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1610. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Et Goethe que l’on peut citer à côté de Boileau, Goethe le grand et judicieux critique, a observé excellemment que « lorsqu’une famille s’est fait remarquer durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit en lui les qualités et les défauts de tous ses ancêtres : il en est de même, ajoute-t-il, des peuples célèbres qui, la plupart, ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la Nature les avait destinés à en offrir le modèle. » Et il cite en exemple Voltaire, le plus Français des hommes, celui que la Nature semble avoir chargé de représenter la France à l’univers. […] Son bon esprit et sa fermeté, ajoute le témoin, ne font pas abandonné un instant, et, en parlant avec douceur et bonté à tous ceux à qui il a bien voulu parler, il a conservé toute sa grandeur et sa majesté jusqu’au dernier soupir. » En un mot, Louis XIV s’est montré roi jusqu’à la fin, avec la conscience et le respect de son rôle qui n’était pas un rôle pour lui, mais qui était un ministère.

1611. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Il vient lui-même, d’ailleurs, d’ajouter tout un volume au précédent : il nous donne la Vie d’Apollonius de Tyane par Philostrate, cette histoire toute remplie de pérégrinations lointaines, de guérisons miraculeuses, de prodiges, prédictions, divinations de songes, apparitions, et qui nous représente comme en un tableau de choix tout le merveilleux de l’Antiquité68. […] Selon lui, tout ce que l’imitateur latin a ajouté au premier récit du Lucius grec n’est qu’un insipide développement, « une pitoyable amplification » ; ce ne sont que hors-d’œuvre, inepties et sottises.

1612. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Mignet a résumé pour tous la plupart des nouveaux résultats et y a ajouté pour son propre compte, dans le grave et majestueux tableau qu’il a consacré aux dernières années du vieil empereur. […] il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment.

1613. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Saint Joseph, qui regarde l’enfant, est véritablement un homme de campagne, déjà sur l’âge ; la Vierge est une jeune femme de campagne aussi, belle, brune, un peu forte ; l’enfant, qui fait sécher les langes devant la cheminée, semble un enfant de la maison, sauf les ailes qui sont comme ajoutées ; le berceau qu’on voit sur le devant est un bers tout rustique et grossier. […] Elle n’est pas la même, ajoute-t-il, mais elle part du même principe. » Poussin, dans le touchant ou le grave de ses scènes champêtres ou autres, introduisait un principe supérieur dont les Le Nain ne se doutèrent jamais, je veux dire l’idéal antique, le groupe composé avec harmonie et contraste, un type habituel de beauté romaine, un souvenir des jours d’Évandre et de l’Arcardie : la réalité chez lui était commandée par une vue supérieure et une pensée.

1614. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il y remet à leur vrai rang le Père de La Rue, le Père Gaillard, un peu surfaits alors ; il laisse le Père Bourdaloue à la première place où l’estime publique l’avait d’abord porté, quoiqu’il prétende n’avoir pas eu à se louer personnellement de lui ; voici ce qu’il en dit : « Peut-être n’y a-t-il pas eu de prédicateur plus suivi que le Père Bourdaloue, — j’ajoute, ni qui ait plus mérité de l’être. […] Ils vinrent donc, Le Tellier en tête, lui dire avec toutes sortes de compliments et de cajoleries que l’occasion n’avait jamais été si belle pour lui, docte et éloquent comme il était, d’ajouter encore à sa réputation, et qu’il lui fallait absolument prendre la place et l’office du prédicateur en défaut.

1615. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Eudore Soulié, qui viennent s’ajouter à celles de l’estimable Beffara. […] Enfin sa critique éclectique, au meilleur sens du mot, fait un choix dans tous les travaux antérieurs et y ajoute non-seulement par la liaison qu’il établit entre eux, mais par des considérations justes et des aperçus fins qui ne sont qu’à lui.

