Valéry a pour limite, lui, un Discours idéal sur la Méthode. Ce Discours n’est fait jusqu’ici que de fragments brisés qu’il coordonnera peut-être un jour. […] Le réel du discours c’est encore la raison raisonnante et les raisons raisonnées. […] C’est, matériellement, une série de discours, jusqu’aux deux derniers, qui n’ont qu’un vers. […] Mais la progression de cette vie intérieure, la « procession » de cette poésie pure, elles ne sont pas succession de hasard, elles durent, elles s’organisent en durant, cette organisation projette comme son ombre une logique qu’il est permis au critique et à sa technique propre de mettre en discours, de sorte qu’on puisse tant bien que mal remonter de ce discours à la vie intérieure et à la poésie pures, comme on a pu descendre de celles-ci au discours.
Il y a les fables qui sont des contes, et quoique je vous en aie parlé trop brièvement à mon gré, je n’en reparlerai pas aujourd’hui ; — il y a les fables que j’appellerai zoologiques, en vous demandant pardon du pédantisme du terme, c’est-à-dire qu’il y a des fables où figurent des animaux et seulement des animaux il y a, en troisième lieu, les fables que j’appellerai d’un mot encore plus pédantesque, mais il n’y en a pas d’autre, ce me semble, les fables naturistes, c’est-à-dire les fables où l’anecdote n’est qu’un prétexte à une description ou à une narration de la nature, les fables où le fond du petit poème est un aspect ou plusieurs aspects successifs de la nature ; — enfin, il y a des fables qui ne sont plus du tout des fables et qui ne sont que des discours philosophiques ou moraux ; le mot discours peut vous paraître un peu trop fort, un peu trop solennel, encore que La Fontaine l’ait employé lui-même, je dirai : il y a des fables qui sont des causeries philosophiques et morales et qui ne sont presque pas autre chose. […] Le lion, c’est bien un roi et pas autre chose ; son discours est un discours détrôné, à son éloge et à sa pleine satisfaction, avec des menaces sourdes qui courent sous les compliments et sous la bonhomie affectée. […] Vous connaissez les fables où il est question de l’intelligence des bêtes ; c’est, entre autres, la fable les Souris et le Chat-huant, et les quatre ou cinq fables qui sont encadrées dans le fameux Discours à Mme de La Sablière. […] Mais ce qui n’est pas faux, ce sont les fables qui sont intercalées dans le Discours à Mme de la Sablière, vous les connaissez, je les rappelle seulement très brièvement. Les fables prouvant que les animaux ont de l’esprit, qui sont renfermées dans le Discours à Mme de La Sablière, c’est-à-dire dans la fable première du livre dixième, sont celles-ci : la fable, ou plutôt l’histoire du vieux cerf qui se substitue au jeune cerf lorsque, chassé, il ne peut plus soutenir la course.
M. l’Abbé Millot a aussi composé des Discours, où il s’applique à discuter plusieurs questions proposées par différentes Académies. On ne peut pas dire que ces Discours soient mauvais, mais ils sont bien inférieurs à ses Elémens historiques.
Un discours sur les intérêts les plus importants de la société humaine, peut fatiguer l’esprit, s’il ne contient que des idées de circonstance, s’il ne présente que les rapports étroits des objets les plus importants, s’il ne ramène pas la pensée aux considérations générales qui l’intéressent. […] En général, toutes les fois que le public impartial n’est pas ému, n’est pas entraîné, par un discours ou par un ouvrage, l’auteur a tort ; mais c’est presque toujours à ce qu’il lui manquait comme moraliste, qu’il faut attribuer ses fautes comme écrivain. […] Tous les beaux discours, tous les mots célèbres des héros de l’antiquité, sont les modèles des grandes qualités du style : ce sont ces expressions inspirées par le génie ou la vertu que le talent s’efforce de recueillir ou d’imiter. Le laconisme des Spartiates, les mots énergiques de Phocion, réunissaient autant, et souvent mieux que les discours les plus soutenus, les attributs nécessaires à la puissance du langage ; cette manière de s’exprimer agissait sur l’imagination du peuple, caractérisait les motifs des actions du gouvernement, et faisait connaître avec force les sentiments des magistrats.
Le discours de la vache est plein de raison et d’intérêt. […] Le discours du bœuf a un autre genre de beauté : c’est celui d’un ton noble et poétique, quoique naturel et vrai. […] J’en vois quelques traits confus, comme, par exemple, que nombre d’hommes se permettent ce qu’ils interdisent aux autres, l’effet de leurs discours anéanti par leurs actions ; mais cela ne vaut guère la peine d’être dit. […] Discours à M. le duc de la Rochefoucault.
