Quel prisme à ma vue effacée Repeindra la couleur passée Où nageaient la terre et les cieux ? […] Était-ce la couleur de l’onde Quand son cristal profond et pur Réfléchit le dôme du monde ? […] Un soir, je lui trouvai de moins vives couleurs : Assise, elle rêvait : sa paupière abaissée Sous ses plis transparents dérobait quelques pleurs ; Son souris trahissait une triste pensée.
Il en est de même de l’ouverture de l’angle de la mâchoire chez les Marsupiaux, de la manière dont les ailes sont pliées chez les insectes, de la seule couleur chez quelques Algues, de la seule pubescence sur certaines parties de la fleur chez les plantes herbacées, et de la nature du vêtement épidermique, tel que les poils ou les plumes, chez les vertébrés. […] C’est pourquoi, d’après le grand agronome Marshall, les cornes sont d’une haute valeur pour classer les races bovines, parce qu’elles sont moins variables que la forme ou la couleur du corps, etc., tandis que chez les Moutons les cornes n’ont pas la même utilité, parce qu’elles sont moins constantes. […] Si l’on pouvait prouver que les Hottentots sont descendus des Nègres, je suppose qu’on les placerait dans le groupe Nègre, quelles que soient les différences de couleur, ou autres plus importantes, qui les distinguent.
Disons donc, pour résumer ce qui précède, que le passé paraît bien s’emmagasiner, comme nous l’avions prévu, sous ces deux formes extrêmes, d’un côté les mécanismes moteurs qui l’utilisent, de l’autre les images-souvenirs personnelles qui en dessinent tous les événements avec leur contour, leur couleur et leur place dans le temps. […] À notre sens, un appel est lancé à notre activité au moment précis où notre perception s’est décomposée automatiquement en mouvements d’imitation : une esquisse nous est alors fournie, dont nous recréons le détail et la couleur en y projetant des souvenirs plus ou moins lointains. […] Les sensations musculaires réellement et complètement éprouvées lui donnent la couleur et la vie.
L’odeur des prés m’attire et leurs vives couleurs, Car j’y trouve une enfant plus douce que les fleurs. […] Les couleurs sont poussées au noir. […] Comme il a ses rimes privilégiées, il a des couleurs favorites. Cette fois, c’est la couleur fauve qui rayonne du premier au dernier vers. […] Sur une pareille matière, il fallait répandre à flots la lumière, la couleur, la vie.
Des planches sur tasseaux fixés au mur, à la hauteur de sept pieds, servaient à recevoir les toiles et les boîtes à couleurs après le travail. […] Prends garde au bras et à la tête de ta figure, qui sont trop gros et mal dessinés… tu as le sentiment de la couleur, c’est bon ; ça va bien… Oh ! […] Voilà ce que c’est que d’aimer la musique allemande, tu préfères l’harmonie à la mélodie et tu fais de même en peinture : tu fais passer le dessin après la couleur. […] « Je me suis aperçu, mon cher ami, que j’avais commis une erreur dans l’envoi de vos couleurs. […] Là, Girodet laissait, près de son tableau sur chevalet, une boîte à couleurs ouverte, avec la palette chargée et l’appui-main tout préparés.
C’est ce qui se passe aussi chez le créateur d’un système d’idées ou d’une œuvre d’art qui forme en lui une tendance nouvelle, expression particulière d’un désir préexistant d’harmonie dans les croyances, ou d’une tendance à combiner des images, des sons, des lignes ou des couleurs. […] Ceci peut être généralisé, et comme il n’y a rien dans le monde extérieur qui paraisse ressembler à une sensation, à une couleur, à un son ou à une impression de contact, chaque perception nouvelle est en somme une invention de notre esprit faite exactement d’après le procédé que nous constations tout à l’heure. […] Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton, cette couleur de moisissure de l’existence des cloportes. […] Ça devait être, dans le même milieu et la même tonalité, une vieille fille dévote et chaste… Et puis j’ai compris que ce serait un personnage impossible36. » Faisons la part de l’exagération de Flaubert : il ne cherchait pas à rendre une couleur, mais le roman, tel qu’il le concevait vaguement, et l’ensemble de dispositions qu’il apportait à la recherche du sujet et à la composition de l’œuvre pouvaient se symboliser par une couleur pourpre ou gris sale37, et ce symbole une fois trouvé pouvait bien devenir une sorte de guide ou de moyen de contrôle dans l’exécution. […] Nous savons d’ailleurs (Voir Maxime Du Camp, Souvenirs littéraires), que l’histoire de Madame Bovary était en grande partie réelle et que d’autres raisons que le désir de rendre une couleur ont porté Flaubert à la choisir.
