C’est ainsi qu’un Auteur doit attaquer le ridicule, & qu’il travaille plus utilement à la réforme des travers de sa Nation, en les frondant par une satire fine, que ces Poëtes mornes & langoureux, qui ne savent étaler que des sentimens outrés, & un faux pathétique, incapable de produire aucun effet.
Son cœur infiniment sensible lui fournissoit sans doute ces traits qui donnent tant de vigueur à ses divers Personnages, & produisent ce pathétique dont l’effet est toujours assuré.
Quelles peintures ce poëte n’auroit-il pas faites des effets de la poudre à canon dans les differentes operations de guerre dont elle est le ressort.
car, à mon sens, je n’en suis pas encore à vaincre ni le bon Asclépiade de Samos, ni Philétas, avec mes chants, et je me fais plutôt l’effet de la grenouille qui le dispute aux sauterelles. — Ainsi je parlais exprès ; et le chevrier reprit avec un doux sourire… » Arrêtons-nous un moment à ces traits vivants de caractère ; nous savons dès l’enfance ces derniers vers par l’imitation heureuse de Virgile : Me quoque dieunt vatem pastores… ; ils nous frappent davantage ici comme se rapportant à la personne même de Théocrite et nous donnant jour dans ses pensées. […] Le poëte n’a pas résisté au plaisir du contraste, et ce jeu corrige par trop l’effet de la passion. […] Salut, consternante Hécate, et jusqu’au bout sois-nous présente, faisant que ces poisons ne le cèdent en rien à ceux ni de Circé, ni de Médée, ni de la blonde Périmède. » C’est aussitôt après cette invocation que le sacrifice proprement dit commence : Simétha continue de chanter, et ce chant énergique, exhalé d’une voix lente et basse, presque avec tranquillité, est d’un grand effet ; chaque couplet qui exprime quelque moment de l’opération se marque d’un même refrain mystérieux. […] Tel est l’effet de la passion : elle grave en nous les moindres détails du moment et du lieu où elle est née. […] Il est dans le chant précédent un détail d’un effet heureux et que Fontenelle (faut-il s’en étonner ?)
Une profonde méditation philosophique a pour effet, en nous entretenant d’idées pures, d’affaiblir en nous, sans l’effacer complètement, le souvenir de la réalité. […] Serait-ce qu’elle comparait autrefois Molière et Shakespeare à cet idéal encore obscur pour elle, et les premières erreurs de son goût ont-elles été l’effet de cette aperception confuse ? […] Ce n’est point par l’effet d’un éclaircissement progressif de l’idéal tragique, qu’Uranie a passé du mépris de Shakespeare au culte de son génie divin. […] Si les sentiments littéraires d’Uranie sont indépendants de toute espèce de logique, s’ils ne procèdent pas d’une comparaison de son esprit entre les œuvres comiques et l’idée de la comédie, entre les belles œuvres et l’idée de la beauté, mais de l’effet immédiat de ces œuvres sur sa sensibilité310 : il s’ensuit que le goût d’Uranie est libre vis-à-vis des dogmes littéraires auxquels M. […] Or, l’admiration a par elle-même un bon effet moral.
« Cet ordre, si brutalement péremptoire, du départ de l’ambassadeur, et cette déclaration de rupture ne produisirent pas l’effet qu’en attendaient M. de Cacault et le gouvernement consulaire. […] Ils me disaient qu’à Rome on me taxerait de roideur inopportune, et qu’on m’attribuerait le tort d’avoir provoqué les effets de ce refus. […] Il trouvait en moi, disait-il, des qualités appropriées à son service et à celui de l’Église attaquée ; mais c’était un pur effet de sa bonté, car ces qualités n’existaient pas. […] Je ne lui cachai point ce que nous avions fait pour éviter la publicité d’un pareil choc ; je lui communiquai notre demande afin de ne pas être invités, demande restée sans effet. […] Les deux ministres répliquèrent que Napoléon n’ajouterait pas foi à leur relation, qu’il la considérerait comme un palliatif inventé pour le calmer ; mais que si telle était la vérité, il fallait lui écrire, ce qui produirait beaucoup plus d’effet.
