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621. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Lépicié veut placer ces trois tableaux en enseigne à sa porte, je lui garantis la pratique de tous ces gens qui chantent dans les rues, montés sur des escabeaux, la baguette à la main, à côté d’une longue pancarte attachée à un grand bâton, et montrant comment le diable lui apparut pendant la nuit, comment il se leva et s’en alla dans la chambre de sa femme qui dormait.

622. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Renan nous apparaît, dès sa première lettre à sa sœur, — et avant même que M. 

623. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Taine a très bien senti l’insuffisance, le verbalisme où aboutissent tant d’efforts, tant d’enthousiasmes dépensés et tant de sang versé ; mais si le but qu’on déclarait viser n’a pas été atteint, si, dans l’entreprise révolutionnaire, il y a des puérilités, de l’agitation et du vide, une grandeur pourtant y apparaît : certaines dépenses d’énergie, fussent-elles infécondes, contribuent à manifester les hommes ; elles accroissent sinon le bien-être, du moins la beauté et puis aussi la dignité de notre espèce.

624. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ces chants ou ces éloges étaient la principale ambition de ces peuples ; c’était un malheur de mourir sans les avoir obtenus, et l’on croyait qu’alors ces ombres guerrières apparaissaient aux yeux du barde pour solliciter ses chants, ou qu’il était averti par le bruit de sa harpe, qui retentissait seule et à travers le silence de la nuit.

625. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Ainsi les faits nous apparaissent tellement séparés de leurs causes, que Bodin, jurisconsulte et politique également distingué, montre tous les caractères de l’aristocratie dans les faits que les historiens rapportent à la prétendue démocratie des premiers siècles de la république. — Que l’on demande à tous ceux qui ont écrit sur l’histoire du Droit romain, pourquoi la jurisprudence antique, dont la base est la loi des douze tables, s’y conforme rigoureusement ; pourquoi la jurisprudence moyenne, celle que réglaient les édits des préteurs, commence à s’adoucir, en continuant toutefois de respecter le même code ; pourquoi enfin la jurisprudence nouvelle, sans égard pour cette loi, eut le courage de ne plus consulter que l’équité naturelle ?

626. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Dès la première page je lis ce mot, qui révèle tout le caractère du peintre : « Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. » La lettre quatrième, écrite au moment du départ, m’apparaît, dans sa sensibilité discrète, comme toute mouillée de pleurs : « Adieu, amis plus chers que les trésors de l’Inde ! […] Candide, si on a le malheur de l’avoir lu, ou le poëme sur le Désastre de Lisbonne, vous apparaît au revers du feuillet en plus d’une page. […] Dans la correspondance avec Ducis, qui forme un des endroits les plus récréants de ce déclin, le bonhomme tragique nous apparaît bien supérieur à son ami, par un génie franc, cordial, une grande âme débonnaire, et une imagination quelque peu sauvage, qui prend du pittoresque et des tons plus chauds en vieillissant.

627. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  Depuis ces jours, j’ai aimé ces deux génies précurseurs qui m’apparurent, qui me consolèrent à mon entrée dans la vie, Staël et Châteaubriand ; ces deux noms remplissent bien du vide, éclairent bien de l’ombre ! […] Les hautes et noires terrasses qui portaient jadis le temple de Salomon s’élevaient à ma gauche, couronnées par les trois coupoles bleues et par les colonnettes légères et aériennes de la mosquée d’Omar, qui plane aujourd’hui sur les ruines de la maison de Jéhovah ; la ville de Jérusalem que la peste ravageait alors était tout inondée des rayons d’un soleil éblouissant répercutés sur ses mille dômes, sur ses marbres blancs, sur ses tours de pierre dorée, sur ses murailles polies par les siècles et par les vents salins du lac Asphaltite ; aucun bruit ne montait de son enceinte muette et morne comme la couche d’un agonisant ; ses larges portes étaient ouvertes et l’on apercevait de temps en temps le turban blanc et le manteau rouge du soldat arabe, gardien inutile de ces portes abandonnées ; rien ne venait, rien ne sortait ; le vent du matin soulevait seul la poudre ondoyante des chemins et faisait un moment l’illusion d’une caravane ; mais quand la bouffée de vent avait passé, quand elle était venue mourir en sifflant sur les créneaux de la tour des Pisans ou sur les trois palmiers de la maison de Caïphe, la poussière retombait, le désert apparaissait de nouveau et le pas d’aucun chameau, d’aucun mulet, ne retentissait sur les pavés de la route. […] L’acropolis, ou la colline artificielle qui porte tous les grands monuments d’Héliopolis, nous apparaissait çà et là entre les rameaux et au-dessus de la tête des grands arbres ; enfin nous la découvrîmes tout entière, et toute la caravane s’arrêta comme par un instinct électrique.

628. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Mardi 29 février En parlant du papier usé, effiloqué, qui est toute la monnaie de certains pays de l’Europe, de l’Italie surtout, Saint-Victor dit assez joliment que ce papier lui apparaît, comme la charpie d’un État blessé. […] Là ce fut autre chose, l’acier pénétrait dans les chairs comme dans une pomme qui jute…, oui, une pomme pleine de suc. » Mercredi 27 décembre Aujourd’hui que mon livre de La Fille Élisa est presque terminé, commence à apparaître et à se dessiner vaguement dans mon esprit le roman, avec lequel je rêve de faire mes adieux à l’imagination. […] Bien entendu la femme n’apparaîtrait qu’à la cantonade.

629. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Elle nous apparaît à peine aujourd’hui, effacée par la distance. […] Le moyen âge apparut avec ses pieuses croyances, ses curieuses coutumes, sa grande architecture. […] L’artiste s’élève sur l’aile du génie jusqu’à la sphère supérieure où les objets réels apparaissent dans leurs types, plus complets et plus beaux.

630. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Hugo dans le simple, comme le volume suivant a tous ses défauts dans le solennel : seulement ces défauts y apparaissent dans des proportions qu’on ne leur avait encore vues nulle part. […] Et encore : Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires, Seigneur, quand on a vu dans sa vie, un matin, ………………………………………………… Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,         Petit être joyeux, Si beau qu’on a cru voir s’ouvrir à son entrée         Une porte des cieux ; Que c’est la seule joie ici-bas qui persiste         De tout ce qu’on rêva, Considérez que c’est une chose bien triste         De le voir qui s’en va ! […] Hugo, apparaît surtout d’une manière éclatante dans la pièce de vers du second volume des Contemplations, intitulé Religio.

631. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

L’homme s’apparaît comme un être un dans son essence, identique dans sa conscience, libre dans son activité, une cause enfin. […] A ce point de vue, le monde apparaît comme vivant et libre, c’est-à-dire tout peuplé de forces de divers degrés, mécaniques, physiques, chimiques, organiques, psychiques, dont le caractère essentiel est de tendre à une fin commune, l’ordre, le bien. […] Derrière celle-ci et au plus profond de l’âme humaine, elle fait apparaître Dieu lui-même, le Dieu vivant et personnel qui, à un certain moment et pour certaines œuvres, prend la place de la personne humaine.

632. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Au premier coup d’œil la science nous apparaît comme un système de connaissances. […] Autant il y a de formes différentes sous lesquelles apparaît la vie intérieure, autant il y a de facultés. […] Par rapport à ces derniers, les perceptions nous apparaissent comme extérieures. […] L’état de conscience nous apparaît comme passé. […] Elle nous apparaît ainsi comme une sorte de spontanéité.

633. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

1799 En 1798 est apparu pour la première fois le nom d’« Hokousaï » joint à celui de Sôri. […] Hanshiti, auquel est apparu l’esprit du camphrier, un jour qu’il dormait sous son ombre amie, n’éprouve plus que des malheurs depuis l’abatage de l’arbre. […] Térouté, battue dans la maison d’Hanako, s’est sauvée, et, au moment où elle erre désolée dans une forêt, la déesse Kwannon lui apparaît sous la figure d’un petit flûteur monté sur un bœuf, et la console. […] Réapparition de nombreux sourimonos dont la production était devenue assez rare dans les années précédentes, et sourimonos où, chose curieuse, apparaît l’influence de Gakoutei et de Hokkei, les deux élèves supérieurs de Hokousaï. […] Une noyade d’encre de Chine où, dans le flou du lavis, les traits du saint apparaissent avec quelque chose de la solidité d’une sculpture qu’on apercevrait au fond de l’eau.

