Ainsi Mme de Choiseul et Mme du Deffand confondaient leurs sentiments de prudence et de bienséance à cet égard, ne faisant d’exception, entre les gens de Lettres, que pour leur sage et doux Anacharsis. […] En voyant ces témoignages de l’estime et de la faveur publique, le cœur de la duchesse se remplit d’un sentiment d’orgueil, de satisfaction, d’ivresse conjugale ; elle déborde, elle est comblée et fière ; elle proclame cet exil heureux, et, du moins pour son compte, elle n’en voudrait rien rabattre ; l’exercice même du pouvoir lui paraîtrait moins enviable et moins doux. […] Le traité de paix que Mme de Choiseul signe avec sa belle-sœur dans une première entrevue en présence de son mari, les conditions qu’elle pose, les limites qu’elle établit nettement et qu’elle trace autour d’elle, chez elle, en épouse dévouée autant qu’en maîtresse de maison accomplie, tout cela est d’une personne bien ferme, bien délicate, parfaitement douce et sans humeur, mais qui veut qu’on la compte, capable de plus d’un sacrifice, excepté de ceux qui atteindraient la dignité. […] Disons-nous, pour être justes, que ce n’est pas pour nous qu’il écrivait, c’était pour les personnes de sa coterie qui trouvaient tout cela fort bon, fort doux et très amusant.
Elle se plut de bonne heure aux entretiens de ce frère poëte d’imagination et de nature : « Il m’était si doux de t’entendre, de jouir de cette parole haute et profonde, ou de ce langage fin, délicat et charmant que je n’entendais que de toi ! […] Ils sont doux les baisers d’enfant / il me semble qu’un lis s’est posé sur ma joue. […] C’était doux à considérer et à se représenter l’épanchement de l’amitié dans ces deux petites fleurettes. […] Douce image qui des deux côtés est charmante, quand je pense qu’une sœur est fleur… » Aussitôt qu’il est parti, elle rentre dans la chambrette qu’il occupait ; elle prend le livre qu’il a lu : c’est un Bossuet où il a mis des signets de sa main, souvent aux mêmes endroits qu’elle avait notés elle-même : « Ainsi nous nous rencontrons partout comme les deux yeux ; ce que tu vois beau, je le vois beau. » Quand il est près de se marier, elle semble que cela ne réussisse pas et ne vienne à manquer par quelque côté, car ce frère chéri est, comme elle l’appelle, « un mauvais artisan de bonheur. » Elle se met à sa place et craint qu’il ne recule au dernier instant. « Toujours me semble « effrayant pour toi, aigle indépendant, vagabond.
Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] Un groupe de jeunes écrivains catholiques distingués, de doctrinaires du parti, qui, à l’envi du Globe, s’étaient essayés dans le Correspondant sur la fin de la Restauration, se joignirent, sans s’y confondre, avec le groupe des amis de M. de Lamennais : à côté du vigoureux et sombre Breton, du doux, aimable et savant abbé Gerbet, du brillant et valeureux Lacordaire, du jeune comte leur ami91, alors dans toute la fraîcheur acérée de son talent, on eut Edmond de Cazalès, riche esprit, cœur plus riche encore ; Louis de Carné, esprit sage, écrivain consciencieux, s’instruisant toujours, désireux d’acquérir et de combiner tout ce qui est bien, se nuisant par là peut-être à la longue ; on eut un Franz de Champagny, jouteur sincère, peintre studieux, sévère pour les Césars comme un élève de Tacite qui eût été chrétien ; plusieurs Kergorlay, au nom jadis hostile, mais tous d’une autre génération plus adoucie, tous réconciliés entièrement ou en partie avec le siècle. […] Tous ont changé depuis et ont dû changer : l’un irrité et emporté, dans sa fièvre d’impatience, a passé d’un bond à la démocratie extrême ; l’autre, tout vertueux, sans ambition et sans colère, est arrivé par une douce pente aux honneurs mérités de l’épiscopat, vérifiant ainsi en sa personne le mot du Maître : « Heureux les doux parce qu’ils posséderont la terre !
