’avouer, n’ont pas l’habitude d’avoir si mauvaise opinion d’eux-mêmes.
La première réaction est amère et parfois injuste : il faut de la passion pour vaincre l’habitude et implanter le progrès. […] Dans ce paradis futur, vous faites rentrer les animaux inoffensifs exclus si longtemps de notre société barbare, et victimes de nos habitudes sanguinaires. […] Elle élève notre jugement, elle aiguise et retrempe notre goût, elle ennoblit nos habitudes et ravive nos sentiments. […] Je l’avais connu enjoué et brillant à l’habitude, chagrin et soucieux par accès. […] La gaieté était l’exception, l’effort ; le chagrin était l’habitude, le naturel.
le voilà à même de pratiquer et de professer ces sciences faciles. » « — Ce n’est pas en lui-même ni dans son bon sens personnel que Lamartine puise ce qui lui reste de bon aujourd’hui : il le doit à ses habitudes antérieures, au milieu social d’où il est sorti, à une certaine atmosphère d’homme comme il faut dont il ne pourra jamais se défaire.
Au moment où nous sommes arrivés, le monde en est à prendre les habitudes qui plus tard seront nature, qui ne sont encore que contrainte : d’où l’étude et l’apprêt dans les façons de penser et de parler.
Elle y prendrait des habitudes de pédantisme qui, en lui donnant une couleur particulière, la tireraient du grand milieu de l’humanité.
Ses habitudes d’intrigue finirent en 1661, à la mort du cardinal Mazarin.
Ses malheurs ne le corrigèrent point de l’habitude de faire des épigrammes.
Cette affection passagere s’y tourne même en habitude.
Il est, d’habitude, terriblement rude aux pauvres femmes, M.
Dépravé par l’habitude du commérage, il ne le recherche point pour ce qu’il peut avoir de piquant et d’inattendu, il l’aime pour lui-même, comme l’ivrogne aime l’ivresse pour l’ivresse et non pour les délicieuses et pénétrantes saveurs des vins.
Seulement, effet étrange et pourtant naturel des habitudes de la pensée !