Ce que nous rêvons sous le nom d’hellénisme, est-ce si grec que cela ? Le néo-hellénisme n’est-il pas plus nouveau que grec ? Nous figurons-nous bien la vie grecque comme elle était ? […] Ce sont, d’ailleurs, des Grecs qui ont fait les dogmes chrétiens ; ce sont des Grecs, pourrait-on dire, qui ont altéré la pureté du christianisme primitif. […] i’ sont artistes, ces Grecs et ces Romains !
Les Grecs du Bas-Empire étaient de grands raisonneurs et de subtils métaphysiciens. […] Les Romains ont plus de sensibilité que les Grecs ! […] Sait-on pourquoi les Grecs n’étaient pas sensibles, selon madame de Staël ? […] Et pourquoi donc reprocher aux Grecs d’en avoir manqué ? […] Le Grec ne porte qu’une idée politique et locale, où l’Hébreu attache un sentiment moral et universel.
Quand nous disons du poète romain, nous nous trompons : Horace n’était Romain que par le séjour qu’il faisait à Rome : d’origine et de génie comme de caractère il était Grec. […] C’est ainsi que procède la nature poétique, qui vole et ne rampe pas comme la prose ; c’est ainsi que les prophètes et les poètes grecs procèdent. […] Horace en importait le premier, dans la littérature romaine, les brièvetés, les délicatesses et les parfums ; il y importait le premier aussi la forme achevée et ciselée du vers grec forgé sur l’enclume sonore d’Anacréon. […] Rien ne surpasse, dans la poésie grecque, l’énergie descriptive de ces jeux de la Fortune qui joue avec les trônes, qui élève et abaisse à son caprice les heureux. […] Une jeune Apulienne, d’une beauté grecque, y charme ses songes.
Les Latins, ainsi que les Grecs, employaient la répétition des sons dans les peintures pastorales, et dans les harmonies tristes. […] Si l’on dit qu’un auteur grec ou romain eût pu faire un Tartare aussi formidable que l’Enfer du Dante, cela d’abord ne conclurait rien contre les moyens poétiques de la religion chrétienne, mais il suffit d’ailleurs d’avoir quelque connaissance du génie de l’antiquité, pour convenir que le ton sombre de l’Enfer du Dante ne se trouve point dans la théologie païenne, et qu’il appartient aux dogmes menaçants de notre Foi. […] La mort est aussi du genre masculin en grec, θάνατος.
Il n’y avait, en effet, que le catholicisme, cette religion de Palestrina, de Raphaël et du Tasse, qui pût étancher la soif d’adoration extérieure et de beauté plastique dont est naturellement dévoré ce poète méridional, à moitié italien et à moitié grec, ce Virgilien, cet Homéride, imagination profondément religieuse comme toutes les grandes imaginations ! […] La hauteur des opinions de Méry sur les hérésies, l’influence de l’hérésie sur les Barbares, le frappant vis-à-vis de l’apostasie d’Attila et de l’apostasie de Julien, — lequel appartient exclusivement au nouvel historien de Constantinople et qui a l’inattendu d’une révélation, — son bel épisode des Croisades, son mépris pour l’esprit des Grecs rebelles et disputeurs et pour ces protestants du xvie siècle qui renouvelèrent, à leur manière, l’esprit grec, et forcèrent les puissances chrétiennes à se détourner de la grande guerre traditionnelle de la chrétienté contre la barbarie musulmane pour brûler Rome et s’entre-déchirer entre elles au nom de la dernière hérésie sortie de la plume de Luther, enfin son jugement, d’une si noble pureté de justice, sur les grands calomniés de l’histoire, les jésuites, — puisqu’il faut dire ce nom si magnifiquement exécré, — et dont il nous raconte l’établissement et l’héroïsme, sous Murad III, à Constantinople, toutes ces choses et toutes ces pages, qui font de l’histoire de Méry une composition d’un mouvement d’idées égal pour le moins au mouvement de faits qu’elle retrace, n’ont pu être pensées et écrites que par un catholique carré de base déjà, mais qui va s’élargir encore.
J’ai entendu quelquefois regretter les thèses qu’on soutenait jadis en grec : j’ai bien plus de regret qu’on ne les soutienne pas en français ; on serait obligé d’y parler raison, ou de se taire. […] Les Grecs, dont les chiffres arithmétiques n’étaient autre chose que les lettres de leur alphabet, n’auraient pas pu se servir commodément de cette méthode : aussi en avaient-ils d’autres ; par exemple, les scytales des Lacédémoniens. […] Un bon dictionnaire de langues ne doit pas les négliger, surtout dans les mots qui viennent du grec ou du latin ; c’est le moyen de rappeler au lecteur les mots de ces langues, et de faire voir comment elles ont servi en partie à former la nôtre. […] D’ailleurs, il ne faut pas croire qu’un mot latin ou grec, pour avoir été employé par un bon auteur, soit toujours dans le cas de pouvoir l’être. […] Dans un dictionnaire latin, on pourra joindre au mot de la langue les étymologies tirées du grec ; on pourra placer les longues et les brèves sur les mots : cette précaution, il est vrai, ne remédiera pas à la manière ridicule dont nous prononçons un très grand nombre de mots latins, en faisant long ce qui est bref, et bref ce qui est long, mais elle empêchera du moins que la prononciation ne devienne encore plus vicieuse : Enfin, il serait peut-être à propos, dans les dictionnaires latins et grecs, de disposer les mots par racine, suivis de tous leurs dérivés, et d’y joindre un vocabulaire, par ordre alphabétique, qui indiquerait la place de chaque mot, comme on a fait dans le dictionnaire grec de Scapula, et dans quelques autres.