Y eut-il, au jour dit, un billet moqueur apporté par un petit commissionnaire au quai d’Orsay, lieu indiqué pour le rendez-vous, un billet mignon qui sentait l’iris, dont le cachet avait des armes, — couronne de duchesse ou de comtesse, — et contenant ces seuls mots à l’adresse de Michel : « Un des plus doux plaisirs d’une femme est de faire un regret » ; et ne fut-ce que plus tard, par l’effet d’un hasard nouveau, que Michel retrouva la belle inconnue et reconquit l’occasion ? […] « Tiens, Marie, avant de quitter cette pensée, laisse-moi te dire qu’un de mes plus doux souhaits aurait été de te donner cette noble indépendance de la raison, cette fierté dans ce que l’homme a de plus fier, la pensée. […] ne vous souvenez-vous pas avec quelque joie au cœur de ce doux moment qui a commencé nos rapports, de cette soudaine et délicieuse intelligence… Mais les femmes ne veulent croire qu’à l’amour parlé ; il faut leur chanter les désirs, il faut prêcher quand le cœur bat. […] Les sots s’aiment mieux que les autres… J’ai souvent pensé que des gens qui ne parleraient pas la même langue, un Russe et une Espagnole, je suppose, pourraient passer ensemble de bien douces soirées, sous les bosquets d’un jardin, — pourvu qu’il fasse un peu de lune.
Mais peu à peu, les obstacles ou les distractions aidant, elle se rabattit à l’amitié (grand mot des femmes, soit pour introduire, soit pour congédier l’amour), et elle en vint le plus ingénument du monde à oublier de plus douces promesses si souvent écrites, et mêmes faites à lui parlant, et non-seulement de la voix. […] Hervé et Christel n’avaient pas besoin de confronter longuement leurs âmes, de s’en expliquer la source et le cours : On s’est toujours connu, du moment que l’on aime, a dit un poëte ; mais il est doux de se reconnaître, de faire pas à pas des découvertes dans une vie amie comme dans un pays sûr, de jouir jour par jour de ce nouveau, à peine imprévu, qui ressemble à des réminiscences légères d’une ancienne patrie et à ces songes d’or retrouvés du berceau. […] Mais à d’autres fois aussi, et quand tu te sers, ô Clémente, de tes plus douces flèches, tu ne fais qu’affaiblir, diminuer insensiblement le souffle, en conseil vaut aux traits leur harmonie et au front son pur contour ; et quand tu y imprimes ton baiser glacé, il semble que ce soit une dernière couronne. — O Mort, que tu as de formes diverses ! […] Christel, dans les ballades du Nord, quelque chose de plus doux que Christine.
On entre et tout de suite on se sent enveloppé de mystère, de paix, de demi-ténèbres très douces éclairées par les pierres précieuses des vitraux, d’où semble rayonner une lumière qui leur est propre. […] Malgré tout, cette lamentation lointaine qui recommence, cette lumière tamisée venant on ne sait d’où, cette ombre douce et solennelle, cela berce et caresse l’âme à la faire pleurer. […] Au reste, ils sont doux, polis, aimables, fins, mesurés ; aussi étroits que possible dans leur doctrine, mais indulgents pour les personnes et accommodants dans la pratique. […] … Et aujourd’hui, si nous voulons, cette consolante parole peut retentir à nos oreilles : Mon fils, allez en paix… Il faudrait être fou pour hésiter entre ces doux jugements.
