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714. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Après qu’elle eut dormi des années dans le tiroir, un libraire inespéré se décida enfin, par grâce et par raccroc, à la lui prendre. […] Le duc de Montausier, qui eut toujours des bontés pour lui, avait obtenu pour sa traduction d’Athénée le privilège nécessaire, mais ce privilège accordé et la traduction faite, pas un libraire ne s’en voulut charger : Enfin, s’écrie Marolles qui se décide à l’imprimer à ses frais (1680), enfin, pour ne pas frustrer la grâce du privilège obtenu par le généreux seigneur à qui cet ouvrage est dédié, j’ai osé entreprendre de faire cette édition pour vingt-cinq exemplaires seulement, laissant toutefois à l’imprimeur la liberté d’en prendre tel nombre qu’il voudra de copies pour lui, afin au moins que peu de personnes connaissent après moi que ce travail n’était peut-être pas si méchant qu’il dût demeurer éternellement enseveli dans les ténèbres de l’oubli. […] Votre Ovide s’en est défendu avec Sénèque le tragique, Térence, Valerius Flaccus, Silius Italicus, et Claudian ; mais je ne les en tiens pas pour sauvés, et toute la grâce qu’ils en peuvent prétendre, c’est celle du cyclope d’Ulysse, c’est d’être assassinés des derniers.

715. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Et il le raconte, il l’analyse avec vivacité, bonne grâce, une veine de malice ; il glisse et n’appuie pas. […] Nous ne vivons plus sous la loi, mais sous la grâce. […] Grâce à Dieu, cette moralité de convention est chaque jour démentie dans la réalité et dans la pratique : les filles de femmes célèbres et même trop célèbres, de celles qui ont été le plus bruyamment admirées ou critiquées, ont chance, si elles sont belles et pleines de mérite, de devenir, selon les rangs et les fortunes, ou femmes d’avocats distingués, ou marquises et même duchesses.

716. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Il veut bien reconnaître toutefois, dans ses Confessions, que ce grossier remercîment en retour d’une bonne grâce fut de sa part une sottise ; mais il ajoute aussitôt, toujours en ayant l’air de passer condamnation sur ses sottises, sauf à les recommencer dans un autre sens : « Si je ne fis pas celle de devenir son rival, il s’en fallut peu ; car alors  Mme de Boufflers était encore sa maîtresse, et je n’en savais rien. […] De grâce, ne vous mettez point en colère, et ne répondez pas avec dureté (comme il vous est arrivé quelquefois) à une chose qu’il faut absolument que je vous dise. […] M. le prince de Conti, Mme la maréchale de Luxembourg et moi, nous attendons impatiemment vos explications sur cette incompréhensible conduite : de grâce, Monsieur, ne les différez pas.

717. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Grâce à une nouvelle publication imprévue, je ne dirai pas qu’elle recommence, mais elle se couronne, elle s’achève. […] Sur ce point seul ne suivez ni l’exemple ni les conseils de la famille ; c’est à vous à donner le ton à Versailles ; vous avez parfaitement réussi ; Dieu vous a comblée de tant de grâces, de tant de douceur et de docilité, que tout le monde doit vous aimer : c’est, un don de Dieu, il faut le conserver, ne point vous en glorifier, mais le conserver soigneusement pour votre propre bonheur, et pour celui de tous ceux qui vous appartiennent. (1er novembre 1770.) » Une des recommandations continuelles de Marie-Thérèse à sa fille et qui reviennent sans cesse et jusqu’à satiété, c’est, après celles qui regardent la santé et la vocation à être mère, de se garder des coteries, des apartés, des sociétés privées où le sans-façon domine, de ne jamais oublier qu’on est un personnage en vue, exposé sur un théâtre, ayant un rôle à remplir ; de ne se relâcher en rien, de se surveiller soi-même en tout, dans les petites choses comme dans les grandes ; de mépriser le qu’en dira-t-on, mais aussi de ne point prêter à de justes reproches. […] A la longue vous ne pouvez être heureuse que par cette tendre et sincère union et amitié. (30 mai 1776.) » Ne croyez pas cependant que tout cela passe sans réponse ; Marie-Antoinette qui n’a pas seulement de la grâce, mais qui a un bon jugement quand son attention est appelée sur un point, se justifie assez bien en général ; elle coule sur de certains reproches, elle se défend mieux sur d’autres, et, en ce qui est de l’exemple de ses deux belles-sœurs qu’on lui oppose, elle répond ici en vraie femme et avec beaucoup de finesse : « Je n’ai rien à dire contre mes belles-sœurs avec qui je vis bien ; mais, si ma chère maman pouvait voir les choses de près, la comparaison ne me serait pas désavantageuse.

718. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

La devise de Nodier, que je n’ai pas vérifiée, pourrait être Grâce, fantaisie, multiplicité ; celle de Sénancour est assurément Permanence. […] L’amour est ce feu paisible et fécond, cette chaleur des cieux qui anime et renouvelle, qui fait naître et fleurir, qui donne les couleurs, la grâce, l’espérance et la vie… Lorsqu’une agitation nouvelle étend les rapports de l’homme qui essaye la vie, il se livre avidement, il demande à toute la nature, il s’abandonne, il s’exalte lui-même, il place son existence dans l’amour, et dans tout il ne voit que l’amour seul. […] La grâce de la nature est dans le mouvement d’un bras ; l’harmonie du monde est dans l’expression d’un regard.

719. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Depuis lors le pouvoir a perdu son prestige ; il a paru, sur bien des points, demander grâce pour lui, bien loin d’être en mesure de rien décerner. […] C’est pur, doux, uni, presque souriant ; le dédain y perce, y percera bientôt, mais voilé d’abord sous la grâce sévère : Tu dell’ ira maestro e del sorriso Divo Alighier……. […] Et pourtant cela ne laisse pas d’être agréable ; car, en ces choses d’amoureux désir, l’espérance a plus de douceur encore que la réalité. » Mais comme ces Grecs, dans leur malice même, s’arrêtent naturellement à la grâce !

720. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Aucune comédie n’a peut-être autant fourni à la mémoire du public et n’a mis en circulation pour l’usage journalier un aussi grand nombre de ces mots devenus proverbes en naissant : Les sots sont ici-bas pour nos menus plaisirs… C’est pour le peuple enfin que sont fait les parents… Il ne vous fera pas grâce d’une laitue… ………. […] C’est le poëte des Grâces, et il a prouvé qu’il pouvait être autre chose, de moins parfait à la vérité, mais qu’on croyait incompatible avec tant d’agréments et de légèreté. […] Suard, il a voulu se montrer avec toutes les grâces qu’il avait autrefois, et malheureusement il s’est donné tous les ridicules dont il nous avait appris à nous moquer.

721. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

On aimait jadis à peindre la grâce de certains défauts, la niaiserie des qualités estimables ; mais ce qui est désirable aujourd’hui, c’est de consacrer l’esprit à tout rétablir dans le sens vrai de la nature, à montrer réunis ensemble le vice et la stupidité, le génie et la vertu. […] Les hommes qui veulent faire recevoir leurs vices et leurs bassesses comme des grâces de plus, dont la prétention à l’esprit est telle qu’ils se vanteraient presque à vous-même de vous avoir habilement trahi, s’ils n’espéraient pas que vous le saurez un jour, ces hommes qui veulent cacher leur incapacité par leur scélératesse, se flattant que l’on ne découvrira jamais qu’un esprit si fort contre la morale universelle est si faible dans ses conceptions politiques, ces caractères si indépendants de l’opinion des hommes honnêtes, et si tremblants devant celle des hommes puissants, ces charlatans de vices, ces frondeurs de principes élevés, ces moqueurs des âmes sensibles, c’est eux qu’il faut vouer au ridicule qu’ils préparent, les dépouiller comme des êtres misérables, et les abandonner à la risée des enfants. […] La poésie qui ne contiendrait que des fictions, les vers qui n’auraient que de la grâce, fatigueraient les esprits avides, avant tout, des découvertes que l’on peut faire dans les mouvements et dans les caractères des hommes.

722. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Fils d’un vieillard et d’une jeune épouse, Fénelon reçut de la nature la maturité de l’un et les grâces de l’autre. […] Ces vers avaient la mollesse et la grâce de la jeunesse ; ils n’avaient pas la virilité de l’âme véritablement poétique. […] Celui-ci, qu’il présenta pour la première fois à Louis XIV, ne demanda pour toute grâce au roi que de désarmer la religion de toute force coercitive, d’éloigner les troupes des provinces qu’il allait visiter, et de laisser la parole, la charité et la grâce opérer seules sur les convictions qu’il voulait éclairer et non dompter.

723. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut ! […] Ici les expressions directe, allégorique et symbolique se mêlent non seulement avec grâce mais avec une certaine force victorieuse qui nie chacune d’elles pour exalter leur seule union, et, par une suite d’images et de rythmes heureusement coordonnés, le poème révèle son unité formelle en un paysage mystérieux comme une âme. […] Mais nul ne l’exprima jamais avec autant de grâce persuasive que récemment M. 

724. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

On ne saurait mettre plus de bonne grâce et plus de dignité dans le repentir. […] De ce mot, cruel comme un coup de grâce, il achève la pudeur qu’il vient de blesser. […] On se sent en présence d’une vérité franche, d’une âme nue qui se montre dans sa grâce et dans sa faiblesse.

725. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Cet ami était parti brusquement sans le lui dire, sans le lui écrire ; elle s’en plaint avec grâce : faut-il donc y tant regarder avant de se mettre à écrire une lettre d’amitié ? […] Quand les grâces s’y joignent, je sais les sentir, la nature m’ayant, donné un instinct admirable pour les démêler. […] plût à Dieu qu’il n’y eut qu’à solliciter sa grâce !

726. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mlle de Lespinasse n’était point jolie ; mais, par l’esprit, par la grâce, par le don de plaire, la nature l’avait largement récompensée. […] Ce qui la prenait par une fibre secrète l’exaltait, l’enlevait aisément ; il n’est pas jusqu’au Paysan perverti auquel elle ne fît grâce, pour une ou deux situations qui lui étaient allées à l’âme. […] que de grâce !

727. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Elle m’obligeait à lui rendre compte de tous mes mouvements et de tous mes sentiments, et elle les rectifiait avec tant de douceur et de grâce, que je ne lui ai jamais rien caché de ce que je pensais et sentais : mon intérieur lui était aussi visible que mon extérieur. […] Elle était grondeuse par état, par bonne grâce de vieille, par contenance. […] La Mme Geoffrin de nos jours, Mme Récamier, eut de plus que l’autre la jeunesse, la beauté, la poésie, les grâces, l’étoile au front, ajoutons, une bonté non pas plus ingénieuse, mais plus angélique.

728. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Sa bouche respirait un mélange intéressant de finesse, de grâce et de bonhomie. […] Mme d’Épinay, aidée de Grimm, eut bien de la peine à l’apprivoiser chez elle ; elle méritait d’y réussir par la manière vive dont elle le goûtait : « Quatre lignes de cet homme me font plus rêver, disait-elle, et m’occupent plus qu’un ouvrage complet de nos prétendus beaux esprits. » L’impératrice de Russie, la grande Catherine, apprivoisa également le philosophe à force de supériorité et de bonne grâce ; il alla la voir, comme on sait, à Saint-Pétersbourg, et il n’est pas bien sûr qu’il ne l’ait pas traitée quelquefois, en causant, comme un camarade. […] Dans les petits morceaux faits exprès, tels que l’Éloge de Richardson ou les Regrets sur ma vieille robe de chambre, il a bien de la grâce, des pensées heureuses, des expressions trouvées ; mais l’emphatique revient et perce par endroits, l’apostrophe me gâte le naturel.

729. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

. — Jamais, reprit-elle avec infiniment de grâce, je ne me suis trouvée si parée ; il me semble que je possède des trésors inestimables ». […] Lauzun ne fut rien de tel, et Besenval, un rival, il est vrai, mais qui n’en est pas moins clairvoyant, l’a très bien défini : Homme romanesque, n’ayant pu être héroïque, comme lui disait une femme ; voyant mal, s’étant fait aventurier au lieu d’être un grand seigneur et d’avoir un jour les gardes-françaises, auxquels il avait préféré un petit régiment de hussards ; du reste, plein de bravoure, de grâce dans l’esprit, d’élégance dans la tournure. […] J’ai sous les yeux une lettre de remerciement et d’action de grâces qui lui fut adressée à la date du 28 mars, le lendemain de l’article, par une noble dame d’alors, Mme la duchesse d’Es… On y lit42 : Je désire qu’on sente ici, mon prince, l’importance du service que vous rendez.

730. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Amants des roses passagères, Ils ont les grâces mensongères Et le sort des rapides fleurs : Leur plus long règne est d’une aurore ; Mais le Temps rajeunit encore L’antique laurier des neuf sœurs. […] Les grâces, triomphant sur le trône des lys, Ont ramené les arts à la Cour de Louis. […] De la roideur, de l’inégalité, de la sécheresse et de la maigreur, nulle grâce ni mollesse, les rochers plus que les vallons du Parnasse (comme le disait de lui Bernardin de Saint-Pierre), le voilà dans l’ode.

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