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647. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Ainsi, le christianisme, et toute la poésie, et toute la sagesse, tiennent dans quelques mots virgiliens, comme un champ de roses dans un flacon, le bruit de l’océan dans un coquillage, ou le ciel dans une goutte d’eau. […] Vous avez devant vos yeux le ciel, la terre et tous les éléments. […] Pieux comme un ange, romanesque déjà, jusqu’à apprendre par coeur Théagène et Chariclée, très sensible à la beauté de la terre et du ciel : les sept Odes sur Port-Royal sont des paysages d’une forme puérile mais d’une émotion vraie. […] Il faut revenir à ce verset de l’Imitation de Jésus-Christ, qui semble traduit de Platon : « L’amour aspire à s’élever… Rien n’est plus doux ni plus fort que l’amour… Il n’est rien de meilleur au ciel et sur la terre, parce que l’amour est né de Dieu et qu’il ne peut se reposer qu’en Dieu, au dessus de toutes les créatures. » Et c’est là toute l’histoire de l’âme, longtemps inquiète, lentement pacifiée, de Jean Racine. […] Dans le chapitre de la Ville, il plaint les citadins qui « ignorent la nature, ses commencements, ses progrès, ses dons et ses largesses… Il n’y a si vil praticien qui, au fond de son étude sombre et enfumée… ne se préfère au laboureur qui jouit du ciel… » Tout ce que développeront un jour Rousseau, Bernardin, Chateaubriand et Sand n’est-il pas enclos dans ces deux brèves et charmantes pensées : « Il y a des lieux qu’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre  Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » L’auteur des Caractères était essentiellement de ces esprits ouverts, « vacants » et inquiets, révoltés contre le présent, ce qui donne une bonne posture dans l’avenir ; de ces âmes qui sentent beaucoup et pressentent plus encore, par un désir de rester en communion avec les hommes qui viendront, et par une sympathie anticipée pour les formes futures de la pensée et de la vie humaine.

648. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

À côté d’Hamlet, de Richard III, d’Othello, de Macbeth, traduits en ces six volumes, auxquels l’imagination et la curiosité vont d’abord et qui sont le plus beau bleu du ciel de Shakespeare, il s’y trouve des pièces de théâtre moins radieuses, qui suffiraient cependant à la gloire d’un homme qui ne serait pas Shakespeare, et avec les difficultés desquelles François Hugo s’est noblement colleté… Le mérite du traducteur, qui est un mérite volontaire, continu, modeste, courageux, une vertu encore plus qu’un talent, a été le sien, et pourquoi ne pas le dire ? […] Roméo, lui, avec son changement de passion, son mariage soudain, sa mort cruelle, a toutes les magnifiques violences de la jeunesse, tandis que l’amour de Juliette, aux mélancolies et aux tendresses de rossignol, unies à la volupté de la rose, commence dans la fraîcheur d’une matinée de printemps et meurt avec la langueur embrasée d’un ciel d’Italie !  […] Mais ce qui nous étonne bien plutôt et a le droit de nous étonner, c’est la ravissante comédie qui précède cette tragédie épouvantable, cette foudre qui tombe d’un ciel bleu ! […] Il fut un être moral quelconque, dont le degré de moralité est resté un secret entre lui et Dieu, un être dont nous n’avons vu passer que l’extrémité des passions ou des sentiments dans des traditions incertaines, mais ce fut à ciel ouvert un être de génie qui a déposé non pas le secret, mais la révélation de son génie en des œuvres splendides sur le compte desquelles il n’est pas permis de s’abuser. […] Ils ont vu en lui ce qu’on voit dans les nuages du ciel, les flots de la mer et le regard de la femme aimée : c’est-à-dire tout ce qu’on veut y voir.

649. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Le puritain passait lentement dans les rues, les yeux au ciel, les traits tirés, jaune et hagard, les cheveux ras, vêtu de brun ou de noir, sans ornements, ne s’habillant que pour se couvrir. […] sinon fléchir quand tout son ciel sur lui s’appuyait ? […] Lady Pliant, sorte de Belise anglaise, se croit aimée de Millefond, qui ne l’aime pas du tout et qui tâche en vain de la détromper : « Pour l’amour du ciel, madame ! […] ne nommez plus le ciel. […] comment pouvez-vous parler du ciel et avoir tant de perversité dans le cœur ?

650. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

La poésie est l’arithmétique de l’imagination, à ce que prétend un mien ami, un autre dit que c’est trop lui accorder, et soutient que ce que les poètes prennent pour un don du ciel et ont en joie, est une infirmité, une sécrétion maladive d’hémistiches qui se forment dans un cerveau décomposé et suintent plus ou moins péniblement. […] Voyez donc les arbres, les montagnes, le ciel et l’eau, là-bas, tout cela n’a-t-il pas l’air d’une peinture ?  […] Des effets d’Étoile du Soir permettent d’opposer des noirs à des jours qui vont en dégradation, aspects chéris des peintres ; — mais pourquoi les noyés vont-ils exclusivement au ciel, dans la composition qui représente Notre-Dame-de-Bon-Secours ? […] Ceci était un signe du ciel. […] « Il serait difficile de citer une classe de paysages où le ciel ne soit pas la clef, la note tonique, l’échelle, la principale expression du sentiment général de l’œuvre.

651. (1893) Alfred de Musset

Que le ciel les bénisse ! […] Il comprenait bien qu’aucun des deux n’en était plus là, mais il ne pouvait en prendre son parti, passait son temps à essayer d’escalader le ciel et à retomber dans la boue, et il en voulait alors à George Sand de sa chute. […] que l’air du ciel est pur ! […] Un soir, ils sont sur le balcon de Brigitte, contemplant les splendeurs de la nuit : « Elle était appuyée sur son coude, les yeux au ciel ; je m’étais penché à côté d’elle, et je la regardais rêver. […] Je me souvins d’un certain jour que j’avais regardé avec désespoir le vide immense de ce beau ciel ; ce souvenir me fit tressaillir ; tout était si plein maintenant !

652. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Aussi j’aime à dormir sans bandeaux et sans voiles, Loin de toute maison, aux clartés des étoiles, Sous l’azur infini de quelque ciel lointain. […] Tant que Pensée et Amour sont nos compagnons de route, quoi que puissent nos sens nous offrir ou nous refuser, le ciel intérieur de l’âme répandra les rosées de l’inspiration sur le plus humble chant.

653. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Ce n’est point en Beauce ou en Brie que le chevalier de la Manche fait ses prouesses ; il traverse les gorges de la Sierra ; il assiste, dans ses courtes heures de repos, à des récits divers et animés qui varient les scènes et qui transportent le lecteur jusque sous le ciel africain : autant de motifs ou d’ingénieux prétextes pour le crayon. […] Les blessures que le soldat porte sur le visage et sur la poitrine sont des étoiles qui guident les autres au ciel de l’honneur et au désir des nobles louanges3… » Cervantes garda toujours un cher souvenir de cette vie d’honneur et de misère qui est la vie du soldat, et à certain jour il l’a célébrée d’une façon toute noble et sérieuse par la bouche de son Don Quichotte.

654. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Les miracles, il commence par là ; naturellement et nécessairement il est tout entier croyant, et de toutes ses forces, au surnaturel et au divin dans les prodiges opérés ; mais il en distingue le caractère particulier et nouveau, qui est tout humain : « Ce ne sont point, dit-il, des signes dans le ciel, tels que les Juifs les demandaient : il les fait presque tous sur les hommes mêmes et pour guérir leurs infirmités. […] En nous supposant dociles, — plus dociles que nous ne l’avons été, — il nous a tenus par la main et nous a conduits où il voulait, au plus haut degré de l’autel d’où nous voyons désormais toute chose, le passé et l’avenir, la terre et le ciel.

655. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

L’imagination voit un ciel d’une pureté parfaite ; mais quand l’œil veut en faire l’épreuve en quelque sorte, on découvre par degrés dans toutes ses parties ces vapeurs plus ou moins épaisses qui affaiblissent et décolorent les plus beaux jours, et qui les décolorent précisément afin que l’œil puisse trouver quelque repos. […] « Ou enfin mettrai-je au-dessus de tout la douce température, le beau ciel, l’aspect de la mer immense, et y aura-t-il quelque chose de solennel dans la paix de mes derniers jours ?

656. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Il faut qu’un long travail éclaire notre esprit, Pour deviner l’orage en un ciel qui sourit ! […] Quand, aux portes du ciel par l’archange gardées, Ils se présenteront, oh !

657. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Né sous le ciel des tropiques, au sein d’une nature à part, dont il ne cessa de se ressouvenir avec amour, il ne semble jamais avoir songé à ce que le hasard heureux de cette condition pouvait lui procurer de traits singuliers et nouveaux dans la peinture de ses paysages, dans la décoration de ses scènes champêtres. […] Le temps me ramène à vos pieds ; J’ai revu le ciel de la France, Et tous mes maux sont oubliés.

658. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Il espère et désire, mais comme le chrétien espère ou désire le ciel, sans en faire le motif de sa dévotion. […] « L’amour est une grande chose, un grand bien, qui rend tout fardeau léger… L’amour pousse aux grandes actions, et excite à désirer toujours une perfection plus haute… Rien n’est plus doux que l’amour, rien n’est plus fort, ni plus liant, ni plus large, ni plus doux, ni plus plein, ni meilleur au ciel ni sur la terre… L’amour vole, court, il a la joie.

659. (1890) L’avenir de la science « XII »

… Non, elles vivent dans l’humanité ; elles ont servi à bâtir la grande Babel qui monte vers le ciel, et où chaque assise est un peuple. […] Et puis ma mère était à mes côtés ; il me semblait que la plus humble vie pouvait refléter le ciel grâce au pur amour et aux affections individuelles.

660. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

L’arbre, le lac, le ciel n’ont plus le soir le même aspect que le matin. […] Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment Et des astres sans nom que leur propre lumière Dévore incessamment.

661. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

…   Avoir le ciel entier pour soi ; n’être plus qu’un Et deux pourtant ; fondre mon être dans ton être ; Devenir azur, nuage, étoile, parfum, Loin des hommes, loin des demain, loin des peut-être ! […] Langhans) ; calendrier ; dates de la vie du maître ; le ciel germanique (W.

662. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Il nous le montre beau, à vingt ans, assis au bord d’une prairie, à côté de sa maîtresse endormie, et protégeant, comme l’ange, son sommeil : Le voilà, jeune et beau, sous le ciel de la France… Portant sur la nature un cœur plein d’espérance, Aimant, aimé tous, ouvert comme une fleur ; Si candide et si frais que l’Ange d’innocence Baiserait sur son front la beauté de son cœur. […] Quel sort peut-on prédire à cet enfant du ciel ?

663. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il lui faut des faits pour prouver ses assertions générales, le désir qu’ont les menuisiers de ne travailler que pour le théâtre, une fois qu’ils ont goûté de cette gloriole, pour montrer la séduction que celui-ci exerce sur tout ce qui l’approche ; des faits pour trait final à une analyse de caractère, ou à la notation d’un changement moral ; la mère des Zemganno appelée en justice, ne voulant témoigner qu’en plein air, pour montrer le farouche amour de la bohémienne pour le ciel libre ; pour représenter la modification produite en Chérie par sa puberté, décrire en détail la gaucherie et la timidité subite de ses gestes. […] Conduit par son réalisme à l’étude d’une basse prostituée, d’ailleurs rétive et passionnée, il n’a fait depuis que des créatures fantasques et charmantes, des clowns bohémiens, une actrice, une jeune fille jolie, coquette et gâtée, des êtres changeants comme un ciel de printemps, extrêmes, ondoyants, d’une nature atrocement difficile à décrire et à montrer.

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