Il demandait un agrément vif et doux, une certaine joie intérieure, perpétuelle, donnant au mouvement et à la forme l’aisance et la souplesse, à l’expression la clarté, la lumière et la transparence. […] Joubert, celui-ci l’enhardissant à demi-voix, ou lui murmurant de doux avis dans une contradiction pleine de grâce. […] En attendant de mourir, son esprit distingué se prodiguait et s’intéressait, heureux de répandre de douces approbations autour d’elle. […] Joubert adore l’enthousiasme, mais il le distingue de l’explosion, et même de la verve, qui n’est que de seconde qualité dans l’inspiration, et qui remue, tandis que l’autre émeut : « Boileau, Horace, Aristophane eurent de la verve ; La Fontaine, Ménandre et Virgile, le plus doux et le plus exquis enthousiasme qui fut jamais. » L’enthousiasme, en ce sens, pourrait se définir une sorte de paix exaltée.
Ce n’est pas un siècle doux ni qu’on puisse appeler un siècle de lumières, c’est un âge de lutte et de combats. […] Il a immortalisé la sienne pour cet Étienne de La Boétie, qu’il perdit après quatre années de l’intimité la plus douce et la plus étroite. […] sans s’aviser que plusieurs pires choses se sont vues, et que les dix mille parts du monde ne laissent pas de galler le bon temps ce pendant (de prendre du bon temps) : moi, selon leur licence et impunité, admire de les voir si douces et molles. […] « Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres.
Son goût n’a rien d’exclusif et se prend à quoi que ce soit qui en vaille la peine, tableaux, statues, jolies boiseries, vieux livres, raretés bibliographiques : « Car je suis comme les enfants, les chiffonneries me délectent. » En toute rencontre, et principalement dans le cabinet du grand-duc à Florence, devant « cet abîme de véritables curiosités », il s’arrête à tous les chefs-d’œuvre d’art, de sciences, de curiosités, et de douces chiffonneries, qui en font véritablement la chose la plus surprenante du monde ». […] Venise et son originalité de site et de mœurs, le sang si doux de ses heureux habitants, cette vie molle et de volupté silencieuse qui se berce et glisse sur les eaux, y est délicieusement retracée. […] J’ai vécu près d’un an à Rome ; je n’ai pas trouvé de séjour plus doux, plus libre, de gouvernement plus modéré. » Telle était la Rome des Médicis, même celle des Barberini, celle des Corsini et des Lambertini, la bonne ville pontificale d’avant les révolutions. […] S’il y avait dans ce portrait quelque chose d’un peu moqueur et d’un peu léger pour de Brosses, celui-ci, sans y viser, l’aurait bien rendu à Diderot ; car, s’étant figuré d’abord, avant de le connaître, qu’il allait trouver en lui une furieuse tête métaphysique, il écrivait, après l’entrevue et au bout de quelques visites : C’est un gentil garçon, bien doux, bien aimable, grand philosophe, fort raisonneur, mais faiseur de digressions perpétuelles, Il m’en fit bien vingt-cinq hier, depuis neuf heures qu’il resta dans ma chambre jusqu’à une heure.
Auguste Barbier, ce grand poëte d’un jour et d’une heure, que la renommée a immortalisé pour un chant sublime né d’un glorieux hasard, mais qui dans l’habitude, ainsi que l’atteste son recueil des Silves 36, est plutôt une âme douce, tendre, naïve ; une âme cherchante, un peu incertaine ; une muse timide, le croirait-on ? […] J’avais précédemment retenu de belles stances de lui sur Ronsard ; je trouve dans le dernier recueil quelques notes douces, presque pures, la Chanson ignorée, les vers A la vallée du Denacre. […] A sa forme, on sentait la femme gracieuse ; On la saluait reine à son air froid et doux ; Et quand elle marchait, ombre silencieuse, Devinant la déesse, on tombait à genoux.