Apprenez à secouer le joug des transitions, puisqu’il s’agit des mouvements impétueux de l’âme, et non point d’un discours mesuré de la raison. […] Cette économie des desseins de la Providence, dévoilée avec la prévision d’un prophète ; cette pensée divine gouvernant les hommes depuis le commencement jusqu’à la fin ; toutes les annales des peuples, renfermées dans le cadre magnifique d’une imposante unité ; ces royaumes de la terre, qui relèvent de Dieu ; ces trônes des rois, qui ne sont que de la poussière ; et ensuite ces grandes vicissitudes dans les rangs les plus élevés de la société ; ces leçons terribles données aux nations, et aux chefs des nations ; ces royales douleurs ; ces gémissements dans les palais des maîtres du monde ; ces derniers soupirs de héros, plus grands sur le lit de mort du chrétien, qu’au milieu des triomphes du champ de bataille ; enfin l’illustre orateur, interprète de tant d’éclatantes misères, osant parler de ses propres amertumes, osant montrer ses cheveux blancs, signe vénérable d’une longue carrière honorée par de si nobles travaux, et laissant tomber du haut de la chaire de vérité des larmes plus éloquentes encore que ses discours : tel est le Bossuet de nos habitudes classiques, de notre admiration traditionnelle. […] Mais je demande si le Discours sur l’Histoire universelle est maintenant autre chose, pour un grand nombre, qu’une magnifique conception littéraire, une sorte d’épopée qui embrasse tous les temps et tous les lieux, et dont la fable, prise dans de vastes croyances, est une des plus belles données de l’esprit humain. […] Mais, je le demande encore, désaccoutumés que nous sommes de la forte nourriture des livres saints, pourrions-nous remarquer dans ce dernier Père de l’Église, sa merveilleuse facilité à s’approprier les textes sacrés, et à les fondre tout à fait dans son discours qui n’en éprouve aucune espèce de trouble, tant il paraît dominé par la même inspiration ?
L’Innocent III du comte de Gasparin n’est qu’un discours sur le pontificat d’Innocent III, condamné d’avance par un a priori illusoire, et dérisoire aussi… Ce pontificat glorieux, le plus glorieux — quoique exécrable — de tous les pontificats de l’Église romaine, de l’aveu du comte de Gasparin, ne pouvait pas, il faut en convenir, être raconté en quelques minutes de Conférence, avec toutes les négligences d’une parole qui se hâte, avec tous les à peu près de la circonstance, tous les faits laissés, vu leur nombre, forcément, dans l’ombre d’un discours. […] Le Discours sur l’Histoire universelle n’est pas la plus grande gloire de Bossuet. […] Et cependant, ce Discours fut écrit, il ne fut pas parlé.
Or un simple coup-d’oeil sur les parties du discours assujetties à l’influence des genres, va nous en apprendre l’usage, & en même tems le vrai motif de leur institution. […] Faut-il reunir plusieurs propositions pour en composer un discours ? […] & la relation de chaque proposition à l’ensemble du discours. […] Mais les Romains ont tellement affecté le discours figuré, qu’ils ne parlent presque jamais autrement ». […] Plus le tour latin est éloigné du tour françois, moins on doit craindre qu’on l’imite dans le discours.
Il a voulu seulement sur ce fond constant, éternel, et qui pourra servir bien souvent encore, tracer quelques caractères intéressants et jeter quelques beaux discours d’une brillante facture et d’une langue riche… Je serais donc content des « beaux discours », n’était qu’il y en a de trop et qu’ils sont trop longs.
Bourdaloue a cela de particulier, que, dans ses Discours, les preuves se succedent les unes aux autres, avec un ordre & un développement qui ajoutent un nouveau degré de lumiere aux premieres idées qu’il met en avant. […] Quand on a lu un Discours de Bourdaloue, & qu’on va les entendre ensuite, il semble que l’éloquence de la Chaire ait changé d’objet.
C’est ce même amour de la Patrie qui lui a dicté tous les Discours qu’il a composés pour l’instruction de M. le Dauphin, aujourd’hui sur le Trône, tels que les Leçons * de Morale, de Politique & de Droit public, les Devoirs des Princes, réduits à un seul principe, &c. […] Cet Ouvrage sera composé de quarante Discours, dont les dix-sept premiers paroissent.
À quelqu’un qui lui parlait de ses Sermons prêchés à la Cour, Massillon répondait : « Quand on approche de cette avenue de Versailles, on sent un air amollissant. » Il ne paraît rien de cet amollissement dans aucun des premiers discours de Massillon (1699-1715). […] Et ce n’est pas ici une de ces vaines images que le discours embellit, et où l’on supplée par les ornements à la ressemblance. […] Telles étaient les paroles dont Massillon, continuateur en ceci de Fénelon, nourrissait ses discours, et qu’il proférait au nom du christianisme. […] Pendant les vingt et un ans qu’il résida dans son diocèse, il renonça à la prédication et à l’éloquence, soit, comme on l’a dit, que sa mémoire se fût lassée, soit que la paresse de l’âge se fût fait sentir ; il se borna à faire, à l’occasion, quelques mandements et quelques discours synodaux. […] On y trouve des beautés, mais de plus en plus régulières et prévues dans leur expansion même ; c’est le talent habituel de Massillon, moins le mouvement et l’action qu’il imprimait à ces sortes de développements dans ses discours, comme, par exemple, lorsqu’il paraphrasait si puissamment le De profundis dans le sermon de Lazare.