634. (1905) Promenades philosophiques. Première série

La réforme de l’Eglise lui apparaissait comme une sorte de chevauchée épique. […] Une grande déchirure s’est faite : des vérités lointaines apparaissent, incendiées par le feu du soleil qui surgit. […] Tant qu’un problème n’est pas apparu clairement insoluble, on doit le poursuivre. […] Ce qui l’intéresse dans les phénomènes, c’est moins leur fréquence que leur succession, et c’est moins encore leur succession que leur déterminisme, c’est-à-dire les raisons qu’il y a dans l’ensemble des choses pour qu’ils apparaissent ou qu’ils n’apparaissent pas. […] Au quatrième enfin, l’idée sexualiste apparaît.

635. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Et même son fantôme apparaît dans le décor, plus moderne, des réunions électorales. […] Son état d’âme apparaît dans un document que j’extrais du Napoléon intime de M.  […] Son masque césarien apparaît dans la lumière. […] Cette paix brillante, vite conclue, apparaissait à tous les Français comme la condition de leur liberté. […] Le riz ne nous apparaît jamais qu’au fond d’une assiette ou d’un plat, dans la prose d’un pilaf ou d’une soupe.

636. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Nous aimons toujours, pour ainsi dire, par-delà ceux et celles que nous aimons ; et la preuve, c’est que nous ne les aimons jamais tels qu’ils sont, ni tels qu’ils apparaissent aux autres hommes, mais tels qu’il nous plaît de nous les représenter. […]      Il pense, et l’univers dans son âme apparaît. […] C’est l’aboutissement de tout cela qui apparaît dans l’odieuse Balbeck de la Chute d’un ange. […] J’apparais à l’esprit, mais par mes attributs. […] Peut-être est-ce dans les Recueillements (et j’y comprends les Poésies diverses) qu’elle apparaît le plus en plein  J’estime, d’ailleurs, que ce recueil n’est pas mis à son vrai rang.

637. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Je me suppose des lecteurs à qui ces noms suffisent pour en évoquer d’autres ; des lecteurs à qui les œuvres et les tempéraments du xvie  siècle apparaissent dans la fraîcheur de leur printemps. […] J’ai eu cette bonne fortune d’assister à une représentation de l’Abraham, devant la société protestante de Paris : à la scène le défaut essentiel apparaît beaucoup mieux qu’à la lecture ; il y a là une douleur poignante, mais pas de conflit dramatique ; la volonté de Dieu est indiscutable et insondable ; sans rapport, pour nous, avec les caractères ; Abraham s’y soumet aussitôt « avec obéissance » ; Isaac de même ; il n’y a qu’un court instant de lutte morale, et cette lutte est extériorisée, donc affaiblie, par le personnage de Satan. […] Elle se manifeste dans la littérature, par des indications expresses, et mieux encore par des révélations inconscientes dont l’importance n’apparaît que plus tard à l’historien. […] Remarquons dès à présent que la primauté intellectuelle de la France, indiscutable pendant les deux premières ères, nous apparaît beaucoup moins nette au cours de la troisième ; pour diverses raisons : cette époque est trop près de nous pour que nous puissions en voir l’essentiel ; la science des faits les plus minimes nous cache le mouvement des idées ; enfin, le développement d’autres nationalités (et surtout de la nation allemande) a créé une littérature européenne où la France ne règne plus en maîtresse absolue ; mais son rôle au xxe  siècle n’en demeure pas moins très particulier, même là où elle ne fait que reprendre des méthodes ou des idées allemandes. — On peut dire de la France qu’elle n’est pas mystique, ni passionnée, ni artiste par intuition ; elle n’est pas créatrice, mais elle est l’éducatrice ; logique, elle dégage des idées latentes ce qui est essentiel, et le met en lumière pour tous ; pratique, elle le réalise ; puis, éprise de justice et de vérité jusqu’au fanatisme, elle constate la première l’insuffisance des réalités présentes, et dans son généreux enthousiasme elle semble se déchirer elle-même, en formulant l’angoisse générale, comme elle avait trouvé hier la formule de l’ordre et de la discipline. […] D’ailleurs, dans cette tragédie antique qui nous apparaît comme un bloc, combien d’étapes diverses par où s’expliquent les éléments lyriques et épiques !

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