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193. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Ainsi donc, que les fictions dramatiques puissent contenir en elles-mêmes la plus haute poésie, cela ne peut être mis en doute. […] Mais on sait aussi combien cet idéal est opposé aux réelles tendances de l’art dramatique. […] Passy, Études de psychologie sur les auteurs dramatiques. […] Sur l’objectivation des personnages dramatiques, voir F. de Curel (Lettre citée par A. […] La réflexion jouera un rôle important, qui n’a pas toujours été suffisamment étudié, dans la genèse des types romanesques ou dramatiques.

194. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il en veut à mort aux La Harpe, à tous les professeurs de littérature et de goût, qui précisément corrompent le goût, dit-il, et qui, en fait de plaisirs dramatiques, vont jusque dans l’âme du spectateur « fausser la sensation ». […] Cela dit, il faut, pour être juste, reconnaître que le théâtre moderne, pris dans son ensemble, n’a pas été sans mérite et sans valeur littéraire ; les théories ont failli ; un génie dramatique seul, qui eût bien usé de toutes ses forces, aurait pu leur donner raison, tout en s’en passant. […] Ainsi, d’après cette vue, Sophocle, Euripide, Corneille et Racine, tous les grands écrivains, en leur temps, auraient été aussi romantiques que Shakespeare l’était à l’heure où il parut : ce n’est que depuis qu’on a prétendu régler sur leur patron les productions dramatiques nouvelles, qu’ils seraient devenus classiques, ou plutôt « ce sont les gens qui les copient au lieu d’ouvrir les yeux et d’imiter la nature, qui sont classiques en réalité ». […] Il est à remarquer qu’en fait de style, à force de le vouloir limpide et naturel, Beyle semblait en exclure la poésie, la couleur, ces images et ces expressions de génie qui revêtent la passion et qui relèvent le langage des personnes dramatiques, même dans Shakespeare, — et je dirai mieux, surtout dans Shakespeare.

195. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il ne lui avait jamais été permis de développer et de perfectionner comme il aurait fallu son premier talent, ce don d’expression dramatique qu’elle possédait pourtant à un degré supérieur, mais qui dépendait trop du cadre, des circonstances, et aussi des moyens physiques. […] Sa première carrière dramatique de vingt années ne put manquer toutefois de laisser en elle des impressions profondes, ineffaçables : en y aiguisant sa sensibilité, en y exerçant sur tant de sujets sa vive intelligence, elle y avait acquis une faculté douloureuse qui tenait à cette délicatesse même ; elle en avait gardé comme un pli d’humilité. […] Étienne, l’auteur dramatique qui vers la fin passait presque pour un grand citoyen, et auquel elle semblait si étonnée qu’on pût trouver quelque chose d’élevé dans le caractère ; ceux-là et bien d’autres, elle les touchait d’un mot fin en passant. […] Le pauvre Murville, après les premiers mots, ne tarda pas à s’apercevoir de l’espèce de trouble qu’il causait : il alla au-devant, et tout en parlant art, jeu dramatique, Mlle Gaussin, Mlle Desgarcins et autres brillants modèles, il lui échappa de dire comme en murmurant entre ses dents : « Oh !

196. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Il faut donc tenter, avec la mesure de la raison, avec la sagesse de l’esprit, de se servir plus souvent des moyens dramatiques qui rappellent aux hommes leurs propres souvenirs ; car rien ne les émeut aussi profondément65. […] L’art dramatique, privé de toutes ces ressources factices, ne peut s’accroître que par la philosophie et la sensibilité : mais, dans ce genre, il n’a point de bornes ; car la douleur est un des plus puissants moyens de développement pour l’esprit humain. […] Le mérite de la difficulté vaincue, et le charme d’un rythme harmonieux, tout sert à relever le double mérite du poète et de l’auteur dramatique. […] Les romans, la poésie, les pièces dramatiques, et tous les écrits qui semblent n’avoir pour objet que d’intéresser, ne peuvent atteindre à cet objet même qu’en remplissant un but philosophique.

197. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Bodinier n’a donc point été si mal inspiré en organisant, dans une galerie attenante à son théâtre de poche, une exposition de portraits d’acteurs et d’auteurs dramatiques. […] C’est que leurs noms prononcés évoquent dans la mémoire certains personnages dramatiques, c’est-à-dire, en somme, autre chose qu’eux-mêmes.

198. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Chacun de ses ouvrages signale un perfectionnement très sensible dans l’instrument littéraire ; mais tous, pourtant, sont empreints d’un commun caractère : ils procèdent plutôt de la pensée solitaire et recueillie, écoutant au-dedans d’elle-même les voies confuses de la rêverie et de l’imagination, que d’un besoin logique de systématiser sous la forme épique et dramatique les développements d’une passion observée dans la vie sociale ou d’une anecdote compliquée d’incidents variés. […] Certes, l’auteur d’Hernani a fait des pièces aussi belles, plus complexes et plus dramatiques que celle-là peut-être ; mais nulle n’exerça sur nous une pareille fascination. […] [Histoire de la littérature dramatique (1858).] […] Vous aviez renouvelé l’ode ; vous aviez, dans la préface de Cromwell, donné le mot d’ordre à la révolution dramatique ; vous aviez, le premier, révélé l’Orient dans les Orientales, le moyen âge dans Notre-Dame de Paris. […] Tous ceux qui tiennent une plume aujourd’hui, les prosateurs comme les poètes, les journalistes comme les auteurs dramatiques, procèdent plus ou moins de lui.

199. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Invention de personnages, indication de caractères, exposition dramatique, vivacité piquante ou comique de dialogue, anecdotes amusantes, plaisanteries, traits d’esprit, il n’est rien qui ne pousse en avant le raisonnement et n’ajoute aux résultats déjà acquis. […] Les comédiens se sont longtemps obstinés à commencer le Cid par la querelle de don Diègue et du comte : c’était brusque, et partant dramatique, à leur avis. […] Donc la querelle, qui venait ensuite, si elle n’était plus une vive entrée en matière, devenait un coup de théâtre émouvant : intéressés à la passion des jeunes gens, nous sommes plus touchés de la dispute des pères ; mais voir entrer deux hommes, qu’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, qui ne nous sont rien, et les entendre échanger des insolences et des injures, c’est vif, si l’on veut : mais d’effet dramatique, je n’en vois pas.

200. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Dans Dolorida, dans cette scène à l’espagnole d’une épouse amante qui se venge et qui verse à son infidèle un poison sûr dont elle s’est réservé le reste pour elle-même, la forme si dramatique est pourtant bien cherchée, bien compliquée, et le dernier vers, qui est tout un drame, a été préparé avec un art infini, mais un peu prétentieux. […] Son Chatterton, une fois mis sur le théâtre et admirablement servi par l’actrice qui faisait Kitty Bell, alla aux nues ; il méritait les applaudissements et une larme par des scènes touchantes, dramatiques même vers la fin. […] A cela je dirai pour réponse : Comment se fait-il que la première représentation d’une œuvre dramatique trompe si souvent la prévision et l’attente de ceux qui ont assisté à une répétition générale ? […] La séance publique fut ici, en effet, des plus dramatiques ; elle le devint, et voici comment. […] Il y a dans tout succès dramatique (et ce fut un succès dramatique que celui du discours de M. 

201. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Les vrais novateurs dramatiques au siècle dernier, c’est La Chaussée, c’est Sedaine, c’est Diderot. […] Cette dernière méprise, c’est une idée de Corneille (Deuxième discours sur le poème dramatique). […] En réalité, ce n’est pas un homme, c’est un moyen dramatique. […] Il s’en faut que les deux se vaillent, en tant que matière dramatique. […] Il n’y a pas de joies comparables à celles de l’artiste dramatique.

202. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Dans les premières années du règne, l’éloquence de la chaire avait une rivale dans la poésie dramatique. […] « Les meilleurs prédicateurs de l’Empire, disait Voltaire, sont les auteurs dramatiques. » Mais il faut ajouter qu’ils prêchent tout autre chose que l’orthodoxie catholique. […] Une crainte de l’art dramatique, si puissante et si durable, que les Genevois, il y a cent ans, brûlèrent la première salle de spectacle qui se fut élevée sur leur territoire, et que la création d’un théâtre dans la ville de Lausanne rencontra, voici une trentaine d’années, une vive opposition religieuse ; un goût persistant pour le roman sérieux, moral et volontiers prêcheur ; une philosophie, qui, grâce à l’élasticité de la doctrine protestante, n’a pas eu besoin, comme en pays catholique, de secouer un joug pesant et est demeurée par cela même en bon accord avec la théologie108. […] Le théâtre et le roman ont singulièrement ébranlé le crédit de la morale ascétique, et les auteurs dramatiques, traités par Nicole d’empoisonneurs d’âme et maudits par Rousseau avec une égale âpreté, ont fait éclore en bien des cœurs les premiers germes de rébellion à l’égard des préceptes du catéchisme.

203. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Les écrivains dramatiques du temps semblent convaincus que l’homme est le même dans tous les siècles et sous toutes les latitudes ; frappés par cette moitié de vérité, que le fond des sentiments ne change guère au cours des siècles, ils négligent de parti pris l’autre moitié, à savoir, que la forme, la combinaison et l’intensité de ces mêmes sentiments sont dans une mue incessante. […] A côté des auteurs dramatiques qui font jouer devant le public le mécanisme secret des passions, il est des analystes qui préfèrent le démonter. […] Ainsi, dans l’époque que nous avons résumée plus haut, la poésie dramatique et la littérature religieuse me paraissent avoir droit aux deux premiers rangs, et ce rapprochement seul de deux genres qui se ressemblent si peu, qui sont même, à certains égards, en pleine opposition, fait comprendre à merveille cette société catholique et mondaine qui voltige avec aisance du théâtre au sermon et se partage entre l’Église et les plaisirs du siècle. […] Qu’aurait-il dit devant certaines œuvres dont on ne saurait dire si elles sont en vers ou en prose, lyriques ou épiques ou dramatiques ?

204. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Jules Bertaut, agence d’habiles monographies dramatiques. […] Georges Polti est peut-être le seul qui garde le souci des idées générales dans la critique dramatique. On a trop oublié ses 36 Situations dramatiques qu’on a tant pillé. […] Polti, — avec une éducation très complète de l’intelligence scénique, — le sens de la continuité, de l’influence et des ressorts d’une idée dramatique, idée que le ciel, la race, la terre ont créée.

205. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — L'art dramatique contemporain, etc     22 VII. — Représentation de Lucrèce et de Judith, etc     25 VIII. — Cousin. — Lucrèce. […] Latour de Saint-Ibar, au Théâtre-Français. — Etat de l’art dramatique en France. — Espérances déçues     316 LXXX. — Élection d’Alfred de Vigny et de M.

206. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

M. de Bernard est un romancier ; il unit un rare et facile entrain dramatique à un précoce esprit d’observation ; à vingt-cinq ans il savait la vie, et il s’y joue en l’exprimant. […] Quoique un vrai talent dramatique s’y marque jusqu’au bout, j’avoue que cette fin me plaît peu, et, sans me gâter le reste, ne l’achève pas, à mon sens, avec autant de vérité qu’on a droit d’attendre.

207. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

En même temps que les Vies de Plutarque enivrent les âmes imprégnées de l’amour de la gloire, et à qui ces éloges des plus hautes manifestations de l’énergie personnelle qui se soient produites dans la vie de l’humanité, montrent la voie où elles voudraient marcher, toute l’œuvre de Plutarque séduit comme déterminant assez exactement le domaine de ce que devra être la littérature : morale et dramatique. […] Mais de plus, avant le roman contemporain, avant le théâtre du XVIIc siècle et les Caractères de La Bruyère, le Plutarque français fut le recueil des gestes, attitudes, et physionomies d’individus en qui l’humanité réalise la diversité de ses types : ainsi fut-il un répertoire de sujets dramatiques.

208. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

À peine y a-t-il eu quelques exceptions ; à peine trois ou quatre œuvres vraiment historiques et dramatiques ont-elles pu se glisser sur la scène dans les rares moments où la police, occupée ailleurs, en laissait la porte entrebâillée. […] Poëtes dramatiques, à l’œuvre !

209. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Si au contraire, Aristides fait de l’art poetique et de l’art de composer la melopée deux arts distincts, c’est qu’il a eu égard à l’usage des romains, qui étoit que les poetes dramatiques ne composassent point eux-mêmes la déclamation de leurs vers, mais qu’ils la fissent composer par des artisans compositeurs de profession, et que Quintilien appelle : (…). […] Cependant j’espere qu’en m’aidant des faits racontez par les écrivains anciens qui par occasion ont parlé de leurs arts musicaux, je pourrai venir à bout de donner une notion ; si non pleine et entiere, du moins claire et distincte de ces arts, et d’expliquer comment les pieces dramatiques étoient representées sur le théatre des anciens.

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