C’est un sage aimable, un esprit de première qualité pour le bon sens, et qui sait entrer dans toutes les grâces. […] Si c’est là l’ordinaire condition des femmes, même spirituelles, le mérite est d’autant plus grand chez celles qui savent s’affranchir des mobiles habituels à leur sexe, sans en rien perdre du côté de la grâce. […] Clarice est donc de fort belle taille et d’une grandeur agréable, capable de plaire à tout le monde par un certain air libre et naturel qui lui donne bonne grâce. […] Voilà une Ninon jeune, telle qu’elle put paraître en amitié et les jours où elle traversait la société des précieuses, elle qui l’était si peu, elle qui, causant avec la reine Christine, les lui définissait si bien d’un mot : « Les précieuses, ce sont les jansénistes de l’amour. » Mais, avec son esprit d’autant plus divers qu’il était plus à elle, elle savait s’accommoder à tous, et elle trouvait grâce, au besoin, et faveur devant l’hôtel Rambouillet, comme, les jours où il la consultait sur Tartuffe, elle rendait de sa même monnaie à Molière.
C’est ce que se demande un jour la muse de Jasmin, à une heure de rêverie où l’image de cette pauvre fille, avec sa grâce de vierge sous les haillons, lui revenait en pensée, et, après avoir bien quêté de ses nouvelles à travers champs, s’être bien enquis « à travers vignes et pâquerettes », voici ce qu’elle a trouvé : Un jour, près des bords que la rivière du Lot baise fraîchement de son eau claire et fine, dans une maisonnette cachée sous les ormes touffus, tandis qu’à la ville prochaine les jeunes garçons tiraient au sort, une jeune fille pensait, puis priait Dieu, puis se levait et ne savait tenir en place. […] Ce jeu est décrit avec grâce et vivacité. […] Il y introduit discrètement des mots pittoresques de son invention, des diminutifs, de vieux mots rafraîchis, mille alliances et mille grâces dont autrefois nous-mêmes nous n’étions pas absolument dépourvus dans le français d’Amyot et de Montaigne, mais que la régularité classique nous a retranchées. […] Dumon d’Agen, l’ancien ministre, et qui avait eu autrefois mille attentions et mille bonnes grâces pour lui.
On s’est demandé si, en un siècle aussi riche que le xvie , en un siècle qui possédait un si grand nombre d’écrivains énergiques, colorés, vifs, naïfs, ou même gracieux par endroits, il était juste de transférer tout l’honneur de la naïveté, de la grâce et de l’éloquence sur un simple traducteur. […] Nous autres ignorants étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier. » Et il ajoute avec un vif sentiment de ce bienfait : « Grâce à lui, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école : c’est notre bréviaire. » Rien ne saurait prévaloir contre un tel témoignage. […] Transporté brusquement des grâces païennes de Longus ou des beautés naturelles de Plutarque à l’étude de la théologie et à la Somme de saint Thomas, il s’y applique, il y réussit même ; il s’efforce de s’y plaire et de se persuader que cela ne l’ennuie pas. […] par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.
Si une mouche vous a piqué, vous la deviez tuer, et non tâcher d’en faire sentir l’aiguillon à ceux qui se sont, par la grâce de Dieu, jusques ici garantis de piqûre. […] « Il fallait, en cette occasion, s’écrie Richelieu, mépriser sa vie pour le salut de l’État ; mais Dieu ne fait pas cette grâce à tout le monde. » Il revient souvent sur cette idée, que le courage qui fait entreprendre les choses sensées et justes dans l’ordre public est une grâce spéciale de Dieu ; et ce n’est point chez lui une forme de langage : évidemment il le croit. […] Grâce à ces promptes et énergiques mesures auxquelles ils n’étaient point accoutumés jusqu’alors, les grands se dispersent et se réfugient dans des places où ils vont être réduits à capituler. […] Avenel, qui le rapporte à la date de 1621 environ : S’il plaît à la divine bonté, par l’intercession du bienheureux apôtre et bien-aimé saint Jean, me renvoyer ma santé et me délivrer dans huit jours d’un mal de tête extraordinaire qui me tourmente, (je promets) de fonder en ma maison de Richelieu une messe qui se célébrera tous les dimanches de l’année, et, pour cet effet, donnerai à un chapelain de revenu annuel trente-six livres pour les messes qui seront célébrées en action de grâces.
