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1496. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

N’ayant été nourri dans aucune religion monarchique, n’ayant pas, il est vrai, de religion politique contraire, je me borne à considérer la vie et le caractère de cette noble victime avec une attention respectueuse. […] Elle offre des aspérités, des disparates bizarres de caractère, et elle passerait volontiers d’un excès à l’autre, tantôt fière et hautaine, tantôt sensible et charmante. […] Et pour commencer, Madame de Provence : « La terrible épreuve de la première vue ne paraît pas lui avoir été défavorable du côté de M. de Provence : c’est l’essentiel ; il n’en est pas de même du côté de M. le Dauphin qui ne la trouve point bien du tout, et lui reproche d’avoir des moustaches : elle a de bien beaux yeux, mais avec des sourcils très épais et un front bas chargé d’une forêt de cheveux qui lui donnent un air dur dont elle n’a pas le caractère ; elle est au contraire douce et timide ; décidément M. de Provence en a l’air très épris. » Des curieux qui ont lu certaines lettres de Madame de Provence m’assurent qu’il y avait, à plus d’un égard, en cette princesse de quoi justifier ce premier signalement qui ne mentait pas autant que le croyait la Dauphine.

1497. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Dès aujourd’hui pourtant je puis indiquer le caractère d’une liaison dont elle-même a si bien parlé en ses Mémoires.  […] Consulté par elle sur les personnes et leur caractère, et me tenant un peu trop sans doute à mon propre point de vue, je lui conseillais de se faire des amis distingués, sérieux, et à force de m’écarter du genre camarade, je ne prenais pas garde que j’allais donner dans le doctrinaire. […] Je crois que dans l’un et l’autre cas ce serait altérer le caractère étourdi, mais probe et ferme, que je veux donner à ma princesse.

1498. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Béranger restait aussi tout à fait en dehors ; mais il le pouvait, grâce à la maturité originale de son génie, au caractère expressément politique de sa mission, à la spécialité unique de son genre. […] Son talent d’observation et son génie de peintre y triomphent dans le choc violent des événements et l’originalité des caractères. […] C’est assurément l’artiste le moins chrétien d’aujourd’hui, celui dont le caractère individuel est le plus purgé de toutes réminiscences doctrinales et sentimentales du passé. » — M.

1499. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Il est très-permis alors de pénétrer dans les coulisses de cette scène où l’acteur tout le premier vous a introduit, et de lire, s’il se peut, avec l’impartialité du moraliste, sous le masque, de tout temps très-mal attaché, de celui que la popularité proclama un grand citoyen, et qui fut seulement un esprit supérieur et fin, uni à un caractère faible et à une sensibilité maladive. […] N’ai-je pas cité le passage d’Adolphe où il nous peint le caractère de son père, si contraire à toute confiance et ne permettant aucune ouverture à l’affection ? […] Ces propos piquants et familiers de Benjamin Constant sont aussi inséparables de l’esprit et du caractère de l’homme que le peuvent être, par exemple, les mots de M.Royer-Collard dans un sens si différent.

1500. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs. […] Mlle de Liron, toute campagnarde qu’elle est, a un esprit mûr et cultivé, un caractère ferme et prudent, un cœur qui a passé par les épreuves : elle a souffert et elle a réfléchi. […] Si vous ne la reconnaissiez pas en la rencontrant dans la rue, ce serait votre faute. » Ainsi tout ce que Mlle de Liron a de brillant par la blancheur, Cécile l’a par le rembruni ; ce que l’une a de commun avec les femmes du Cantal, l’autre l’a avec les jolis enfants de Savoie ; le cou visiblement épaissi de Cécile est un dernier caractère de réalité, comme d’être un peu grasse ajoute un trait distinctif à Mlle de Liron.

1501. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Nos artistes ne décrivent plus, comme on l’a fait, la campagne ni le paysan en général, mais des paysans et des pays particuliers, souvent très différents les uns des autres, et avec leur caractère, leur esprit, leurs mœurs, leurs usages. […] Et, par exemple, il y a des livres qui sont d’un artiste incomplet, où il serait facile de signaler des fautes et des lacunes, et qui plaisent néanmoins par la sincérité avec laquelle ils laissent transparaître l’homme qui les a composés, son caractère, son tour d’esprit, ses habitudes, sa condition sociale. […] Son héroïsme de la fin garde ce même caractère : c’est sa forêt qu’il défend contre l’étranger.