« Un gros homme, haut en couleurs. […] — pour ceux qui, au point de vue religieux trouvent autant de satisfaction aux rudes blasphèmes de Mme Ackermann qu’aux émouvantes effusions mystiques de Verlaine ; qui aiment toutes les couleurs pourvu que ces couleurs forment un beau tableau, cette évolution ne les intéresse qu’en ce qui concerne l’art. […] La couleur locale de l’Islam, le facile exotisme du burnous ? […] Combien ce passé était différent de ce que nous croyions nous rappeler, et que notre mémoire volontaire peignait, comme les mauvais peintres, avec des couleurs sans vérité ! […] C’est — comme la couleur chez les peintres — une qualité de la vision, la révélation de l’univers particulier que chacun de nous voit, et que ne voient pas les autres.
Villemain, dans un livre ingénieux et animé, non pas animé du seul intérêt littéraire, a esquissé en couleurs brillantes et flatteuses, et sous le rayon d’une jeunesse dont nous n’avons pas vu la fin, une grande dame moderne qui s’est aussi piquée de politique, la belle duchesse de Dino. […] Saint-Marc Girardin, lui aussi, à qui d’ordinaire ce mot de passion semble faire peur, ou qui du moins aime à se jouer en en parlant, a compris que c’était là ou jamais le cas de se déclarer, que c’était une passion par raison, tout pour le bon motif et pour l’ordre, pour l’étroite morale et la juste discipline : dans une suite de charmants articles il a pris rang à son tour parmi ceux qui occupent en propre un de ces beaux noms de femmes d’autrefois, qui s’en emparent et portent désormais couleurs et bannière de chevaliers. — Et vous donc qui parlez, me dira quelqu’un, où avez-vous planté votre drapeau ?
L’épisode de Nausicaa l’obsède visiblement ; il y revient malgré lui dans beaucoup de ses notes de voyage ; il rêve de reproduire cette idylle épique dans sa langue moderne et en appliquant aux mœurs bourgeoises de son pays allemand les chastes couleurs de la poésie homérique. […] « Comme le voyageur qui, le soir, fixant encore ses regards sur les derniers rayons du soleil, voit flotter son image dans un bosquet obscur, puis auprès d’un rocher, et, de quelque côté qu’il se tourne ensuite, croit toujours la voir courir devant lui et se reproduire en couleurs étincelantes, ainsi la suave image de la jeune fille se montre aux yeux d’Herman et paraît suivre le sentier qui s’en va à travers les champs de blé… Mais, ce n’est pas une illusion, c’est elle-même !
« Lady Stanhope portait un manteau de drap jaune foncé ; une tunique rayée, de couleur violette et blanche, descendait jusqu’à ses pieds ; de longues manches ouvertes laissaient apercevoir la blancheur de ses bras ; des babouches en cuir jaune s’élevaient jusqu’à la moitié de ses jambes ; un cachemire blanc couvrait entièrement sa tête, et un mouchoir peint de mille couleurs, ainsi qu’on les fabrique à Smyrne, entourait son visage : les deux bouts de ce mouchoir tombaient sur ses épaules.
On se livre à lui malgré soi ; il s’empare de vous ; on ne croit que la moitié de ce qu’il dit, l’autre moitié vous fait peur ou horreur ; on voudrait raisonner contre lui, on n’en a pas le temps, on va, on va, on va ; c’est ce qu’on appelle la verve, la couleur, le feu du génie, le délire de la langue, la folie du mouvement. […] voilà une grosse couleur, répondit l’évêque.
