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1061. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Il y a encore d’autres ressemblances entre ces deux romans, mais elles ne sont qu’à fleur de peau, et celle-ci est profonde.

1062. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Mais, dans le génie comme dans la foi, il y a toujours des élus de Dieu : et tant que l’enthousiasme du beau moral ne sera pas banni de tous les cœurs, tant qu’il aura pour soutiens toutes les passions honnêtes de l’âme, il suscitera par moments l’éclair de la pensée poétique ; il éveillera ce qu’avaient senti les prophètes hébreux aux jours de l’oppression ou de la délivrance, ce que sentait ce roi de Sparte, lorsqu’à la veille d’une mort cherchée pour la patrie, il offrait, la tête couronnée de fleurs, un sacrifice aux Muses.

1063. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il prend note des fleurs diverses : glaïeuls, narcisse des prés, genotte qui annonce le printemps, safran et le reste. […] Baju n’a pas voulu livrer tous les secrets ; il a préféré jeter les fleurs à pleines mains sur les initiés, les adeptes, même un peu lointains, comme M.  […] Trop de fleurs ! trop de fleurs ! […] Ils seraient trop gênés de recevoir des fleurs avec des pavés devant le monde.

1064. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Son esprit est tellement funèbre, qu’il répand le deuil sur les choses les plus charmantes. « Entrez, dit-il, dans un jardin de plantes, d’herbes et de fleurs, même dans la saison la plus douce de l’année. […] Quand un homme a du jugement, il n’apprécie pas toutes les valeurs selon le même étalon ; il se sert d’autant de mesures qu’il y a de choses à mesurer ; il n’accepte pas les moyennes, méprise la statistique et ne goûte l’analogie que comme fleur de style. […] L’art, et le plus désintéressé, le plus désincarné, est l’auxiliaire de la vie ; né de la sensibilité, il la sème et la crée à son tour ; il est ta fleur de la vie et, graine, il redonne de la vie. […] Transportés sur ses toiles, les paysages et les fleurs vus par Claude Monet nous laissent aussi inquiets que lorsqu’ils étaient à l’état de spectacles naturels ; les fleurs ou les paysages stylisés nous rassurent, au contraire : ils sont domptés, ils sont humanisés. […] J’aime mieux une fleur qu’une fleur de rhétorique et j’estime que l’art de plaire aux imbéciles est le même que l’art de déplaire aux délicats.

1065. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Quant à la foule de ces jeunes gens qui se sont si ardemment nourris de vains rêves de gloire, le plus grand nombre est mort et à la fleur de l’âge. […] Je veux peindre un général et ses soldais se préparant au combat comme de véritables Lacédémoniens, sachant bien qu’ils n’en échapperont pas ; les uns absolument calmes, les autres tressant des fleurs pour assister au banquet qu’ils vont faire chez Pluton. […] David profita tout à la fois de cet avantage et de leur complaisance pour tracer, d’après une douzaine d’entre eux, le groupe du tableau des Thermopyles, qui se compose des divers personnages peignant leurs cheveux, agrafant leur chaussure, ou présentant des couronnes de fleurs près de celui qui écrit sur le rocher. […] Le Marius de Drouais, au contraire, provoqua une observation inverse ; aussi, sans préjuger indiscrètement de l’avenir possible de ce peintre, mort à la fleur de l’âge, doit-on le considérer tel que nous le connaissons, comme un peintre qui n’était encore qu’un très-habile imitateur de son maître. […] Ces ouvrages, qui furent commencés vers 1807, le poëme en particulier, rappellent la Navigation, les Fleurs, le Printemps d’un proscrit, et autres poëmes descriptifs et admiratifs imités de l’Imagination de Delille.

1066. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

D’autant que plus tard, et jusqu’à sa mort, un quasi nihilisme sera souvent chez lui comme à fleur de phrase. […] Comme un faon semble pendu aux fleurs de lianes roses, qu’il saisit de sa langue délicate dans l’escarpement de la montagne, ainsi je restais suspendu aux lèvres de ma bien-aimée. […] Je me figure, je vois Lucile à dix-huit ans, dans les bois de Combourg, parée de gui et de fleurs sauvages, dire à René, comme Velléda à Eudore : « Assieds-toi, écoute, sais-tu que je suis fée ?  […] Il y a Chateaubriand lui-même et la plus rare fleur de son sang. […] Sur ces tapis de fleurs, tes compagnes ont déjà passé. » Et Lucile, toujours Lucile : « À la nuit tombante, j’entrai dans des bois.