Écrite en provençal, dans ce langage qui semble l’écho de tous les dialectes du monde italique, cette longue bucolique, où l’air qui vient de Grèce sur les flots de la Méditerranée a déferlé et se maintient grec sur les larges pipeaux de ce singulier pâtre du pays des Troubadours, peut soulever plus d’une question, mais non celle du talent. […] Je l’aurais volontiers rêvé un chanteur solitaire comme ces Rapsodes anonymes de l’autre côté, dont Fauriel nous a traduit les chansons charmantes qui ont tant de rapport d’accent avec ce chant presque grec de Mirèio. […] Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les Chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée. […] Grec, comme André Chénier, par le génie, l’auteur de Mirèio a sur André, tombé de son berceau byzantin dans le paganisme de son siècle, l’avantage immense d’être chrétien, comme ces pasteurs de la Provence dont il nous peint les mœurs et nous illumine les légendes.
Tel étoit parmi les Grecs Diodore de Sicile, qui florissoit du tems de Jules-César & d’Auguste. […] Les Grecs touchés de la douceur & de la facilité de son style, donnerent le nom des neuf Muses aux neuf livres de son histoire. […] Les vies des hommes illustres Grecs & Romains de Plutarque sont encore plus lues que l’histoire de Polybe. […] Tous les historiens dont nous venons de parler, ont écrit en grec. […] Zosime Procope, Agathias, auteurs grecs, se sentent de la décadence que le goût avoit éprouvé dans leur siécle.
Tout en s’ennuyant de ne rien faire, le prince de Ligne a son quartier à Iassy ; il y voit les boyards et les femmes des boyards, les belles Moldaves, les indolentes Phanariotes, les Grecques à demi asiatiques qu’il décrit avec leur grâce, leur nonchaloir et leurs danses : « On se fait des mines, on se sépare presque, on se retient, on s’approche, je ne sais comment ; on se regarde, on s’entend, on se devine, on a l’air de s’aimer… Cette danse-là me paraît fort raisonnable. » On y voit les jolies femmes de Iassy recevant le ton de Constantinople et préoccupées de l’idéal de beauté turque, qui consiste à être grasse et à avoir du ventre. […] La littérature même du prince y trouve son compte ; lorsqu’il lira plus tard le Cours de La Harpe et qu’il y fera des annotations, souvent très fines et très justes, il reprendra le célèbre professeur sur le chapitre des Grecs : Si vous aviez vu, monsieur de La Harpe, et étudié les Grecs d’aujourd’hui comme moi, qui ai eu des affaires de politique à traiter avec eux, vous sauriez qu’ils ressemblent aux anciens. Mais les circonstances les empêchent de paraître comme eux ; en attendant examinez l’esprit, la beauté de leurs yeux, la vivacité ou la noblesse même de leur langue grecque vulgaire. […] Je sais bien que la distance des temps peut l’avoir corrompue ; mais j’ai montré des traductions à des Grecs du faubourg de Péra, de l’Archipel, et à des femmes jolies et instruites des boyards à Iassy, sachant bien le français, parlant le grec vulgaire en conversation, mais entendant le littéraire de père en fils : ils m’ont tous assuré que c’était tout autre chose, et qu’il était plaisant de voir en France des querelles sur les anciens, qui, surtout en poésie, n’y sont pas entendus.
Je suis mort d’aujourd’hui au monde, et voici mon tombeau, me dit-il en me montrant sa bibliothèque grecque ; j’y viens vivre avec Homère et Tacite, amis immortels des imaginations sensibles et des âmes fermes, qui nous consolent de survivre aux écroulements du temps ! […] Les langues hébraïque, latine, grecque surtout, lui étaient aussi familières que l’idiome de famille. […] Ils traitaient ensemble dans la langue classique grecque et latine les affaires secondaires qui sont, sous un ambassadeur négligent, des détails de la compétence des secrétaires dans les grandes ambassades. […] De ces livres, quelques-uns sont exclusivement réservés aux érudits hellénistes ; d’autres contiennent, à côté des textes grecs, des commentaires anecdotiques qui mêlent avec grâce et naïveté l’homme au mot, et qui révèlent les mœurs des peuples par une leçon sur leur idiome. […] Mon oreille, accoutumée aux sons rapides et doux de la langue grecque, aux articulations lentes et sonores de l’idiome turc, se trouvait entièrement étrangère au ton de l’arabe vulgaire, et semblait frappée par instant de quelques phrases harmonieuses au milieu des cris d’un jargon guttural.