. — Le Discours sur le style. […] Il faut penser au Discours de la méthode et au traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, pour trouver à quelles créations de l’esprit humain comparer les Époques. […] Discours sur le style. Parmi tant de discours académiques, dont plusieurs sont d’excellents modèles, un seul a l’autorité d’un ouvrage d’enseignement : c’est le Discours de Buffon sur le style.
Droz a été marqué et comme gravé sur sa tombe dans un très beau discours de M. […] Un des premiers livres qu’il lui donna à lire pour le consoler de l’ennui du syllogisme, fut le Discours de la méthode de Descartes. […] Lors de la création de l’école centrale de Besançon, Droz, nommé professeur de belles-lettres, et qui eut entre autres élèves Nodier, commença à se faire connaître par quelques discours imprimés, par un Essai sur l’art oratoire (1799), dans lequel il fait preuve d’instruction, de justesse, et où déjà ses inclinations et son tour d’esprit se déclarent. […] Dans cet Essai sur l’art oratoire, il est disciple de Blair : dans les autres discours de cette date, il semble être en philosophie disciple de Condillac, de Garat, des maîtres du jour ; mais, à je ne sais quoi d’affectueux et de pur, à ce que les Anglais appellent feeling, on sent que, pour peu qu’il se développe, il aura bien plus de rapports d’affinité avec ces compatriotes de Blair, les Stewart, les Fergusson, les Beattie, avec cette école morale, économique, tour à tour occupée de l’utile et du beau, à la fois philosophique et religieuse. […] Droz concourut pour l’éloge de Montaigne, et son discours aimable, qui fut distingué par l’Académie, forme comme le complément de l’Essai sur l’art d’être heureux.
Nous saisissons, dès ce premier écrit de circonstance, la forme et le fond du discours habituel de Portalis, cet enchaînement et cette suite de maximes sages, miséricordieuses, appropriées, où respire comme un souffle du génie de Numa, aphorismes tout de réparation, tout de consolation et de santé, et qui allaient faire la plus salutaire impression sur le corps social si longtemps soumis à ces autres aphorismes de Saint-Just, concentrés et mortels comme le poison. […] Ne pouvant le suivre dans la diversité des questions qu’il traita, je ne le prendrai que dans deux ou trois sujets et discours, qui me suffiront pour le caractériser. […] C’est ainsi que, dans son célèbre discours en faveur des prêtres non assermentés qu’on s’obstinait encore à persécuter et à proscrire, il faisait voir l’impuissance définitive de ces mesures extrêmes en même temps que leur odieuse rigueur, et rappelait que la Convention elle-même, au plus fort de sa domination souveraine, y avait échoué : Il n’y a point de puissance absolue dans ce monde, il n’y en aura jamais. […] Le second discours de Portalis que je veux signaler est précisément celui dans lequel il défendait les pauvres prêtres restés fidèles à l’ancienne orthodoxie ; on était prêt à renouveler contre eux les gênes d’un serment qui violait leur conscience, et qui allait les placer entre le mensonge et la proscription. […] Le discours qu’il prononça en cette occasion fut un événement moral, et d’un retentissement immense.
Le Discours préliminaire, qui est à la tête de sa traduction, vaut seul un bon Poëme. […] On y trouve un beau discours sur Homere. […] Quelle pitié donc d’entendre Javenel de Carlencas s’écrier : Pindare a franchi les liaisons ordinaires du discours ; il émeut, il étonne par des cadences nombreuses, qui en augmentent la force. […] Mais, peut-être, n’est-ce là que le discours d’un Poëte qui se répent aisément en vers des fautes qu’il commet toujours, & qu’il seroit fâché de ne point commettre. […] Son discours préliminaire est pensé ; il est très-bien écrit.
Si l’histoire recueille un jour les discours de cet orateur, si glorieux par son éloquence, on s’étonnera bien de ne pas trouver un seul discours de gouvernement en quinze ans dans la bouche du chef naturel des conservateurs en France. […] dis-je à voix basse à mon voisin, et combien y a-t-il de distance d’un discours semblable à un détrônement ? […] Sauvons ensemble la constitution parlementaire, et restons ensuite, vous ce que vous êtes, et moi ce que je suis. » Ce discours existe ; on peut le relire à sa date. […] Le discours chez M. […] On allait recommencer l’épreuve et voter selon les conclusions de mon discours, quand M.