Tout atteste que M. de Mora, fort jeune encore, était un homme d’un mérite supérieur et destiné à un grand avenir, s’il avait vécu. […] Tout est destinée dans ce monde, et l’Espagne n’était pas digne d’avoir un M. de Mora. » Et encore (8 juillet) : « Il y a des vies qui tiennent à la destinée des empires. Annibal, lorsqu’il apprit la défaite et la mort d’Asdrubal son frère, qui valait plus que lui, ne pleura point, mais il dit : Je sais à présent quelle sera la destinée de Carthage. […] Que lui importe la destinée des autres femmes, ces femmes du monde qui « la plupart n’ont pas besoin d’être aimées, car elles veulent seulement être préférées ? […] oui, justement, madame, c’est un mémoire que j’ai à lui remettre tout à l’heure, et je veux le lire avant de le lui donner. » Ainsi tout pour elle se rapporte à la passion, tout l’y ramène, et c’est la passion seule qui donne la clef de ce cœur étrange et de cette destinée si combattue.
L’ère de Charlemagne fut une ère nouvelle pour toute l’Europe ; et c’est pour toute l’Europe aussi que se préparent de nouvelles destinées. […] Le duel, reste de nos anciennes mœurs gauloises et de nos mœurs chevaleresques, qui servit quelquefois à redresser de véritables torts, qui nous sauva peut-être des atroces représailles du stylet, le duel se retirera peu-à-peu devant l’institution du jury, destinée par sa nature même à redresser tous les torts envers les particuliers comme envers la société, à laver toutes les taches de l’honneur le plus susceptible. […] La mort est à l’égard de l’homme un mandat d’amener, décerné par le Souverain Juge dans le moment où il veut interroger face à face une créature intelligente, et lui tracer de nouvelles destinées : Dieu, dans de certaines circonstances, prévues par sa sagesse, a pu déléguer à la société le droit de décerner ce mandat de comparution ; mais il peut le retirer quand et comme il lui plaît. […] Ainsi pendant que d’un côté notre destinée était asservie à la marche des astres, de l’autre elle tenait à la chute d’une feuille, au vol d’un oiseau, à la rencontre d’une bête dans la forêt.
La nature les met au monde pour suppléer à la disette des hommes de génie, destinez à faire des prodiges dans une sphere hors de laquelle ils n’auront point d’activité. […] Comme les personnes dont je parle, destinées pour être la pepiniere des artisans médiocres, n’ont pas les yeux ouverts par le génie, notre imitateur ne sçauroit appercevoir dans la nature même ce qu’il y faut choisir pour l’imiter. […] Ces esprits médiocrement propres à beaucoup de choses, ont la même destinée quand on les applique à la peinture.
En proie durant quinze années à cet inquiétant problème de la destinée humaine, il a voulu mettre ordre à ses doutes, à ses conjectures, et au petit nombre des certitudes ; il s’y est calmé, mais il s’y est refroidi. […] C’étaient souvent des saillies d’imagination philosophique, non pas sur un tel point spécial et borné, mais sur l’ensemble des choses et leur harmonie, sur la destinée future, le rôle des planètes dans l’ascension des âmes, et l’espérance de rejoindre en ces Élysées supérieurs les devanciers illustres qu’on aura le plus aimés, Platon ou Montaigne. […] Aussi cette promenade sur la Dôle est-elle une merveilleuse figure de la destinée de M. […] Chacun, en se souvenant bien, chacun a eu de la sorte son Sinaï dans sa jeunesse, sa mystérieuse montagne où la destinée s’est comme offerte aux yeux, mieux éclairée seulement qu’elle ne le sera jamais depuis. […] Il cherchait à tirer des antécédents historiques, des conditions géographiques et de l’esprit religieux des peuples, la loi de leur mouvement et de leur destinée.
S’il en est ainsi pour les destinées communes, si la religion compense les jouissances qu’elle ôte, elle est d’une utilité souveraine dans les situations désespérées. […] Ces réflexions ne suffisent pas pour encourager de semblables institutions, mais on voit que, sous toutes les formes, l’ennemi de l’homme c’est la passion, et qu’elle seule fait la grande difficulté de la destinée humaine. […] Enfin, un homme avait vu toutes les prospérités de la terre se réunir sur sa tête, la destinée humaine semblait s’être agrandie pour lui, et avoir emprunté quelque chose des rêves de l’imagination ; roi de vingt-cinq millions d’hommes, tous leurs moyens de bonheur étaient réunis dans ses mains pour valoir à lui seul la jouissance de les dispenser de nouveau ; né dans cette éclatante situation, son âme s’était formée pour la félicité, et le hasard qui, depuis tant de siècles, avait pris en faveur de sa race un caractère d’immutabilité, n’offrait à sa pensée aucune chance de revers, n’avait pas même exercé sa réflexion sur la possibilité de la douleur ; étranger au sentiment du remord, puisque dans sa conscience il se croyait vertueux, il n’avait éprouvé que des impressions paisibles. Sa destinée, ni son caractère ne le préparant point à s’exposer aux coups du sort, il semblait que son âme devait succomber au premier trait du malheur.