1502. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

J’insinuai que l’ahurissante stupidité des fabricants ordinaires était sans doute la cause de son indifférence « Non, mon ami, me répondit-il ; n’accusez point l’impuissance de ces dégénérés ; s’ils savaient porter à la scène une intrigue adroite ou des caractères ingénieux, ils ne me feraient pas davantage sourire par quelle nouveauté pourrait bien encore m’amuser une intrigue, “depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent” à bâtir des scénarios ? […] Les “caractères” me glacent plus encore ; aussi bien savons-nous qu’il en existe si peu en deçà de la rampe… Des petites choses drôles du dialogue, des “mots” salés ou poivrés, le cœur me lève rien que d’en parler… Si j’ai paru m’intéresser à la pantomime, c’est exclusivement parce qu’elle me graciait des “paroles”. […] Ceci est un trait notable du caractère parisien curieux, gouailleur et naïf ; c’est peut-être quelque reste atavique d’une inclination, jadis normale, aux temps de vie plus chatoyante ; c’est surtout badauderie.

1503. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Ainsi, je suis persuadé que les naturalistes tireraient de grandes lumières, pour le problème si philosophique de la classification et de la réalité des espèces, de l’étude de la méthode des linguistes et des caractères naturels qui leur servent à former les familles et les groupes, d’après la dégradation insensible des procédés grammaticaux. […] Une telle œuvre ne sera possible que quand huit ou dix existences d’hommes laborieux et du caractère le plus spécial auront publié, traduit ou analysé tous les auteurs arabes dont nous avons les textes ou les traductions rabbiniques. […] J’imagine néanmoins qu’on ne sortira de ce labyrinthe du travail individuel et isolé que par une grande organisation scientifique, où tout sera fait sans épargne comme sans déperdition de forces, et avec un caractère tellement définitif qu’on puisse accepter de confiance les résultats obtenus.

1504. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Le caractère de l’homme qui confesse redouble l’indécence de la confession. […] Elles pèchent plutôt par précocité d’intelligence et de caractère. […] L’amour le plus fort doublé du caractère le plus énergique suffirait à peine à porter le poids d’une femme déchue aggravé par un enfant, témoin vivant de sa faute.

1505. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Unique en son genre, il rassemble tout ce qui fait aimer et respecter ; la probité, la droiture, l’équité, composent son caractère. […] Le fidèle d’Argental, nommé légataire universel, ne crut pas compromettre son caractère de magistrat en acceptant cette mission de confiance, et il s’honora par là dans l’opinion. […] Ces simples mots résument le caractère de Mlle Le Couvreur.

1506. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

À propos d’une de ces querelles d’étiquette et de prérogative que Saint-Simon souleva, Louis XIV ne put s’empêcher de remarquer « que c’était une chose étrange que, depuis qu’il avait quitté le service, M. de Saint-Simon ne songeât qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde », Saint-Simon était possédé sans doute de cette manie de classer les rangs, mais, surtout et avant tout, de la passion d’observer, de creuser les caractères, de lire sur les physionomies, de démêler le vrai et le faux des intrigues et des divers manèges, et de coucher tout cela par écrit, dans un style vif, ardent, inventé, d’un incroyable jet, et d’un relief que jamais la langue n’avait atteint jusque-là. […] Un écrivain et un confrère que j’honore infiniment pour son esprit sérieux et élevé comme son caractère, M. de Noailles, dans son Histoire de Mme de Maintenon (t.  […] À le voir les décrire avec des expressions si particulières et si précises, on dirait d’un Hippocrate au chevet d’un mourant, qui étudie chaque symptôme, chaque crispation de la face, et qui lui assigne son caractère avec l’autorité d’un maître.

1507. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

La façon dont le cardinal de Retz parle de lui-même, la franchise avec laquelle il découvre son caractère, avoue ses fautes, et nous instruit du mauvais succès qu’ont eu ses démarches imprudentes, n’encouragera personne à l’imiter. […] Il était de ceux en qui l’humeur domine le caractère ; l’amour de son plaisir, le libertinage, l’intrigue pour l’intrigue, le goût des déguisements et des mascarades, un peu trop de Figaro, si je puis dire, gâtaient le sérieux et rompaient dans la pratique la suite des desseins que son beau et impétueux génie était d’ailleurs si capable de concevoir. […] Des deux parts, le caractère et le langage sont observés.

