/ 2099
720. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Les questions les plus difficiles, quelquefois, — pour nos yeux modernes — les plus saugrenues, lui étaient soumises. […] L’Académie devrait refuser les legs ou donations constituant des prix qu’on pourrait prévoir comme trop difficiles à donner. […] Il est vrai qu’il est difficile d’avoir de l’esprit sans tomber un peu dans ce défaut-là. […] Mélinand reconnaît lui-même qu’il est difficile de vivre en société et ne pas mentir. […] La difficulté, c’est que ces choses sont connexes, entrelacées, et très difficiles à démêler les unes des autres.

721. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

— En démocratie, il faut que tous fassent ce qui était très facile à un seul, difficile déjà à quelques-uns. […] C’est moins difficile qu’on ne croirait. […] Il est très difficile, par exemple, de former une république fédérative avec de petites monarchies. […] Il est difficile également, et peut-être plus, de former une république fédérative avec des républiques et des monarchies. […] A la vérité, je crois que cette transformation n’a jamais eu lieu et qu’il est très difficile qu’elle se fasse.

722. (1888) Poètes et romanciers

Il leur faut quelque chose de plus difficile et de plus rare. […] Quelle entreprise rare et difficile ! […] La réponse est difficile à faire. […] La bijouterie poétique est un art difficile, mais on peut aspirer plus haut. […] Il serait difficile à quelques-uns d’entre eux de dire pourquoi ils versent leur âme dans un pleur éternel.

723. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

La vie et l’art lui pèsent lorsqu’il ne trouve pas à se jouer avec leurs problèmes les plus difficiles. […] Il est difficile de découvrir en lui n’importe quel trait allemand. […] La beauté est difficile (?) […] Comme il est difficile, de nos jours, de comprendre même ce sentiment ! […] Seulement, dans l’application qu’il fait de cette idée, il est difficile de suivre notre philosophe jusqu’au bout.

724. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Mais, après tout cela, et quand à l’admiration de Ronsard et de Du Bellay je pourrais joindre encore celle de Baïf de Belleau — ce qui me serait, je l’avoue, difficile, — l’histoire est là qui nous l’apprend, si l’effort n’a pas été stérile, puisqu’enfin le classicisme nous est venu de là, ce que la Pléiade a en somme le moins renouvelé, c’est peut-être la poésie. […] En sorte qu’il sera toujours véritable que ce sera de ce monde que l’Église demeurera toujours composée… » Il est bien difficile de ne pas croire qu’il songe, en écrivant ces mots, à son Histoire universelle. […] C’est ce qu’il est assez difficile de dire ; et, de la manière que Bossuet a posé la question, il nous faudrait, pour y répondre, discuter avec lui la possibilité du miracle, la vérité des prophéties, et l’authenticité de la révélation. […] La vérité est si difficile à fixer ! […] On en cherche la raison ; et, comme il n’y a rien de si difficile à démêler dans les coïncidences que la part du fortuit et celle du nécessaire, on se demande si la cause de tous ces progrès ne serait pas peut-être dans la décadence même, ou la ruine assez visible de… tout ce qui les avait empêchés.

725. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Remarquez que le symbolisme de Nicolas Boileau, oui, de Boileau lui-même, est bien plus difficile à accepter que celui d’Ibsen. […] Cela est très rare et très difficile, sachez-le bien. […] Il serait très difficile maintenant de jouer Alceste en comique. […] Il doit être très difficile, dans cette langue-là, d’avoir un style personnel, plus difficile encore d’exprimer des idées un peu abstraites. […] L’état de conscience d’un spécialiste de cet ordre et de cette force me paraît même très difficile à concevoir.

726. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Mounet s’est attaqué à ce rôle extrêmement difficile et redoutable. […] J’avoue qu’il me serait difficile de l’admettre. […] Jules Guex a étudié aussi toute une question bien autrement difficile à élucider, celle du napoléonisme au théâtre et dans la société. […] Ce n’est pas du tout difficile à faire.Tenez. […] Mariez une haine avec une indifférence ; la tractation diplomatique sera plus difficile, mais pourra encore aboutir.

