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1471. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne, en un mot, voyageait pour amuser et régaler sa curiosité toujours éveillée et toujours fraîche ; Chateaubriand, pour occuper et remplir son imagination ardente et en tirer gloire. […] Mais était vraisemblable que ces membres dévisagés qui en restaient, c’étaient les moins dignes, et que la furie des ennemis de cette gloire immortelle les avait portés premièrement à ruiner ce qu’il y avait de plus beau et de plus digne ; que les bâtiments de cette Rome bâtarde qu’on allait à cette heure attachant a ces masures, quoiqu’ils eussent de quoi ravir en admiration nos siècles présents, lui taisaient ressouvenir proprement des nids que les moineaux et les corneilles vont suspendant en France aux voûtes et parois des églises que les Huguenots viennent d’y démolir… ».

1472. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Gloire et honneur à Lucius qui s’était cru homicide, et qui n’est qu’un outricide ! […] Mais, au lieu de rire et de secouer gaiement sa grossière enveloppe, il est pris dans un autre réseau plus subtil ; il se laisse conduire à des initiations redoutables, à la suite desquelles il est admis dans le collège des Pastophores, se faisant gloire désormais de montrer à tous sa tête rasée à large tonsure : circonstance curieuse à titre de témoignage : mais ce n’est plus là l’Apulée qu’il nous faut.

1473. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

La gloire ne le chatouille pas ; le style ne le démange pas. […] Il ne manquerait cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, lire et être tranquille, s’appelât travailler. » Il se flatte aujourd’hui d’avoir à peu près réalisé ce plan qu’il s’était proposé, d’avoir vécu en sage et en philosophe, étranger à ce qu’on appelle succès, indifférent à ce qu’on appelle gloire, et de s’être uniquement « attaché, en cultivant les lettres, à mettre en jeu les ressources de son intelligence, dans l’espoir de prendre une idée de l’ensemble des choses de ce monde où il ne fera que passer, et de purifier, autant qu’il est possible, son esprit et son âme par la méditation et l’étude. » Ce sont ses propres termes, et je n’ai pas voulu affaiblir l’expression de cette satisfaction élevée ; mais il est résulté de cette conscience habituelle de sa propre sagesse et de cette confiance tranquille en soi, qu’il a été enclin à voir les autres plus fous ou plus sots qu’ils n’étaient peut-être ; il se disait, en les écoutant, en les voyant animés de passions diverses : « Est-il possible que tous ces gens-là ne soient point raisonnables et sages comme moi-même ? 

1474. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Un ambassadeur vénitien écrivait peu après, en terminant une dépêche où il résumait tout le règne et le caractère de Charles-Quint : « Mais la fuite d’Inspruck, le mauvais succès de l’entreprise de Metz ont traversé le cours de cette gloire et sont venus remettre en mémoire les autres mauvais succès, comme ceux de Provence, d’Alger et de Castelnuovo ; la trêve désavantageuse conclue avec Sa Majesté très chrétienne, la renonciation aux États, le départ pour l’Espagne et l’entrée dans un monastère, tout cela lui a fait perdre presque toute sa réputation, je dis presque toute, parce qu’il lui en reste autant qu’il reste d’impulsion à une galère qui a été fortement poussée par les rames et le vent, et qui, l’un et l’autre cessant, fait pourtant encore un peu de chemin ; chacun concluant de là que c’est par le souffle favorable de la fortune qu’a été guidé l’immense navire des États, royaumes et pires de Sa Majesté. » Mais, patience ! il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment.

1475. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

comme je fuirais la capitale, si j’avais la centième partie de la gloire de M. de Voltaire, avec ses quatre-vingt-quatre ans ! […] Cette soif insatiable de gloire au bord du tombeau, cette inquiétude fiévreuse, cette complexion voltairienne, je ne comprends rien de tout cela. » En revanche il apprend avec plaisir que son ami s’est livré, comme un bon paysan, aux travaux de la fenaison, et qu’en fatiguant le corps il a forcé au repos son âme trop active.

1476. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Décidément il est entré non-seulement dans la gloire, mais dans le tempérament de la nation. […] Aimer et préférer ouvertement Corneille, comme le font certains esprits que je connais, c’est sans doute une belle chose et, en un sens, bien légitime ; c’est vouloir habiter et marquer son rang dans le monde des grandes âmes : et pourtant n’est-ce pas risquer, avec la grandeur et le sublime, d’aimer un peu la fausse gloire, d’aller jusqu’à ne pas détester l’enflure et l’emphase, un air d’héroïsme à tout propos ?

1477. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Maurel et traitant de l’une des gloires du pays, Vaugelas, lequel se trouve, par une singulière destinée, avoir été en son temps l’organe accrédité du meilleur et du plus pur parler de la France. […] Et quelle gloire n’a point encore Amyot depuis tant d’années, quoiqu’il y ait un si grand changement dans le langage !

