Frappé de l’heureux instinct qui guida les premiers hommes, on s’est exagéré leurs lumières, et on leur a fait honneur d’une sagesse qui était celle de Dieu. […] la première barbarie était de nature, la seconde est de réflexion ; celle-là était féroce, mais généreuse ; un ennemi pouvait fuir ou se défendre ; celle-ci, non moins cruelle, est lâche et perfide ; c’est en embrassant qu’elle aime à frapper. […] Pour ne point juger cette partie du système avec une injuste sévérité, il faut se rappeler qu’au temps de Vico, la science mythologique était encore frappée de stérilité par l’opinion ancienne qui ne voyait que des démons dans les dieux du paganisme, ou renfermée dans le système presque aussi infécond de l’apothéose. […] Comme le mal que nous voyons dans les autres nous frappe vivement, et nous reste profondément gravé dans la mémoire, il devient une règle d’après laquelle nous jugeons toujours ce qu’ils peuvent faire ensuite de beau et de bon.
au Petit-Pont de Paris. » On est frappé, dans le récit que donne Joinville, et en y joignant les témoignages des autres contemporains, de l’absence totale de plan et de tactique des deux côtés, soit dans l’attaque, soit dans la défensive. […] On ne s’y battait point à distance, avec l’arc ni avec l’arbalète, mais on se frappait bel et bien de masses et d’épées, et corps à corps.
Lui aussi, il fut malade, et dans sa maladie il eut également part à mes soins et à mon attention ; mais si, après sa guérison, je prenais la liberté de le caresser de la main, il grognait, frappait des pieds de devant, s’élançait ou mordait. […] Mais les grands et sérieux côtés reparaîtront toujours : cette aimable créature a eu un côté frappé et foudroyé.
Cette nouvelle est venue me frapper comme un coup de foudre. […] Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre.
Mais ce qui frappe d’abord, c’est la haute idée qu’il a prise de Vauvenargues, et l’espèce de déclaration qu’il lui en fait : Des qualités ordinairement séparées, et toujours recherchées, se joignent en vous, lui dit-il ; jugez des sentiments qu’elles y attirent. […] Vous n’étiez plus pour moi qu’un songe agréable, lorsque le bruit du malheur qui vous est arrivé m’a attendrie ; les larmes auxquelles je n’ai voulu faire nulle attention, quand vous m’avez voulu persuader que je les causais, m’ont frappée, sans savoir même si vous en avez versé, dans une occasion dont on se console quelquefois plus aisément que de la perte d’une maîtresse.
Vaubertrand, dont le père, concierge de la prison des Madelonnettes pendant la Terreur, s’est honoré par des actes nombreux d’humanité, et qui, notamment, a donné asile, pendant six mois, à Quatremère de Quincy frappé de proscription, se complaît aujourd’hui, dans un âge avancé, à célébrer le respectable auteur de ses jours55 ; mais c’est une erreur, à lui, bien qu’assurément des plus innocentes, de croire qu’il faille pour cela emprunter toutes les pompes et l’appareil de la rime et de la poésie : une simple notice en prose eût mieux rempli son intention, et les notes de sa brochure en font l’intérêt. […] Le premier dessein de la noble vierge était de frapper, d’immoler Marat publiquement, en pleine Convention, au sommet de sa Montagne : elle comptait bien elle-même être déchirée sur place et disparaître en lambeaux avant même qu’on eût su son visage et son nom.
Fromentin ne s’attache qu’aux traits principaux, à ce qui frappe et à ce qu’on retient, au mouvement, au geste, à l’étincelle. […] Je sentis, à la vive et fraternelle étreinte de ses deux petites mains cordialement posées dans les miennes, que la réalité de mon rêve était revenue ; puis, s’emparant avec une familiarité de sœur aînée du bras d’Olivier et du mien, s’appuyant également sur l’un et sur l’autre, et versant sur tous les deux, comme, un rayon de vrai soleil, la limpide lumière de son regard direct et franc, comme une personne un peu lasse, elle monta les escaliers du salon. » Est-il besoin de remarquer que Dominique, le narrateur qui est ici le peintre, n’a fait entrer dans son tableau que ce qu’il a eu réellement motif de voir, d’entendre, de retenir, ce qui est en rapport avec son sentiment, — le son des grelots qui lui annonçait l’approche désirée, — le voile bleu qui tout d’abord a frappé son regard ?
Quand on peut se passer d’entr’acte et frapper coup sur coup sur son parterre, c’est mieux. […] On aurait été bien plus frappé si j’avais poussé plus loin la comparaison.
Un jour à Bagneux, maison de campagne de Mme Davillier, après une longue discussion sur l’opéra de Fernand Cortez, sur lequel on avait pris plaisir à le chicaner : « Vous avez beau dire, s’écria Jouy en ne plaisantant qu’à demi, il y a dans cette pièce un acte excellent que vous n’êtes pas assez forts pour découvrir. » Béranger, qui avait retenu le mot, se lève au milieu de la nuit, appelle deux des interlocuteurs qui étaient ses voisins, et ils s’en vont frapper à la porte de la chambre de Jouy qui s’éveille en sursaut. […] » Cette épigramme, dans sa bouche, avait l’avantage de faire coup double et de frapper deux lièvres à la fois.
