La nature les met au monde pour suppléer à la disette des hommes de génie, destinez à faire des prodiges dans une sphere hors de laquelle ils n’auront point d’activité. […] Il ne peut les discerner que dans les copies de la nature, faites par des hommes de génie. […] Si leur auteur n’y passe pas pour un génie, il y passe du moins pour être bel esprit. […] Souvent même l’éleve dépourvû du génie ne peut atteindre la perfection où son maître est parvenu dans la mécanique de l’art. […] D’ailleurs si le maître est homme de génie, il se dégoûte bien-tôt d’enseigner un pareil sujet.
Girard comme l’idéal du génie même dans Thucydide, puisque le plus beau génie humain, c’est le génie grec, et le plus beau génie parmi les Grecs, Thucydide. Et, de fait, il doit avoir raison encore, notre très logique commentateur : si le génie grec est le plus beau génie qu’il puisse y avoir parmi les hommes, sa poétique doit participer de la beauté incomparable de ce génie. […] Girard du génie et de l’histoire de Thucydide. […] Expliquer un génie grec par le génie grec, est une tautologie qui n’explique rien. […] Girard est aux pieds de Thucydide et du génie grec, et, je le crains bien, n’en bougera pas.
Les conseils de ses amis ne peuvent-ils pas l’élever où les forces de son génie n’auroient pû le porter. […] Qu’il seroit à souhaiter que ce puissant génie eût toûjours pratiqué dans ses ouvrages les leçons qu’il donne dans cet écrit ! […] L’homme de génie devine comment l’ouvrier a fait. […] Les génies les plus heureux ne naissent pas de grands artisans. […] Le génie est dans les hommes, ce qui vieillit le dernier.
Dans l’Aéronaute hollandais, très inférieur au Scarabée, Poe oublie tout à fait son génie fantastique pour le génie propre à sa race : la découverte (toujours la découverte !) […] Il ne lève le rideau que sur les bas-côtés de son génie. […] Baudelaire a beaucoup marqué la lutte du génie de Poe contre l’esprit américain, mais le génie, chez aucun poète, n’est jamais assez vigoureux pour effacer la trace de la race. […] Certainement ils ne sont pas dignes du génie qu’on est en train, pour le moment, de lui reconnaître. […] L’étoile de ce sinistre fantastique a été aussi fantastiquement sinistre que son génie.
Le génie a sa destinée ! […] Chateaubriand avait eu le génie du Christianisme, avec le sien. Lamartine n’avait que son seul génie. […] Le génie du poète confisquera ses fautes. […] Et son génie, c’est exclusivement — mais exclusivement !
Un critique d’art, dont le défaut n’est pas l’enthousiasme, a nommé dernièrement Doré un monstre de génie, dans le sens de prodige. […] Or, ce rayon de l’Esprit-Saint ne tombe pas aussi souvent du ciel que le génie humain, qui lui-même est rare et n’en tombe pas tous les jours. […] Il le serait encore lorsque la Bible aurait été créée par le génie de l’homme seul, quand elle ne serait qu’un livre d’homme. Vous imiteriez la Critique impie de ces derniers temps qui veut chasser Dieu de l’Histoire, vous supprimeriez dans la Bible l’inspiration divine, aussi visible que la main terrible sur le mur du festin de Balthazar, et vous ne verriez dans le livre sacré que la force de l’esprit humain élevé à sa plus haute puissance, que pour l’interpréter besoin serait, je ne dis pas d’un génie égal, mais de plusieurs génies ; car le génie de la Bible est multiple. […] Enfin, il y a ici la question même du génie, c’est-à-dire de l’espèce d’imagination du dessinateur.
Tel le génie du comte Joseph de Maistre, et depuis quelques années, son histoire. […] On peut donc considérer ces fragments comme les premiers linéaments du génie de Joseph de Maistre. […] Et non seulement en lui, l’homme de génie, comme dans tout homme de génie, il n’y eut qu’une pensée, mais c’est que cette pensée fut la pensée même de l’unité ! […] Dans la pensée comme dans la vie, il eut le calme des grandes convictions, qui font le fond des plus grands génies. […] Les rois n’ont pas toujours besoin d’être éperdus pour demander l’aumône d’un conseil à un homme de génie.
Corneille, non pas l’inconnu, mais le connu et aussi le méconnu, car il l’a été souvent, ce grand homme, y est apprécié ce qu’il vaut au poids de son génie. […] Levallois a coupé cette corde, et le génie a été sauvé et il a reparu dans son livre. […] Les fonds noirs vont bien aux têtes de génie, et leur plus belle atmosphère, c’est le mystère à travers lequel on les entrevoit. […] C’était un génie sédentaire. […] Ni son génie romain, ni son génie gaulois ; car il avait les deux génies.
Jamais la Critique n’a été plus large, plus compréhensive, embrassant une œuvre et une personnalité de génie avec plus de force caressante et d’intelligence dans l’amour. […] Il y est scrupuleusement étudié dans l’origine, l’essence et toutes les portées de son génie. […] Il a montré en La Fontaine le génie le plus gaulois, le plus étonnamment gaulois que l’esprit gaulois ait produit dans la langue et la littérature françaises. […] Rappelez-vous, seulement, dans ce chef-d’œuvre de L’Amour mouillé, comme il a gauloisé adorablement Anacréon, mettant par-dessus le génie grec le génie si différent de sa propre race ! […] Lucien n’est qu’un Voltaire d’avant le Christianisme, et Platon, c’est le génie grec dans sa calme et majestueuse idéalité.