Zeller, le tableau du caractère et de la destinée d’un peuple commence par la description précise du bassin géographique où il s’encadre, du climat sous lequel il habite et se développe. […] En observant, enfin, que la Grèce ouvre toutes ses vallées ou dirige presque tous ses promontoires vers l’Asie ou l’Afrique, on voit qu’elle est destinée à servir comme de lien et d’intermédiaire entre l’Orient et l’Occident, entre l’Asie et l’Europe. […] La géographie de l’Italie préside à son histoire et aux destinées romaines, comme la géographie de la Grèce a présidé aux destinées helléniques : « La Grèce et l’Italie, géographiquement, sont sœurs, mais elles ont leur physionomie particulière. […] C’est là le principe de sa grandeur, et ce qui la lit, avec le temps, la Ville par excellence, la ville éternelle, universelle : « Cette destinée grandiose ne s’accomplit point sans de longues et rudes luttes qui forment toute l’histoire intérieure de Rome, mais dont chaque crise l’accroît et la fortifie pour la conquête. […] Zeller, qui traite de l’histoire sans parti pris et sans passion exclusive, est loin de désespérer de Rome et de ses destinées à la chute de la République.
Quoique ses Ouvrages, qui consistent en des Romans, des Contes, des Traductions, & des Poésies, soient semés de traits d’imagination, d’esprit, 28 de facilité, ils sont allés grossir la masse des Livres destinés à l’oubli. La raison de cette disgrace est qu’ils ne s’élevent pas au dessus de la médiocrité, destinée, de tous les temps, à une mort prompte & sans éclat.
Le temps que la nature a donné aux enfans destinez à être de grands peintres, pour faire leur apprentissage, dure jusques à vingt-cinq ans. […] Si leur génie les pousse à la poësie, ils s’y livrent, et ils prennent un emploi, pour lequel ils n’avoient pas été destinez, mais dont leur éducation les a rendus capables. […] Telle fut la destinée du Correge, qui se trouva être un grand peintre avant que le monde eut entendu dire qu’il y avoit dans le bourg de Corregio un jeune homme d’une grande esperance, et qui montroit un talent nouveau dans son art.
Toute sa destinée ultérieure dut se dérouler sous cette majestueuse inauguration et à partir de cette colonne milliaire que surmontait une croix. […] Mais quoique la destinée de M. de Chateaubriand, depuis l’année où elle apparaît avec le siècle sur l’horizon, se manifeste, s’explique et resplendisse d’elle-même suffisamment, il y a bien des endroits inégaux, des transitions qui manquent, des effets dont les causes se doivent rechercher. […] C’est aux Mémoires qu’il appartenait de tout reprendre dans une unité plus vaste, et de représenter avec accord l’entière ordonnance de cette destinée. […] Noble vie, magnanime destinée, à coup sûr, que celle qui se trouve tout naturellement et comme forcément amenée à produire l’épopée de son siècle en se racontant elle-même, tant elle a été mêlée à tout, à la nature, aux catastrophes, aux hommes, tant son rôle extérieur a été grand, bien qu’elle ait gardé plus d’un mystère ! […] Il eut titre le Chevalier ; son frère, le comte de Combourg (car le père de M. de Chateaubriand avait racheté l’ancienne terre de Combourg du maréchal de Duras), était destiné à être conseiller au parlement de Rennes ; le chevalier devait entrer, suivant l’usage des cadets en Bretagne, dans la marine royale.
Il s’étonne lui-même de se voir jeté tout à coup par la tyrannie hors de l’existence obscure et paisible que le sort semblait lui avoir destinée. […] J’ai cru devoir observer les règles de notre théâtre, même dans un ouvrage destiné à faire connaître le théâtre allemand, et j’ai supprimé beaucoup de petits incidents de la nature de ceux dont j’ai parlé ci-dessus. […] Quel est celui qui, lorsqu’un grand intérêt l’anime, ne prête pas en tremblant l’oreille à ce qu’il croit la voix de la destinée ? […] Thécla est un être que son amour a élevé au-dessus de la nature commune, un être dont il est devenu toute l’existence, dont il a fixé toute la destinée. […] On n’aperçoit aucune disproportion entre leur destinée et la vigueur dont elles sont douées.
Il s’ensuit qu’il y a pour l’homme deux destinées. Une destinée sur la terre, qui commence à sa naissance et qui finit à sa dernière respiration, à sa petite place sur ce petit atome en mouvement qu’on appelle le globe, destinée toute correspondante à cette matière dont nos sens, empruntés pour quelques jours à la terre, sont formés. Il s’ensuit, avec la même certitude, qu’il y a pour l’homme immatériel, ou pour l’âme incorporelle de l’homme enfin délivrée de ses sens, une autre destinée, destinée immatérielle toute correspondante aussi à la nature intellectuelle et morale de cet être créé appelé homme ici-bas, et on ne sait de quel nom divin ailleurs. […] Il existe donc un monde invisible où l’homme, après avoir achevé sa destinée matérielle, poursuit sa destinée intellectuelle et morale. […] La France paraît destinée à hériter de l’Europe.