Ce qui, au dix-septième siècle, a fait défaut à l’histoire, c’est que l’idée même n’en pouvait venir à un homme de génie, non par l’effet de quelque défense de Louis XIV qui se fût aussi bien qu’Auguste accommodé d’un Tite-Live, mais par une loi des choses de l’esprit, qui faisait naître le génie de l’érudition avant le génie du récit, et les préparateurs de l’histoire avant l’histoire. […] Comparés à ces grands changements que prépare de longue main la nature des choses et qu’accomplissent les vrais grands hommes, ces événements semblent des effets sans cause. […] Elles rasent les contours de ces futurs continents que son imagination s’est représentés émergeant un jour du fond des abîmes, pour, remplacer les continents actuels, nivelés peu à peu et rendus à la mer par l’effet des eaux du ciel. […] Se connaître soi-même pour savoir sa propre mesure, pour se subordonner, pour apprendre l’obéissance raisonnable, pour respecter ceux à qui l’on commande, tel doit être l’effet de la seconde. […] Ce qu’il recommande à l’instituteur, maître, régent ou principal, il en a éprouvé les bons effets et donné l’exemple.
Préférait-on l’inattendu de l’intrigue aux effets prévus de la comédie de caractère, le bon rire des bourgeois au fin sourire des gens de cour ? […] La lecture éteint ce feu des jeux de scène, refroidit plus d’un effet de surprise, émousse plus d’une pointe. […] Parlez-moi de la condition pour produire cet effet ! […] Le même sentiment de la nature avait indiqué à Molière, parmi les plus puissants moyens d’effet, le contraste des caractères. […] L’effet a confirmé mon jugement. » Soyez-en témoins, lecteurs, vous à qui j’apprends sans doute qu’il a existé un auteur au nom de Bret et une pièce appelée le Faux Généreux 64.
Gautier célébrant la femme insexuelle, c’est-à-dire la femme si jeune, qu’elle repousse toute idée d’enfantement, d’obstétrique… Flaubert, la face enflammée, proclame de sa grosse voix que la beauté n’est pas érotique, que les belles femmes ne sont pas fabriquées à l’effet d’être aimées matériellement, qu’elles ne sont bonnes qu’à dicter des statues, qu’au fond l’amour est fait de cet inconnu que produit l’excitation, et que très rarement produit la beauté. […] Je les aime, mais pas du tout comme mes enfants… Ils sont là auprès de moi, ils sont dans mes branches : voilà tout… Je ne me fais pas l’effet d’être assez vieux pour qu’ils soient à moi. Il y a en moi une jeunesse, une fraîcheur… Je ne puis croire à mon âge… » Puis il parle du profond ennui qu’il a toujours éprouvé, de ce tiraillement perpétuel de deux hommes en lui : l’un qui lui dit, quand tous ses effets sont prêts pour aller en soirée : « Couche-toi, qu’est-ce que tu irais faire là ! […] Dans leurs impressions en couleur, les Japonais seuls, ont osé ces étranges effets de nature. […] Ses effets sont emballés.
Cette diminution de l’activité a elle-même pour premier effet l’impuissance et la stérilité. […] Le mot, voilà le tyran des littérateurs de décadence : son culte remplace celui de l’idée ; au lieu du vrai, et par conséquent de la loi ou du fait, on cherche l’effet, c’est-à-dire une sensation forte révélant au lecteur une puissance chez l’auteur, n’ayant pour but que de satisfaire l’orgueil de l’un en même temps que la sensualité de l’autre. […] Baudelaire s’est trouvé vivre à une époque où l’accoutumance aux idées de négation absolue était loin d’être faite, et sur certains tempéraments ces idées, encore nouvelles, devaient produire des effets tout particuliers. […] En tout cas, cet effet amollissant de l’art a été souvent constaté sur les peuples, qui, à trop exercer leurs facultés de contemplation et d’imagination, perdent parfois leurs facultés d’action. […] Les écrivains qui visent à être « physiologistes », ne devraient pas ignorer les effets physiologiques de la suggestion.
