L’imagination a beau jeu, on le conçoit, pour grouper à sa fantaisie les nuages et les assembler en toutes sortes de figures monstrueuses ou grandioses à ces horizons les plus lointains de l’histoire. […] Il est vrai qu’à la fin la plupart attendent un Messie sous une tout autre forme que la véritable, et qu’ils ne le conçoivent que sous la figure d’un guerrier, d’un roi-pontife à la manière des Macchabées, et d’un libérateur terrestre.
Pour ses compatriotes mêmes de Léon et de Cornouailles, il écrivit des chansons dans le plus pur du dialecte local ; il conçut et il est en train de composer pour nous tous son poëme des Bretons. […] Voici comment en effet je conçois la marche du talent, et on la pourrait vérifier dans la plupart des écrivains de nos jours.
Cousin, dans l’esquisse pleine de feu qu’il a tracée dès femmes du xviie , leur a décerné hautement la préférence sur celles de l’âge suivant ; je le conçois : du moment qu’on fait intervenir la grandeur, le contraste des caractères, l’éclat des circonstances, il n’y a pas à hésiter. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers.
Si l’Être Tout-Puissant, qui a jeté l’homme sur cette terre, a voulu qu’il conçut l’idée d’une existence céleste, il a permis que dans quelques instants de sa jeunesse ; il put aimer avec passion, il put vivre dans un autre, il put compléter son être en l’unissant à l’objet qui lui était cher. […] Ce funeste trait de lumière frappe la raison avant d’avoir détaché le cœur ; poursuivi par l’ancienne opinion à laquelle il faut renoncer, on aime encore en mésestimant ; on se conduit comme si l’on espérait, en souffrant, comme s’il n’existait plus d’espérances ; on s’élance vers l’image qu’on s’était créée ; on s’adresse à ces mêmes traits qu’on avait regardés jadis comme l’emblème de la vertu, et l’on est repoussé par ce qui est bien plus cruel que la haine, par le défaut de toutes les émotions sensibles et profondes : on se demande, si l’on est d’une autre nature, si l’on est insensé dans ses mouvements ; on voudrait croire à sa propre folie, pour éviter de juger le cœur de ce qu’on aimait ; le passé même ne reste plus pour faire vivre de souvenirs : l’opinion qu’on est forcé de concevoir, se rejette sur les temps où l’on était déçu ; on se rappelle ce qui devait éclairer, alors le malheur s’étend sur toutes les époques de la vie, les regrets tiennent du remords, et la mélancolie, dernier espoir des malheureux, ne peut plus adoucir ces repentirs, qui vous agitent, qui vous dévorent, et vous font craindre la solitude sans vous rendre capable de distraction.
Il n’y a rien d’inconscient dans son génie ; il est tout clair, avisé, réfléchi ; et il faut qu’il ait nettement conçu et la qualité de son naturel et le caractère de son idéal pour les réaliser dans des œuvres parfaites. […] Mais le bonhomme avait son idée : il ne se voyait pas savant, mais poète et artiste, et derrière chaque vérité conçue par son esprit il sentait se lever toutes les émotions de son cœur, toutes les images de ses sensations.
On peut concevoir qu’il y a compréhension quand ce rapport atteint l’unité, incompréhension quand il est inférieur. […] Mais, par contre, nous appellerons obscur, malgré sa simplicité d’abord, tout ouvrage inassimilable, qui ne peut être « repensé », n’ayant pas été conçu avec logique, avec sûreté.
L’idée est une réalité affaiblie ; entre concevoir une sensation et la percevoir réellement, il n’y a qu’une différence de degré. […] Les sentiments d’hommes qui diffèrent tout à fait de nous par leur position, leur caractère, leurs occupations, ne peuvent être conçus que par un procédé constructif.
On conçoit que l’auteur ait voulu traiter à part ce souvenir unique, et ne pas le confondre avec la foule de ses réminiscences. […] Mais, après avoir parlé ainsi de Raphaël, M. de Lamartine n’a plus qu’une réponse à faire à ceux qui lui demanderaient si Raphaël ce n’est pas lui-même ; il devra répondre comme faisait Rousseau à ceux qui lui demandaient s’il avait voulu se peindre dans Saint-Preux : « Non, disait-il, Saint-Preux n’est pas ce que j’ai été, mais ce que j’aurais voulu être. » Le roman commence par une description des lieux, du lac et des montagnes qui vont être comme la décoration de cet amour : On ne peut bien comprendre un sentiment que dans les lieux où il fut conçu… Ôtez les falaises de Bretagne à René, les savanes du désert à Atala, les brumes de la Souabe à Werther, les vagues imbibées de soleil et les mornes suants de chaleur à Paul et Virginie, vous ne comprendrez ni Chateaubriand, ni Bernardin de Saint-Pierre, ni Goethe.
