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1282. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

C’est le timide discernement de cette petite faculté sobre qu’on appelle le Goût avec tant de bonheur, qui a choisi ces fragments, et qui les a choisis pour que le public à qui on les offrait pût les prendre. […] Avant Vigny, qui devina André Chénier par le génie, nous eûmes La Touche, qui le publia, et qui nous ébrancha ce beau platane grec avec sa petite serpette de jardinier français et d’homme de goût.

1283. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Nous ne saurons rien du tous les jours de la sienne, ni de ses habitudes, ni de ses goûts, ni de son loisir, ni de ses prétentions, si dans cette femme, aux grâces dénouées, il y eut jamais de ces laides et orgueilleuses choses que l’on appelle des prétentions ! […] Elle est trop longue pour être citée tout entière, mais elle a toutes ses strophes dans ce goût, ce mouvement et ce rythme charmant : J’appris à chanter en allant à l’école, Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

1284. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

« De là je descends sur le grand chemin, dans la taverne du village ; je cause avec les passants, je leur demande des nouvelles de leur pays ; j’entends des choses neuves et diverses, je remarque les goûts différents et les fantaisies opposées des hommes. […] Enfin comme on y sent, dans les détails domestiques de sa métairie, de ses occupations, de sa pauvreté, de sa déchéance au milieu des meuniers, des chaufourniers et des cabaretiers de son village de Toscane, cette souplesse d’imagination et cette verve de goût, d’amour, de débauche même, qui rappellent le Molière dans le Tacite, l’auteur des comédies dans l’homme d’État ! […] Nous disons neutralité apparente à l’extérieur, parce qu’en le lisant dans ses douze volumes et en l’étudiant impartialement dans sa vie, on reconnaît avec bonheur qu’il n’était nullement neutre, encore moins pervers ; qu’il aimait l’honnête, qu’il le pratiquait pour lui-même, et que son tort est d’avoir eu l’intelligence du mal, mais non le goût. […] L’auteur des Commentaires sur Tite-Live et de l’Histoire de Florence, ouvrages où le goût de la vertu se fait sentir aussi éloquemment que le génie du style ; l’homme dont la vie privée et la vie publique méritèrent à juste titre la renommée d’homme de bien n’eut certes jamais la pensée de personnifier en soi un Tibère, un Néron, un monstre en horreur à Dieu et à soi-même, en mépris de ses contemporains et de la postérité. […] L’esprit de Joseph II et de Léopold, ses frères, les deux souverains les plus hardis contre les routines de gouvernement, respirait dans ses propres actes ; elle avait autant de philosophie et de hardiesse : plus puissante, elle aurait été la Catherine II du midi de l’Europe ; mais, fille de Marie-Thérèse, elle était reine avant tout, et, femme autant que reine, elle mêlait le goût du plaisir à celui de la domination.

1285. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

L’accueil aisé, l’esprit liant, l’humeur facile des habitants du pays, me rendit le commerce du monde aimable ; et le goût que j’y pris alors m’a bien prouvé que si je n’aime pas à vivre parmi les hommes, c’est moins ma faute que la leur. […] Maman avait été assez liée avec elle pour connaître son caractère : ayant très innocemment inspiré du goût à quelqu’un sur qui Mme de Menthon avait des prétentions, elle resta chargée auprès d’elle du crime de cette préférence, quoiqu’elle n’eût été ni recherchée ni acceptée ; et Mme de Menthon chercha depuis lors à jouer à sa rivale plusieurs tours, dont aucun ne réussit. […] Mme de Menthon dit un jour à un de ces messieurs que Mme de Warens n’était qu’une précieuse, qu’elle n’avait point de goût, qu’elle se mettait mal, qu’elle couvrait sa gorge comme une bourgeoise. Je n’étais pas un personnage à occuper Mme de Menthon, qui ne voulait que des gens brillants autour d’elle : cependant elle fit quelque attention à moi, non pour ma figure dont assurément elle ne se souciait point du tout, mais pour l’esprit qu’on me supposait, et qui m’eût pu rendre utile à ses goûts. […] De nous trois il avait le plus de goût pour un peu de déclamation.

1286. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

II Malgré la gravité de ces études, il fit bientôt paraître, mais sans les signer de son nom, ses Lettres persanes, parfaitement dans le goût de l’époque, et qui eurent une vogue singulière. […] Mais c’est d’un nombre infini de petites sensations que dépendent l’imagination, le goût, la sensibilité, la vivacité. […] Il y a grande apparence que ces pyramides sont le principal organe du goût. […] De temps en temps, il voit juste, comme dans cette allusion à la France : « S’il y avait dans le monde une nation qui eût une humeur sociable, une ouverture de cœur, une joie dans la vie, un goût, une facilité à communiquer ses pensées ; qui fût vive, agréable, enjouée, quelquefois imprudente, souvent indiscrète, et qui eût avec cela du courage, de la générosité, de la franchise, un certain point d’honneur, il ne faudrait point chercher à gêner par des lois ses manières, pour ne point gêner ses vertus. […] « On y pourrait contenir les femmes, faire des lois pour corriger leurs mœurs, et borner leur luxe ; mais qui sait si on n’y perdrait pas un certain goût qui serait la source des richesses de la nation, et une politesse qui attire chez elle les étrangers ?