D’autres pourront trouver, en lisant ces lettres, que Marie-Thérèse est bien minutieuse pour une si grande reine dont les actions appartiennent à l’histoire ; qu’elle entre ici dans de bien minces détails ; qu’elle traite la dauphine, et bientôt la jeune reine de France, comme elle ferait une petite fille à peine sortie de pension : pour moi, je suis frappé du caractère sensé, à la fois maternel et royal, de ses conseils, de la perspicacité qui, de loin, lui fait deviner le point faible et mettre le doigt sur ce qui a perdu en effet Marie-Antoinette dans l’opinion : l’esprit de dissipation et de frivolité, le favoritisme et le goût des coteries. […] Cependant les termes y sont, et il est impossible de ne pas en être frappé comme d’éclairs avant-coureurs : « Il y a bien des mois que je n’entends rien de vos lectures, de vos applications : je ne vois plus rien là-dessus de l’abbé, qui tous les mois aurait dû m’envoyer vos amusements utiles et raisonnables ; tout cela me fait trembler : je vous vois aller avec une certaine sûreté et nonchalance à grands pas à vous perdre, au moins à vous égarer
Avec sa longue canne qui ressemblait à une béquille et avec laquelle il frappait de temps en temps sur l’appareil de fer dont sa mauvaise jambe était munie, il s’annonçait impérieusement. […] Maubreuil échappant à la surveillance s’était rendu le 20 janvier à Saint-Denis pendant la célébration de l’anniversaire, et là, en pleine solennité, il avait frappé M. de Talleyrand au visage et l’avait renversé par terre.
Mais à partir du jour où le charme se brisa, ce ne fut plus sur cette figure mélancolique et frappée, sous ces longs cheveux cendrés, éplorés, qui pendent, ce ne fut plus qu’une pâleur mortelle. […] Beaucoup de ce qui nous frappe dans le cadre et le vêtement ne sera pardonné que pour le génie qui rayonnera, pour l’âme qui palpitera derrière.
C’est un poëte grec qui a dit : « Il y a trois Grâces, il y a trois Heures90, vierges aimables ; et moi, trois désirs de femme s me frappent de fureur. […] A un certain degré, cette mêlée, cette lutte de diverses natures en une seule, aurait pu paraître intéressante, et elle a certainement paru telle à quelques personnes qui l’ont connu ; je sais une femme distinguée qui a écrit : « On sent dans Benjamin Constant un besoin d’être aimé, dirigé, soigné, qui charme à côté de si grandes facultés… » Pourtant, à moins d’être femme peut-être, et avec la meilleure volonté du monde, il n’y a pas moyen de n’être point ici frappé de ce choc d’éléments inconciliables et d’un désaccord qui crie.
En 1751, d’Argenson écrivait sur son journal : « Rien ne les pique aujourd’hui des nouvelles de la cour ; ils ignorent le règne… La distance devient chaque jour plus grande de la capitale à la province… On ignore ici les événements les plus marqués qui nous ont le plus frappés à Paris… Les habitants de la campagne ne sont plus que de pauvres esclaves, des bêtes de trait attachées à un joug, qui marchent comme on les fouette, qui ne se soucient et ne s’embarrassent de rien, pourvu qu’ils mangent et dorment à leurs heures733. » Ils ne se plaignent pas, « ils ne songent pas même à se plaindre734 » ; leurs maux leur semblent une chose de nature, comme l’hiver ou la grêle. […] De l’eau, de la paille, du pain, deux onces de graisse salée, en tout cinq sous par jour ; et, comme depuis vingt ans le prix des denrées avait augmenté d’un tiers, il fallait que le concierge chargé de la nourriture les fit jeûner ou se ruinât Quant à la façon de remplir les dépôts, la police est turque à l’endroit des gens du peuple ; elle frappe dans le tas, et ses coups de balai brisent autant qu’ils nettoient.
Quand on écrit ainsi le mot propre, c’est qu’on est frappé et comme possédé par l’objet ; on le voit intérieurement, tel qu’il est, grossier ou sale, et on ne peut pas s’empêcher de l’exprimer tel qu’on le voit. […] Voilà la grande phrase oratoire, la période parfaite, et son cortège de propositions incidentes, enfermées les unes dans les autres, dont toutes les parties se tiennent comme les membres d’un corps vivant, et qui se porte d’un seul mouvement avec toute cette masse pour frapper un coup décisif.
Alors la jeune femme pleure et s’indigne ; il y a de l’amertume dans ses larmes ; sa plainte exhale la juste colère d’un noble cœur frappé, pour la première fois, par la trahison. […] Il laissera sa marque là où il a frappé ; il effraye, mais l’effroi qu’il inspire sera salutaire ; il déshabille chastement le vice, il marche dans la corruption sans y enfoncer.
Si, en les lisant aujourd’hui, on est frappé de l’excessive importance accordée à des particularités accidentelles et passagères, à de purs détails de costume, on n’est pas moins frappé de la partie durable, de celle qui tient à l’observation humaine de tous les temps ; et cette dernière partie est beaucoup plus considérable qu’on ne le croirait d’après un premier coup d’œil superficiel.