1067. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

… Heureusement, voici venir Marivaux, « marchand de fleurs. » Le contraste est radical entre la farce de Gueullette et cette délicieuse féerie d’Arlequin poli par l’amour. […] Et si, l’autre soir, Henri III ne m’avait pas été absolument nouveau ; si je l’avais lu ou vu, à l’âge « où la prunelle innocente est en fleur », m’aurait-il laissé aussi parfaitement froid ? […] Après six semaines de tête à tête, il en est encore à lui apporter des bouquets de fleurs des champs, et avec quelles phrases ! « Tenez, vous allez rire… J’ai trouvé par le bois ces quelques petites fleurs, si bien blotties dans l’herbe, que, ma foi ! […] … vous n’y êtes plus habitués… Vous avez rompu avec cette humanité qui barbote d’ans la prose du macadam, et vous vivez de poésie sous l’acacia en fleurs.

1068. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Nous compléterons la similitude de sa conception mâle et du goût de son siècle, en y ajoutant l’accord de son style hyperbolique et ampoulé avec l’abus des figures oratoires d’une tribune alors prostituée aux panégyristes et corrompue par les fleurs du bel esprit des Sénèque. […] Jamais sa muse ne daigne descendre du forum et s’abaisser jusqu’à cueillir des fleurs poétiques sur les rives sinueuses du Permesse. […] Marmontel dit avec beaucoup de goût : « un personnage qui, dans une situation intéressante, s’arrête à dire de belles choses qui ne vont point au fait, ressemble à une mère qui, cherchant son fils dans les campagnes, s’amuserait à cueillir des fleurs ». […] « ……………………………… Zéphire, « Sous ses voiles flottants, s’insinue et soupire, « L’enlève au pied d’un roc, dans un vallon charmant, « Et sur un lit de fleurs la pose mollement. […] Alors qu’il voudra déplorer la mort d’Euryale en le comparant à une fleur mourante, prononcera-t-il des vers aussi purs que ceux-ci ?

1069. (1896) Études et portraits littéraires

De cette faculté maîtresse, tige merveilleuse, il fait sortir l’artiste et son œuvre « comme une fleur ». […] Il avoue l’amour « physique » que lui inspirent tel coin de forêt, tel bout de berge, tel verger « poudré de fleurs ». […] Passe encore pour la bonhomie ronde du vieux curé d’Étouvent qui parle un peu bien gaillardement du bas prix de la fleur d’oranger dans sa paroisse. […] Le plaisir parachève l’acte, perfection suprême s’y ajoutant « comme à jeunesse sa fleur ». […] Que l’inauguration en soit simple ; qu’on l’enguirlande de fleurs de demi-deuil, en tresses fines.

1070. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Corinne elle-même, au cap Misène, n’a-t-elle pas repris cette haute inspiration : « O Terre toute baignée de sang et de larmes, tu n’as jamais cessé de produire et des fruits et des fleurs ! […] Que signifie ce triste avant-coureur dont la nature fait précéder la mort, si ce n’est l’ordre d’exister sans bonheur et d’abdiquer chaque jour, fleur après fleur, la couronne de la vie ?  […] Jours pénibles, et qui arrivent tôt ou tard dans chaque existence, où l’on voit les êtres préférés, qu’on rassemblait avec une sorte d’art au sein d’un même amour, se ralentir, se déplaire, se rembrunir l’un après l’autre, se tacher, en quelque sorte, dans la fleur d’affection où ils brillaient d’abord ! […] Elle mourut environnée pourtant de tous les noms choisis qu’on aime à marier au sien ; elle mourut à Paris74 en 1817, le 14 juillet, jour de liberté et de soleil, pleine de génie et de sentiment dans des organes minés avant l’âge, se faisant, l’avant-veille encore, traîner en fauteuil au jardin, et distribuant aux nobles êtres qu’elle allait quitter des fleurs de rose en souvenir et de saintes paroles.

1071. (1923) Paul Valéry

Cette vie de fleur pure, élémentaire et vierge, « cette rose sans prix », il faut que la mort la respire pour une fin ténébreuse. […] Voici tout le monde de la chair et des formes qui « procède » à la façon alexandrine, figuré par ces Cyclades en fleur dans une aurore. […] Une esclave aux longs yeux chargés de molles chaînes Change l’eau de mes fleurs, plongeaux glaces prochaines, Au lit mystérieux prodigue ses doigts purs ; Elle met une femme au milieu de ces murs Qui dans ma rêverie errant avec décence, Passe entre mes regards sans briser leur absence, Comme passe le verre au travers du soleil, Et de la raison pure épargne l’appareil. […] Cette poésie pure, cette pointe de diamant de la langue, cette capacité d’une centaine de vers parfaits, en lesquels un parler de dix siècles donne sa fleur absolue, Valéry, après Mallarmé, après Baudelaire, en témoigne. […] Après quelques tâtonnements ma mémoire m’apporta le premier quatrain de la Dormeuse : Quels secrets dans son cœur brûle ma jeune amie, Ame par le doux masque aspirant une fleur ?

