Il ne lui manque que la puissance ; il a le droit d’aimer, de hair ; il a vû tout ce qui blessoit cet ordre, la maladie des Empires, la contradiction des Loix, la Force égorgeant l’Equité ; il a frémi à la fois d’un mouvement de tendresse & d’indignation ; il a voulu terminer les débats antiques de l’horrible oppresseur, & du foible opprimé ; & si dans l’excès de son zèle, il s’est égaré dans ses vûes sublimes, du moins les succès du crime ne lui en ont point imposé, & n’ont point fatigué sa constante vertu. […] Bientôt je traverse l’empire de l’informe Cahos, je descends dans les gouffres brûlans creusés par la Justice Divine. […] Je prouverois par les écrits & les actions de ces hommes immortels combien leur cœur étoit pénétré de cette vertu douce dont ils se sont efforcés d’étendre l’empire.
Pythagore, dont il n’est demeuré qu’une tradition et un souvenir, partagea l’empire des esprits avec ces chants homériques répétés des côtes d’Asie dans toutes les villes de l’ancienne Grèce. […] Pindare allait être le chantre inspiré de cette philosophie pythagoricienne, la plus pure doctrine de l’antiquité avant Platon, spiritualiste jusqu’à l’erreur de la métempsycose, morale jusqu’aux plus sévères abstinences, poétique et lyrique, pour prendre plus d’empire sur les âmes, et les épurer par l’enthousiasme. […] Mais cette renommée posthume, que le déclin superstitieux de la Grèce devait attacher un jour à ce philosophe jugé par Aristote plus physicien que poëte, n’est qu’un témoignage imparfait de l’empire bienfaisant qu’il avait eu, dans l’heureuse civilisation de la Grèce.
La Perse, telle qu’il l’avait façonnée, fut, un instant, comme une ébauche anticipée de l’Empire romain. […] L’Empire serait incomplet tant qu’il ne posséderait pas ce jardin du monde. […] Conseiller des ténèbres, favori de nuit, le Songe déchaînait les guerres et bouleversait les empires de ce « petit souffle » qui, comme dit Job, « fait hérisser le poil du dormeur ». […] Darius avait remué son empire pour le porter sur la Grèce, Xerxès le souleva jusqu’aux fondations. […] Cet Empire, si longtemps l’épouvante du monde, décroît à vue d’œil.
L’inscription qu’on y pourrait graver et qui se rapporte bien aux deux moitiés de sa carrière, qui les rejoint et les relie entre elles, c’est ce mot qu’il prononçait à la Convention dans les derniers temps : « Le mal en France, — un mal contagieux, — c’est que tout le monde veut gouverner et que personne ne veut obéir. » Quand on a si fort le sentiment de cette vérité sous la République, on est fait pour être un homme de gouvernement sous le Consulat et sous l’Empire. […] La première se rapporte à l’époque la plus florissante de l’Empire, peu après le moment où Napoléon écrivait à M. Cretet, en lui développant son programme de travaux et d’améliorations de tout genre à l’intérieur : « J’ai fait consister la gloire de mon règne à changer la face du territoire de mon Empire. […] Le baron de Saint-André. — On voit que Jean-Bon avait reçu le titre qui était ordinairement attaché à celui de préfet de l’Empire.
On sent quelle impression profonde et amère durent jeter dans l’âme ardente du jeune enfant de l’Empire, et les discours du mécontent, et le supplice de la victime : cela le préparait dès lors à son royalisme de 1814. […] En 1812, comme les événements devenaient menaçants à l’horizon, et que les trônes groupés autour de l’Empire craquaient de toutes parts, Mme Hugo ramena à Paris ses deux fils cadets, Eugène et Victor ; l’aîné, déjà sous-lieutenant, demeura avec son père. […] Quelques dissidences domestiques, élevées précédemment entre leur mère et le général, et qu’il ne nous appartient pas de pénétrer, avaient réveillé au foyer des Feuillantines les sentiments déjà anciens d’opposition à l’Empire, et la mère vendéenne, l’enfant élève de Lahorie, se trouvèrent tout naturellement royalistes quand l’heure de la première Restauration sonna. […] Le général Hugo, qui ne mourut qu’en 1828, vécut assez pour jouir avec larmes de ce trophée tout militaire, que dédiait son fils aux vétérans de l’Empire.