La mère portait une robe de soie noire, et les trois jeunes filles portaient de plus sur le cou un fichu de diverses couleurs, noué négligemment sous le menton et sur la poitrine. […] Toutes les femmes étaient réunies sur la place du hameau, c’est-à-dire sous le four banal, où les paysannes avaient fait cuire des châtaignes, des pommes de terre, et les courges dorées ; des pots de crème en terre rouge, et des raisins de différentes couleurs étaient épars autour de nous ; nos yeux étaient enivrés d’avance de ce frugal et délicieux repas.
Marie était évidemment la Béatrix de ce grand poëte : Au milieu du printemps entre les liz naquit Son corps qui de blancheur les liz mesmes vainquit, Et les roses, qui sont du sang d’Adonis teintes, Furent par sa couleur de leur vermeil dépeintes ; Amour de ses beaux traits lui composa les yeux, Et les Grâces, qui sont les trois filles des cieux, De leurs dons les plus beaux cette princesse ornèrent, Et pour mieux la servir les cieux abandonnèrent. […] Le poëte Byron, qui descendait de lui par les femmes, a peint avec des couleurs de famille son ancêtre dans son poëme sombre et romanesque du Pirate.
Dans le champ qu’il veut couvrir de ses couleurs, D’Aubigné trace sept compartiments : les Misères, composition générale qui rassemble sous les yeux toutes les iniquités et toutes les hontes ; les Princes, où les figures des rois persécuteurs, le féroce et le coquet ressortent avec une admirable énergie ; la Chambre Dorée, où la justice des magistrats étale ses horreurs ; les Feux, qui sont comme les annales du bûcher, le martyrologe de la Réforme depuis Jérôme de Prague et depuis les Albigeois ; les Fers, tableaux des guerres et des massacres ; les Vengeances, où apparaissent les jugements de Dieu sur les ennemis d’Israël et de l’Évangile, sur Achab et sur Néron, tout un passé sinistre qui répond de l’avenir ; enfin le Jugement, où le huguenot vaincu, déchu de toutes ses espérances terrestres, assigne les ennemis de sa foi, les bourreaux, les apostats, devant le tribunal de Dieu, à l’heure de la Résurrection. […] Son Francion (1622) est le premier de nos romans réalistes, où sont peints, en couleurs peu flatteuses, les bas-fonds de la société, et le monde vaniteux ou servile des gens de lettres ; et son Berger extravagant (1627) a été pour la mode des pastorales ce que les Précieuses ridicules ont été pour le romanesque et les pointes.
Le peintre ardent des Orientales, le magnifique et le puissant de la Légende des Siècles, qui faisait ruisseler la couleur par si larges touches, n’a plus maintenant, pour peindre ce qu’il voit ou ce qu’il veut montrer, qu’un hachis de hachures pointues… Voyez son pendu, dans ce premier volume de l’Homme qui rit, cette description qui dure le temps d’une dissertation, et qui n’est, après tout, qu’un cul-de-lampe extravasé, malgré sa visée d’être un tableau net et terrible ! […] deux mots puérils, et traînés partout, sur la veste blanche du roi et la couleur du fiacre qui le porta à l’échafaud.
Le docteur Boucher, curé de Saint-Benoît, et deux autres députés de sa couleur arrivèrent auprès du duc de Mayenne à Rethel, porteurs de cahiers et de demandes au nom de la faction ; ils accusaient sous main le duc de Mayenne de leur avoir retiré leurs moyens d’action et de pouvoir, « et publiquement ils blâmaient ceux qui l’assistaient, au nombre desquels je n’étais épargné, dit Villeroi, ni ledit sieur président Jeannin, qui eut de grandes paroles avec eux » En s’en prenant à Villeroi et à Jeannin, ils s’attaquaient, en effet, aux deux meilleures têtes du conseil de Mayenne, et, dans la personne de Jeannin, à la plus brave et à la plus courageuse.
L’art ne fait pas ici jouer les larmes sous toutes les couleurs du prisme : l’harmonie ne multiplie point les sanglots.