1616. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Pour les cœurs sensibles, je veux pourtant ajouter un mot : La Rochefoucauld s’est réfuté lui-même une fois, et mieux que personne ne saurait faire ; il s’est réfuté par une de ses larmes, non de celles qu’il versa sur la mort et la blessure de ses fils : cela était trop naturel et trop simple ; mais il lui est échappé une autre larme, toute désintéressée. […] Mme de Sévigné, qui nous fait ce récit, ajoute : « M. de La Rochefoucauld pleure lui-même en admirant la noblesse de ce sentiment. » Pourquoi cette larme ?

1617. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Entre les deux Gavarni, la différence est qu’il y eut de tout temps en lui une prodigieuse et spirituelle facilité, et qu’avec les années il s’y ajouta la puissance. […] » on ajoute : « Et pourtant c’est bien cela, c’est bien lui ! 

1618. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Chateaubriand a dit de lui « qu’il avait du prêtre, du tyran, du grand homme » : il ajoute « qu’il ruina les institutions qu’il rencontra ou qu’il voulut donner, comme Michel-Ange brisait le marbre sous son ciseau ». […] Et là-dessus, ajoute-t-il, nous convînmes de jeter sur le papier toutes les réflexions spontanées qui nous passeraient ainsi par la tête, tout le temps que nous serions ensemble.

1619. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Certains hommes, ajoute-t-il, comme certains tableaux, sont plus faits pour garder un coin que pour se montrer dans un plein jour. » Il se comptait lui-même de ce nombre ; charmant dans la conversation privée, pas plus que Nicole ou que M. de La Rochefoucauld il n’aurait pu aborder le discours public. […] Taine comme il convient, j’ai besoin d’ajouter encore quelques remarques et une réflexion.

1620. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Lorsqu’il a eu à parler de Mme Roland, comme s’il s’agissait avant tout de la disculper et de la défendre, il a essayé de diminuer son rôle actif auprès de son mari et sa part virile d’influence : il s’est refusé également à admettre qu’il se fût logé dans ce cœur de femme aucun sentiment autre que le conjugal et le légitime, ni aucune passion romanesque : « Écoutez-les, disait-il hier encore, en s’adressant par la pensée aux différents historiens ses prédécesseurs et en les indiquant du geste tour à tour : ceux-là, soit admiration sincère pour le mérite de Mme Roland, soit désir de rabaisser celui des hommes qui l’entouraient, voient dans la femme du ministre la tête qui dirige et son mari et les législateurs qui le fréquentent, et répétant un mot célèbre : Mme Roland, disent-ils, est l’homme du parti de la Gironde ; — ceux-ci, habitués à se laisser aller à l’imagination du romancier ou du poète, transforment l’être qu’ils ont créé en nouvelle Armide, fascinant du charme de ses paroles ou de la douceur de son sourire ceux qu’elle réunit dans ses salons ou qu’elle convie à sa table ; — d’autres enfin, scrutateurs indiscrets de la vie privée, se placeront entre la jeune femme et son vieux mari, commenteront de cent façons un mot jeté au hasard par cette femme, chercheront à pénétrer jusqu’aux plus secrets sentiments de son âme, compteront les pulsations de son cœur agité, selon que telle ou telle image, tel ou tel souvenir l’impressionne, et montreront sous un voile transparent l’être vers lequel s’élancent sa pensée et ses soupirs ; car à leur roman il faut de l’amour. » Et il ajoute, plein de confiance dans le témoignage qu’il invoque : « Mme Roland a raconté elle-même avec une simplicité charmante ce qu’elle a pensé, ce qu’elle a senti, ce qu’elle a dit, ce qu’elle a fait. » Eh bien ! […] Le Père Rapin, autrefois, dissertant sur le tu et sur le toi qui sont d’usage en notre ; poésie, en recherchait les raisons, et il ajoutait qu’une des principales était qu’on ne s’en servait pas en prose, même dans le commerce de l’amour.