Fénelon accorde ensemble les sentiments doux et purs avec des images qui doivent leur appartenir ; Bossuet, les pensées philosophiques avec les tableaux imposants qui leur conviennent ; Rousseau, les passions du cœur avec les effets de la nature qui les rappellent ; Montesquieu est bien près, surtout dans le Dialogue d’Eucrate et de Sylla, de réunir toutes les qualités du style, l’enchaînement des idées, la profondeur des sentiments et la force des images. […] La beauté noble et simple de certaines expressions en impose même à celui qui les prononce, et parmi les douleurs attachées à l’avilissement de soi-même, il faudrait compter aussi la perte de ce langage, qui cause à l’homme digne de s’en servir l’exaltation la plus pure et la plus douce émotion. […] l’amour constant pour une réputation de près de vingt années, pour un homme qui, redevenu par son choix simple particulier, a traversé le pouvoir dans le voyage de la vie, comme une route qui conduisait à la retraite, à la retraite honorée par les plus nobles et les plus doux souvenirs !
Mais elle était de ce temps d’indifférence religieuse où les femmes préfèrent à l’eau bénite du grand Pascal l’encre vaniteuse de leur écritoire ; et tout doucement, elle se fit bas-bleu, d’une nuance très douce, il est vrai, et peu appuyée… Elle glissa dans l’azur… Elle avait attendu. […] Car il était violent et doux, indolent et passionné, efféminé et héroïque, magnanime et mesquin, enthousiaste et moqueur, moral et immoral, sceptique et religieux ; il était tout cela en même temps et tour à tour, — comme les enfants sont ce qu’ils sont — et comme eux, en l’étant, il obéissait à sa nature. […] Or il n’y a ici qu’un bas-bleu sous lequel s’entrevoit la femme du monde, la femme comme il y en a tant, qui ne se doutent même pas de la nature de l’homme qu’elles ont pressé, avec une tendresse bête, dans leurs doux et faibles bras.
Accordez-moi la riche abondance qui vient des dieux immortels, et donnez-moi d’obtenir toujours de tous les hommes bonne renommée, d’être ainsi doux à ceux que j’aime, amer à mes ennemis, respectable à ceux-ci, terrible à ceux-là. […] » Sous la gravité douce du mètre élégiaque, cet amour de la gloire, et les vertus dont il se nourrit, le culte de la patrie, la pitié pour les faibles, le devoir de les défendre, enflamment Tyrtée d’un enthousiasme contenu qui n’a pas moins de puissance que l’accent plus lyrique. […] N’ayez ni inquiétude ni terreur de la foule des ennemis ; mais que chacun, bouclier en avant, aille droit aux agresseurs, tenant la vie en haine et préférant les affres de la mort au doux éclat du jour.
Il est fou, on ne peut dire que cela de plus doux. — Il est, dit La Rochefoucauld, une certaine activité qui augmente en vieillissant, laquelle n’est pas éloignée de la folie. […] Lui qui, à chaque page, trouve les hommes actuels, la société actuelle, si stupides, si atroces, si infâmes, si abrutis (telles sont ses aménités), comment peut-il s’imaginer qu’à l’instant, rien qu’en détruisant un gouvernement, on va avoir une humanité douce, bénigne, éclairée, vertueuse et sage ?
Il me plaisait davantage de faire de longs séjours à Paris, dans cette capitale des sciences et des arts, où la vie est si douce et si noblement occupée, et où j’ai des amis excellents. […] « Si j’avais eu besoin de consolation, j’en aurais trouvé une bien douce dans une nouvelle faveur que le gouvernement de la France vient de m’accorder.
Sa poésie, en général, est douce, endolorie parfois de mélancolie et tout humectée de charme. […] Vois : la rive en la brume assourdit ses volutes… Barque sillant très lentement l’eau musicale… Au bruit doux des roseaux, par l’ennui de la brise.
Je compte y aller un de ces jours et je vous en manderai des nouvelles. » Le dégel, c’était madame Scarron, dont la triste et froide médiocrité s’était changée en une condition plus douce. […] Le roi avait déclaré, en voyant la douleur que ressentait madame Scarron de la mort du premier de ces enfants, qu’il serait doux d’être aimé par madame Scarron.