1072. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

. — Je tire toutes ces drôleries de son livre même, dussé-je paraître de ceux un peu légers dont il dit, non sans dédain, qu’ils ne recherchent en tout que la fleur : Decerpunt flores et summa encumina captant. […] Ce ne sont que fleurs et qu’encens, ce n’est, que sucre, que miel et que rosée. […] Naudé, qui cite cette épigramme dans la préface de ses Rose-Croix, l’a remise depuis dans son Mascurat, et en a fait la plus jolie page de ce gros in-4° : « La fable ancienne ou moderne dit que le Dieu d’Amour lit présent au Dieu du Silence, Harpocrate, d’une belle fleur de rose, lorsque personne n’en avoit encore vu et qu’elle étoit toute nouvelle, afin qu’il ne découvrît point les secrètes pratiques et conversations de Vénus sa mère ; et que l’on a pris de là occasion de pendre une rose ès chambres où les amis et parents se festinent et se réjouissent, afin que, sous l’assurance que cette rose leur donne que leurs discours ne seront point éventés, ils puissent dire tout ce que bon leur semble. »  — Cette dévotion du silence a encore inspiré à Naudé une jolie épigramme, la seule même assez gracieuse qu’on trouve dans le recueil de ses vers.

1073. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Cette dernière qualité plaît surtout dans la jeunesse ; prenez garde qu’elle ne passe avec elle aussi, comme une fleur ou comme un songe. Le véritable galant homme ne devrait être qu’un honnête homme un peu plus brillant ou plus enjoué qu’à son ordinaire, un honnête homme dans sa fleur. […] combien de fumier pour cette fleur !

1074. (1813) Réflexions sur le suicide

Si ce n’est l’ordre d’exister sans bonheur et d’abdiquer chaque jour, fleur après fleur, la couronne de la vie. […] Nous descendîmes ensemble et il me laissa jouir pendant quelque temps de cette nature dont j’étais privée depuis plusieurs mois ; c’était un de ces jours de la fin de l’hiver qui annoncent le printemps, je ne sais si la belle saison elle-même aurait autant frappé mon imagination que ce pressentiment de son retour ; les arbres tournaient leurs branches encore dépouillées vers le soleil ; le gazon était déjà vert, quelques fleurs prématurées semblaient préluder par leurs parfums à la mélodie de la nature quand elle reparaît dans toute sa magnificence !

1075. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Toutes les fleurs du Poëte Grec se fanent entre ses mains. […] Son imagination riante & agréable répandoit des fleurs sur toutes les poésies. […] Ce sujet étoit fort sec, mais le Poëte doué de l’imagination la plus heureuse, trouva le moyen de répandre des fleurs sur toute la route qu’il vouloit parcourir.

1076. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Féval a cette fleur de l’amusement qui n’est pas toujours, que dis-je ? qui n’est presque jamais l’intérêt profond, passionné, à impression ineffaçable, que donnent les livres forts et grands ; mais il a cette fleur de l’amusement qu’on respire, — et qu’on jette aussi (rarement pour la reprendre) après l’avoir respirée. Avec le nombre, très considérable déjà, de ses ouvrages, Féval est même tout un buisson de cette fleur-là.

1077. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Ces vers donc, ces rêves inachevés, ces soupirs exhalés çà et là dans la solitude, le long des grandes routes, au sein des îles d’Italie, au milieu des nuits de l’Atlantique ; ces vagues plaintes de première jeunesse, qui, s’il avait vécu, auraient à jamais sommeillé dans son portefeuille avec quelque fleur séchée, quelque billet dont l’encre a jauni, quelques-uns de ces mystères qu’on n’oublie pas et qu’on ne dit pas ; ces essais un peu pâles et indécis où sont pourtant épars tous les traits de son âme, nous les publions comme ce qui reste d’un homme jeune, mort au début, frappé à la poitrine eu un moment immortel, et qui, cher de tout temps à tous ceux qui l’ont connu, ne saurait désormais demeurer indifférent à la patrie. […] Là, mille fleurs sans nom, délices de l’abeille ; Là, des prés tout remplis de fraise et de groseille ; Des bouquets de cerise aux bras des cerisiers ; Des gazons pour tapis, pour buissons des rosiers ; Des châtaigniers en rond sous le coteau des aulnes ; Les sentiers du coteau mêlant leurs sables jaunes Au vert doux et touffu des endroits non frayés, Et grimpant au sommet le long des flancs rayés ; Aux plaines d’alentour, dans des foins, de vieux saules Plus qu’à demi noyés, et cachant leurs épaules Dans leurs cheveux pendants, comme on voit des nageurs ; De petits horizons nuancés de rougeurs ; De petits fonds riants, deux ou trois blancs villages Entrevus d’assez loin à travers des feuillages ; Oh !

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