1621. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Et puis, quand on a lu, qu’on a été saisi, choqué, attiré, secoué et repris de mainte manière et par bien des fibres, il vient un moment où la rébellion cesse, où l’on rend les armes et où, tout rempli des qualités évidentes d’un auteur honnête, hardi, piquant, pittoresque, cordial et généreux, on se plaît à ajouter ce trait qui vient le dernier et qui manquerait à tout éloge de femme, s’il ne le couronnait pas : « Elle doit être vraiment aimable !  […] Pour être sincère, j’ajouterai qu’on voudrait aujourd’hui à la description un peu plus de nouveauté de tons et plus de relief.

1622. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Un peu de folie dans son talent, un peu de vertu dans son égoïsme, ajoutaient aux variations de ce Protée que la Cour avait vu changer successivement de parti, de goûts, de mœurs, et qui probablement aussi eût changé d’amis s’il en avait eu. […] Tamizey de Larroque, qui est un curieux et un chercheur, a notablement ajouté pour sa part à la connaissance de l’illustre prélat, en donnant de lui des lettres écrites depuis son retour en France.

1623. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Au lieu de cela, il répondit au maréchal avec des paroles d’honnête condoléance pour son échec qualifié simplement de victoire manquée, avec des félicitations pour la valeur des jeunes seigneurs et des officiers, et par des regrets au sujet des morts ; puis il ajoutait : « Je ne suis pas moins fâché que vous de ce que vous me dites de ma Maison, et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ; tenons-nous-le pour dit pour l’avenir. […] Cette dernière affaire notamment, cette belle occasion manquée en Alsace et la fâcheuse impression qu’on en reçut à Paris, sont bien senties et rendues. — Un contrôle d’un tout autre ordre et qui se rapporte à l’histoire la plus sévère, à la science même, nous est fourni par la Relation de la Guerre de Succession, que le général Jomini a ajoutée à celle de la Guerre de Sept ans, dans la 4e édition de son Traité des grandes Opérations militaires.

1624. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Vous me trouvez « des moments très-ingénieux. » J’aurais été très-heureux de vous voir signaler un ou deux de ces moments-là, afin de les conserver… Ma pelote, dites-vous, est toute couverte d’aiguilles, et vous ajoutez trop bienveillamment : très-fines » Lesquelles ? […] Gustave Flaubert, au sujet de Salammbô, nous nous étions ainsi querellés à cœur ouvert, que je l’avais critiqué, qu’il m’avait répondu, et que nous n’en étions pas moins restés bons amis, « ce qui est, disais-je, d’un bon exemple », j’ajoutais : « Je serais tenté de vous obéir et d’aller sur le terrain à quelques-uns des endroits que vous me signalez.

1625. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Jasmin peut se permettre, avec sa qualité, avec sa profession, bien des libertés et des familiarités railleuses ; il peut ne s’épargner aucun des bons mots qui naissent du sujet ; il dira que le peigne et la plume vont très-bien ensemble, et que tous deux font un travail de tête ; il dira à ses confrères poëtes qu’il les défie, et qu’il est bien sûr, après tout, de leur faire la barbe d’une façon ou d’une autre ; il ajoutera qu’il n’est pas moins sûr de ne jamais perdre son papier, et que, si ses vers sont mauvais,… eh bien, il en fait des papillotes. […] L’homme sage n’est pas ainsi… » Nous n’avons rien à ajouter à ces agréables et bonnes pensées, et nous espérons que le poëte y restera fidèle.

1626. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires inédits, après une vive peinture de cette même période d’émigration en Angleterre, et des diverses personnes qu’il y rencontra, ajoute : « Mais très-certainement à cette époque Mme la duchesse de Duras, récemment mariée, était à Londres ; je ne devais la connaître que dix ans plus tard. […] Ainsi soit-il. » Il n’y a rien à ajouter à de telles paroles.

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