727. (1927) Des romantiques à nous

Ce qu’il y a d’outré dans le rationalisme de la Critique de la raison pure et surtout de la Critique de la raison pratique est généralement reconnu et difficile à contester aujourd’hui. […] Quand un terme a la vie si dure et qu’il a fourni l’aliment de tant de controverses, c’est, à coup sûr, que quelque grosse réalité y correspond, si difficile qu’il puisse être de définir cette réalité et de traduire en idée claire le sentiment fort et confus que chacun en a. […] Mais remarquez-vous en quoi il fait consister la grandeur, la seule grandeur de l’homme, et combien, à ce propos, il se montre plus difficile que vous ne vous seriez très probablement avisés de l’être ? […] C’est à quoi elle doit s’appliquer aujourd’hui, dans des conditions rendues, il est vrai, singulièrement difficiles par l’énormité du faix qui l’opprime. […] Tandis qu’il laissait sécher ses feuillets de musique, Saint-Saëns s’occupait d’astronomie, sans se soucier guère où l’astronomie en était, et il écrivait des vers, sans se préoccuper des angoisses du commun des poètes quant aux difficiles secrets de la poétique.

728. (1930) Le roman français pp. 1-197

Mais au milieu du formidable encombrement de la production contemporaine, il m’est déjà — comme à beaucoup d’autres personnes — extrêmement difficile de distinguer ce qu’il est. […] Le romantisme l’a exagéré, marqué de traits violents, mais elle existait depuis l’aurore de notre littérature — et il n’est pas difficile de la découvrir chez l’autre des grands romanciers de l’ère de 1830 : Stendhal. […]  » Ingénument héroïque, le Fabrice de La Chartreuse, cherchant toujours la grande action et l’amour difficile. […] Il serait difficile de le contester : le grand écrivain est celui qui vous montre, comme Balzac, une société complète, qui sait aller de bas en haut comme de haut en bas. […] Il est difficile de les déceler.

729. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il serait assez difficile de déterminer précisément à quel ordre de merveilleux appartient celui qu’il a employé dans la Tempête. […] Il est difficile d’établir d’une façon positive l’année de la composition de cette comédie, mais il est certain qu’elle a été écrite de 1587 à 1591. […] Il serait assez difficile, dans les deux suppositions, de se rendre compte du personnage de Quickly, si l’on ne supposait que c’est une autre Quickly un nom que Shakspeare a trouvé bon de rendre commun à toutes les entremetteuses. […] Il n’est pas difficile d’y reconnaître la main de Shakspeare, à une poésie plus hardie, plus brillante d’images, moins exempte peut-être de cet abus d’esprit que Shakspeare ne paraît pas avoir emprunté aux poëtes dramatiques de l’époque. […] C’est ce qu’on peut remarquer, par exemple, dans les regrets de Richard sur la mort de son père ; il serait difficile de les attribuer à d’autres qu’à Shakspeare, tant ils portent son empreinte ; mais il serait également difficile de les attribuer à ses meilleurs temps, et leur imperfection pourrait servir encore à prouver que les trois parties de Henri VI, telles que nous les avons aujourd’hui, nous offrent, non pas Shakspeare corrigé par lui-même dans la maturité de son talent, mais Shakspeare employant le premier essai de ses forces à corriger les ouvrages des autres.

730. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Si l’on cherche maintenant ce que Pascal a pu penser de ce chevalier qui le régentait si rudement, il est difficile de ne pas croire qu’il a eu en vue M. de Méré dans la définition qu’il donne des esprits fins par opposition aux esprits géométriques , de ces « esprits fins qui ne sont que fins, qui, étant accoutumés à juger les choses d’une seule et prompte vue, se rebutent vite d’un détail de définition en apparence stérile et ne peuvent avoir la patience de descendre jusqu’aux premiers principes des choses spéculatives et d’imagination, qu’ils n’ont jamais vues dans le monde et dans l’usage. » On retrouve presque en cet endroit de Pascal les termes mêmes du chevalier et sa prétention perpétuelle à dénigrer la géométrie, sous prétexte qu’un coup d’œil habile suffît à tout36. […] Tous vos confrères se mêlent de l’un et de l’autre ; ce sont des vagabonds qui ne vont de çà, de là, que pour apporter du scandale et séduire quelque innocente, et quand on les pense tenir, ils ne manquent jamais de faire un trou à la nuit. — Je lui repartis que j’étois d’un esprit plus modéré, que j’avois passé deux ans et demi chez un gentilhomme de Normandie à élever ses enfants, et que je ne les avois point quittés qu’ils ne fussent bons latins et bons philosophes ; du reste, qu’il n’avoit pas besoin d’un autre que de moi pour apprendre à messieurs ses enfants à faire des armes ni à danser, que je savois tous les exercices, parce que j’avois été cinq ans à Rome auprès d’un jeune homme de qualité qui m’aimoit et me faisoit instruire par ses maîtres ; — et pour lui montrer mon adresse, je me mis en garde avec une canne que j’avois ; j’allongeois et parois, j’avançois et reculois en maître, et puis, ayant quitté ma canne, je fis quelques pas forts de ballet et plusieurs caprioles qui le réjouirent ; mais ce qui lui plut encore, je ne fus pas difficile pour mes appointements. […] Mme de Sablé et M. de La Rochefoucauld, en leur temps, trouvaient plaisir à s’entretenir avec lui : est-ce à nous d’être si difficiles ? […] Il n’en est pas ainsi de cette qualité si rare ; on se doit bien garder de dire qu’on est honnête homme, quand on le seroit du consentement des plus difficiles… On ne trouve que fort peu de ces excellents maîtres d’honnêteté, et l’on n’en voit point qui se vantent de l’être. » (Discours de la vraie Honnêteté, Œuvres posthumes.)

731. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

« Il me fut difficile, pourquoi ne l’avouerais-je pas ? […] » IV Nous causâmes sans mystère et sans colère des deux parts ; je lui dis que j’avais lu avec charme presque tout ce qu’il avait écrit, et qu’excepté le cynisme antipathique à ma nature et l’athéisme inacceptable par mon esprit, j’avais tout goûté de lui, même le scepticisme ; que je n’étais rien moins que sceptique cependant ; que je croyais fermement qu’il y avait une foi difficile à trouver, mais trouvable, un arcanum de la vie intérieure, dont la recherche était l’œuvre des grands esprits, et que, dans cette foi, il y avait non seulement la croyance, mais le repos ; que c’était l’affaire de la vie entière de la découvrir, que j’y travaillais, et que j’y travaillerais jusqu’à mon dernier jour, et que les hommes qui se disaient comme lui incrédules n’étaient que d’aimables paresseux qui revenaient sur leurs pas aux premières difficultés de la route ; que j’étais heureux de connaître en lui un de ces esprits impatients, découragés avant le temps, et que, s’il voulait venir à toute heure du soir finir avec moi les journées, nous causerions ou de Dieu, s’il voulait, ou de la littérature et des arts, lui me donnant du goût, moi de la foi, chacun dans notre mesure ! […] Quiconque a passé dans ses belles années par ces épreuves si difficiles à traverser, se reconnaît dans ces limbes du pur attachement jouissant de contempler ces Béatrices de l’amour idéal, mais interdites par la sainte amitié. […] Sur ce conseil ou cet ordre amical donné par Mécène à Virgile, et dont lui seul pouvait dignement embrasser et conduire le difficile labeur, l’un des hommes qui savaient le mieux la chose romaine, Gibbon, a eu une vue très ingénieuse, une vue élevée : selon lui, Mécène aurait eu l’idée, par ce grand poème rural, tout à fait dans le goût des Romains, de donner aux vétérans, mis en possession des terres (ce qui était une habitude depuis Sylla), le goût de leur nouvelle condition et de l’agriculture.

732. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Quant au gouvernement général de cette communauté, Socrate n’en dit mot, et il nous serait tout aussi difficile qu’à lui d’en dire davantage ; et cependant la masse de la cité se composera de cette masse de citoyens pour lesquels on n’aura rien statué. […] Si le nombre des enfants n’est plus en rapport avec la propriété, il faudra bientôt enfreindre la loi ; et même, sans en venir là, il est dangereux que tant de citoyens passent de l’aisance à la misère, parce que ce sera chose difficile, dans ce cas, qu’ils n’aient point le désir des révolutions. […] « Dans la cité parfaite, la question est bien autrement difficile. […] « Mais ces dissemblances sont choses fort difficiles à constater ; et il n’en est point du tout ici comme pour ces rois de l’Inde qui, selon Scylax, l’emportent si complètement sur les sujets qui leur obéissent.

733. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

On put croire d’abord que le jeune poète parnassien n’avait vu dans ces récits qu’un exercice amusant et difficile de versification, quelque chose comme le plaisir d’écrire en français des vers latins (si j’ose cette catachrèse) sur des sujets réfractaires à la poésie. […] Mais aujourd’hui la vie est plus difficile aux descendants de l’ancienne aristocratie, quand ils ne sont pas très riches et quand ils ne se résignent ni à l’oisiveté ni à la nullité. […] Assurément je voudrais qu’il écrivît une langue moins difficile et d’une syntaxe plus sûre. […] Il est certain qu’il y eut, parmi les fusillés, des innocents et des inconscients ; il est certain aussi que le triage en était alors difficile.

734. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Comme il ne sait pas un traître mot du feuilleton en cours, il lui serait bien difficile d’en continuer la série. […] D’autre part la littérature sérieuse, celle de l’école naturaliste, par exemple, du grand Flaubert au puissant Zola et à ses successeurs, est d’une lecture trop difficile pour la très grande majorité des lecteurs et on pourrait lui adresser bien des critiques, quant à son influence possible sur les mœurs et la direction générale des esprits. […] Il est dans notre destinée de ne réaliser un bien que pour nous créer des devoirs nouveaux et plus difficiles. […] Le problème est ici particulièrement difficile : si l’on écrit des romans-feuilletons, c’est sans doute qu’il y a des gens pour les lire ; nous tournons dans un cercle : il faudrait changer la littérature pour changer le public, mais pour changer la littérature il faudrait avoir changé le public auquel elle s’adresse.

735. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

  Des commencements difficiles, une fin cruelle, des espérances renaissantes et toujours trompées, une ambition sans scrupule et en même temps sans prudence, le funeste privilège d’inspirer des passions profondes et de ne les point ressentir, de connaître et de peindre, avec une force incomparable, les misères de la nature humaine, et de pouvoir être cité soi-même comme un vivant exemple de la vérité de ces peintures, telle fut en ce monde la destinée de Swift qui s’y résigna d’autant moins qu’il la comprit davantage, et qui prit l’amère habitude de relire, chaque fois que l’année ramenait le jour de sa naissance, le chapitre de l’écriture où Job déplore la sienne et maudit cette nuit fatale où l’on annonça dans la maison de son père qu’un enfant mâle était né. […] Voilà ce que Swift voulut faire comprendre au peuple anglais pendant qu’Harley devenu lord Oxford (1711), Saint-Jean devenu lord Bolingbroke (1712), conduisaient, à travers mille obstacles, ces négociations difficiles qui aboutirent, en avril 1713, au traité d’Utrecht. […] Elle tournait contre eux leurs principes, et faillit plusieurs fois faire échouer l’œuvre difficile de la paix, en favorisant les partisans de la guerre. […] Il était aisé de rendre difficile l’exécution d’une mesure si simple et si nécessaire.

736. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

  I — Sur le choix de la ville de Bayreuth Lettre à un ami : 1er novembre 1871 « … Lorsque j’aurai dit les conditions que j’exige pour l’emplacement du théâtre, il ne sera pas difficile, de deviner pourquoi j’ai choisi justement Bayreuth. […] Berlin, le 18 mai 1871. »   Notes sur la Gœtterdaemmerung 17 La Gœtterdaemerung est peut-être l’œuvre de Wagner la plus difficile à juger, à apprécier sainement ; démesurément longue, elle est pleine de bizarreries qui déconcertent et troublent même. […] Admettons donc, franchement, qu’il y a un manque d’unité dans la Gœtterdaemmerung, un manque de cette unité entre les différents arts qui est une exigence initiale de la théorie Wagnérienne. — Mais, cependant, il doit y avoir une clef à la compréhension pleine et entière ce cette œuvre ; car il est difficile d’admettre que l’homme qui avait écrit Tristan et qui était à la veille de créer Parsifal, ait agi sans discernement. […] … Traduire en une parfaite exactitude le mot par le mot doit rester — mais combien difficile !

/ 2099