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783. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

C’est une grave erreur ; car un livre peut nous irriter par son bavardage, et en même temps nous empêcher de le fermer, parce qu’il est intéressant et qu’entre deux bavardages on peut s’attendre à quelque chose de très fin qu’il serait fâcheux d’avoir perdu.

784. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Qu’attendre de ses adversaires, si les critiques amis méconnaissent à ce point votre pensée ?

785. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Sîfrit attendit avec impatience que les chants eussent cessé. […] Les hommes de Sîfrit les attendaient devant le palais. […] Mon père et mes guerriers vont m’attendre longtemps ! […] « Ils attendirent jusqu’à la nuit et repassèrent le Rhin. […] C’est avec peine que j’attends encore. » Ainsi parlait la femme d’Etzel.

786. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Lockroy arrive au milieu du dîner, en s’excusant sur ce qu’il a attendu son successeur, au ministère, pour lui remettre son tablier, et qu’il s’est présenté un premier successeur qui a été suivi d’un autre, qui n’était pas encore le vrai successeur, et qu’enfin il s’est décidé à ne pas attendre un troisième. […] J’attends la chère femme chez elle jusqu’à sept heures, pour lui serrer la main. […] Mercredi 20 mars Une presse moins exécrable que je ne l’attendais ; toutefois une allusion perfide de Vitu, dans Le Figaro, au sujet de la retraite de la princesse, qui souffrante, a quitté le théâtre avant la fin. […] Vendredi 12 avril Ce soir, je brûle les cheveux blancs de ma mère, des cheveux blonds de ma petite sœur Lili, des cheveux d’un blond d’ange… Oui, il faut songer à la profanation qui attend les reliques de cœur, laissées derrière eux par les célibataires. […] Aujourd’hui je prononce le nom d’Octave Mirbeau devant ma cousine, qui me dit : « Mais Mirbeau… attendez, c’est le fils du médecin de Remalard, de l’endroit où nous avons notre propriété… eh bien, je lui ai donné deux ou trois fois des coups de fouet à travers la tête… Ah !

787. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Peut-être eût-il mieux valu en attendre la fin, pour en écrire le commencement. […] Si l’on attendait qu’on fût en mesure de contenter les autres et soi-même, on ne ferait ou l’on ne publierait jamais rien. […] Attendons en ce coin l’heure qui les sépare. […] Je m’y rendrai sur l’heure, et vais l’attendre. […] Descends, céleste acteur ; tu m’attends, tu m’appelles Attends, mon zèle ardent me fournira des ailes ; Du Dieu qui t’a commis dépars-moi les bontés.

788. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Nous ne vous attendions plus. […] Viviane n’attendit pas la réponse. […] Un protecteur généreux, Guido da Polenta, l’y attendait. […] Elle attendait qu’on lui fît quelque observation, mais on garda le silence. […] Un trône est resté vide, et semble attendre un grand élu.

789. (1888) Études sur le XIXe siècle

Jupiter lui a défendu d’exaucer ces prières, sauf dans un très petit nombre de cas, attendu que la béatitude inénarrable d’une telle rencontre se rapproche trop complètement de la félicité réservée aux dieux. […] On l’attendait depuis longtemps : il ne décevra personne. […] Aci-Trezza est un amas de masures habitées par des pêcheurs à peau noire, qui n’attendent leur pain que de la mer avec laquelle ils sont toujours en guerre. […] Ces bizarreries l’étonnent un peu, mais point outre mesure : dans un pays qui a été fait par les hommes plus que par la nature, il faut s’attendre à tout. […] De temps en temps, d’année en année, ils échangent encore une lettre : Cavour l’engage à chercher le bonheur ; elle répond sur le ton douloureusement résigné de quelqu’un qui n’attend plus rien de la vie.

790. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Peut-être dans quatre ou cinq ans, quand nous publierons ce dictionnaire que l’Europe attend avec une respectueuse impatience. […] En attendant, et je crois que j’attendrai long temps, recevez l’assurance des sentiments les plus distingués, etc., etc. […] Comme depuis cent cinquante ans nous attendons en vain un génie égal à Racine, nous demandons à un public qui aime à voir courir dans l’arène de souffrir qu’on y paraisse sans chaînes pesantes. […] Cette vénération savait cependant qu’il y avait une littérature ancienne, elle attendait des jouissances des pièces de Racine et de Voltaire. […] Attendre qu’il soit usé ?

791. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

J’étais au moment, sans attendre la décision de la Chambre sur la censure, de la donner à Antoine. […] Après quoi, un garçon lui donnait le bras, et le conduisait, en le soutenant, au fiacre qui l’attendait à la porte. […] Toujours la croyance d’être salé. — Abattement ou irritation. — Se croit en butte à des persécutions de médecins, qui l’attendent dans le corridor, pour lui seringuer de la morphine, dont les gouttelettes lui font des trous dans le cerveau. — Obstination chez lui de l’idée qu’on le vole, que son domestique lui a soustrait six mille francs : six mille francs qui, au bout de quelques jours, se changent en soixante mille francs. […] Et elle ajoute qu’elle n’est pas attirée par le livre, mais bien par le théâtre, déclarant, du haut d’une vue assez profonde de l’époque, que dans ce moment, où tout se précipite, il est besoin du succès immédiat, qu’il n’y a pas pour les gens de l’heure présente, à attendre les revanches, que des oseurs, comme mon frère et moi, ont obtenues, que du reste, elle trouve, que le théâtre est un meilleur metteur en scène de la passion que le livre. […] que des confrères placent dans la famille des Gautier, des Saint-Victor, et qui, mort ou vivant, le jour, où il n’occupera plus le rez-de-chaussée du Temps, peut s’attendre à être traité de bas scribe, et de pauvre plumitif dramatique.

792. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Quand on est poëte, quand la lumière se joue dans l’atmosphère sereine de l’esprit ou en colore à son gré les transparentes vapeurs, il n’est que mieux d’attendre pour peindre, de laisser la distance se faire, les rayons et les ombres s’incliner, les horizons se dorer et s’amollir. […] Il n’était pas tel que nous le voyons aujourd’hui lorsqu’à pas lents, un peu voûté et comme affaissé, il s’achemine tous les jours régulièrement par les quais jusque chez Crozet et Techener, ou devers l’Académie les jours de séance, afin que cela l’amuse, comme dirait La Fontaine. « Vous l’avez rencontré cent fois, vous l’avez coudoyé, dit un spirituel critique, qui en cette occasion est peintre168, et sans savoir pourquoi vous avez remarqué sa figure anguleuse et grave, son pas incertain et aventureux, son œil vif et las, sa démarche fantasque et pensive. » Prenez garde pourtant, attendez : il y a de la vigueur encore sommeillante sous cette immense lassitude, il survient de singuliers réveils dans cette langueur. […] méfiez-vous, attendez ! […] « Sans attendre des hommes et de vous ni égards ni pitié, je vous apporte ma liberté.

793. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Le consulat n’était qu’un degré provisoire qui laissait attendre ou une anarchie en redescendant, ou une monarchie en montant ; s’arrêter au milieu de ce degré ce n’était pas fonder, c’était attendre. […] « L’empereur François partit donc pour Nasiedlowitz, village situé à moitié chemin du château d’Austerlitz, et là, près du moulin de Paleny, entre Nasiedlowitz et Urschitz, au milieu des avant-postes français et autrichiens, il trouva Napoléon qui l’attendait devant un feu de bivouac allumé par ses soldats. […] L’entretien se porta ensuite sur l’ensemble de la situation, Napoléon soutenant qu’il avait été entraîné à la guerre malgré lui, dans le moment où il s’y attendait le moins et lorsqu’il était exclusivement occupé de l’Angleterre ; l’empereur d’Autriche affirmant qu’il n’avait été amené à prendre les armes que par les projets de la France à l’égard de l’Italie.

794. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Puis, sans attendre ma réponse, elle ajouta : Allez chez moi m’attendre ; dites qu’on vous donne à déjeuner ; après la messe, j’irai causer avec vous…… Elle avait vingt-huit ans. […] Rousseau attendait au chevet du lit de Thérèse le fruit de ses entrailles, et porta lui-même quatre ou cinq ans de suite, dans les plis de son manteau, à l’hôpital des orphelins abandonnés, les enfants de Thérèse, arrachés sans pitié aux bras, au sein, aux larmes de la mère, et, par un raffinement de prudence, le père enlevait à ces orphelins toute marque de reconnaissance, pour que son crime fût irréparable et pour qu’on ne pût jamais lui rapporter cette charge onéreuse de la paternité ! […] Il s’en allait un moment, rentrait sans obstacle et attendait tranquillement dans la ville et dans le palais du prince de Conti la fin de ces persécutions peu sérieuses.

795. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Le poète refuse, il sera dès lors persécuté ; sa maison sera démolie ; il n’a plus qu’à se taire et à Napoléon, qui lui demande pourquoi il ne fait plus rien, il répond par ce mot hardi : « Sire, j’attends. » Il y a mieux encore. […] L’occasion ne se fait pas trop attendre. […] Zola, qui ne s’attendait pas à être un jour au plus fort de la mêlée sociale, a lancé jadis des invectives amères contre cette gêneuse, contre cette concurrente tapageuse et sans scrupule. […] La République, instaurée pour la troisième fois, attend encore des mœurs et des lois républicaines qui justifient l’étiquette mise sur un ensemble incohérent d’institutions et de traditions rappelant la France féodale ou monarchique de jadis.

796. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

N’attends de mes décrets ni faveurs, ni caprices. […] Le condor, après avoir attendu la venue de la nuit du haut d’un pic des Cordillères, Baigné d’une lueur qui saigne sur la neige, râle de plaisir quand arrive enfin cette mer de ténèbres qui le couvre en entier ; il « agite sa plume », s’enlève en fouettant la neige, monte où le vent n’atteint pas : Et, loin du globe noir, loin de l’astre vivant, Il dort dans l’air glacé, les ailes toutes grandes. […] Comme le Qaïn de Leconte de Lisle, ce Prométhée attend son vengeur, qui sera encore la science : l’homme, devenu savant, cessera de trembler devant Dieu : Las de le trouver sourd, il croira le ciel vide. […] La raison ne cesse pas d’avoir raison parce qu’elle a attendu l’homme pour prendre conscience d’elle-même.

797. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

XXVIII « Je lisais dans mon lit, le coude appuyé sur l’oreiller, dans cette voluptueuse nonchalance de corps et d’esprit d’un homme indifférent aux bruits d’une maison étrangère, qu’aucun souci n’attend au réveil, et qui peut user les heures de la matinée sans les compter sous le marteau de l’horloge lointaine qui les sonne aux laboureurs. […] « J’éprouvais bien un certain remords, une certaine hésitation à trancher du coup une telle vie, une telle joie, une telle innocence dans un être qui ne m’avait jamais fait de mal, qui savourait la même lumière, la même rosée, la même volupté matinale que moi, être créé par la même Providence, doué peut-être à un degré différent de la même sensibilité et de la même pensée que moi-même, enlacé peut-être des mêmes liens d’affection et de parenté que moi dans sa forêt ; cherchant son frère, attendu par sa mère, espéré par sa compagne, bramé par ses petits. […] Que vont devenir ma mère, mes frères, ma compagne, mes petits qui m’attendent dans le fourré, et qui ne reverront que ces touffes de mon poil disséminé par le coup de feu, et ces gouttes de sang sur la bruyère ? […] J’attendis que le vieux berger qui ramène les moutons à l’étable pendant les heures brûlantes repassât avec son troupeau sur la lisière du bois, pour lui faire emporter le chevreuil à la maison.

798. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes. […] On ne s’attendrait pas à voir Marivaux faisant la réprimande à Montesquieu, et la faisant sur un chapitre sérieux dans lequel il a pour lui convenance et raison : Je juge, disait-il donc à propos des Lettres persanes, que l’auteur est un homme de beaucoup d’esprit ; mais, entre les sujets hardis qu’il se choisit et sur lesquels il me paraît le plus briller, le sujet qui réussit le mieux à l’ingénieuse vivacité de ses idées, c’est celui de la religion et des choses qui ont rapport à elle.

799. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Les archiducs, sincèrement désireux de la paix, promettaient, s’engageaient, mais les ratifications qu’on faisait signer à Madrid en revenaient toujours autres qu’on ne l’avait attendu, et dans des formes suspectes qui mécontentaient des républicains à bon droit ombrageux. […] Lorsque Henri IV eut rendu aux Provinces-Unies tous les services qu’on pouvait attendre du meilleur et du plus sûr allié et ami, il jugea à propos que le président Jeannin fît, avant son départ, une recommandation de charité et de justice en faveur des catholiques du pays, ainsi molestés et opprimés : Je dois cela, disait notablement Henri IV, à la religion de laquelle je fais profession, et à la charité qui doit accompagner un roi très-chrétien, tel que Dieu m’a constitué.

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