1478. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

La Gloire et la Renommée sont en l’air, qui l’attendent avec des couronnes. […] Mais le duc de Savoie est d’une race guerrière et lui-même un guerrier : il est brave et vaillant ; il a soif aussi de la gloire, ou du moins de cette considération qui, pour un prince, s’acquiert surtout l’épée à la main.

1479. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

(Je le crois on avait supprimé les passages où elle avoue son sentiment et où elle s’en fait gloire.) […] Elle confesse à Buzot qu’elle n’a pas été très fâchée d’être arrêtée, puisque Roland est parvenu à se dérober aux poursuites ; mais il faut l’entendre ici dans un langage qui est bien le sien et qu’elle n’emprunte à personne, pas plus que le sentiment compliqué et très élevé qui l’inspire : « Ils en seront moins furieux, moins ardents contre Roland, me disais-je ; s’ils tentent quelque procès, je saurai le soutenir d’une manière qui sera utile à sa gloire ; il me semblait que je m’acquittais ainsi envers lui d’une indemnité due à ses chagrins : mais ne vois-tu pas aussi qu’en me trouvant seule, c’est avec toi que je demeure ?

1480. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La gloire du roi, celle de son fils et le bonheur de cette ingrate nation, voilà tout ce que je peux, tout ce que je dois désirer ; car, pour votre amitié, mon cher cœur, j’y compte toujours : elle fait ma consolation… » On voit par cette lettre tout le cœur de la reine avec ses bonnes intentions, et aussi les incertitudes de son esprit. […] Elle ajoutait dans tout le feu de son indignation et l’ardeur profonde de son mépris : « Je ne vous charge pas de faire mon apologie ; vous connaissez depuis longtemps le fond de toute mon âme, et jamais le malheur n’y pourra faire entrer la moindre idée vile ni basse ; mais aussi ce n’est que pour la gloire du roi et de son fils que je veux me livrer en entier, car tout le reste que je vois ici m’est en horreur, et il n’y en a pas un, dans aucun parti, dans aucune classe, qui mérite qu’on fasse la moindre chose pour lui. » Voilà les accents du cœur, l’âme même qui déborde.

1481. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Gloire à toi, Seigneur ! […] Ils m’ont paru peu envieux de gloire, et pour le moins aussi têtus que Bécarre qui, du reste, aurait triomphé par sa beauté ; j’en ai vu peu d’une aussi belle figure.

1482. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

En lui refusant un de ces grands succès, tel que l’eût été par exemple Dettingen, s’il y eût été vainqueur, une de ces actions d’éclat qui couvrent bien des fautes ou des insuffisances et qui font passer un homme de l’état contesté a l’état consacré, il semble que la Fortune, si prodigue d’ailleurs envers lui, n’ait été que juste et qu’elle ait résisté, au dernier moment, à couronner une gloire trop superficielle. […] La gloire des bons citoyens le touchait, et quoiqu’il s’aimât lui-même bien plus que la patrie, il préférait la patrie à tout le reste.

1483. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cette gloire, dont on a presque fait un reproche à notre nation, est assez féconde et assez belle pour qui sait l’entendre et l’interpréter. […] Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés.

1484. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il vous arrive, ange vraiment trop naïf, d’appeler Édouard Drumont, juif en chef de l’antisémitisme, « le prophète contemporain » et de le compter « parmi les héros auxquels la couronne de gloire sera remise par les anges au jour bienheureux du festin mystique ». […] Il n’y a pas d’exemple d’une gloire populaire qui ne soit devenue la proie des puissants.

1485. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

C’est pour lui qu’il détrousse les gloires, qu’il assassine les réputations, qu’il biographie les gens tout vifs, d’une plume taillée en stylet. […] Maxime sera son gendre : il est assez riche pour payer sa gloire.

1486. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Saint-Simon, dans ses mémoires, a tellement rendu au vif cette entrée de Fénelon à la Cour, cette initiation dans le petit monde particulier de Mme de Maintenon, des ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, cette rapide fortune de l’heureux prélat, sitôt suivie de tant de vicissitudes et de disgrâces, tout ce naufrage d’espérances qui est aujourd’hui une touchante partie de sa gloire, qu’on ne saurait que renvoyer à un tel peintre, et que ce serait profanation de venir toucher à de pareils tableaux, même lorsqu’on peut croire qu’il y a quelques traits hasardés. […] À chacun sa gloire et ses ombres.

1487. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il imaginait avec facilité et largeur des allégories plus ou moins mythologiques où il entrait toujours quelque chose à la gloire du roi : c’était le but final auquel il fallait tout rapporter. […] Il faut s’arrêter là avec Perrault, car c’est sa gloire.

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