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17. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Nulement : persone n’entendit cette expression à la lettre, et dans le sens propre : elle avoit un sens figuré. […] Combien de persones se servent d’expressions métaphoriques, sans savoir précisément ce que c’est que métaphore ? […] Les tropes donent plus d’énergie à nos expressions. […] Il y a dans cette expression une métonymie, palme se prend pour victoire, et de plus l’expression est métaphorique ; la victoire dont on veut parler est une victoire spirituèle. […] Il est vrai que telle expression figurée en particulier n’a pas été en usage partout ; mais partout il y a eu des expressions figurées.

18. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

« La poésie, qui est la plus haute et la plus pure expression de l’Art, doit tenir la tête de la caravane intellectuelle… On a parlé de Déliquescence, d’Évanescence, de Décadence. […] C’est donc l’expression des choses par les rapports qu’elles ont ou sont supposées avoir avec l’essence morale de l’homme. […] « La versification est l’art de choisir et d’adonner les mots de manière à en tirer une expression musicale qui en complète l’expression littérale. […] Les images sont particulièrement utiles à l’expression des sentiments. […] Un inconnu appelait la poésie « l’essai d’expression de l’indéfinissable ».

19. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

41 » Il repousse cette conséquence, pourtant inévitable, de son système, que l’esprit serait l’esclave de la mémoire verbale ; celle-ci « offre ses expressions », mais « l’esprit les demande, les cherche, la raison les examine… ; l’esprit fait plus : il les crée lorsque la mémoire… ne lui en présente que d’insuffisantes… ; la mémoire n’est qu’un dictionnaire à l’usage de l’esprit…, un dépôt d’expressions où chaque esprit choisit celles qui peuvent le mieux rendre sa pensée » ; c’est pourquoi « chaque écrivain a son style, expression de son esprit »42. […] Sur cette thèse capitale, les formules abondent, et la plupart méritent d’être citées : « L’homme n’est connu à lui-même que par la parole. — L’esprit se révèle par les mots. — L’homme ne connaît les êtres intellectuels que par les paroles qui les nomment. — Il faut des paroles pour penser ses idées. — Les idées s’engendrent, se lient, se combinent, s’associent, à l’aide de leurs expressions. — La pensée se manifeste, se révèle à l’homme par l’expression, comme le soleil se montre à nous par la lumière. — Notre esprit se voit lui-même dans l’expression comme les yeux se voient dans un miroir49. — Si chaque idée n’avait pas son terme ou son expression propre qui la distingue des autres idées, il n’y aurait en nous qu’une faculté générale de concevoir, sans idée particulière d’aucun objet. — Le langage donne l’exercice à la faculté de penser. — Tous les jours, l’esprit de l’homme est tiré du néant par la parole. — L’entendement est la faculté de concevoir des idées d’objets intellectuels à l’occasion des mots, lesquels rendent ces idées sensibles à l’âme. — L’idée est innée en elle-même, acquise dans son expression. — Les idées innées sont en puissance dans l’esprit de l’homme : ce sont des idées que l’homme peut apercevoir dans son esprit sous certaines conditions ; ces conditions sont la connaissance des expressions qui nomment les idées. — Les idées attendent dans l’esprit qu’une expression vienne les distinguer. — La parole porte la lumière dans les ténèbres de l’entendement, et appelle chaque idée, qui répond : Me voilà ! […] Estienne, s. v.) ; ces deux expressions elles-mêmes sont probablement originaires des Stoïciens. […] VIII, De l’expression de la pensée, et dans l’appendice au chap.  […] Bossuet les connaît bien : l’extase est pour lui une série de petites perceptions, trop fines pour être nommées, trop spirituelles pour admettre une expression sensible.

20. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Les uns croient ajouter à l’énergie du style, en le remplissant d’images incohérentes, de mots nouveaux, d’expressions gigantesques. […] Mais il n’existe pas un écrivain éloquent ou penseur, dont le style ne contienne des expressions qui ont étonné ceux qui les ont lues pour la première fois, ceux du moins que la hauteur des idées ou la chaleur de l’âme n’avaient point entraînés. […] Il en est de même d’une manière d’écrire exagérée ; ce sont des expressions froides dont on fait des expressions fausses. […] J’ai soutenu que, dans les bons ouvrages modernes, l’expression de l’amour avait acquis plus de délicatesse et de profondeur que chez les anciens, parce qu’il est un certain genre de sensibilité qui s’augmente en proportion des idées. […] On a demandé si l’expression de l’amour avait fait des progrès depuis l’Héloïse du douzième siècle.

21. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Et d’abord, pour donner quelque dignité à cette discussion impartiale, dans laquelle il cherche la lumière bien plus qu’il ne l’apporte, il répudie tous ces termes de convention que les partis se rejettent réciproquement comme des ballons vides, signes sans signification, expressions sans expression, mots vagues que chacun définit au besoin de ses haines ou de ses préjugés, et qui ne servent de raisons qu’à ceux qui n’en ont pas. […] Il est reconnu que chaque littérature s’empreint plus ou moins profondément du ciel, des mœurs et de l’histoire du peuple dont elle est l’expression. […] La littérature actuelle peut être en partie le résultat de la révolution, sans en être l’expression. […] De même que les écrits sophistiques et déréglés des Voltaire, des Diderot et des Helvétius ont été d’avance l’expression des innovations sociales écloses dans la décrépitude du dernier siècle, la littérature actuelle, que l’on attaque avec tant d’instinct d’un côté, et si peu de sagacité de l’autre, est l’expression anticipée de la société religieuse et monarchique qui sortira sans doute du milieu de tant d’anciens débris, de tant de ruines récentes. […] Mais la France n’eut pas ce bonheur ; ses poëtes nationaux étaient presque tous des poëtes païens ; et notre littérature était plutôt l’expression d’une société idolâtre et démocratique que d’une société monarchique et chrétienne.

22. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Quels moyens reste-t-il alors à l’éloquence pour frapper les esprits par des pensées ou des expressions heureuses, par le contraste du vice et de la vertu, par la louange ou par le blâme distribués avec justice ? […] Mais dans nos assemblées, où toutes les invectives étaient admises contre tous les caractères, qui aurait saisi la nuance délicate des expressions de Cicéron ? […] Une âme délicate éprouve une sorte de dégoût pour la langue dont les expressions se trouvent dans les écrits de pareils hommes. […] Comment arriver à l’âme endurcie contre les paroles par tant d’expressions mensongères ? […] de mettre enfin au service du pouvoir injuste cette sorte de talent sans conscience, qui prête aux hommes puissants les idées et les expressions comme des satellites de la force, chargés de faire faire place en avant de l’autorité !

23. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il y a cent expressions pour les désigner sans qu’on puisse se méprendre ; il n’y en a que deux ou trois pour les faire voir. Le mot propre est l’unique expression des choses particulières. […] C’est l’expression crue et nue qui fait la vie. […] Il est vrai qu’il peignait des animaux, et qu’on excusait des expressions vulgaires appliquées à des objets vulgaires. […] Quintilien avait déjà remarqué que cette sobriété d’expression est le propre des littératures parfaites.

24. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

La tête du malade est du plus grand goût de dessin, de la plus rare expression. […] Je ne demande pas à son père plus d’expression qu’il n’en a, pour un peu plus de dignité, c’est autre chose ; on prétend qu’il a moins l’air de l’époux de cette femme que d’un de ses serviteurs, c’est l’avis général. […] On ne donne pas plus d’expression, on ne montre pas mieux l’incertitude et l’effroi, on ne peint pas avec plus de vigueur, on ne fait rien de mieux que cet enfant qui est dans la demi-teinte penché sur elle. […] Il ne consiste pas seulement dans la succession des idées, le choix des expressions y fait beaucoup, d’expressions fortes ou faibles, simples ou figurées, lentes ou rapides ; c’est là surtout que la magie de la prosodie qui arrête ou précipite la déclamation, a son grand jeu. ô les pauvres gens que la plupart de nos faiseurs de poétiques… . […] J’ai prononcé là-dessus autrefois un peu légèrement. à tout moment je donne dans l’erreur, parce que la langue ne me fournit pas à propos l’expression de la vérité.

25. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

La manie philosophique est venue renforcer la bonne opinion qu'il avoit de ses talens, & a achevé de répandre sur ses idées & sur ses expressions une morgue empesée & sentencieuse, qui défigure totalement son style. […] Le Lecteur est étonné de se trouver sans cesse aux prises avec des expressions scientifiques, toujours déplacées dans des Ouvrages de pure littérature, plus encore dans des Discours. […] C'est là que les observations fines, les tableaux frappans, les expressions succulentes, les profondeurs merveilleuses, se disputent l'avantage de former une masse complette de fadeurs, d'incohérence, de futilités, d'inepties. […] &c. mais ce n'est que rarement, & ces expressions ne doivent être regardées que comme un reste d'habitude dont l'Auteur se guérira totalement, en perfectionnant de plus en plus son goût. […] Expression de Corneille dans le Menteur.

26. (1762) Réflexions sur l’ode

Combien de fautes légères et comme imperceptibles, d’expressions qui ne sont pas tout à fait justes, de tours un peu contraints, de mots et quelquefois de vers de remplissage, qu’on est forcé de pardonner au poète ? […] Avec une oreille sensible et sonore, un choix heureux d’expressions, que le goût seul peut donner, et surtout des idées et de l’âme, on sera poète lyrique ; c’est bien assez de conditions, sans y ajouter encore la tyrannie de quelques lois arbitraires. […] Ce n’est pourtant pas que la poésie, et en particulier la poésie lyrique, ne puisse tirer un grand prix de la richesse et de l’harmonie des expressions. […] Cependant croyons-nous encore avoir le tact juste sur les beautés d’expression qu’il renferme ? […] Eh bien, me disais-je à moi-même, si le français était une langue morte, ces odes paraîtraient excellentes ; il serait impossible d’y apercevoir le faible de l’expression.

27. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Ce sera une beauté d’expression morale. […] Les deux arts se rejoignent dans leur plus haute expression. […] Je ne parle pas seulement de la grande expression pathétique qui sort de l’ensemble d’une œuvre donnée ; mais dans le détail, dans chaque mesure, dans chaque accord, il y a une beauté d’expression. […] C’est dire que le poète ne sera presque jamais dispensé de l’effort d’expression verbale. […] Sa puissance d’expression pathétique est incomparable.

28. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris » pp. 486-491

Section 49, qu’il est inutile de disputer si la partie du dessein et de l’expression, est préferable à celle du coloris La perfection du dessein et celle du coloris, sont des choses réelles, et sur lesquelles on peut disputer et convenir à l’aide d’un compas ou de la comparaison. […] Mais la question, si Le Brun est préferable au Titien, c’est-à-dire, si la partie de la composition poëtique et de l’expression est préferable à celle du coloris, et laquelle de ces parties est superieure à l’autre, je tiens qu’il est inutile de l’agiter. […] Les hommes ne sont pas affectez également par le coloris ni par l’expression, il en est, qui pour ainsi dire, ont l’oeil plus voluptueux que d’autres. […] Un autre homme, dont les yeux ne sont point conformez aussi heureusement, mais dont le coeur est plus sensible que celui du premier, trouve dans les expressions touchantes un attrait superieur au plaisir que lui donnent l’harmonie et la verité des couleurs locales. […] Vouloir persuader à un homme qui préfere le coloris à l’expression en suivant son propre sentiment, qu’il a tort, c’est lui vouloir persuader de prendre plus de plaisir à voir les tableaux du Poussin, que ceux du Titien.

29. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Mais comme on conçoit la plus grande diversité dans le choix de ces moyens d’expression ! […] Les points de vue sont déplacés et la poésie éternelle a besoin de nouveaux modes d’expression. […] Mais dans cette tradition il ne discerna et ne développa qu’un mode d’expression poétique. […] Ces trois modes d’expression existent côte à côte. […] Des œuvres littéraires entières sont comme une élaboration de ce mode d’expression nouveau.

30. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Alterez tant soit peu le contour de Raphaël, vous ôtez l’énergie à son expression, et la noblesse à sa tête. De même, pour peu que l’expression de Virgile soit altérée, sa phrase ne dit plus si bien la même chose. On ne retrouve plus dans la copie l’expression de l’original. […] S’il est permis de parler ainsi, le mérite des choses est presque toujours identifié avec le mérite de l’expression dans la poësie. […] Il y perd la poësie du stile que je compare au dessein et à l’expression.

31. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Une expression se dessine. […] Suggestions nouvelles et surcroît d’expression. […] Ce sont les sentiments forts qui trouvent le mieux l’expression juste. […] Sa force d’expression en est accrue d’une manière remarquable. […] On ne trouve pas l’expression à froid.

32. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

La pureté du style, l’élégance des expressions n’ont pu faire des progrès après Racine et Fénelon ; mais la méthode analytique donnant plus d’indépendance à l’esprit, a porté la réflexion sur une foule d’objets nouveaux. […] Mais combien Montesquieu, par l’expression énergique de la pensée ; Rousseau, par la peinture éloquente de la passion, n’ont-ils pas enrichi l’art d’écrire en français ! […] Racine lui-même fait à la rime, à l’hémistiche, au nombre des syllabes, des sacrifices de style ; et s’il est vrai que l’expression juste, celle qui rend jusqu’à la plus délicate nuance, jusqu’à la trace la plus fugitive de la liaison de nos idées ; s’il est vrai que cette expression soit unique dans la langue, qu’elle n’ait point d’équivalent, que jusqu’au choix des transitions grammaticales, des articles entre les mots, tout puisse servir à éclaircir une idée, à réveiller un souvenir, à écarter un rapprochement inutile, à transmettre un mouvement comme il est éprouvé, à perfectionner enfin ce talent sublime qui fait communiquer la vie avec la vie, et révèle à l’âme solitaire les secrets d’un autre cœur et les impressions intimes d’un autre être ; s’il est vrai qu’une grande délicatesse de style ne permettrait pas, dans les périodes éloquentes, le plus léger changement sans en être blessé, s’il n’est qu’une manière d’écrire le mieux possible, se peut-il qu’avec les règles des vers, cette manière unique puisse toujours se rencontrer ? L’harmonie du style en prose a fait de grands progrès ; mais cette harmonie ne doit point imiter l’effet musical des beaux vers : si l’on vouloir l’essayer, on rendrait la prose monotone, on cesserait d’être libre dans le choix de ses expressions, sans être dédommagé par la consonance de la poésie versifiée. […] L’homme sans talent littéraire aurait trouvé ces expressions que nous admirons, si le malheur avait profondément agité son âme.

33. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Les accords dans lesquels l’harmonie consiste, ont un grand charme pour l’oreille, et le concours des differentes parties d’une composition musicale qui font ces accords, contribuë encore à l’expression du bruit que le musicien prétend imiter. […] Ce qu’il appelle ici verborum intellectum, ou l’expression, est parfaite dans ce musicien. […] Cependant, l’expression d’un mot ne sçauroit toucher autant que l’expression d’un sentiment, à moins que le mot ne contint seul un sentiment. Si le musicien donne quelque chose à l’expression d’un mot qui n’est que la partie d’une phrase, il faut que ce soit sans perdre de vûë le sens general de la phrase qu’il met en chant. […] Ce qu’on appelle la science de la composition est une servante, pour user de cette expression, que le génie du musicien doit tenir à ses gages, ainsi que le génie du poëte y doit tenir le talent de rimer.

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