Malgré son vœu, malgré la résistance d’une partie des croisés, malgré les menaces du pape Innocent III, il fut des premiers qui conçurent le projet de détourner l’expédition de la Terre-Sainte sur l’empire grec : il fut de ceux qui travaillèrent le plus obstinément, le plus adroitement à employer contre des chrétiens les armes prises contre les infidèles. […] Aucune grande pensée ne le mène, lui ni ceux qui vont î Constantinople : il n’y a pas trace en eux d’une conception universelle et désintéressée, le rétablissement de l’unité chrétienne par la soumission de l’empire grec à l’autorité du pape n’est qu’un prétexte pour fermer la bouche aux malveillants. […] Il lui plaît qu’on prenne la conquête de l’empire grec pour un accident singulier amené par une suite de circonstances fortuites et fatales : il n’a garde de confesser que du jour où Boniface devint le chef de la croisade, c’était fait de la défense des lieux saints et du service de Dieu ; il n’a garde de laisser entendre que les Vénitiens ne sont pas des fils dévoués de l’Eglise, et peuvent entretenir des rapports quelconques avec Abd el-Melek, le sultan d’Egypte. […] Il ne faut pas qu’on sache que cet abbé des Vaux de Cernay qui ne veut pas aller ailleurs qu’en Terre Sainte ou en Egypte, parle au nom du pape, et avoué par lui : il faut qu’on croie que Home n’a eu que des pardons et de la joie pour ses enfants qui lui ont rendu l’empire grec.
Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Les tempêtes sociales rendent difficile, sinon impossible, le paisible exercice de la liberté ; mais la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait posé ce principe, base de la législation future : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » Ce droit, solennellement proclamé, n’en fut pas moins étranglé par l’Empire. […] Comme en pareil cas, les sujets politiques et religieux sont d’ordinaire ceux qu’on lui interdit (on l’a vu sous le premier Empire et sous le second), le livre reprend faveur, parce qu’il est seul admis à traiter certaines questions graves, et le journal pour remplir ses colonnes recourt à cette causerie sur les faits du jour qu’on nomme la chronique, au récit des crimes et des accidents, aux commérages de salon ou de coulisses, aux descriptions de cérémonies, aux feuilletons ; il se fait de la sorte plus littéraire, à condition de se maintenir dans ce que des mécontents ont baptisé dédaigneusement « la littérature facile » ; ou encore il invente, pour toucher aux matières brûlantes, une série d’allusions, de périphrases, de réticences, de malices sournoises qui passent, comme des pointes d’aiguille, à travers les mailles du réseau où la loi s’efforce de l’emprisonner.
L’idée de détruire ou de morceler un grand empire est souvent aussi absurde que celle d’ôter une planète du système planétaire, quoique nous ne sachions pas pourquoi. […] C’est là qu’il résida durant quatorze ans, éloigné de sa famille, sevré dans ses affections les plus chères, ayant à traverser les années terribles de l’Empire et à subir le contrecoup de chaque victoire pauvre, payé à peine par son souverain, averti à chaque instant de sa situation précaire, manquant quelquefois de pelisse pendant l’hiver et d’un secrétaire au logis, mais jouissant personnellement d’une considération et d’une estime qui eût honoré toutes les disgrâces. […] La première lettre, datée de Saint-Pétersbourg (juillet 1802), est sur Bonaparte même qui s’avançait en plein Consulat et qui aspirait manifestement à l’Empire. […] « Les minutes des empires, dit-il magnifiquement, sont des années de l’homme… Quand je songe que la postérité dira peut-être : Cet ouragan ne dura que trente ans, je ne puis m’empêcher de frémir. » Au reste, pour caractériser Bonaparte et l’espèce de mission providentielle temporaire qu’il lui reconnaît, M. de Maistre ne trouve jamais que de hautes et belles paroles.