L’aurore est-elle moins magnifique, a-t-elle moins de pourpre et moins d’émeraude, subit-elle une décroissance quelconque de majesté, de grâce et d’éblouissement, parce que, prévoyant la soif d’une mouche, elle sécrète soigneusement dans la fleur la goutte de rosée dont a besoin l’abeille ? […] La civilisation n’en a pas fini avec les octroyeurs de constitutions, avec les propriétaires de peuples, et avec les hallucinés légitimes et héréditaires qui s’affirment majestés par la grâce de Dieu, et se croient sur le genre humain droit de manumission. […] Quand Bayle émet avec sang-froid cette maxime : « Il vaut mieux affaiblir la grâce « d’une pensée que d’irriter un tyran », je souris, je connais l’homme ; je songe au persécuté presque proscrit, et je sens bien qu’il s’est laissé aller à la tentation d’affirmer, uniquement pour me donner la démangeaison de contester. […] Toutes ces grâces, tous ses charmes, tous ses prestiges, l’art utile les conserve et les augmente.
Mais ce Bossuet déserté dans sa chaire est une invention, une exagération du commentateur, l’abbé de Vauxcelles ; et voici, au contraire, comment l’abbé Ledieu nous montre Bossuet en chaire, une des dernières fois qu’il prêcha dans sa cathédrale : « Le 2 d’avril (1702), dimanche de la Passion, M. de Meaux a assisté à la grand’messe pour commencer le jubilé, et sur les deux heures il a fait un grand sermon dans sa cathédrale, qui n’a été que l’abrégé de la doctrine de ses deux Méditations, et il a tout réduit à ce principe : Cui minus dimittitur minus diligit ; que plus l’Église était indulgente, plus on devait s’exciter à l’amour pour mériter ses grâces et parvenir à la vraie conversion. Ce discours était très tendre et très édifiant, et M. de Meaux l’a prononcé avec toutes ses grâces, et aussi avec une voix nette, forte, sans tousser ni cracher d’un bout à l’autre du sermon : en sorte qu’on l’a très aisément entendu jusqu’aux portes de l’église, chacun se réjouissant de lui voir reprendre sa première vigueur.
Cette fois, il n’y a pas moyen d’y échapper ; qu’on nous fasse seulement la grâce de penser qu’il n’y a rien de notre faute dans l’opposition, jusqu’au bout uniforme, que le second portrait va offrir à côté du premier. […] Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et la grâce ; mais quand le siècle d’analyse a passé sur la langue et l’a travaillée à son usage, on ne peut plus qu’admirer et regretter ce charme à jamais évanoui du grand âge littéraire ; on essayerait en vain d’y revenir à force d’art ; et la critique, qui sent tout ce qu’il a d’exquis, est dans l’impuissance de le définir sans l’altérer.
Grâce à Dieu, il n’en est pas ainsi. […] Lebrun sur la Grèce ; il faut y louer le sentiment, la grâce et l’éclat naturels à ce poète.
J’examinerai dans un des chapitres suivants par quelles raisons les Français pouvaient seuls atteindre à cette perfection de goût, de grâce, de finesse et d’observation du cœur humain, qui nous a valu les chefs-d’œuvre de Molière. […] L’imitation sied particulièrement mal aux Anglais ; leurs essais dans le genre de grâce et de gaieté qui caractérise la littérature française, manquent pour la plupart de finesse et d’agrément.