Voilà vraiment des hommes de génie : ils n’imitent pas les Grecs, ils ne copient pas les Espagnols ; ils n’ont de maître que la vérité. […] Corneille et Racine n’ont pas transcrit même les Grecs ; on s’abuse en supposant une imitation si servile : c’est un point qui vient d’être éclairci mieux que jamais par M. […] ou bien faut-il affirmer, avec les romantiques, que c’est une Trilogie à la manière des Grecs ? […] Jamais les Grecs n’auraient supporté une action qui n’aurait point eu d’exposition, ni un dénouement qu’aucun nœud n’aurait exigé. […] lorsque Phidias, chez les Grecs, eut atteint la perfection de son art, conseilla-t-on à ses successeurs de ne pas suivre un si désespérant modèle, et d’imiter l’informe sculpture des Égyptiens ?
Il ne s’agit pas, encore ici, de peindre des Persans, ni des Turcs, ni des Grecs, mais des hommes. […] Racine, en écrivant Iphigénie ou Bajazet, ne s’est pas soucié d’archéologie ni d’orientalisme : mais il a costumé ses caractères généraux selon l’idée qu’il se faisait des Grecs ou des Turcs. […] Il lui suffit que les noms grecs et latins aient une plus douce harmonie que les noms germaniques, pour condamner l’épopée aux sujets païens et lui interdire le moyen âge. […] On se rappelle que pour justifier Homère et Pindare, Boileau ne trouvait rien, sinon qu’en grec les mots âne et eau sont très nobles. […] Boileau a donc absolument raison quand il dit — et ce qu’il dit n’a pas d’autre sens — que le Grec qui entendait comparer Ajax à un âne, n’était pas affecté de la même façon qu’un courtisan français qui lit en sa langue une traduction du même passage.
On voit que, chez les Grecs, chacune des pièces qui composaient leurs trilogies avait son action particulière, qui se terminait dans la pièce même. […] Tel devait être, à peu près, si je ne me trompe, l’effet des chœurs dans les tragédies grecques. […] Pour nous en convaincre, il ne faut qu’examiner ce qu’a fait Schiller dans son Guillaume Tell, et rechercher ce qu’aurait fait un poëte grec traitant la même situation. […] Nul doute que, dans une tragédie grecque, le chœur n’eût alors pris la parole, pour réduire en maximes les sentiments qui se pressent en foule dans l’âme du spectateur. […] Le chœur des Grecs eût développé cette vérité dans un langage sententieux et poétique.
Il n’est point de Bibliotheque où son Glossaire de la basse Latinité, & son Glossaire de la Langue Grecque, ne doivent occuper une place. On y trouve des ressources infinies pour l’éclaircissement de l’Histoire, pour l’explication des mots hors d’usage, pour l’intelligence des Auteurs Grecs & Latins, tant des beaux siecles de leur Littérature, que des siecles où cette Littérature commença à s’affoiblir & se dégrader.
Sa Grammaire Grecque, destinée à faciliter l’intelligence de la Langue d’Homere & de Platon, est un Traité aussi clair que méthodique, de tout ce qui est nécessaire pour remplir le but qu’il s’est proposé. […] Pour compléter son Cours d’enseignemens, à cet égard, il a donné depuis un Dictionnaire d’Antiquités Grecques & Romaines, qui ne doit pas être confondu avec ces Compilations faméliques, que le commandement d’un Libraire fait éclore sous une plume mercenaire, auxquelles la précipitation & la négligence président, & que le Public réprouve, en murmurant contre le Compositeur & le Vendeur.
Quoique moins Philosophe & moins profond que l'Auteur Grec, il est aussi judicieux, aussi moraliste, & plus impartial. Plutarque fait trop sentir qu'en comparant les Grecs aux Romains, il ne cherchoit qu'à élever ses Compatriotes au dessus de leurs Rivaux.
On ne veut pas s’en occuper ; on le laisse, dans son mystère », et il faut renoncer à le connaître, par la raison que nous ne sommes pas des Grecs. […] S’il vous en faut une à tout prix, il vous reste la ressource de le traduire vous-même ; mais cela ne vous avancera pas beaucoup, car, même en sachant le grec, qui vous dit que vous comprendrez bien Homère ? […] Car ils sont fort rares, par bonheur, les écrivains français qui ont su le grec. » Que beaucoup de grands écrivains français aient imité Homère, c’est un fait que toutes les négations du monde ne détruiront pas ; et si, de plus, ils ignoraient le grec, cela prouve qu’il n’est pas nécessaire de le savoir pour faire des chefs-d’œuvre et fructueusement imiter Homère, Nous ne disons pas autre chose.