Un tel renoncement a bien ses amertumes secrètes ; mais la destinée de l’intelligence doit l’emporter, et si la poésie est souvent une expiation, le supplice est toujours sacré. […] Quelle que soit d’ailleurs la destinée de ce livre, qu’il mérite ou non le succès inespéré de mon premier recueil, il sera le dernier d’ici à quelques années. […] On se sent en présence d’une volonté puissante conforme à une destinée, ce qui est la marque du génie. […] Le recueil des Poèmes antiques et modernes et celui des Destinées forment l’œuvre spécial d’Alfred de Vigny. […] L’auteur d’Éloa, après de longues années de silence, nous a laissé le recueil posthume des Destinées.
Il faudrait savoir et se donner et se doubler en quelque sorte, élever son cœur en même temps qu’anéantir sa volonté propre, comprendre d’un seul coup d’œil toutes les destinées futures qui intervertissent l’ordre antérieur et s’y résigner en grandissant. […] L’empereur le destinait d’abord au service de mer. […] La Providence a accompli ses vœux et comblé sa destinée en le rendant témoin des grandes choses qu’il attendait, dont il était fier et auxquelles il a noblement assisté.
Heureux si les Français sont assez favorisés par la destinée, pour que le fil des progrès métaphysiques, des découvertes dans les sciences et des idées philosophiques ne se rompe pas encore entre leurs mains. […] Mais la destinée de Voltaire était le chef-d’œuvre de la société, des beaux-arts, de la civilisation monarchique : il devait craindre même de renverser ce qu’il attaquait. […] Celui qui écrit sans avoir agi ou sans vouloir agir sur la destinée des autres, n’empreint jamais son style ni ses idées du caractère ni de la puissance de la volonté. […] S’il plaide pour la victime devant l’assassin, pour la liberté devant les oppresseurs ; si les infortunés qu’il défend écoutent en tremblant le son de sa voix, pâlissent lorsqu’il hésite, perdent tout espoir si l’expression triomphante échappe à son esprit convaincu ; si les destinées de la patrie elle-même lui sont confiées, il doit essayer d’arracher les caractères égoïstes à leurs intérêts, à leurs terreurs, de faire naître dans ses auditeurs ce mouvement du sang, cette ivresse de la vertu qu’une certaine hauteur d’éloquence peut inspirer momentanément, même à des criminels.
Grotesque destinée après une si touchante destinée ! […] Les romans de Mme Craven ne sont point destinés à vivre, tandis que le Récit d’une sœur est destiné à ne pas périr… La vérité, qu’elle n’a pas faite, est plus puissante et plus durable que les pauvres fictions qu’elle a inventées… Mme Craven a trouvé presque la gloire sans la chercher, le jour où elle a rassemblé des souvenirs qui méritaient d’être immortels ; mais à présent qu’elle la cherche opiniâtrement et dans des voies où la vanité littéraire la promène, elle ne la trouvera plus.
Nul, dans le siècle et hors du siècle, parmi les saints et parmi les hommes, n’a eu jamais, je crois, de destinée d’une plus complète harmonie. […] Issu d’une famille profondément religieuse, qui l’avait destiné, dès son plus bas âge, au sacerdoce, il n’eut pas besoin pour aller à Dieu de passer, comme saint Colomban, par-dessus le corps de sa mère. […] encore une fois, on cherche l’obscurité du commencement inhérente à toute destinée, dans ces premières années de la vie de Bossuet, — racontées par son nouveau biographe avec le détail le plus circonstancié, et, j’ose dire, le plus épuisé maintenant, — on ne la trouve pas ! […] Destiné à un bonheur immuable, aux pompes triomphantes et joyeuses de Versailles et de Saint-Germain, Bossuet, cet homme à la vertu robuste, qui ne devait connaître ni nos passions ni nos douleurs, ce cœur vierge qui n’avait soif et convoitise que du salut des âmes, ce front pur à force de hauteur, cet œil d’aigle qui ne voyait que Dieu dans les choses humaines, s’accomplissait alors jusque dans le fond le plus intime de son génie.
Avertissement de la première édition imprimée en 1818 L’Essai que l’on présente au public était destiné à paraître sur la fin de l’année dernière, avant l’ouverture des Chambres. […] Qu’est-il besoin, en effet, de faire remarquer ce que tous les hommes qui pensent aperçoivent si bien, sans qu’il soit nécessaire de le leur montrer, la rapidité avec laquelle la société se précipite vers l’accomplissement de ses destinées, quelles qu’elles soient ?