1508. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Et d’ailleurs, si Mme de Motteville, se tenant à son rôle de femme, ne disant que ce qu’elle a appris par elle-même ou de bonne source, n’essaye pas de pénétrer les secrets du cabinet (dont elle devine pourtant très bien quelques-uns), elle nous peint au naturel l’esprit général des situations et le caractère moral des personnages : c’est ce côté durable que le temps a dégagé en elle, et qui la place désormais à un rang si distingué et si bien établi. […] Dans de très belles pages sur le caractère, les artifices et les talents du cardinal Mazarin, elle le représente, pendant un séjour qu’il fait à Paris (mai 1647), s’enfermant pour le travail et faisant attendre les plus grands du royaume dans son antichambre, sans qu’ils puissent pénétrer jusqu’à lui. […] Ses Mémoires deviennent plus sérieux et prennent un caractère historique plus élevé à mesure qu’on avance dans le mouvement des agitations civiles et dans les troubles de la Fronde.

1509. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

C’est une réflexion que j’ai souvent faite avec les autres ministres du roi ; et, quoique mon caractère soit malheureusement inquiet, quoique toute ma vie j’aie porté mes regards en arrière pour me juger encore dans les choses passées, quoique mon esprit se soit ainsi chargé de toute la partie des remords dont ma conscience n’eut jamais que faire, néanmoins, et à mon propre étonnement, je cherche en vain à me faire un reproche. […] Necker, de la manière la plus claire et la plus positive sur les avantages et les désavantages de mon caractère ; et, lors d’une conférence qui se tint dans le cabinet de Sa Majesté vers l’époque de la convocation des États généraux, et où les principaux ministres assistèrent, je me souviens d’avoir été conduit, par le mouvement de la discussion, à dire devant le roi qu’aussi longtemps qu’un esprit sage, un caractère honnête, une âme élevée pourraient influer sur l’opinion, je serais peut-être un ministre aussi propre à servir l’État que personne ; mais que, si jamais le cours des événements exigeait un Mazarin ou un Richelieu, ce furent mes propres expressions, dès ce moment-là je ne conviendrais plus aux affaires publiques.

1510. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

C’est là évidemment une théorie très-superficielle et qui efface tous les caractères principaux des faits qu’il s’agit d’expliquer. […] A la vérité, parmi les passions, il en est une surtout que l’on a rendue responsable de toutes les erreurs et qui n’est pas inconciliable avec la noblesse du caractère : c’est l’orgueil. […] Rien de plus simple, pour peu qu’on ait l’esprit droit, le caractère bien fait et une solide éducation philosophique, que de reconnaître la vérité partout où elle se présente, que de rendre justice successivement à Descartes et à Locke, à Spinoza et à Kant.

1511. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

A d’autres, l’admission loyale des éléments extérieurs paraît pratiquement impossible. « Vous ne ferez jamais que des éléments hétérogènes se combinent, nous disent-ils ; il ne faut attendre aucune fécondité du contact de races ou d’individus tout à fait divergents. » Mais les races les plus distantes l’une de l’autre par leur histoire, leur passé, leur situation, leurs mœurs n’ont-elles pas un caractère commun, qui les relie malgré tout, celui d’humanité ? […] C’est alors que les caractères communs de l’espèce apparaissent clairement au-dessus de ses différences de races, de groupes, de peuples et d’individus. […] Si quelqu’un pris au hasard, considère une nation, il ne voit que les caractères à peu près communs à tous les-individus qui la composent, les ressemblances entre les membres du groupe ; mais il ne tiendra pas compte des divergences, qui existent nombreuses et profondes.

1512. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

« Le caractère de plusieurs généraux, a dit Napoléon, avait été détrempé par les événements de 18H ; ils avaient perdu quelque chose de cette audace, de cette résolution et de cette confiance qui leur avaient valu tant de gloire et avaient tant contribué aux succès des campagnes passées. » À tous ces éléments humains de fatalité s’ajouta, la veille du dernier jour, un orage du ciel, un obstacle matériel considérable et imprévu. […] Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser.

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