Grâce à l’obligeance de M. […] Grâce à eux, nous pouvons donner des chiffres précis, savoir, heure par heure, l’emploi d’une journée, bien mieux, dire le menu d’un grand dîner, recomposer une toilette d’apparat.
Elle est la grâce des intelligences vraiment libres. […] Je crois savoir que vous êtes de mon avis et que vous en avez assez des politiciens de l’ancien jeu, des Cléons sans bonté et sans grâce, sceptiques à la fois et sectaires, car l’un n’exclut pas toujours l’autre.
Ils sont contournés, affectés, incohérents, alors que le maître est tout ingéniosité, grâce et ordre. […] Il l’était de par sa nature élégante et hautaine, qui donnait tant de grâce fière au moindre de ses gestes, tant de finesse à son sourire, tant d’autorité à son beau regard lumineux.
Par les portes ouvertes, on voit des mains crisper furieusement les draps ; une toux obstinée claque dans un coin ; une porte s’ouvre ; un infirmier, les manches retroussées, passe dans un courant d’air, en sifflotant, et, par les hautes fenêtres, le soir tombe en pluie de cendres… Tout à coup, un charme, une grâce, un rayon. […] Elle évoque tout cela avec une telle précision que le poète, soulevé en avant, demande grâce du geste, mais avec un sourire.
Cette fille charmante n’est point droite, mais il y a une légère et molle inflexion dans toute sa figure et dans tous ses membres, qui la remplit de grâce et de vérité. […] Il serait plus aisé de retrouver les scènes et les personnages de ce peintre ; mais il y a plus d’élégance, plus de grâce, une nature plus agréable dans Greuze ; ses paysans ne sont ni grossiers comme ceux de notre bon Flamand, ni chimériques comme ceux de Boucher.
En supposant que la grâce pût être commune et rester la grâce, je dirais qu’Octave Feuillet en a souvent.
Ce sera, apparemment, le durable prestige dont l’œuvre entière de Pierre Loti demeurera auréolée, que l’âme des races enfantines ait pu trouver dans cette œuvre une aussi saisissante expression, en même temps qu’elle y trahissait toute sa grâce voluptueuse et un peu obscure. […] Lui qui, dans ses délicieux volumes sur le Japon, nous donna des albums d’un pittoresque si aigu, lui qui sut évoquer avec une si lumineuse fidélité des paysages de féerie, des scènes comiques ou attendries, voire des gestes de simple grâce animale, il a découvert ici l’élan aveugle de la brute humaine déchaînée et l’épouvante des tortures ingénieuses, affinées par des siècles de pratique infernale. […] Ce ne sont pas seulement d’incomparables paysages dont les lignes se profilent avec une grâce ensorcelante, c’est toute la vie lamentable et somptueuse des pauvres femmes turques, opprimées dans l’étau de coutumes millénaires, qui est reconstituée et racontée avec autant, de généreuse mélancolie que de flamme indignée. […] Ses dons d’analyse sont variés ; son élégance de moraliste intelligent et indulgent se revêt d’une grâce souriante où s’amalgame un mélange d’ironie et d’émotion contenue. […] De plus, ce sont des œuvres dans lesquelles l’idée ne fait pas tort à la parure dont elle est rehaussée, de même que les grâces de la forme et la diversité du cadre n’entament point la valeur de la pensée.
Outre la beauté du diable, c’est-à-dire la grâce charmante et l’audace de la jeunesse, il contient le rire, et le meilleur rire. […] Tout ce qui fait le charme, la grâce, l’irrésistible d’une chanson, enlèverait à la Vérité son autorité et son pouvoir. […] Ils contiennent la grâce littéraire suprême, qui est l’énergie. Il en est de même de Rouvière : il a cette grâce suprême, décisive, — l’énergie, l’intensité dans le geste, dans la parole et dans le regard. […] Torturé par l’école, Rouvière perdait toute sa grâce native et n’acquérait aucune des grâces pédagogiques.