Chrétien sincère et passionné, il conçut une apologie, une défense de la religion par une méthode et par des raisons que nul n’avait encore trouvées, et qui devait porter la défaite au cœur même de l’incrédule. […] On le conçoit sans peine, même lorsqu’on n’en aurait pas la preuve d’après les originaux.
Il ne voyait pas dans les affaires les ennemis naturels des recherches littéraires et scientifiques telles qu’il les concevait, et il semblait qu’en changeant ainsi de sujet, il ne faisait que varier les applications d’un même esprit de méthode et de détail. […] Cette lettre, je le répète, est un assez joli et assez naturel échantillon du style élégant comme on le concevait dans les premières années du siècle, avant l’effort de régénération de la langue à ses vraies sources : mais entre cette élégance et celle de Louis XIV, on conviendra qu’il y a tout un monde.
Le seul fait littéraire qui, depuis la renaissance, puisse nous donner une idée de la manière dont se forment les traditions, le seul, en même temps, qui fasse concevoir ce que fut le cycle épique chez les anciens, ce sont les poèmes qui ont été destinés à célébrer la gloire de Charlemagne et de ses paladins. […] Ne disons donc point ou que tout est fini, ou que nous devons rentrer dans les voies de l’imitation classique, telle que nous l’avons conçue jusqu’à présent.
Sans le Christianisme, on conçoit très bien l’esprit de Fénelon. Sans le Christianisme, on ne peut même pas concevoir Sterne.
Je demande s’il est possible à un artiste moderne d’enfanter une œuvre vivante, alors que sa propre pensée est sans contact possible avec la pensée du monde présent, et s’il est possible à ce monde d’accepter une création d’art, conçue absolument en dehors de sa réalité. […] Je ne discute pas la sincérité d’une œuvre conçue en dehors de l’humanité présente ; la sincérité est ici en dehors de la discussion.
Au cours de mille ans, les tentatives de constituer un royaume d’Italie n’ont pas manqué ; j’en rappelle quelques-unes : les Lombards étaient à la veille du triomphe définitif, lorsque le Pape appela les Francs ; au xiiie siècle, Frédéric II eut certainement l’idée d’unifier l’Italie — il fut vaincu par Innocent IV ; Cola di Rienzi conçut une fédération italienne ; à l’époque de la Renaissance, plus d’un petit souverain, italien ou étranger, rêva d’être le « prince » invoqué par Machiavel ; les projets divers du Risorgimento sont bien connus… ; et toutes ces tentatives échouèrent par les intrigues du pape, devant les armées autrichiennes ou françaises. […] Dante appartient encore au lyrisme par l’œuvre de sa première jeunesse, la Vita nuova ; mais son génie est surtout épique ; avant l’exil déjà, il a conçu l’idée de la Divine Comédie.
Concevez une espèce vivante, par exemple, celle des bluets. […] Hégel trouve une méthode de construction, et conçoit une nouvelle idée de l’univers ; il applique cette méthode aux mathématiques, aux sciences physiques, à toutes les parties de l’histoire naturelle, à la psychologie, à l’histoire, à toutes les sciences morales, à toutes les sciences humaines, et meurt en contruisant.
Je ne conçois pas comment l’idée d’être le rival d’une chaudière n’éloigne pas Valmont par le mépris. " Mme De Tourvel n’est nullement représentée comme une dévote stupide, et Stendhal paraît ignorer que la formation d’une conscience religieuse est une cristallisation très complexe et très admirable. […] Une société sans le mariage bourgeois ne se conçoit guère que sur le papier, dans une salente arbitraire (j’en atteste le rêve même de M.
Le peintre, avant de manier le crayon, conçoit ses figures, étudie leurs attitudes. […] Né avec un sentiment vigoureux et prompt, il s’élancera avec rapidité, et par saillies, d’un objet à l’autre ; semblable à ces animaux agiles, qui, placés dans les Pyrénées ou dans les Alpes, et vivant sur la cime des montagnes, bondissent d’un rocher à l’autre, en sautant par-dessus les précipices : l’animal sage et tranquille, qui dans le vallon traîne ses pas et mesure lentement, mais sûrement, le terrain qui le porte, les observe de loin, et ne conçoit pas cette marche, qui pourtant est dans la nature comme la sienne ; mais que l’auteur prenne garde : tout a ses défauts et ses dangers.