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442. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Ces familles ont, en général, cinq ou six enfants par génération. […] Son père, président de ce qu’on appelait le sénat de Savoie, eut dix enfants. […] Cet homme était nouveau parmi les enfants du siècle. […] Ici tout est grand, mais je suis seul ; et, à mesure que mes enfants se forment, je sens plus vivement la peine d’en être séparé. […] M. de Maistre n’aurait pas jeté un chien de sa chienne à cette voirie vivante où Jean-Jacques Rousseau jetait ses enfants.

443. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Les enfants dansaient en bas, les vieux causaient en haut, et nous nous en allions, quand nous rencontrons la femme sur l’escalier : « Venez un peu ; non pas vous, mais M.  […] Sa figure se contracte du dégoût de nos idées et d’une espèce de répugnance peureuse d’enfant. […] Mon père, mes sœurs, mes enfants, j’ai fait vivre tout ça… Ma fortune, ce n’est pas pour faire le piteux avec vous, vous comprenez ? […] On est réuni dans cet atelier rustique du parc, ancienne chapelle qui a gardé son autel, et pêle-mêle, sont là, assis au hasard, sur les marches de l’autel ou sur des chaises, hommes, femmes et enfants, toute la maisonnée du moment. […] Les enfants que promènent les pions ont l’aspect triste d’une bande de petits prisonniers, les enfants qui se promènent avec des abbés ou des frères ignorantins, ont l’air d’être contents, comme s’ils allaient avec de grands camarades.

444. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

mener les funérailles de ses enfants ? […] » Et ailleurs encore : « Une si petite terre nourrissait autrefois le père et toute la foule domestique de son domaine, au milieu de laquelle une épouse enceinte, assise sur le seuil, et quatre enfants, l’un fils de l’esclave, les trois autres du maître. […] Ô mes enfants ! […] On ignore la patrie et la profession natale de Juvénal ; mais à de tels vers, à des retours si complaisants vers la simplicité et vers la frugalité de la vie rustique, on peut croire qu’il était, comme Virgile, un enfant de la glèbe, et que les agrestes images de la campagne italique obsédaient sa belle imagination au milieu des sordidités de Rome. […] Il le regardait, dit-on, comme un enfant gâté du génie, mais comme un enfant noué qui ne grandirait pas au-dessus de la taille des enfants à la stature des vrais grands hommes.

445. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Balzac, qui luttait contre l’état-civil, a mis au jour une fois au moins un personnage amorphe, un enfant qui n’a pas un trait de l’enfant : c’est lorsqu’il a voulu se raconter lui-même et qu’il a écrit Louis Lambert. […] Évidemment nous ne savons pas ce qu’est, au fond, un enfant. […] Dans Pères et enfants, c’est l’oncle Paul. […] Ses romans, ses héros, ses enfants, elle ne les inventa pas, elle les tira de son souvenir. […] Enfant perdu de la destinée, enfant perdu de bataillon d’Afrique, enfant perdu de la grande guerre, Bob a suivi sa chance, souvent mauvaise et parfois bonne.

446. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Dans l’enfant que j’étais, il y avait quelqu’un qui voulait devenir un artiste. […] Et qui venait détourner leur enfant de la vie obscure du travail paisible et quotidien, du bureau ! […] Nostalgiques enfants des soleils radieux. […] Ils seront parmi nous comme des enfants divins. Les enfants sont plus près du passé.

447. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Ce sont les enfants des Dieux. […] C’est précisément le moyen de rester enfant éternellement. […] On nous a pris pour des enfants. […] Mais précisément nous ne sommes pas des enfants et nous ne voulons pas être trompés. […] Il pénètre dans l’intérieur des familles, les pères s’accoutumant à traiter leurs enfants comme leurs égaux et même à les craindre, les enfants s’égalant à leurs pères et n’ayant pour eux ni crainte ni respect.

448. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Bazarof, du roman les Pères et les Enfants, voilà son prototype, au physique et au moral. […] Vous êtes un brave homme : et il faut que vos enfants prennent bien soin de vous ressembler. […] En 1840, il loua pour ses enfants à Lasswade, aux environs d’Édimbourg, un cottage où lui-même résida souvent. […] » Les enfants jouaient avec lui comme avec un enfant. […] Les enfants pardonnent si rarement à leurs parents que je me sens tout anxieux devant toi… Xaverius, Xaverius, quand tu liras ces feuilles, mon enfant, pardonne-moi ! 

449. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il n’y en a pas d’autre chez la plupart des animaux et les jeunes enfants. […] Chez les enfants et chez beaucoup d’adultes, l’attention vive produit une protrusion des lèvres, une sorte de moue. […] Les enfants atteints de la chorée sont aussi peu capables d’attention. […] Perez, l’Enfant de trois à sept ans, p. 108. […] L’Ame de l’enfant, p. 190-191.

450. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

— Ainsi encore, quand, le jour de la fête de Valérie, le Comte étant près de la gronder, Gustave envoie un jeune enfant lui souhaiter la fête et rappelle ainsi au Comte de ne pas l’affliger ce jour-là, Valérie est touchée, elle embrasse l’enfant et le renvoie à Gustave, qui l’embrasse sur la joue au même endroit, et qui y trouve une larme : « Oui, Valérie, s’écrie-t-il en lui-même, tu ne peux m’envoyer, me donner que des larmes203. » Cette même idée de séparation et de deuil, cet anneau nuptial qu’il sent au doigt de Valérie dès qu’il lui tient la main, reparaît sous une nouvelle forme à chaque scène touchante. […] Cet enfant, innocent messager d’un baiser et d’une larme, rappelle une petite pièce du minnesinger allemand Hadloub, traduite par M. Marmier (Revue de Paris, 2 avril 1837), et ce fragment d’André Chénier, sans doute d’origine grecque : J’étais un jeune enfant qu’elle était grande et belle, etc. […] Mais ils n’ont eu ni l’un ni l’autre l’idée de cette larme sur la joue de l’enfant, qui est dans Valérie. […] J’admirois avec envie Et j’aurois donné ma vie Pour être l’heureux enfant.

451. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

» Pindare, cité par Plutarque au Traité de l’Adresse et de l’Instinct des Animaux, s’est comparé aux dauphins qui sont sensibles à la musique ; André voulait encadrer l’image ainsi : « On peut faire un petit quadro d’un jeune enfant assis sur le bord de la mer, sous un joli paysage. […] Et quel plus charmant motif de tableau que cet enfant nu, sous l’ombrage, au bord d’une mer étincelante, et les dauphins arrivant aux sons de sa double flûte divine ! […] Depuis l’aimable enfant au bord des mers, qui joue de la double flûte aux dauphins accourus, nous avons touché tous les tons. […] Quand il n’a l’air que de traduire un morceau d’Euripide sur Médée : Au sang de ses enfants, de vengeance égarée, Une mère plongea sa main dénaturée, etc. […] Comme les enfants prennent les statues d’airain au sérieux et croient que ce sont des hommes vivants, ainsi les superstitieux prennent pour vérités toutes les chimères.

452. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

L’homme du peuple ne diffère pas de l’enfant, mais plus hardi il se réfugie dans l’argot et c’est là qu’il donne cours à son besoin de mots nouveaux, de tours pittoresques, d’innovations syntaxiques . […] N’est-elle pas très curieuse cette civilisation qui fait enseigner le français à un enfant de l’lsle-de-France par un paysan auvergnat ou provençal muni de diplômes ? […] Cette prononciation absurde est un des méfaits de l’orthographe enseignée à des enfants du peuple. […] L’Anonyme cite agoniser pour agonir (de sottises) ; il y en a bien d’autres, et on les constaterait surtout dans le langage des enfants. […] J’entendis hier les enfants abandonnant un camarade dire : Cavalons, il nous rejoindra.

453. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Des personnages de son théâtre, aux héros de la Légende des Siècles aux femmes et aux enfants qui traversent certains poèmes, tous sont ainsi peints au décuple, saisis une première fois d’un coup, repris, traités à nouveau, enclos de mille contours semblables et déviants, obsédés et retouchés par une main sans cesse retraçante. […] Que l’on relise une pièce comme Dieu est toujours là ;  on y verra exposés avec la plus irritante certitude, ces aphorismes ; l’été est chaud, le pauvre humble, l’orphelin doux et triste, les chaumières fleuries, le riche charitable, les enfants « innocents, pauvres et petits ». […] Hugo, d’enfants qui ne soient des anges ingénus ou pensifs. […] Les plus simples scènes champêtres, une vache paissant dans un pré, des enfants qui jouent, un chêne dans une clairière, une fleur au bord d’un chemin, prennent sous ses puissantes mains de pétrisseur de verbe, une grandeur calme et menaçante, un aspect fatidique et géant, qui émeut intimement. […] Les personnages y sont des héros ou des monstres : de Javert le « mouchard marmoréen » à Gauvain, le général de trente ans qui possède « une encolure d’hercule, l’œil sérieux d’un prophète et le rire d’un enfant… » Fantine, Mme Thénardier « la mijaurée sous l’ogresse » sont au-delà des deux frontières extrêmes de l’humanité, de même que les guerriers de la Légende des Siècles sont plus grands que des statues.

454. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Inventé ou réel, le héros anonyme de ce récit, où l’on ne nomme personne, et qui ressemble au linge démarqué des suicidés ou des criminels, ce héros n’est qu’un enfant, et sa maîtresse, qui lui plante incessamment ce soufflet sur la face, « vous êtes un enfant », lui dit la vérité. […] Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. Pauvre petit nerveux, bien élevé de ce temps, qui aime les belles choses agréables, et sa maîtresse par-dessus le marché, parce qu’elle est une de ces belles choses-là ; mais enfant toujours, et enfant gâté, révolté ou docile, apaisé ou furieux, et qui ne devient pas plus homme sous l’étreinte de la Peine, parce qu’il n’a ni une conviction, ni une idée sur laquelle il s’appuie pour lui résister ! […] Enfant gâté qui, comme tous les enfants gâtés, a l’esprit de contradiction et le porte en toutes choses, il a entendu dire à la Critique que peut-être il sera moral demain, et il est remonté vers son immoralité de la veille, indifférent à tout, si ce n’est au jeu même de ses facultés. […] Reste de doctrinarisme qui nous domine encore, et dont nos enfants auront la piété de seulement sourire, en pensant au scepticisme de leurs pères, quand ils trouveront de ces discussions pédantesques au milieu de nos plus romanesques inventions !

455. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coolus, Romain (1868-1952) »

. — L’Enfant malade, pièce en quatre actes (1897). — Cœurblette, comédie en deux actes (1899). — Le Marquis de Carabas, comédie-bouffe en trois actes et en vers (1900). — Exodes et ballades (1900). — Les Amants de Sazy (1901). […] Romain Coolus qui fut au théâtre le subtil et pénétrant auteur de Raphaël , de Lysiane et de l’Enfant malade, s’essaie en un genre nouveau : il se révèle poète funambulesque dans le Marquis de Carabas renouvelé, avec esprit, du conte classique de Perrault ; le charme et l’imprévu de la fantaisie de M. 

456. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Ces lèvres sont les tiennes ; — c’est bien ton doux sourire que je vois, le même qui me consola si souvent dans mon enfance : il ne leur manque que la parole ; à cela près, comme elles semblent dire clairement : « Ne te chagrine point, mon enfant, chasse loin toutes tes frayeurs !  […] — J’entendis la cloche sonner pour ton jour de funérailles ; je vis le corbillard qui t’emportait lentement, et dans ma chambre d’enfant, me détournant de la fenêtre, je poussai un long, long soupir, et je pleurai un dernier adieu… Mais est-ce bien le dernier ? […] Ainsi vinrent et passèrent bien des tristes lendemains jusqu’à ce qu’enfin, tout mon fonds de douleur d’enfant étant épuisé, j’appris à me soumettre à mon lot ; mais tout en te pleurant moins, je ne t’oubliai jamais. Là, où nous avons habité autrefois, notre nom ne se prononce plus ; des enfants, qui ne sont plus les tiens, ont foulé le parquet où j’appris à marcher, et là où le long de cette rue, le jardinier Robin me traînait chaque matin à l’école, enchanté de ma voiture d’enfant, enveloppé d’un chaud manteau écarlate et coiffé d’une toque de velours, c’est devenu maintenant une histoire peu connue qu’autrefois nous appelions la maison pastorale la nôtre. […] — Mais non, ce qu’ici nous nommons la vie est chose si peu digne d’être aimée, et toi, ma mère, tu m’es si aimable que ce serait te payer bien mal que de contraindre ton esprit délivré à reprendre ses fers… La mort de sa mère livra le jeune enfant aux mains des étrangers ; son père, homme estimable, n’eut point pour ce fils délicat et timide les attentions qu’il aurait fallu.

457. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Parmi ses neveux, il en avait un qu’il aimait, qu’il admirait presque en un âge encore tendre, et qu’il s’était accoutumé à considérer comme son propre enfant : c’était un prince Henri aussi, le second fils de ce prince Guillaume qu’on a vu mourir après sa disgrâce. […] J’ai aimé cet enfant comme mon propre fils. […] Mon enfant m’a volé le cœur par un nombre de bonnes qualités qui n’étaient contrebalancées par aucun défaut. […] Je n’ai jamais été père, mais je me persuade qu’un père ne regrette pas autrement un fils unique que je regrette cet aimable enfant. […] Le prince Henri, bien qu’il n’ait guère en définitive plus de croyance à l’invisible que son frère, et qu’il soit comme lui l’enfant de son siècle, a plus de circonspection, de respect, et en ce qui est de la religion il fait preuve humainement de plus de sagesse.

458. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Félicité ou Fèli de La Mennais fut le quatrième de six enfants ; il naquit le 16 juin 1782. […] Et en effet, toute sa vie devait être une longue escrime… » Pendant un séjour à la campagne, dans un château près de Sézanne, en 1837, La Mennais, causant en toute liberté, se plaisait à revenir sur ses commencements, sur les souvenirs contrastés de sa jeunesse, et voici en quels termes le jeune précepteur des enfants de la maison a résumé l’impression vivante que lui avaient laissée ces entretiens : « C’est le matin qu’il était le plus communicatif. […] Si la Providence nous sépare ici-bas, nous nous désolons comme l’enfant à qui un buisson a dérobé la vue de sa mère, et qui, tout effrayé de cette solitude d’un moment, se désespère comme s’il était éternellement abandonné. […] En obéissant au démon intérieur, il s’efforce donc d’entraîner son frère, de le déraciner de sa Bretagne ; il cherche les raisons les plus émouvantes ; il lui demande si, antérieurement à tout autre engagement, il n’est pas lié envers lui, son enfant d’adoption, son frère à la fois selon le sang et selon l’esprit : « Quand tu es allé t’établir à Saint-Brieuc, n’espérions-nous pas nous y réunir ? […] Entourée d’enfants ingrats que son existence lasse et irrite, elle descend au tombeau en se voilant le visage, et il ne s’est trouvé personne qui essuyât ses derniers pleurs. » 109.

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