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710. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Elles l’aident à marcher, mais elles perpétuent sa faiblesse, s’il les regarde comme des institutions divines et ne sait pas se résigner à en changer. Il ne faut pas qu’il les jette brusquement, mais qu’il apprenne, sinon à s’en passer, du moins à en accepter d’autres, plus légères, qu’il en change à mesure qu’il grandit. […] Il se borne trop à en changer le vernis et la couleur, et se flatte trop aisément d’être arrivé à la béquille idéale, à la béquille éternelle en méprisant les béquilles à la vieille mode qui ont jadis soutenu ses ancêtres.

711. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

La forme de cette systématisation change avec les individus et ne peut être déterminée d’avance, parce qu’on ne peut déterminer l’infinie variabilité de la cellule vivante, sous l’influence du milieu ; mais le poète, le romancier doit la deviner, c’est-à-dire deviner ce qu’il y a d’ineffable dans tout individu pris à part (omne individuum ineffabile), et, par là, il doit, dans la mesure du possible, créer 25. […] Chez un même peuple, d’une contrée à l’autre, l’esprit change notablement, et, malgré cela, cet esprit particulier à une contrée n’est pas toujours reconnaissable. […] Il emploie à changer le moins possible toutes les ressources de son intelligence. « C’est ainsi que la plupart des inventions primitives, celles de l’habillement, celles qui touchent à l’alimentation, ont eu pour but, par des modifications artificielles des circonstances ambiantes, de permettre à l’homme de conserver ses dispositions organiques, son aspect, ses habitudes, en dépit de certaines variations contraires naturelles des mêmes circonstances31. » Les hommes, en passant d’un climat chaud dans un climat froid, se sont couverts de fourrures, et non d’une toison comme certains animaux ; les tribus frugivores ont transporté avec elles le blé dans toute la zone de cette céréale ; l’homme primitif, en fuyant devant les gros carnivores, au lieu de développer des qualités extrêmes d’agilité et de ruse, comme tous les animaux désarmés, a inventé les armes.

712. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

te voilà assis bêtement à ta table, calme et froid comme un faiseur d’anatomie et tout prêt à disséquer je ne sais quoi qui va tomber sous ta main, et voici une bonne heure que je t’étudie, et rien n’est changé dans ton allure quotidienne ! […] Disant ces mots, je cédais ma plume et ma place, et vous n’auriez pas perdu à changer de maestro, mais Henri, dans un bel accès d’indignation : — Qui ? […] Vous lui faites jouer cette niaise comédie dans laquelle toutes choses sont bouleversées, où le valet devient le maître, où le maître devient le valet, pendant que de leur côté Marton et sa maîtresse changent également de robe, d’allure, de langage et d’amours.

713. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Ces documents, du reste, n’ont aucune importance réelle ; ils ne changent rien à ce qu’on sait et n’y ajoutent pas. […] … Il est vrai qu’il a des traits charmants, ce diable de cardinal : « Si le prieur des chartreux lui eût plu », dit-il, « elle eût été solitaire de bonne foi. — Son dévouement à la passion qu’on pouvait dire éternelle, quoiqu’elle changeât continuellement d’objets, n’empêchait pas qu’une mouche ne lui donnât des distractions !  […] Mais, lorsque Louis XIII eut cessé d’exister, Anne d’Autriche, sous l’influence de Mazarin qui continuait la politique du grand Cardinal son maître, changea tout à coup de visée, comprit la France et brisa avec ses amis, qui n’étaient pas ceux de la patrie.

714. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Qu’il est changé, grand Dieu ! […] Au milieu de ces erreurs et même de ces folies, ornées et passementées d’un talent devenu plus rare et plus souvent interrompu, il y a cependant moins d’erreur complète et compacte, moins d’erreur radicale, d’une seule pièce, que dans ce livre de l’Amour, où tout est faux, intégralement faux jusqu’à l’axe, puisqu’en vue du seul plaisir physiologique on y change la destination hiérarchique de la femme et on y bouleverse l’organisme de la famille, fait de main divine. […] Il s’échappe et ne se change pas.

715. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Il changera de climat, et ses yeux, exercés aux paysages de France et pénétrés par eux, sauront voir, avec la même justesse, la lumière de l’Orient et les brumes de l’île de Ré. […] Enfin, lorsque dans ces récits d’où la personnalité morale de l’auteur est presque absente, un peu d’émotion vient à se glisser, le ton change encore. […] Voyez-le, quand il veut exprimer le double caractère et comme la double personnalité d’un de ces Flamands qui avaient étudié en Italie, d’un de ces romanistes, comme on disait, qui allaient apprendre la peinture à Rome, à Florence, à Venise, et puis, de retour au pays natal, ressaisis par le génie si profond et si particulier de la race, finissaient par triompher de leurs maîtres latins, et par plier leur éducation méridionale aux rêves d’un idéal qui n’avait pas changé.

716. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Mais avec le naturalisme tout change. […] Peut-être autrefois encore la manie était excusable ; mais depuis quelques années les choses ont changé. […] Il n’a changé ni d’humeur, ni de tempérament en changeant d’état civil.

717. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Son hermaphrodisme croissant s’accusait par les métamorphoses d’un costume qui changeait lentement de sexe. […] Jamais une reine d’Espagne n’avait changé de Camarera-mayor. […] Souvent la politique d’un royaume est changée de fond en comble, et en quelques heures, par ces gnomes de ruelles et de cabinets. […] Tant qu’il dure, tant qu’il flamboie, l’Espagne ne change pas plus que la zone aride qui environne les volcans. […] Qu’y a-t-il de changé dans sa destinée ?

718. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Si j’y réussissais, j’aurais réussi à montrer, je crois, — comment un genre littéraire dépérit pour avoir voulu se développer dans un milieu qui n’était pas fait pour lui ; — comment, s’il ne meurt pas d’abord de cette expérience, il lui faut alors, pour continuer de vivre, échanger un à un ses caractères essentiels contre de nouveaux, plus appropriés, mieux adaptés, comme l’on dit, à ce milieu même ; — et comment enfin, quand la somme de ces caractères arrive à surpasser celle des anciens, le genre, ayant changé de nature, doit aussi changer de nom. […] Ici encore, la lacune est plus apparente que réelle, et la critique a pris le change ; — ou peut-être a-t-elle voulu nous le donner. […] Nous avons changé tout cela. […] « Le nez de Cléopâtre, s’il eut été plus court, toute la face de la terre aurait changé. » C’est elle dont nous nous efforçons vainement d’amoindrir le pouvoir en l’appelant des noms de fortune ou de hasard. […] Les termes du rapport ont changé désormais.

719. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Changez le théâtre et le sujet ; à des sectes religieuses, à des opinions de théologie, substituez des partis politiques et des questions de gouvernement ; les uns vous apprendront à démêler les autres. […] Est-ce donc un superstitieux de la monarchie absolue qui trace des préceptes de gouvernement tels que ceux-ci : « Il y a des lois fondamentales qu’on ne peut changer ; il est même très dangereux de changer sans nécessité celles qui ne le sont pas… Le prince n’est pas né pour lui-même, mais pour le public… Le vrai caractère du prince est de pourvoir aux besoins du peuple. […] Devenu archevêque, Fénelon changea de conduite. […] Le fond n’avait pas changé ; l’abbé de Fénelon n’était pas moins déclaré pour le pur amour que l’archevêque de Cambrai : c’était la même opiniâtreté dans l’attachement au sens propre : mais, tant qu’il avait eu à ménager sa fortune à venir, cette opiniâtreté s’était dissimulée à son insu, tantôt sous d’humbles doutes, tantôt sous la promesse sincère de se rendre aux premières raisons évidentes. […] L’opinion de Leibniz sur la querelle entre Bossuet et Fénelon est le jugement même de la postérité : il n’y a rien à y changer.

720. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Si, à un moment, l’effort apparaît, c’est un signe que l’attention change de nature, qu’elle devient volontaire, artificielle. […] Le rythme de la respiration change, il se ralentit et subit parfois un arrêt temporaire. « Acquérir le pouvoir d’attention, dit Lewes, c’est apprendre à faire alterner les ajustements mentaux avec les mouvements rythmiques de la respiration. […] Ou sent très clairement la différence quand on change rapidement la direction de l’attention de l’œil à l’oreille. […] L’attention spontanée, comme toutes les forces naturelles, peut s’amplifier jusqu’à l’extravagance, mais elle ne peut que se transformer ; au fond, elle ne change pas de nature : c’est comme un vent, léger d’abord qui devient tempête. […] Toujours la même conclusion s’impose : changez l’organisation, vous changez les tendances, vous changez la position du plaisir et de la peine ; ceux-ci ne sont donc que des phénomènes indicateurs, des signes que les besoins, quels qu’ils soient, sont satisfaits ou entravés.

721. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

La typographie plus ou moins soignée ne change rien à la valeur intrinsèque des mots, signes d’objets ou de pensées. […] Supprimez chez le dramaturge ce souci de réalisation immédiate, il perd sa véritable raison d’être : il n’a qu’à changer de métier. […] Pour changer le théâtre, il résolut avant tout de changer l’acteur. […] Rien de changé dans ma position. […] Dans quelle mesure elle peut en changer les rites ; il est encore trop tôt pour le dire.

722. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Elle est embarrassée d’incises et d’inversions… Écoutez-la au théâtre, tout change. […] Tout change si Dorine est une mère. […] C’est dénaturer un chef-d’œuvre que d’en changer le mouvement. […] Mais il nous a changé tout le mouvement de la scène. […] Elle change d’intonation aussi souvent qu’elle répète le même mot ; ces intonations sont toutes très fines et fort spirituelles.

723. (1888) Poètes et romanciers

Le ton y change à chaque instant. […] Il faut changer cela : il faut substituer le gymnase au couvent et vivifier au lieu de mortifier. […] On peut changer d’esprit, ajoute-t-il, on ne doit pas changer de cœur. […] On accable Béranger de ce glorieux souvenir, on a tort : les mœurs sont bien changées. […] Et puis, ses jugements seraient infailliblement cassés dans un pays comme le nôtre, où les admirations et les sympathies changent si vite, au gré des circonstances.

724. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Le rapport des parties est changé : ce qui était au premier plan passe au second, et réciproquement.

725. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Le sentiment du style est précisément le discernement délicat de l’élasticité des mots : il faut posséder, par un don naturel ou une patiente étude, le secret de cette sorte de manipulation chimique, qui, par la combinaison des mots, change la couleur, le parfum, le son, la nature même de chacun d’eux et peut obtenir un tout, homogène et simple en apparence, où les éléments associés n’ont souvent gardé aucune de leurs propriétés individuelles.

726. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

. — Plus ça change… plus c’est la même chose (1875). — L’Art d’être heureux (1876). — L’Art d’être malheureux (1876). — On demande un tyran (1876). — L’Esprit d’Alphonse Karr (1877)

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