Lacretelle (24 et 30 janvier 1830), et dans un troisième article écrit à l’occasion des derniers volumes de Bourrienne (10 février), Carrel expose toute sa théorie historique et politique de l’Empire et de la Restauration. L’Empire ! […] Carrel sentait si vivement l’esprit et la grandeur de cette époque et de l’homme qui la personnifiait, il en parlait sans cesse avec tant d’intérêt et d’éloquence, que ses amis Sautelet et Paulin l’avaient engagé à écrire une Histoire de l’Empire. […] Vandamme avait commencé par être un chef de compagnie franche, et Carrel remarque finement « qu’il y a toujours eu dans la manière dont il faisait la guerre, aussi bien sous la République que sous l’Empire, du chef de compagnie franche ».
Le dernier des Quatre Empires s’écroulait. […] Ce que pensait Attila, le rôle des dieux qui tombaient, celui du Dieu qui s’élevait, la défiance créée entre Rome et Constantinople par l’érection de cette dernière en siège de l’Empire, le travail intérieur du Christianisme parmi ces peuples, à la faveur d’une mission qui courait comme la foudre, soit souterrainement, soit en plein jour, rien de tout cela, qui était l’important dans une telle histoire, ne se trouve dans l’ouvrage de M. […] On a, selon moi, beaucoup trop vanté l’épisode de saint Épiphane et de saint Séverin, ces fondateurs d’empires moraux comme le monde jusque-là n’en avait jamais vu, alors que les plus forts empires matériels s’en allaient en poussière.
Né en 1785 dans l’Ardèche, il vint à Paris à l’âge de dix-neuf ans, c’est-à-dire tout au début de l’Empire ; et par ses goûts déclarés, par ses essais sérieux et variés en vers et en prose, par le caractère des doctrines, il mérita bientôt de se voir l’enfant chéri, le fils adoptif de la littérature alors régnante, de celle qui se rattachait plus étroitement aux traditions du xviiie siècle. […] Il fut l’élève le plus distingué de ce groupe qui avait pour organe la Décade, et qui, en méfiance contre l’Empire, prétendait à continuer le xviiie siècle avec modération et fermeté.
La civilisation, sous sa forme la plus haute, qui est la République, a été terrassée par la barbarie sous sa forme la plus ténébreuse, qui est l’Empire germanique. […] Même quand vous en semblerez le plus éloignés, vous ne perdrez jamais de vue le grand but : venger la France par la fraternité des peuples, défaire les empires, faire l’Europe.
La vûë a plus d’empire sur l’ame que les autres sens. […] Voilà pourquoi nous sommes plus émus par un tableau que par un poëme, quoique la peinture ait plus d’empire sur nous que la poësie.
Quelle raison pour refuser au premier des évêques, au successeur du prince des apôtres, quelle raison pour lui refuser l’empire entier de la religion, qui lui appartint toujours, pour le lui refuser maintenant que cet empire est devenu si distinct de tous les autres ?
Athènes et Lacédémone se disputaient l’empire de la Grèce ; elles se déchiraient pour commander, et la Perse profitait de leurs divisions pour les rendre esclaves. L’orateur entreprend de prouver, en faisant l’éloge d’Athènes, que c’est à elle qu’appartient naturellement l’empire, et il exhorte les Grecs à s’unir tous ensemble, pour porter la guerre chez leurs communs ennemis.