Il avait le génie acéré de l’épigramme comme Racine, Racine surnommé le doux ! […] Il n’aura plus toute la saveur de son génie, de ce génie si profondément gaulois qui allait commencer cette belle lignée où l’on trouve Rabelais par en haut, Marot plus bas, Régnier, qui remonte pour arriver à La Fontaine et à Molière ; Boileau de quelques degrés au-dessous ; puis Voltaire, puis Béranger, qui l’aplatit, ce génie, et qui l’embourgeoise, mais dans lequel, pourtant, on peut le reconnaître encore ! Villon, en effet, est le génie gaulois par excellence. […] C’est ce génie, plus épris de réalité que d’idéal, de nature humaine que de l’autre nature. C’est le génie de l’observation comique, mais aussi de la plus tragique sensibilité.
Il est vrai que je ne donne pas facilement à un littérateur le titre d’homme de génie ; Tite-Live, à mon avis, n’est qu’un bel et majestueux écrivain ; Tacite est un homme de génie. […] La passion qui fait quelquefois si bien parler, fait plus souvent encore balbutier, même l’homme de génie. […] Jamais l’homme de lettres ne se trouve dans cette position urgente, il est seul quand il écrit ; l’homme de génie n’a d’autre motif que son génie auquel il obéit. […] On ne reproche point à l’homme d’avoir manqué de génie ; on reproche à tous d’avoir manqué de force et de vertu. […] Celui qui manque de génie n’a point de moment.
Nous n’avons pas ce fond d’entrailles, cette substance du cœur qui est la meilleure part du génie ; car le génie, c’est l’opposé de cette affreuse petite bourgeoise du xviiie siècle, cette Geoffrin qui montrait son cœur et qui disait : « il n’y a là que de la cervelle ». Le Génie, lui, dit au contraire en montrant sa tête : « Ce que j’ai là-haut, c’est encore du cœur ! […] — enfin, revenant, sans gloire (si la gloire est le bruit), mourir dans sa bourgade, jeune encore d’âge et inépuisable de génie, et même — ce dernier coup de l’ironie ! […] Nous l’avons dit déjà, il y a une partie du secret du génie engagée dans les questions de la conscience et du cœur. […] Guizot l’a touchée, cette question, avec cette hauteur impassible de langage qui peut toucher hardiment à tout et voudrait bien l’amener à la lumière, mais il la laisse bientôt retomber dans les ténèbres qui l’enveloppent, — et ceux qui aiment Shakespeare restent épouvantés, ou du moins inquiets, en face de ces Sonnets, d’un sentiment et d’une expression tellement androgynes qu’on se demande si le génie qui parle ainsi est le génie de l’amour ou le génie de l’amitié… Tel est pourtant l’incomplet de cette histoire et de cette critique que nous a donné Guizot dans cette œuvre, trop courte d’ailleurs, intitulée la Vie de Shakespeare.
et, si l’on est un immense génie, être immensément ennuyeux ? […] Si la France met souvent son génie à être dupe, — ce qui n’arrive que rarement au génie, — le succès, elle l’obtient toujours ! […] Le génie des hommes de génie est même en proportion du nombre de femmes et des types de femmes qu’on rencontre dans leurs écrits. […] … Il y a maintenant à montrer son génie comique, car Gœthe se croyait l’enfant de la double colline : il se croyait le double génie. […] J’ai dit au commencement de cet article que les hommes de génie devaient être plus grands que leur génie pour être grands, ou que du moins leur génie devait faire équation avec leur âme.
Revenons aux bornes que la nature a prescrites aux génies les plus étendus, et disons que le génie le moins borné, c’est le génie dont les limites sont moins resserrées que ceux des autres. Or rien n’est plus propre à faire appercevoir les bornes du génie d’un artisan, que des ouvrages d’un genre, dans lequel il n’est point né pour réussir. L’émulation et l’étude ne sçauroient donner à un génie la force de franchir les limites que la nature a prescrites à son activité. […] L’étenduë que le travail semble donner aux génies n’est qu’une étenduë apparente. […] Un génie à qui la nature ne donna que des aîles de tourterelle, n’apprendra jamais à s’élever d’un vol d’aigle.
Il n’y a pas de droit d’aubaine pour la pensée : le génie est du domaine commun. […] C’est là son génie, c’est là sa vertu, c’est là son signe entre les peuples. […] C’est là que le génie français règne par le goût, qu’il maintient sa royauté par l’esprit, cette monnaie du génie à l’usage d’un plus grand nombre d’intelligences que le génie lui-même. […] Voilà pourquoi nous n’encourageons jamais les poètes à cet exercice haineux de leur génie. […] Sans cette logique des arts, qui doit gouverner, à son insu, même le génie, le génie ne serait qu’une sublime démence.
De quelque côté qu’on se tourne dans les beaux-arts, on voit partout la médiocrité dictant les lois, et le génie s’abaissant à lui obéir. […] Nous examinerons d’abord les lois de la traduction, eu égard au génie des langues, ensuite relativement au génie des auteurs, enfin par rapport aux principes qu’on peut se faire dans ce genre d’écrire. […] Si les langues ont leur génie, les écrivains ont aussi le leur. […] sera-ce dans les occasions ou la difficulté de traduire ne viendra que du génie des langues ? […] Or qu’est-ce qu’une expression de génie ?
Tout le double génie de Sterne est dans ce rire fixé aux lèvres et cette tristesse fixée aux yeux. […] Figurez-vous un membre du clergé romain prêchant chez nous dans ce style, pétillerait-il de génie, quel coup de crosse de l’évêque diocésain ne recevrait-il pas sur la tête ! […] Son succès de Tristram Shandy, auquel il ajouta de nouvelles parties, ne s’épuisait pas, mais sa vie s’épuisa avant sa gloire et son génie. […] Stapfer passe ensuite à celles qu’on a dirigées contre son génie. […] La flamme mouillée de son génie n’est pas plus là que la rosée sur les prairies où elle a séché.