Dans l’exécution de son œuvre Tolstoï réalise, à rencontre de tous les romanciers idéalistes, l’une des principales lois de toute vitalité et de toute vivification : il a su reconnaître et montrer d’instinct qu’un être ne peut être décrit dans les limites bornées d’une série cohérente et dramatique d’incidents, d’une, action que la multiplicité des faits physiques et psychiques dont il est le centre déborde, que l’homme est du plus au moins toujours un microcosme complet, divers, désuni, d’une infinie variété ; qu’ainsi le roman, s’il veut être l’image et contenir tout l’intérêt et l’importance de la vie, doit être complexe, nombreux et diffus comme elle ; construite sur cette intuition profonde, l’œuvre perdra en fini, en concentration artificielle d’effet, en unité factice des caractères ; mais elle pourra se hausser à la variété frémissante et nuancée des vrais faits et des vraies âmes, au point de déployer la même richesse de contrastes et subtils développements, que la nature où les individus ne sont en définitive que des centres réflecteurs sous un angle défini de toutes choses, des particules essentiellement participantes. […] De cette science des crises psychologiques, de l’effet formateur des incidents sur l’homme, on trouvera d’autres exemples dans Anna Karénine, dans les passes morales de Lévine, à l’intrigue amoureuse si futilement arrêtée entre Serge et Mlle Varinka. […] Les livres ne charment et ne passionnent, n’exercent leur effet proprement artistique qu’en présentant les lieux, les gens, les scènes, les idées, non pas comme des objets de science ou d’expérience, selon les catégories de la connaissance, mais comme des objets de sentiment, connus chacun longuement et isolément, simplement et immédiatement, par un acte qui les suscite dans l’esprit, du lecteur, non comparés de suite et envisagés comme parties d’une classe, d’une loi, d’un système, et perçus ainsi par rapports, mais uniques, sentis en eux-mêmes, avec le sourd ébranlement des états de conscience continus ; l’âme éprouve alors non pas la succession rapide de ses pensées, de ses transitions, mais la vibration même de chacun de ses heurts ; se déprenant de l’ascendant des phénomènes, de l’oubli d’elle-même où ils l’entraînent, elle le rencontre et se sait exister dans ces atteintes plus intenses, pénètre ce qu’ils lui sont et frémit aussitôt de haine ou d’amour, d’aversions ou de sympathies, que le mensonge de l’art rend innocentes mais laisse violentes. […] Le saisissement, la méditation, l’intérêt, l’abandon aux destinées des personnages, la préoccupation douloureuse des problèmes qu’ils agitent, l’amour ou la haine de leur nature, enfin les affections mêmes que ces romans révèlent chez leur auteur par le choix de leurs éléments et le ton dans lequel ils sont conçus, sont les effets véritables de leur lecture et les causes qui poussent à la poursuivre ; le but final et puissamment atteint de ces œuvres de réalisme de reproduction minutieuse et compréhensive de la réalité est d’induire à sentir ce qu’est la vie humaine par l’accent même, la ferveur et l’abandon avec lesquels elle est décrite, puis à en exprimer et en faire aimer certains caractères, faire détester d’autres, l’envisager finalement avec un ensemble d’émotions latentes et expresses particulières qui sont celles mêmes que l’auteur a éprouvées à cet ensemble d’images et de pensées qui fut d’abord en lui le fantôme de ses livres. […] Il fallait donc que Tolstoï admît qu’il n’en est point ainsi et recourût à la réponse traditionnelle des religions ; mais cet espoir n’eût en rien atténué ses souffrances d’observateur essentiellement réaliste : ou que, par une haute opération intellectuelle, il accolât à l’idée générale de l’existence du mal, l’idée de sa nécessité, de son utilité, de sa diminution graduelle par l’effet de lentes causes auxquelles lui-même coopère, et qu’il se sentît participant à celle futurition d’un bien universel, par la notion de sa permanence dans le tout ; mais le cerveau de Tolstoï était incapable de ces spéculations, et ni ses observations en se fondant en types, ni sa faculté verbale en substituant à chaque chose individuelle sa désignation générique, ne l’ont conduit aux généralisations et aux idées.