1287. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il créa une comédie à peine comique, toute spirituelle, qui était la peinture, non la satire ni la charge, de la société précieuse : il y introduisait des honnêtes gens sans ridicules, qui avaient le ton, les manières, les idées du monde ; il montrait avec un goût curieux de réalité certains lieux connus de Paris, la galerie du Palais avec ses marchands, ses boutiques, son va-et-vient d’acheteurs et d’oisifs. […] Mais ce dernier mérite se rencontrera mieux dans certaines œuvres moins délicates de goût et de style, qui, avant et après le Menteur, dirigeaient plus nettement la comédie vers son véritable objet. […] Le tempérament de Molière n’explique pas seul qu’il n’ait pas soumis son style au goût du grand monde : il avait d’autres raisons. […] La femme à son goût, c’est ou la nonchalante et mondaine Elmire, ou la simple et sincère Eliante. […] Mairet donna les Galanteries du duc d’Ossone, œuvre italienne de goût et de facture. — À consulter : E.

1288. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Les romantiques s’arrêtèrent au vocabulaire : ils l’élargirent, réintégrèrent tous les éléments populaires et techniques que le goût classique avait exclus738. […] On a justement remarqué que naturellement il voit chaque aspect de la nature comme correspondant au style, à la manière d’un maître : et sa description se fait dans le goût de ce maître. « C’était un parc dans le goût de Watteau783. » Aussi excellera-t-il à reproduire des tableaux : ses poésies sont comme un Musée de copies. […] Il en avait toujours usé avec goût et succès : il en composa (sauf deux pièces) tout son recueil d’Émaux et Camées. […] Je ne puis oublier cependant Sainte-Beuve790 : non pour la poésie phtisique et moribonde de son Joseph Delorme, ni pour un certain goût de la nature d’exception, malsaine, avortée ou gâtée, mais pour avoir fait circuler, entre les superbes lieux communs de l’école, certaine veine de poésie intime, domestique, parisienne, trop prosaïque et très réaliste ; par là il a été précurseur aussi, à sa façon.

1289. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Une certaine délicatesse, plus de choix dans les mots transportés d’une langue. dans l’autre, annonce un esprit plus poli un certain degré de savoir appliqué avec un certain degré de goût. […] Froissart, lui-même, n’imaginait pas une forme de société meilleure que la féodalité, sa naissance, ses goûts, son tour d’esprit lui firent aimer les temps qu’il avait à peindre. […] L’expérience et les années semblaient lui avoir donné, avec la satiété des spectacles qui avaient amusé sa jeunesse et son âge mur, un certain goût de pénétrer dans les causes et de tirer la morale des événements. […] Mais j’aime cet entassement et cette richesse, quoique sans goût et si mélangée, après la perfection bornée et stérile de la langue de Froissart. […] Après des études hâtées, il visita les pays étrangers, et se fit donner le nom d’Aventureux à cause de son goût pour les voyages.

1290. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

De tels récits me donnèrent de bonne heure le goût de la mythologie. […] Pierre fit connaître des histoires moins vieillies, qu’il prenait dans les livres, mais qu’il accommodait au goût du pays. […] J’ai pris d’elle un goût invincible de la Révolution, qui me la fait aimer malgré ma raison et malgré tout le mal que j’ai dit d’elle. […] Très tôt, le goût des jeunes filles fut vif en moi. […] Je n’abandonnai nullement mon goût pour l’idéal ; je l’ai plus vif que jamais, je l’aurai toujours.

1291. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il lui suffit d’être un lettré et un homme de goût. […] Faguet avec un goût délicat, je m’abîmai dans une sorte d’admiration. […] Je sais trop que mon goût c’est moi-même, et que lire un livre c’est le refaire. […] Ils ont apporté au monde un nouveau goût de l’amour et de l’idéal. […] Il blâme les artifices de l’esprit littéraire et le goût de l’arrangement.

1292. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Il est toujours mauvais, je le sais, en ces questions de goût et d’appréciation littéraire, de n’avoir pas M.  […] Le goût de terroir en est trop fort16. […] Il n’y a que cela qui existe pour la noblesse de leur goût. […] J’appelle officiers généraux les auteurs qu’en fait d’ouvrages de goût le public avoue pour excellents. […] — avait en ce temps-là le suprême avantage, étant le dernier venu, d’être le plus voisin des derniers changements de la mode et du goût.

1293. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mariéton, Paul (1862-1911) »

Ce qui domine en lui, c’est un goût parfait que blesse toute crudité de mots, toute contorsion de phrase, tout geste désordonné.

1294. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Des Rieux, Lionel (1870-1915) »

Faut-il se montrer bien difficile et exiger de l’émotion et de la vie de quelqu’un qui a du goût, de l’habileté et de la délicatesse dans l’expression des sujets qu’il choisit ?

1295. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 490-491

La caducité de l’âge n’eut pas le pouvoir d’amortir les saillies de sa Muse, ni d’altérer ses goûts ; il aima toujours les plaisirs, & les chanta jusqu’à la fin de sa vie.

1296. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

Sa Traduction de Pétrone n’est qu’une paraphrase sans goût, sans élégance, qui ne conserve aucun des caracteres de l’original.

1297. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19

L’Abbé de Chaulieu, son ami, lui inspira sans doute le goût des Poésies légeres, & avec lui, cette liberté épicurienne qui se plaît à afficher l’insouciance dans la plupart de ses Pieces.

1298. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 427-428

Il a été encore utile aux Lettres, par son courage à défendre les bons Modeles contre la dépravation du goût ; & son respect pour les chef-d’œuvres de l’antiquité, prouve que, s’il n’étoit pas capable de donner dans ses propres Ouvrages de grands exemples, il étoit très en état de sentir & de faire valoir les beautés des anciens Auteurs.

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