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309. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Le plus populaire des ministres était le prince Joseph Poniatowski, la fleur des héros, qui joignait au titre de commandant en chef de l’armée le portefeuille de la guerre : « Son éloge, nous dit M.  […] Pendant la guerre de Prusse (1806) dans laquelle l’Électeur de Saxe avait commis la faute de se laisser entraîner malgré les avis certains transmis par M. de Senfft, celui-ci se conduisit jusqu’au bout avec tact et prudence ; il ne quitta point son poste, même après Iéna et en apprenant la défaite des armées dont le corps saxon faisait partie ; il attendit à Paris de nouveaux ordres, et on lui en sut gré dans sa Cour et ailleurs. […] C’était lui sans doute qui avait le plus fait dans le principe pour l’asservissement de l’Allemagne, et ayant préparé par une politique artificieuse l’immense prépondérance de la France sur le continent, il s’était ôté lui-même les moyens d’arrêter l’ambition insatiable de celui qui gouvernait… Néanmoins, au risque même de déplaire au maître, il s’opposa toujours aux projets qui, au milieu de la paix, tendaient à engager la France dans de nouvelles guerres interminables. […] Le Moniteur, en publiant l’année suivante le Message au Sénat concernant la guerre d’Autriche, rapporta parmi les pièces à l’appui la conversation de l’Empereur avec l’ambassadeur de Vienne, M. de Metternich, qui avait eu lieu à l’audience diplomatique de Saint-Cloud, le 15 août 1808.

310. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Partout la guerre… Et à chaque instant les plus charmants motifs pour la peinture. […] Et toujours la porte des cafés que l’on pousse, et toujours le tapage des conversations rieuses, et toujours la vie insouciante de la capitale, subsistant avec toute l’horreur de la guerre à la cantonade. […] La défense est ici sur une proportion gigantesque, et digne de ce faubourg d’émeute, de ce faubourg Saint-Antoine qui semble avoir mêlé le génie militaire au génie de la guerre des rues. […] Peu à peu, on commence à toucher le vilain de la guerre. […] que d’hommes de guerre de toutes les espèces et de toutes les façons !

311. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Partant de la vieille et banale comparaison d’un peuple libre à un cheval sauvage, Barbier a traduit dans les images qui montrent l’animal dompté, enlevé, poussé, crevé par son écuyer, l’histoire de la France asservie par Bonaparte, lancée à travers l’Europe, épuisée de guerres, et agonisante enfin avec lui. […] Alors, comme elle aimait les rumeurs de la guerre,            La poudre, les tambours battants, Pour champ de course, alors, tu lui donnas la terre,            Et des combats pour passe-temps : Alors, plus de repos, plus de nuits, plus de sommes ;            Toujours l’air, toujours le travail, Toujours comme du sable écraser des corps d’hommes,            Toujours du sang jusqu’au poitrail.

312. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Athènes indignée eut une velléité de guerre contre l’Égypte. […] Nous l’avons dit, dans la profonde et mystérieuse querelle entre les dieux célestes et les dieux terrestres, guerre intestine du paganisme, Eschyle était terrestre. […] Cette civilisation par la poésie et l’art avait une telle force qu’elle domptait parfois jusqu’à la guerre. […] Il se ruait sur la scène, le casque au front, et c’était une ode armée en guerre. […] Le haut prix du papyrus était tel, que Firmius le Cyclope, fabricant de papyrus, en 270, gagna à cette industrie assez d’argent pour lever des armées, faire la guerre à Aurélien et se déclarer empereur.

313. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

La richesse du sol ne fera-t-elle point naître de nouvelles guerres ? […] Il croira avoir fait tout seul la guerre d’Espagne, et que la guerre d’Espagne est une sorte de prodige historique. […] Les guerres de l’ancien régime apparaissent inoffensives. […] Quant à ses guerres…, le moindre examen en détruit le prestige. […] Cette guerre est sa guerre.

314. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il avait été mêlé aux guerres de religion. […] Il avait fait ses preuves comme homme de guerre, et il n’était pas messéant pour celui qui allait devenir le tyran des syllabes comme l’appelèrent les poëtes de l’école de Ronsard, d’avoir porté l’épée honorablement. […] Ce fut comme une nouvelle brigade qui déclara la guerre à celle de Ronsard. […] La ruine de la poésie savante entraînait la ruine de la langue gréco-latine de Ronsard ; la guerre à l’imitation italienne faisait disparaître les subtilités et les équivoques de Desportes. […] La guerre que fit Malherbe à toute cette corruption prématurée de la langue fut impitoyable.

315. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Polybe, dans son Histoire générale de la république romaine, aux quatre derniers chapitres du premier livre, raconte avec sa précision accoutumée la guerre des mercenaires contre les Carthaginois. […] Flaubert avait bien le droit de placer la peinture des passions humaines au milieu des horreurs d’une guerre sauvage ; mais non, une autre pensée l’occupait : au lieu d’accepter le large cadre de Polybe pour y déployer son roman, il n’inventait son roman que pour corriger l’œuvre de Polybe — je dis pour la corriger et la refaire. […] Ainsi, après une description bien étudiée des machines de guerre dans le monde antique, M.  […] Flaubert a placée au milieu de la guerre inexpiable peut être brièvement racontée. […] Ce Mâtho est une nature de feu, un Hercule africain ; l’auteur a placé auprès de lui un esclave récemment affranchi, le Grec Spendius, ancien marchand de femmes, rusé, subtil, audacieux, qui va aiguillonner la souffrance du monstre pour le précipiter contre Carthage : au camp, dans les marches, dans les négociations avec les envoyés de la république, Spendius est toujours là, soufflant la guerre et attisant le feu qui dévore le Libyen.

316. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Hésitations, vantardises, reculades, hypocrisies, chapeaux mis sur l’oreille et aplatis tout à coup par la peur, prétextes pour ne pas bouger, — l’un invoquant sa guerre avec l’Autriche, l’autre sa guerre avec la Porte et la Pologne, — marchandages d’usuriers qui demandent le remboursement et les intérêts de ce que leur dévouement leur coûtera. […] Il y a des notes, je crois, à partir de 1783 ; des lettres écrites par Fersen à son père ; il y a l’épisode de la guerre d’Amérique, qu’il fit comme officier français.

317. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

— Ses paroles sur la guerre ; — sur le don du commandement ; — sur le travail ; — sur la règle des vingt-quatre heures dans la tragédie […] Amené à parler de la guerre, « de cet art immense qui comprend tous les autres », des qualités nombreuses qu’elle requiert, qui sont tout autres que le courage personnel, et qu’on ne se donne pas à volonté : Militaire, je le suis, moi, s’écriait Napoléon, parce que c’est le don particulier que j’ai reçu en naissant ; c’est mon existence, c’est mon habitude. […] Je l’aime pour en tirer des sons, des accords, de l’harmonie… Le militaire est une franc-maçonnerie ; il y a entre eux tous une certaine intelligence qui fait qu’ils se reconnaissent partout sans se méprendre, qu’ils se recherchent et s’entendent ; et moi je suis le grand maître de leurs loges… Il n’est rien à la guerre que je ne puisse faire par moi-même. […] La nuit dernière, je me suis levé à deux heures, je me suis mis dans ma chaise longue, devant mon feu, pour examiner les états de situation que m’avait remis, hier soir, le ministre de la Guerre. […] Ces guerres d’Italie considérées généralement comme des fautes, il les excuse et les justifie en les montrant dans la pensée du prince comme un moyen de politique utile et nationale : il lui fallait obtenir du pape Alexandre VI de rompre son mariage avec Jeanne de France pour épouser ensuite Anne de Bretagne, et pour réunir ce duché au royaume.

318. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Nos guerres dans ce pays nous apportèrent, avec le mal de l’imitation, les livres grecs et latins qui devaient nous en guérir. […] Deux noms, au commencement du xvie  siècle, personnifient les deux partis : Érasme représente la Renaissance unie à la Réforme ; Béda, le vieil esprit de paresse vicieuse et d’ignorance, qui fait la guerre à ces grandes nouveautés. […] Déjà, vers le milieu du xve  siècle, à la petite cour de Genappe, en Flandre, où le duc de Bourgogne avait recueilli le Dauphin de France, depuis Louis XI, en guerre avec son père, des seigneurs de son commerce le plus familier et des domestiques du duc de Bourgogne avaient égayé l’exil du Dauphin par des récits imités de Boccace ou du Pogge. […] Marot avait fait la guerre avec le duc d’Alençon en homme qui ne restait pas parmi les bagages. […] Ces Psaumes, chantés d’abord par les protestants et les catholiques, devinrent bientôt, grâce à Calvin, le chant de guerre des protestants.

319. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Des maux internes me font une guerre cruelle. […] Songez à moi, monsieur, dans ce temps qui, si j’en crois ce qu’annonçaient les derniers mois où je vivais avec les vivants, doit être fécond en événements (la Guerre d’Amérique) ; songez à moi, dis-je, ou plutôt (car j’ai assez de preuves que vous daignez vous occuper de ma triste existence) rappelez-la à d’autres. […] Mirabeau, dans sa première jeunesse, s’était cru d’abord destiné à la guerre et à la gloire des armes : Élevé, dit-il, dans le préjugé du service, bouillant d’ambition, avide de gloire, robuste, audacieux, ardent, et cependant très flegmatique, comme je l’ai éprouvé dans tous les dangers où je me suis trouvé ; ayant reçu, de la nature, un coup d’œil excellent et rapide, je devais me croire fait pour le service. […] Il s’était mis à étudier le métier de la guerre et tout ce qui en dépendait, génie, artillerie, même le détail des vivres, comme il étudiait toutes choses, avec acharnement, avec l’ardeur propre à sa nature laborieuse et absorbante, à cette nature rapace et vorace, et jamais assouvie. Mais les idées philosophiques du siècle l’avaient peu à peu refroidi de cette ardeur de la guerre ; voyant son père d’ailleurs ne songer qu’à lui fermer toutes les carrières régulièrement tracées, il s’était replié sur lui-même, et son esprit « affamé de toutes sortes de connaissances » s’était jeté sur d’autres études qu’il avait approfondies.

320. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

On a beaucoup parlé des gamins de Charlet, ces chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois. […] Dans cette guerre acharnée contre le gouvernement, et particulièrement contre le roi, on était tout cœur, tout feu. […] Le fait est qu’on y mettait un acharnement et un ensemble merveilleux, et avec quelque opiniâtreté que ripostât la justice, c’est aujourd’hui un sujet d’énorme étonnement , quand on feuillette ces bouffonnes archives, qu’une guerre si furieuse ait pu se continuer pendant des années. […] C’était avec cette même fureur que la Caricature faisait la guerre au gouvernement. […] La grande guerre politique s’était un peu calmée.

321. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Ils commencent même, il faut l’avouer, à être pris par l’amusant de cette guerre ; derrière des remparts, comme à Issy, de cette guerre dans des maisons, comme à Neuilly. […] C’est que, dans cette guerre, le peuple fait, lui-même, la cuisine de sa guerre, la mène lui-même, n’est pas sous le joug du militarisme. […] Thiers, pas plus que ses généraux, n’eût été maître de ce mouvement, et tout le pays aurait été entraîné dans une reprise à outrance de la guerre. […] Et petit à petit, se lève pour moi, de son récit, de la mémoire de la journée, un paysage tout original et tout charmant, pour un roman de guerre. […] La guerre, le siège, la famine, la Commune : tout cela avait été une féroce et impérieuse distraction de mon chagrin, mais ça avait été une distraction.

322. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Pour lui, d’autres astres ont présidé à son berceau ; il a grandi sous d’autres influences : « Placé dans la vie civile, dit-il encore, d’autres idées, d’autres instincts m’ont fait chercher ailleurs que dans la prépotence par la guerre la grandeur et la force de mon pays. […] Il faut que, pour votre compte, vous cherchiez et que vous répétiez au Gouvernement de chercher les moyens de guérir un tel mal… Je ne puis trop vous prier de réfléchir que nous ne sommes pas dans un moment de raison, où les moyens tout raisonnés du système représentatif suffisent… Je suis persuadé qu’une guerre serait utile, bien entendu si l’on ; parvenait à la limiter. » Et il terminait par une épigramme, selon sa manière : « La France est, pour le moment, dans le genre sentimental bien plus que dans le genre rationnel. […] Guizot lui-même, passant en revue la politique des divers Cabinets d’Europe, et s’exagérant un peu, je le crois, la passion de la paix qui possédait en 1830 les gouvernements et les peuples, nous dit de l’empereur de Russie, Nicolas, auquel il attribue la même passion, jointe à beaucoup de malveillance pour Louis-Philippe et pour le trône de Juillet : « Il eût pu être tenté de profiter, par la guerre, des troubles de l’Europe ; il aima mieux les grands airs de la domination en Europe au sein de la paix. » Or, ces grands airs de domination, on les acceptait, on ne cessa de les subir. […] Guizot ne se soit pas rendu compte de l’effet singulier que produirait ce morceau de diplomatie rétrospective, par comparaison surtout et après la guerre de Crimée.

323. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Enfin, la pitié est encore nécessaire pour trouver un terme à la guerre intérieure ; il n’y a point de fin aux ressources du désespoir, et les discussions les plus habiles, et les victoires les plus sanglantes ne font qu’augmenter la haine ; une sorte d’élan de l’âme, tout composé d’enthousiasme et de pitié, arrête seul les guerres intestines, et rappelle également le mot de patrie à tous les partis qui la déchirent. […] des guerriers pendant la paix, des génies dans l’art de la guerre, alors que toutes les pensées se tourneront vers la prospérité de l’intérieur, et que les dangers passés laisseront à peine des traces. […] Mais il y a un si grand foyer de lumières dans ce pays, le gouvernement républicain, par sa nature même, est à la longue tellement soumis à la véritable opinion publique, que les premières conséquences doivent éclairer sur le principe, et qu’on ne persiste pas, dans ce qui ruine, avec l’aveuglement dont plusieurs cabinets monarchiques ont donné l’exemple pendant cette guerre.

324. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

« Né avec du courage, il hait la guerre ; mais si ou le hasard ou les vices des hommes la font naître, il sait combattre. […] Il ne les laisse pas non plus s’élever avec audace contre leurs chefs ; la discipline dans la guerre est pour lui le gage des succès. […] Il saura qu’un citoyen a violé une loi, comme il sait, à la guerre, qu’un ennemi a forcé les retranchements.

325. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope. […] Les écrivains qui accréditent cette erreur ne remarquent pas que si leur opinion était juste, la gloire de Molière, qu’ils croient rehausser, serait au contraire rabaissée : car, s’il était vrai qu’il eut fait la guerre à la marquise de Rambouillet, à sa fille Julie, aux Sévigné, aux La Fayette, aux La Suze, au lieu de la faire seulement aux Scudéry, on pourrait dire qu’il est sorti vaincu d’un côté, étant vainqueur de l’autre, un effet, s’il a purgé la langue et les mœurs des affectations hypocrites et ridicules des Peckes, d’un autre côté les femmes illustres, qui ont survécu à l’hôtel de Rambouillet et en avaient fait partie, ont banni du langage et des mœurs des grossièretés et des scandales qu’il protégeait, et y ont apporté des délicatesses et des larmes dont elles ont eu les premières le sentiment.

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