A l’origine des sociétés, elle a plutôt pour effet d’entretenir la barbarie : l’état d’abjection dans lequel s’immobilisent certaines tribus sauvages résulte principalement des luttes incessantes qu’elles se livrent entre elles. — On a dit que chaque bataille est un gain pour la civilisation ; mais en fait la civilisation n’a-t-elle pas plutôt souffert de ces guerres interminables qui mirent l’Italie sous les pieds des conquérans espagnols, français, allemands ? […] — Les classes dirigeantes deviennent ainsi presque fatalement les classes rétrogrades, et l’hérédité, qui semblerait devoir constamment accumuler chez les descendans les qualités qui ont valu l’empire aux ancêtres, a pour principal effet de hâter leur irrémédiable déchéance. […] Supposez que l’association de deux idées s’exprime par une vibration de deux fibres nerveuses qui ait pour effet d’allonger ou de fortifier un peu ces deux fibres ; l’opération sera-t-elle physiologiquement moins efficace, si l’association est arbitraire et fausse ? […] Mais si l’on considère la crédulité presque sans mesure de Pline, l’un des plus grands naturalistes de l’antiquité, et la puérilité des récits d’Elien ; si l’on se rappelle Roger Bacon (celui qui eut peut-être, au moyen âge, l’intuition la plus nette de la méthode scientifique), croyant encore que le regard du basilic est mortel, que le loup peut enrouer un homme s’il le voit le premier, que l’ombre de l’hyène empêche les chiens d’aboyer, que l’oie bernache riait des glands d’une espèce de chêne ; quand, en 1680, Pierre Rommel affirme avoir vu à Fribourg un chat qui avait été conçu dans l’estomac d’une femme et avoir connu une autre femme qui avait donné naissance à une oie vivante ; quand, enfin, jusqu’au XVIIIe siècle, on a cru voir dans les fossiles l’effet d’une fécondation des roches par un certaine souffle séminal s’infiltrant sous terre avec les eaux, — il est difficile de ne pas éprouver quelque admiration pour le sens critique dont fait preuve Aristote. […] Cette fin n’est pas séparable des élémens qui lui servent de moyens, mais elle n’en est pas l’effet.
Il est impossible que ces effets ne se fassent pas sentir sur eux, et que leurs âmes soient quelque temps de suite dans une même assiette. […] Il n’y a pas besoin d’aller en Angleterre pour en sentir les fâcheux effets. […] Voilà l’effet des tableaux de Rubens et de la musique de Handel à Naples. […] Sa Charité aux cinq rangs de mamelles fait un peu l’effet d’une lice en gésine ; n’importe, elle est splendide ! […] … Images voluptueuses, qui n’ont d’ailleurs pas beaucoup de pensée : effet d’un sang méridional.
Ce n’est pas un effet, c’est une cause. […] Avant d’être une cause, cette fièvre est un effet. […] Il est aisé d’apercevoir quelles conditions très générales ont amené cet effet très particulier. […] Un livre ou un tableau était pour l’adepte de l’antique psychologie l’effet d’une cause individuelle. […] Taine aperçoit dans cet effet, comme dans tout autre, l’aboutissement d’une série de causes partielles qui, elles-mêmes, sont des effets par rapport à d’autres causes dominatrices, et ainsi de suite indéfiniment.
L’effet fut immense, et tout le monde mit la main sur une arme si bien trouvée et si puissante. […] se dit-il, l’annonce a fait son effet ». […] Balzac l’employait dans les sciences ; vous jugez avec quel effet. […] Tel est l’effet des situations prolongées et violentes. […] Ayant supprimé les causes fixes, il ne leur reste que la série des effets mobiles.
Les troupeaux qui les entourent ne sont pas seulement près d’eux pour produire un effet décoratif. […] Ils étirent sur la croix le pauvre corps divin qui pend lamentablement, rompu, roué, sanguinolent, plissé par la saillie des muscles et des os, avec une recherche anatomique qui vise non pas à la précision, mais déjà à l’effet : et cet effet, c’est l’horreur. […] S’il les empoisonne, il suit les effets du poison ; morts, il les dissèque ou du moins les étale. […] Vanloo est loué de « modeler sa machine » et d’en étudier « les lumières, les raccourcis, les effets dans le vague même de l’air ». […] Elle est si générale, le croirait-on, qu’il a fallu la collaboration de presque tous les artistes et écrivains réalistes pour en constater les funestes effets.
Il lui eût été facile de détruire l’effet de ces lâches insinuations, même auprès des intelligences les plus faibles et les plus prévenues, s’il avait poursuivi le parti vaincu de grossières injures ou de sarcasmes cruels ; mais il y avait trop de noblesse dans sa nature pour un pareil rôle.