Il lui fallait des patrons ; il eut le malheur de les trouver dans le groupe des poètes lauréats de l’Empire. […] On croit y voir ressusciter Collé, un siècle après sa mort, pour fustiger légèrement l’Empire et la gloire avec une barbe de plume qui chatouille, mais qui ne fouette pas jusqu’au sang. […] La liberté dont on jouissait depuis la chute de l’Empire réveillait les âmes. […] Quelle logique y a-t-il entre l’Empire qu’on pleure en larmes épiques et le dieu des bonnes gens auquel on se confie gaîment ? […] il l’écarta après l’avoir appelée ; l’empire ?
Prémisses Mais, de n’être pas étrangère au sens originel de Savoir et de Poésie que détiennent en leur intuition ainsi que monstreuse de toute la ventrée omphalienne des Vérités, les Livres aux signes occultes et sacrés, — ou les Védas et l’Avesta, ou la légende de Tao, et l’Histoire des Soleils sur l’empire de Mexitli, — dont perdure une âme moins universellement éperdue en la Théogonie d’Hésiode et le De natura : apparaissant insolite aux poésies de moderne concept, — méditation du poète conscient d’Unité et apporteur de Sanction qu’il me plut être, dès la prime aventure en la vie de l’esprit ma haine du Hasard dit ainsi… Aux pleines ondes sans dessous de vertige de notre histoire poétique, qui hier seulement devint un résumant torrent qui retentit, pour clore des temps, à des descentes d’éternités, — de sensation, d’émotion et de sentiment presque unanimement a été, même si elle se leurre des généralités de philosophies spiritualistes, a été métaphoriques exaltations au sortir de l’Inconscient et selon le tourment de volupté ou de douleur de spontanés et d’égotistes organismes poétiques en transports de génie, la Poésie. […] Elle régit les vies des peuples et des empires, et nos propres vies et notre intellect, et nos vouloirs quotidiens eux-mêmes. […] L’on ne peut mieux exprimer que toute origine de langages a été, sous l’empire des sentiments, phonétique : tandis que les langues et les musiques d’Extrême-Orient apportent l’exemple tout pur à sa dernière et précieuse remarque, — et, dirons-nous pour les avoir pratiqués, particulièrement la musique et les idiomes où si sensitivement demeurent unis le sens et les sons, malaïo-Javanais… Mais le principe entendu, n’est-il point d’intuitions partielles, médiatrices des déductions que nous en tirons pour tout à l’heure nouer les solides et naturels rapports de la Pensée et de la Parole-instrumentale ? […] En même temps, et en production d’universalité : Qui est Parole, et donne à la parole son vrai sens qui la veut musique de mots en lui rapportant son naturel et primordial élément de phonalité, Qui est graphique et Plastique, par la détermination morphologique du Rythme, — par la science des durées dans le vers et l’ordre prémédité du poème, du livre et de l’Œuvre, Qui est d’art Pictural, par le moins de hasard lumineux donné naturellement aux mots, selon couleurs des timbres-vocaux, Qui est Musique : Qui est manière-d’art en laquelle les manières-d’art s’unissent en Synthèse, — de même que les sensations, indépendantes et localisées, entre-muées sous l’empire de la pensée re-créatrice agissent l’une sur l’autre en mille nuances, et ainsi se multiplient en plus aiguë puissance d’apporter de nouveaux et plus rares matériaux à notre entendement : Et qui est mouvement adéquat à la Matière pensante : Est « l’instrumentation-Verbale », dont, de sens et d’appellation, nous douons l’Art poétique. […] Puisqu’ainsi ma pensée osa couver l’unité en sourdeurs de cosmos, d’un Poème ému ainsi que de l’amour des mondes gravitants et des semences d’atomes, — et tel que se créèrent les Poèmes, pareils aux pans de roches sculptés et peints, des très anciens empires : qui, d’abscons et de subtils morphismes monstrueux de Vie, et de Signes lourds et sacrés, surent en eux enclore le Dogme et l’Éthique, et l’Émotion et la Conscience…